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L'immigration à l'extérieur de la région métropolitaine de Montréal : le cas des jeunes étudiants Réunionnais

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Academic year: 2021

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L’immigration à l’extérieur de la région métropolitaine

de Montréal : le cas des jeunes étudiants Réunionnais

Mémoire présenté à la faculté des études supérieures de l’Université Laval

Corine Dejar

Maîtrise en sociologie

Maître ès arts(M.A)

Québec, Canada

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L’immigration à l’extérieur de la région métropolitaine

de Montréal : le cas des jeunes étudiants Réunionnais

Mémoire présenté à la faculté des études supérieures de l’Université Laval

Corine Dejar

Sous la direction de :

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Résumé

Des Collèges d’enseignement général et professionnel (cégeps) situés à l’extérieur de Montréal et de la Capitale-Nationale établissent, depuis 2003, des ententes spécifiques avec les institutions régionales de l’Île de La Réunion. L’objectif est de permettre à des jeunes Réunionnais de compléter une formation professionnelle de trois ans dans l’un des cégeps participants au terme de laquelle ces jeunes peuvent faire une transition vers le statut de résident permanent. L’entente de coopération de mobilité étudiante entre le Québec et La Réunion mise sur la probabilité que ces jeunes fassent le choix de prolonger leur expérience de migration au-delà de la formation professionnelle et décident de s’établir à long terme dans leur ville d’accueil ou dans une ville de la même région administrative. L’analyse de seize entrevues semi-dirigées réalisées avec des jeunes étudiants Réunionnais étant demeurés au Québec montrent l’importance du type de projet personnel de mobilité au départ de la Réunion, des représentations de la ville d’accueil pour les études ou pour y vivre sa vie et des relations qui s’y forment dans la compréhension de l’établissement à long terme ou non de ces jeunes en région. Le projet de formation professionnelle ou de voyage d’études de sept des participants s’est transformé au fil de l’expérience en projet d’insertion professionnelle au Québec lié, dans certains cas, à un projet de vie de couple. Le projet d’un participant seul rapportant son expérience vécue ni positivement ni négativement ne reflétait aucune anticipation déterminée, se laissant la possibilité de migrer à long terme, de retourner à La Réunion ou de migrer ailleurs dans le monde selon les situations à venir. Pour les huit autres participants, l’expérience de migration au Québec se poursuivait ou allait se poursuivre au-delà de l’entente formelle, telle qu’anticipée. Si l’entente de coopération s’inscrit dans l’objectif d’une régionalisation de l’immigration au Québec, les parcours des participants sont orientés par des projets qui, bien souvent, vont à l’encontre des souhaits qu’ils restent dans la ville d’accueil après leurs études.

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Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... iv

