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III- Vers quelle ville migrer ?

3.1 Une ville où étudier, une ville à visiter

Dans le cas où le départ de La Réunion est justifié par un projet de formation professionnelle, le choix du lieu d’accueil se conforme aux seules communications sur l’établissement d’enseignement selon le programme de formation anticipée. Par l’intermédiaire des personnes représentantes des cégeps du Québec, au terme de recherches sur internet ou à travers les réseaux sociaux, il s’agit de déterminer l’établissement d’enseignement offrant les meilleures conditions d’études pour compléter sa formation professionnelle, comme en font état les citations ci-après :

Il y avait juste ces deux cégep-là pour le programme que j’avais choisi. J’ai contacté le premier cégep qui m’a répondu et le feeling est bien passé avec la personne responsable. Elle était très gentille et répondait en tout temps à toutes mes questions. C’est comme ça que j’ai choisi cette ville même si je ne connaissais rien de cette ville (Monica).

Pas tous les cégeps offraient le programme en comptabilité-gestion et le cégep où je suis présentement a quand même fait une belle vidéo qui disait : « on est à côté de la nature, on a des bons professeurs », des choses comme ça… (Evelyne). J’ai regardé, par rapport à mon programme de mécanique du bâtiment, là où c’était plus intéressant pour les étudiants, les nouveaux arrivants, l’accompagnement des étudiants, des étrangers. J’ai vu que ce cégep était une meilleure option. Ils avaient déjà eu quelques cohortes avant, ils étaient déjà plus habitués (Pierre).

Le programme de soins infirmiers à ce cégep avait une bonne réputation et le taux de réussite est à plus de 80% (Gilles).

Comme le donnent à voir ces quelques citations représentatives des jeunes migrants Réunionnais venus pour la formation professionnelle, le choix de la ville de destination au Québec repose sur les caractéristiques propres à l’établissement d’enseignement en termes de qualité du programme offert, du taux de diplomation, d’encadrement des étudiants, notamment les étrangers. Les attentes par rapport à la ville de destination au Québec sont strictement liées aux conditions environnantes de l’établissement d’enseignement pour réussir son projet de formation professionnelle en tant qu’étudiant étranger. En ce sens, l’établissement d’enseignement représente le lieu de l’accueil auquel on aspire, qui est délimité dans l’espace et le temps, c’est-à-dire le lieu où on migre pour le temps et les activités de sa formation professionnelle. La structure matérielle de la ville dans sa globalité

ou sa situation géographique sont des considérations secondaires, d’une part parce qu’on suppose que « toutes les villes doivent être des grosses villes » (Evelyne) et, d’autre part, parce que le projet de migration prévoit un retour vers le pays d’origine.

En revanche, pour les jeunes Réunionnais que nous avons rencontrés qui migrent au Québec dans le cadre d’un voyage d’études, ce n’est pas tant l’établissement d’enseignement que les conditions environnantes de la ville où est situé le cégep qui déterminent le choix de la ville de destination. À ce titre, le récit de Mylène est intéressant comme cas-type. Par le biais de son projet de migration au Québec, Mylène réalise son souhait premier qui est avant tout de voyager, ne sachant vers quelle discipline se tourner pour la suite de ses études. La rencontre à La Réunion avec le représentant d’un cégep au Québec en particulier semble donner forme à sa volonté de voyager dans des conditions idéales, c’est-à-dire partir à l’étranger en bénéficiant d’une bourse d’études qui permet de continuer à explorer des domaines d’études : « Au début, je m’étais inscrite en soins infirmiers parce que mes deux meilleures copines faisaient ça. Et finalement, quand je suis arrivée ici, quand ils ont commencé à décrire le programme, je me suis dit que ça ne me ressemble pas, ce n’est pas le genre de choses que j’aimerai faire ». Si Mylène accorde peu d’importance au programme de formation au Québec avant même la migration, c’est parce qu’elle porte son attention sur les aspects des informations reçues qui viennent soutenir son projet de migration au-delà du cadre formel : « C’est sûr qu’on avait les photos et on trouvait ça beau. Il [le représentant du cégep] nous avait dit que c’était proche du Maine, des États-Unis, ça m’avait… C’était un p’tit peu le rêve américain quoi ! Puis il nous avait dit que ce n’était pas loin des grosses villes comme Québec ». À la manière dont on organise un voyage de loisirs, Mylène considère principalement le cadre urbain de la ville de destination au Québec et sa position géographique pour déterminer son choix de lieu d’accueil au Québec, lequel est en définitive un lieu à visiter : « Je me rappelle, je passais des après-midis à l’école sur des sites [internet] à regarder où on allait, la ville où on allait, à rêver à notre appartement, regarder les choses à faire et m’informer sur le Québec ». En somme, quand le projet de migration sous-tend un projet de voyage d’études, les découvertes auxquelles on aspire sont moins liées aux attentes d’ordre académique qu’aux attractions de la ville de destination et de ses alentours. La ville de destination au Québec représente en fait un lieu d’accueil à visiter et les limites

géographiques de ce lieu d’accueil à visiter de même que le temps que l’on compte y séjourner restent flexibles.