Liste des tableaux et graphiques ... vii

Remerciements ... viii

Introduction ... 1

Chapitre 1 ... 8

L’immigration au Québec : de l’institutionnalisation à la régionalisation ... 8

I – L’institutionnalisation de l’immigration au Québec ... 8

1.1 Les années 1960 : des compétences élargies ... 9

1.2 Le caractère « distinct » de l’immigration au Québec ... 10

1.3 « Ouverture sur le monde » ... 12

1.4 Les catégories de sélection ... 14

Les étudiants internationaux : une catégorie en croissance ... 15

II- La migration au Québec mène à Montréal ... 16

III- La « régionalisation » de l’immigration ... 17

3.1 Rôle de l’immigration ... 17

3.2 Favoriser la « régionalisation de l’immigration » ... 18

3.3 Pourquoi « régionaliser l’immigration » ? ... 20

3.4 L’implication des acteurs « régionaux » ... 21

Conclusion ... 22

Chapitre 2 ... 24

La migration à l’extérieur de Montréal : quel modèle théorique? ... 24

I- De l’immigrant au migrant... 24

1.2 La ville de l’immigrant ... 25

L’écologie urbaine ... 28

2.2 Les territoires des migrants ... 30

II- De quelles villes parle-t-on? ... 33

III- Les nouveaux espaces de migration ... 37

3.1 Une « régionalisation » de proximité ... 37

3.2 Des villes de transition ou des villes d’installation? ... 40

3.3 Le point de vue des personnes immigrantes ... 41

3.3.1 L’importance des réseaux sociaux ... 42

3.3.2 Migration et parcours de vie ... 43

Conclusion ... 44

Chapitre 3 ... 45

La migration des jeunes Réunionnais au Québec pour études collégiales ... 45

I- Les étudiants étrangers au Québec ... 45

1.1 L’internationalisation des cégeps ... 46

1.2 Les étudiants étrangers au niveau collégial ... 47

1.3 L’expérience des étudiants étrangers dans les villes et régions à très faible migration ... 49

II- Des étudiants étrangers français outre-mer ... 50

2.1 L’entente de coopération Québec-Île de La Réunion ... 51

2.2 La sélection des jeunes étudiants Réunionnais ... 52

III- Les jeunes Réunionnais dans la migration ... 53

3.1 L’Île de La Réunion en bref ... 53

3.2 Être « jeune » à La Réunion ... 55

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Conclusion ... 61

Chapitre 4. ... 62

Question de recherche, orientation méthodologique ... 62

I- Question de recherche, objectifs et hypothèses ... 62

1.1 Résumé de la problématique ... 62

1.2 Question de recherche ... 63

1.3 Objectifs de recherche ... 63

1.4 Hypothèses ... 64

II- Choix méthodologique ... 65

2.1 L’entretien semi-directif ... 67

2.2 Biais méthodologiques, limites et apport de la recherche ... 68

2.3 Le recrutement des participants ... 69

2.4 Le guide d’entretien ... 72

2.5 L’analyse thématique ... 73

Chapitre 5. ... 76

Cadre conceptuel ... 76

I- Les représentations ... 76

1.1 Les représentations collectives ... 76

1.2 Les représentations sociales comme science ... 77

1.3 Qu’est-ce qu’une représentation? ... 79

1.4 Fonctions des représentations sociales ... 81

II- La notion de projet ... 82

2.1 Parcours et projet ... 83

2.2 Différentes caractéristiques du projet ... 84

2.2.1 Le projet comme mode d’anticipation ... 85

2.2.2 Des projets flous ou partiellement déterminés ... 86

2.2.3 Les situations existentielles à projet ... 87

III- L’expérience vécue ... 89

Conclusion ... 91

Chapitre 6. ... 92

Migrer au Québec : du projet à la ville imaginée ... 92

I- Une mise en perspective ... 92

1.1 Perception « d’ici » par la négative ... 92

1.1.1 L’inaccessible emploi ... 93

1.1.2 Des trajectoires en panne d’ascension... 94

1.1.3 Partir ou périr ... 97

1.2 Partir n’est pas fuir ... 98

II- Migrer pour combien de temps ? ... 99

2.1 Le temps d’une expérience ... 100

2.1.1 Migrer pour se former ... 101

2.1.2 « L’étudiant voyageur » ... 103

2.2 Faire sa vie au Québec ... 104

2.2.1 Carrière professionnelle et projet de vie... 105

2.2.2 Aspirations de vie personnelle ... 106

III- Vers quelle ville migrer ? ... 108

3.1 Une ville où étudier, une ville à visiter ... 109

3.2 Une ville où s’établir ... 111

Conclusion ... 112

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De la ville imaginée à la ville représentée ... 115

I- Concevoir la configuration de son nouvel environnement de vie ... 115

1.1 Un accueil personnalisé ... 116

1.2 Les limites de l’espace au quotidien ... 117

1.3 La ville d’accueil comme espace configuré ... 119

II- La ville d’accueil représentée ... 120

2.1 La ville étudiante ... 120

2.2. La ville-campagne vieillissante ... 121

III- L’étudiant étranger dans la ville ... 124

3.1 Une sociabilité de l’entre-soi ... 124

Des exceptions ... 127

3.2 Entre satisfaction et déception ... 128

3.3. La ville d’accueil comme un ensemble d’espaces de sociabilité ... 131

3.3.1 Des relations de coprésence ... 131

3.3.2. Des espaces d’interconnaissance ... 133

3.3.3 Des espaces de sociabilité distincts ... 135

Conclusion ... 137

Chapitre 8. ... 140

Des projets et des villes ... 140

I- Rester : pourquoi pas? ... 140

1.1 Quand les parents s’en mêlent ... 140

1.2 Toujours une histoire d’amour ... 143

II- Rester ou partir de la ville d’accueil ... 144

2.1 Un emploi, une ville ... 144

2.2 Une ville, un emploi ... 147

2.3 Au-delà du travail ... 149

III- Des villes de migration secondaire ... 154

3.1 La ville métropolitaine ... 155 3.2 La ville intermédiaire ... 156 3.3 La ville-campagne ... 158 Conclusion ... 160 Conclusion générale ... 162 Bibliographie ... 172 Annexe 1 ... 182 Annexe 2 ... 183 Annexe 3 ... 184 Annexe 4 ... 185 Annexe 5 ... 187 Annexe 6 ... 189 Annexe 8 ... 194 Annexe 9 ... 195

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Liste des tableaux et graphiques

Tableau 1. Répartition des immigrants en pourcentage par continent de naissance et par période d’immigration………...17 Tableau 2. Répartition des personnes immigrantes admises au Québec de 2012 à 2016, par continent de provenance………17 Tableau3. Répartition des immigrants selon la région administrative de résidence,

Recensement de 2016………...39 Tableau 4. Répartition des immigrants selon la ville de résidence………40 Graphique 1. Population immigrante admise de 2006 à 2015 présente en 2017, selon la région administrative de résidence………42 Tableau 5. Répartition des étudiants étrangers au niveau collégial selon la région administrative, par année de référence………...53 Tableau 6. Profil des participants………...78

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Remerciements

Cette recherche n’aurait pu être complétée sans l’aide et le soutien d’un certain nombre de personnes que je tiens à remercier très chaleureusement. Mes remerciements vont d’abord à toutes ces femmes et à tous ces hommes, ces fameux « jeunes étudiants Réunionnais », qui ont accepté de m’accorder du temps et de partager avec moi leur expérience au Québec. Dans la restitution de vos expériences, j’espère avoir été à la hauteur de vos confidences et vous souhaite bon succès dans vos projets.

Merci à ces femmes et à ces hommes qui ont été des informateurs d’une gentillesse remarquable au niveau des cégeps en faisant preuve de leur grande disponibilité. C’est grâce à votre support que j’ai pu entrer en contact très rapidement avec des jeunes Réunionnais alors que mes tentatives par l’intermédiaire des réseaux sociaux n’ont abouti à rien. Le virtuel a ses limites!

Merci aussi à tous ces collègues apprentis-sociologues que j’ai côtoyés au cours de cette aventure qu’est le retour aux études. Votre grande maturité intellectuelle est inspirante à bien des égards.

Un merci tout spécial à Dominique Morin, pour avoir su et pu extraire ce qui était de l’ordre de la pensée dans les idées toutes brouillonnes que je jetais sur papier. Merci pour avoir élevé au rang de savoir mes intuitions et pour ton infinie patience. Ces deux années sous ta direction ont été des plus agréables!

Enfin, mes remerciements vont à mes enfants, Baptiste et Jérôme Jail et à mon conjoint, Louis-Noël Jail. Je vous ai sans doute trop négligés au cours de ces dernières années. Vous avez probablement souffert de mes sautes d’humeur sous prétexte que j’étudiais. Et pourtant, je n’ai jamais eu de reproches de votre part. Merci de tout cœur! C’est parce que vous êtes dans ma vie que cette aventure de retour aux études a été possible.

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Introduction

La faible présence des immigrants dans les régions hors de Montréal fait l’objet, depuis 1991, d’une volonté formelle de mieux répartir les immigrants entre les différentes régions au Québec et d’inciter ces derniers à s’établir de manière durable à l’extérieur de la région métropolitaine de Montréal, notamment dans celles les plus éloignées. Au recensement de 2016, la population du Québec comptait 14% de personnes immigrantes (Statistique Canada, 2016). Neuf sur dix avaient pour lieu de résidence la région métropolitaine de Montréal. Plus de vingt-cinq ans après l’énoncé de « régionalisation » de l’immigration, la région de Montréal demeure le principal lieu de résidence des immigrants au Québec. La volonté politique d’influencer les aspirations résidentielles des immigrants se heurterait à des « défis » et « semble avoir une influence limitée sur la répartition géographique de l’immigration » au Québec (Pronovost & Vatz Laaroussi, 2010 :53-54).

L’appréhension de l’immigration dans les régions où la présence des immigrants est faible en termes de « défis » ou « d’enjeux » repose, selon nous, sur une approche trop étroite de l’immigration, qui réduit le rapport immigrants/société d’accueil aux seules structures et au fonctionnement de celles-ci. Dans une telle posture, la présence des immigrants dans une ville plutôt qu’une autre s’expliquerait principalement par le lien entre la mobilité résidentielle et la mobilité d’emploi (Zhu et Leloup, 2014 : 5). Ailleurs dans la littérature, la faible présence des immigrants dans les régions hors de Montréal apparaît lié au type d’environnement offert, c’est-à-dire à l’absence ou la qualité des services offerts (Arsenault et Giroux, 2009 : 16) ou à l’insertion des immigrants dans des réseaux sociaux locaux (Arsenault et Giroux, 2009 : 18).

Au-delà des stratégies politiques qui peuvent favoriser ou contraindre les phénomènes de migration, ainsi que le rappelait Sayad, l’immigration doit être analysée et comprise comme un fait social total (Sayad, 1997 : 15). À travers les parcours individuels, la migration est d’abord un fait qui se déploie dans l’histoire collective du pays d’émigration et dans celle du pays d’immigration. L’immigration est indissociable de son autre versant qu’est l’émigration,

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postulat sur lequel reposent les travaux des sociologues de l’École de Chicago. Arrivée dans une nouvelle société, la personne qui (im)migre transporte avec elle son histoire, ses références collectives, ses propres codes culturels avec lesquels elle entre en relation avec son nouvel environnement (auquel correspondent des codes qui lui sont encore étrangers) en exprimant les manières d’agir, de penser et de sentir qu’elle a intériorisées. Il faut considérer l’agir des immigrants dans sa double dimension diachronique et synchronique, c’est-à-dire dans une perspective élargie à la fois à l’histoire collective de ceux qui migrent et aux conditions dans lesquelles se déroule la migration.

La migration comme fait social, qui consiste en des représentations et en des actions, suppose à la fois que l’acte de migrer et que les manières d’agir en contexte de migration échappent parfois à la conscience individuelle (Durkheim, 2009). Mais, comme acteurs, les (im)migrants disposent d’une certaine marge de manœuvre, de capacités stratégiques dans la construction de leur parcours (Mazzella, 2014; Martiniello et Rea, 2011). À notre sens, la capacité des immigrants, comme de tout individu, d’agir et d’interpréter leur parcours s’étaye sur leur capacité de se représenter le monde social et de définir la situation qui les entoure. De ce point de vue, les représentations forment un concept clé dans l’analyse du rapport des immigrants à leur nouvel environnement et permet, par ailleurs, de mettre en relation émigration et immigration. Parce qu’elles sont collectives, c’est-à-dire communes aux membres d’une société donnée tout en étant celles de tous et d’aucun en particulier, tout en étant individuellement intériorisées aux acquis d’un parcours de socialisation, les représentations des immigrants par rapport à leur nouvel environnement sont, de fait, imprégnées des manières d’agir, de penser et de sentir socialement élaborées dans leur environnement d’origine. En contexte de migration, celles-ci sont confrontées aux représentations et aux actions qu’expriment les membres du pays d’accueil. C’est en considérant ce jeu de confrontations à travers les représentations entre des manières d’agir distinctes que l’analyse sociologique rend intelligible le rapport des immigrants à leur nouvel environnement et que la migration comme un fait social total prend tout son sens. Cette confrontation révèle d’autant plus la complexité du rapport entre les immigrants et leur nouvel environnement que les représentations sont soumises à des dynamiques sociales. D’une part, elles font l’objet de divergences, confortées par la position sociale des groupes

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et des individus les uns par rapport aux autres et, d’autre part, selon les étapes de la vie et les trajectoires de mobilité sociale, ces positions sont susceptibles de changer et d’affecter les représentations.

C’est sur fond de ces postulats qu’il faut lire le présent mémoire dont l’objectif est de comprendre l’expérience de migration des jeunes étudiants Réunionnais dans les villes hors de Montréal où résident peu d’immigrants. Ces jeunes, qui forment notre population cible, vivent une migration encadrée par un protocole de coopération spécifique qui prévoit favoriser leur établissement au terme de leurs études collégiales dans leur ville d’accueil. Les étudiants étrangers représentent, en effet, une catégorie d’immigrants potentiels que le gouvernement veut accroître au Québec, notamment dans les régions les plus éloignées de Montréal.

Peu d’études sociologiques se sont intéressées aux étudiants étrangers présents dans les cégeps situés dans les régions hors de Montréal. Dans l’analyse de l’immigration dans les régions hors de Montréal, il nous apparait pertinent d’inclure le cas des étudiants étrangers dans ces régions et de confronter leur expérience aux résultats d’autres études sur l’immigration hors de Montréal. De plus en plus de jeunes choisissent, en effet, de débuter leur vie d’adulte à l’étranger en mobilisant des projets d’études (Papinot, Le Her et Vilbrod, 2012 : 338).

Pour témoigner de ce rapport en considérant la migration dans les villes plus ou moins éloignées de Montréal où résident peu d’immigrants, le cas des jeunes étudiants Réunionnais nous a paru comme un terrain d’observation des plus appropriés. Notre question de recherche se rapporte à ce cas spécifique et a été formulée comme suit : Comment se déroule la migration des jeunes Réunionnais qui vivent dans les villes à faible migration pour une formation professionnelle de trois ans et en quoi leur parcours est-il marqué par leurs représentations et expériences de la ville d’accueil dans laquelle pourrait se concrétiser leur projet?

L’analyse de l’expérience de migration de ces jeunes en tant qu’étudiants étrangers là où la présence des personnes immigrantes demeure faible devrait nous permettre de comprendre

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ce qui influence leur parcours au-delà du temps des études qui, selon les termes du protocole encadrant leur présence au Québec, doivent se dérouler sur une période de trois ans. L’objectif ultime de notre question de recherche est, en effet, de déterminer les principaux facteurs à l’œuvre dans la volonté de ces jeunes de résider ou non à plus long terme dans leur ville d’accueil à la fin de leurs études. En vue d’atteindre cet objectif, nous avons construit notre mémoire en trois parties dont la première compte trois chapitres au cours desquels nous contextualisons notre problématique.

Dans le premier chapitre qui amène notre thème de recherche, nous retraçons, dans un premier temps, les grandes lignes de l’immigration au Québec depuis la deuxième moitié du vingtième siècle, période au cours de laquelle le Québec négocie des ententes avec le gouvernement fédéral afin d’élargir ses compétences en matière d’immigration. Dans le cadre de l’internationalisation des études supérieures, il est aussi question dans ce segment de la tendance de plus en plus marquée de concevoir les études supérieures comme une porte d’entrée vers un processus d’immigration au Québec que les politiques en matière d’immigration veulent favoriser. En faisant état, dans un deuxième temps, du constat selon lequel la présence des personnes immigrantes est « concentrée » à Montréal, nous mettons en contexte l’initiative politique de « régionalisation » de l’immigration énoncée en 1991 que nous exposons dans la dernière partie du chapitre.

Notre deuxième chapitre est consacré à la littérature théorique sur l’immigration d’une manière générale et à la littérature empirique sur l’immigration à l’extérieur de Montréal en particulier. D’un point de vue théorique, nous exposons les deux grands paradigmes que sont la sociologie de l’immigration et la sociologie des migrations et montrons en quoi ils se distinguent pour expliquer et modéliser la manière dont les (im)migrants se rapportent à leur nouvel environnement d’accueil. La sociologie de l’immigration identifie une figure type de l’immigrant : celui qui a quitté son pays d’origine pour s’établir de manière définitive dans sa société d’accueil où ce sont surtout les déterminismes économiques qui vont influencer sa trajectoire résidentielle. Dans la sociologie des migrations, il est davantage question de migrants qui traversent de multiples lieux, en explorant de nouvelles destinations à l’extérieur des villes les plus denses, s’y établissant à plus ou moins long terme, mais jamais de manière

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définitive, rendant leur trajectoire résidentielle plus complexe à saisir, laquelle est influencée par de multiples facteurs autres qu’économiques. Après avoir distingué ces deux grandes thèses sur le rapport des personnes (im)migrantes à leur nouvel environnement, nous clôturons ce deuxième chapitre sur les principales études qui relatent les expériences de migration au Québec à l’extérieur de Montréal en faisant état, par ailleurs, de la répartition géographique des immigrants selon les plus récentes données, plus de vingt ans après la politique de « régionalisation ».

Le dernier chapitre (chapitre 3) de la première partie de notre mémoire introduit le lecteur à notre terrain d’observation. La présence des jeunes étudiants Réunionnais dans les villes plus ou moins éloignées de Montréal est au croisement de deux logiques : celle de la « régionalisation » de l’immigration dont il est question dans le premier chapitre mais également d’une logique d’internationalisation de l’enseignement supérieur. Dans ce chapitre, nous abordons précisément l’internationalisation de l’enseignement supérieur notamment au niveau collégial amenant les cégeps à élaborer des ententes avec des institutions étrangères dont le « Protocole de coopération en matière de mobilité des étudiants Réunionnais ». Pour rendre compte du rapport des jeunes étudiants Réunionnais à leur environnement d’accueil, il est important d’avoir connaissance du cadre formel qui justifie leur présence dans les villes plus ou moins éloignées de Montréal. Comme il en est question dans la dernière partie de notre mémoire, cet encadrement spécifique oriente, en effet, dans une certaine mesure, l’expérience de migration de ces jeunes. Ce chapitre 3 consiste également à poser à grands traits le contexte sociologique dans lequel se déroule la migration des jeunes Réunionnais aujourd’hui et qui permet de brosser un portrait très général des jeunes qui s’engagent dans le protocole de coopération avec le Québec.

Les chapitres 4 et 5 forment la deuxième partie de notre mémoire. Après avoir exposé notre question de recherche, nos objectifs de recherche et les hypothèses qui ont orienté notre réflexion, nous procédons dans le chapitre 4 à la justification de notre méthodologie. Afin de répondre à notre question et d’atteindre nos objectifs de recherche, nous avons privilégié une démarche qualitative. Nous rendons compte dans ce chapitre, des différentes étapes de cette

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démarche qui nous a conforté dans notre approche conceptuelle exposée dans le chapitre 5. Comme il a été suggéré au cours de cette introduction, dans la mesure où on pose la migration comme un fait social, on sous-tend l’importance des représentations dans la tentative d’analyse des expériences migratoires. En tant qu’elles forment un ensemble d’éléments qui orientent les conduites, les représentations comme concept apportent un éclairage fondamental sur le rapport des jeunes Réunionnais à leur environnement d’accueil et leur volonté ou non d’y résider à plus long terme. C’est à travers des situations relationnelles où les acteurs vivent une expérience concrète qu’il est possible de saisir toute l’importance des représentations dans l’agir. L’expérience vécue est cet autre concept sur lequel nous fondons notre analyse. Avec les représentations et l’expérience vécue, apparaissant comme un impératif des temps modernes, le projet est le troisième et dernier concept que nous mobilisons dans notre cadre conceptuel. Le projet est ce lieu vers lequel tend l’expérience. En vivant une expérience de migration, les jeunes étudiants Réunionnais donnent forme à un projet qu’il soit collectif ou plus ou moins personnel. Au cours de ce chapitre 5, nous élaborons donc davantage sur les concepts de représentations, de projet et d’expérience vécue.

Les chapitres 6 à 8 correspondent à la dernière partie de notre mémoire et présentent les résultats de notre analyse. Le chapitre 6 restitue l’analyse des questions correspondant au thème 1 (contexte prémigratoire) de notre schéma d’entrevue (annexe 9). Notre analyse montre différentes modalités de départ, auxquelles correspondent des projets à plus ou moins long terme, construites pour certains des jeunes dans une posture de frustrations économiques et sociales par rapport à La Réunion. Pour d’autres, la migration au Québec apparait comme non nécessaire mais préférable dans une société qui valorise la mobilité. Selon les quatre modalités de départ que nous avons identifiées dans ce chapitre, il appert que les jeunes étudiants Réunionnais abordent leur migration au Québec en ayant a priori des intentions de retour ou d’immigration. Ces intentions prémigratoires sont mises à l’épreuve au cours de l’expérience concrète des jeunes Réunionnais au Québec d’une manière générale, mais surtout dans leur ville d’accueil à laquelle est consacrée le chapitre 7. Nous montrons dans ce chapitre comment l’expérience de migration que les jeunes vivent à travers divers espaces de sociabilité affecte la représentation qu’ils ont de leur ville d’accueil et transforme leur

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projet de départ. Nous consacrons précisément le chapitre 8 à l’après-formation en identifiant les aspects les plus déterminants dans la volonté des jeunes de résider à plus long terme dans leur ville d’accueil ou de migrer vers d’autres villes.

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Chapitre 1

L’immigration au Québec : de l’institutionnalisation à la régionalisation

Au cours des années 1950-1960, de grandes transformations ont cours au Québec où il est question de redéfinir le rôle de l’État provincial et ses compétences gouvernementales dans différents domaines de la vie sociale. Jusqu’à cette période, le rapport du Québec à l’immigration comme catégorie politique s’inscrivait dans les limites définies par la Constitution Canadienne. Le contexte de la seconde guerre mondiale aura suscité chez les francophones du Québec une attention de plus en plus marquée au contrôle du flux, au recrutement et à la sélection des immigrants au Québec. Dans ce chapitre, nous posons, dans un premier temps, à grands traits, quelques points importants qui caractérisent les politiques d’immigration au Québec depuis le milieu du vingtième siècle. L’immigration au Québec est surtout une histoire montréalaise dans la mesure où la ville de Montréal demeure le principal lieu de destination et de résidence de deux immigrants sur trois. À la concentration des immigrants dans la ville de Montréal correspondent des enjeux spécifiques qui font l’objet de la deuxième partie du chapitre. Les débats et les consultations autour du phénomène de la concentration des immigrants à Montréal justifient certaines orientations politiques en matière d’immigration. Nous nous intéressons en l’occurrence, dans la troisième et dernière partie de ce chapitre, à la volonté du gouvernement dans les années 1990 d’inciter les immigrants au Québec à s’établir hors de la grande région métropolitaine de Montréal par une politique de « régionalisation de l’immigration ». De la politique de « régionalisation de l’immigration » résultent des stratégies élaborées par le gouvernement et mises en place par des acteurs locaux. En particulier, nous nous intéressons au recrutement de plus en plus important des étudiants internationaux dans les cégeps des villes à faible présence des immigrants. Son objectif est à la fois d’accroître les effectifs cégépiens et de favoriser l’établissement permanent de ces étudiants étrangers à l’extérieur de la grande région métropolitaine.

I – L’institutionnalisation de l’immigration au Québec

Dans l’histoire de l’immigration au Canada, la ville de Montréal a été jusqu’à récemment la porte d’entrée de la grande majorité des immigrants. Avant les années 1950, la gestion de l’immigration au Québec comme catégorie politique ne faisait pas l’objet d’attentions

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particulières de la part des élites politiques francophones. La venue des immigrants réfugiés de la seconde guerre mondiale va changer l’attitude de ces élites. Ces dernières vont instituer à partir des années 1970 un cadre légal provincial pour encadrer la gestion de l’immigration au Québec.

1.1 Les années 1960 : des compétences élargies

L’institutionnalisation de la gestion de l’immigration au Québec trouve ses fondements dans les Lois constitutionnelles dont l’article 95 reconnait aux provinces des compétences en la matière. Jusqu’au milieu du vingtième siècle, la gestion de l’immigration au Québec était laissée aux attentions des communautés anglophones (MCCIQ1, 1991 : 3; Anctil, 2005 : 44). À partir des années 1950-1960, la représentation de l’immigration de certaines élites québécoises francophones change et elles réclament une gestion de l’immigration mieux contrôlée par le gouvernement provincial (Monnot, 2012 : 39; Anctil, 2005 : 44; Turcotte, 1997 : 54). L’attitude des élites francophones vis-à-vis de l’immigration revenait alors à « définir un champ d’action propre par rapport au gouvernement fédéral » (Thérien, Bélanger & Gosselin, 1994 : 373). Fondé sur des projections de déclin de la part de la population francophone au Québec (Monnot, 2012 : 40; Piché, 2011 : 144), leur changement d’attitude était lié à une inquiétude quant au devenir du Québec en tant que société francophone dans le Canada majoritairement anglais.

Résolument tourné vers une attitude proactive en matière d’immigration, le gouvernement provincial québécois entreprend par la suite de négocier des ententes avec le gouvernement fédéral, contrairement aux autres provinces s’accommodant du leadership fédéral (Anctil, 2005 : 47). Du nom du ministre provincial de l’immigration, Jacques Couture, et de son vis-à-vis fédéral, Bud Cullen, l’Entente Couture-Cullen est signée en 1978 et reconnait au Québec la responsabilité de sélectionner les immigrants de la catégorie économique admis au Québec selon ses propres critères. Depuis 1991, l’Accord Canada-Québec a rendu caduque l’Entente Couture-Cullen. En plus de consolider les compétences déjà acquises, deux aspects de l’Accord Canada-Québec sont à souligner : il assure de toujours bénéficier

1 Ministère des Communautés culturelles et de l’Immigration du Québec dont l’intitulé actuel est le Ministère

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d’un volume d’immigrants suffisant pour maintenir le poids démographique du Québec dans le Canada et que le Québec puisse faire valoir son caractère « distinct » dans l’accueil et l’intégration des nouveaux arrivants. Ces ententes intergouvernementales spécifiques et propres au Québec vont constituer des références politico-juridiques fondamentales délimitant le « champ d’action » provincial dans l’application de ses compétences en matière d’immigration. D’une part, en consolidant les compétences acquises et d’autre part, en les élargissant non seulement à la sélection et à la détermination du volume des immigrants admis, mais également à d’autres aspects liés à l’accueil et à l’intégration des nouveaux arrivants au Québec. Il s’agissait au niveau provincial de réaffirmer la volonté de contrôler son immigration.

1.2 Le caractère « distinct » de l’immigration au Québec

Au cours des années 1960, période révélant de manière plus manifeste les profonds changements qui transforment la société québécoise, l’immigration est perçue comme un apport positif (Daniel, 2003 : 43; Parant, 2001 : 15). Cette perception positive vis-à-vis des immigrants n’est pas particulière au Québec. Tant au Canada que dans les pays dits « occidentaux », les mêmes tendances sont observables depuis quelques décennies déjà. À l’échelle internationale, cette situation favorable à l’accueil de nouveaux arrivants en plus grand nombre correspond à une période de croissance économique particulière en Occident : les « Trente Glorieuses ». La reconstruction des économies occidentales de l’après Seconde Guerre Mondiale nécessitait un besoin grandissant et compétitif en main-d’œuvre. Pour être compétitif, certains pays dont le Canada2 ont modifié leurs politiques d’immigration vers plus d’assouplissement dans les directives de recrutement et de sélection des candidats à l’immigration. Au Canada, après une première disposition non sans controverses à abolir certaines règles discriminatoires dans la sélection des immigrants en 1948, c’est sous le gouvernement de John Diefenbaker du parti progressiste-conservateur qu’une nouvelle loi sur l’immigration est adoptée en 1962 mettant fin aux critères de discrimination raciale notamment envers les noirs et les asiatiques3. Les controverses autour de l’accueil des

2 Il est entendu que la notion de reconstruction économique ne s’applique pas tant au Canada sinon que de

conserver une certaine compétitivité économique à l’échelle internationale.

3 Si la nouvelle loi fédérale de 1962 sur l’immigration valorise le principe d’universalité pour la sélection des

candidats à l’immigration, des restrictions sont maintenues dans le cas de parrainage des immigrants en provenance des pays d’Afrique et d’Asie.

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personnes réfugiées et déplacées de la Seconde Guerre Mondiale suscitaient au Québec une préoccupation toujours grandissante sur la « question de l’immigration », notamment en regards de ses conséquences sur la composition linguistique de la population mettant en jeu l’avenir du français au Québec, en particulier à Montréal, là où tendent à se concentrer les immigrants. L’accueil d’immigrants allophones en plus grand nombre, la tendance de ces derniers à adopter l’anglais comme langue d’usage et des projections démographiques décroissantes laissaient craindre une minorisation des francophones à Montréal. L’obtention de compétences élargies au Québec a non seulement permis de contrôler l’immigration en termes de « capacité d’absorption économique4 », mais également de faire reconnaitre d’un point de vue constitutionnel le caractère distinct du Québec en y assurant la pérennité de la langue française (Anctil, 2005 :3). La Loi sur la langue officielle (Loi 22) de 19745 et la Charte de la langue française en 19776 constituent des instruments fondamentaux dans la préservation de ce caractère distinct du Québec, et dans l’intégration linguistique des immigrants (Pagé, 2010 : 5; Lapierre, 2004 : 9). La volonté de préserver le caractère francophone comme spécificité distincte teinte de manière prépondérante le recrutement et la sélection des personnes immigrantes au Québec. Toutefois, celle-ci ne peut faire abstraction des réalités d’un contexte global qui motive une ouverture vers des pays de plus en plus divers en vue de recruter des candidats à l’immigration, à l’image de ce qui se fait tant au Canada que dans bon nombre de pays occidentaux. Le contexte de croissance économique particulière aux « Trente glorieuses » (1945-1975) a ouvert une concurrence internationale pour l’immigration économique faisant que les pays traditionnellement « pourvoyeurs » d’immigrants ne suffisent plus à la demande (Daniel, 2003 : 39; Parant, 2001 : 5).

4 C’est sous la pression de diverses organisations (patronales, syndicales, humanitaires) que le Premier

ministre Mackenzie King tient un discours d’ouverture aux immigrants en 1947. Face aux réticences et à l’hostilité que suscitent de telles mesures notamment au Québec, Mackenzie concède aux Canadiens que cette ouverture ne pourra excéder la « capacité d’absorption de l’économie nationale ».

5 Alors qu’en 1969, l’adoption de la Loi 63, « Loi pour promouvoir la langue française au Québec », officialisait

le bilinguisme au Québec, La Loi sur la langue officielle de 1974 reconnaissait le français comme « la langue officielle du Québec ».

6 Toujours dans une logique de lutte à l’anglicisation, la Charte de la langue française va instituer comme

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1.3 « Ouverture sur le monde »

Si les décennies soixante et soixante-dix « correspondent pour le Québec, à une ère de construction, d’affirmation de son identité, de sa distinction » (Gagné et Chamberland, 1999 dans Lapierre, 2004 : 8), les années suivantes sont surtout marquées par l’élargissement de l’éventail des pays de provenance des personnes immigrantes. Avant les années 1980, le Québec accueille déjà des immigrants autres qu’européens dans le cadre des politiques humanitaires. Le contexte des années 1960 était une période d’instabilité et de construction politique, et l’ouverture à une immigration autre qu’européenne va surtout s’accentuer dans le cadre de l’entente Couture-Cullen, à partir des années 1980.

Nous avons synthétisé dans le tableau 1 ci-dessous des données tirées du rapport de Piché et de Laroche (2007) qui présente la répartition en pourcentage des immigrants par continent de naissance et par période d’immigration de 1961 à 2001 au Québec. Pour les immigrants dont le continent de provenance est l’Amérique, nous y avons soustrait ceux de l’Amérique du Nord pour ne tenir compte que des immigrants qui avaient comme lieu de naissance l’Amérique centrale, les Caraïbes et Les Bermudes ou l’Amérique du Sud. Pour le détail des pays de provenance, nous invitons le lecteur à se reporter à l’annexe 1. Le tableau 2 présente la répartition récente des immigrants qui ont été admis au Québec selon le continent de naissance dont les données proviennent des statistiques du Ministère de l’immigration, de la diversité et de l’inclusion. Le tableau 2 fait également abstraction du pourcentage des immigrants dont le continent de naissance est l’Amérique du Nord. Dans les tableaux 1 et 2, nous n’avons pas reporté les immigrants en provenance de l’Océanie, dont le pourcentage est relativement stable, quelle que soit la période de recensement et représente 0,1% des immigrants admis.

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Tableau 1

Répartition des immigrants en pourcentage par continent de naissance et par période d’immigration

Continent de naissance Période d’immigration

Avant 1961 1961-1970 1971-1980 1981-1990 1991-2001 Amérique

(hors Amérique du Nord) 1,9% 8,2% 24,9% 26,1% 18,6%

Europe 88,1% 68,8% 34,7% 22,6% 23,2%

Afrique 1,7% 10,9% 9,5% 9,4% 17,8%

Asie 3,0% 8,3% 25,3% 38,4% 38,1%

Total (N) 95 150 101 460 120 530 144 430 244 760

Tiré de : Victor Piché et Dominique Laroche, 2007, Dossier 1. L’immigration au Québec. Rapport préparé

pour la commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles.

Tableau 2

Répartition des personnes immigrantes admises7 au Québec de 2012

à 2016 par continent de provenance.

Source : Portrait de l’immigration permanente au Québec selon les catégories

d’immigration, Ministère de l’immigration, de la diversité et de l’inclusion (2017).

Avant les années 1960, c’est presque 90% des immigrants qui proviennent de l’Europe. Dès la décennie 1960-1970, on remarque une diminution de la part des Européens parmi les immigrants admis qui ne représentent plus qu’un cinquième de la population immigrante au recensement de 2001. Pour la période de 2012-2016, la part des Européens parmi les immigrants admis est en deçà du cinquième. À partir des années 1980, mais surtout des années 1990, les pays de provenance des personnes immigrantes établies au Québec se

7 Les données d’admission ne rendent pas compte de la présence réelle des personnes, mais elles renseignent

néanmoins sur l’origine géographique des personnes sélectionnées pour le Québec et qui ont été autorisées à séjourner de manière permanente au Canada.

Continent de naissance Pourcentage

Amérique

(hors Amérique du Nord) 17,3%

Europe 16,9%

Afrique 31,7%

Asie 32,2%

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diversifient de plus en plus pour concerner également d’autres continents que l’Europe, et la part relative des immigrants autres qu’Européens ne cesse de croître. Alors que les immigrants en provenance d’Afrique ne représentent guère plus que 1,7% du total admis avant les années 1960, ces derniers représentent un tiers du total admis entre 2012 et 2016, dont la moitié est originaire de l’Afrique du Nord. L’ouverture à d’autres pays que ceux traditionnellement pourvoyeurs des immigrants au Québec ne va pas sans un processus de sélection arrimé aux réalités du Québec.

1.4 Les catégories de sélection

Depuis 1967, une grille de sélection des personnes immigrantes attribue des points aux candidats potentiels en fonction d’un certain nombre de critères (qualifications professionnelles, expériences professionnelles, âge, connaissance de la langue…). L’admission permanente et temporaire des personnes étrangères au Canada est accordée selon le seuil atteint par le cumul de ces points. Le Québec s’est doté de sa propre grille de sélection des immigrants en 1979 (Cousineau et Boudarbat, 2009 : 233) qui reconnait les catégories instituées par le fédéral et emploie le même lexique dans l’identification de ces catégories. Les premiers critères de la grille de sélection des immigrants de 1979 faisaient en sorte que les candidats n’ayant pas une offre d’emploi formelle et ceux dont la profession n’était pas liée à un secteur d’activités en pénurie de main-d’œuvre étaient éliminés du processus de sélection (Godin, 2004 : 2). Celui-ci était étroitement orienté vers les besoins à court terme du marché du travail. En 1996, une nouvelle grille de sélection fut adoptée dont les critères vont diversifier et élargir les profils des candidats potentiels. Outre les candidats qui répondent aux besoins du marché du travail à court terme, la sélection s’ouvre davantage aux conjoints, aux jeunes enfants et aux personnes ayant de bonnes perspectives d’embauche à moyen et long terme. Dans l’esprit d’une « ouverture sur le monde » depuis les années 1980-1990, les catégories de recrutement et de sélection se sont multipliées. Toutes sont réparties entre trois grandes catégories : « immigrants économiques », « regroupement familial » et « réfugiés ou personnes vivant une situation semblable ». Les « immigrants économiques » peuvent migrer au Québec de manière permanente ou temporaire, pour y travailler ou y étudier.

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Les étudiants internationaux : une catégorie en croissance

Les travailleurs temporaires et les étudiants étrangers sont des catégories de plus en plus importantes en nombre d’immigrants sélectionnés (Bélanger et Candiz, 2014; Boudarbat et Boulet, 2010). Un étudiant international est un étudiant qui a obtenu le droit d’étudier et de résider au Canada pour une période donnée. Le résident temporaire pour études peut, selon le cas, détenir un autre type de permis, tel que celui de travailler pendant ses études selon certaines conditions. En 2004, un rapport du CIRANO8 recommandait « le recrutement et surtout la rétention des jeunes étudiants provenant de l’étranger et qui fréquentent [les] établissements post-secondaires » (Parent et Worswick, 2004). Bien que le Québec affiche le taux de croissance le plus faible au Canada des étudiants étrangers sur les dix dernières années, en 2014-2015, il en accueille plus du double qu’en 1999-2000 (Institut du Québec, 2017).

Le statut d’étudiant international constitue pour les immigrants une porte d’entrée moins complexe vers le statut d’immigrant permanent que le gouvernement entend valoriser de plus en plus. La nouvelle politique en matière d’immigration « Ensemble nous sommes le Québec » (adoptée en 2015) confirme cette tendance. En effet, le gouvernement libéral de Philippe Couillard a énoncé par cette politique sa volonté de « miser sur l’apport stratégique de l’immigration permanente et temporaire ». Dans le cas des étudiants étrangers qui sont déjà au Québec (de même que pour les travailleurs temporaires), le gouvernement veut « favoriser leur établissement durable sur le territoire, afin qu’elles [ces personnes] puissent participer à la vie collective » (MIDI, 2015 : 19). Autrement dit, leur transition vers un statut de résident permanent après l’obtention d’un diplôme reconnu par le Ministère de l’éducation et de l’enseignement supérieur doit être facilitée. La Loi sur l’immigration au Québec adoptée le 7 avril 2016 a formalisé la volonté gouvernementale de faciliter le processus de transition du statut des travailleurs temporaires et des étudiants étrangers à celui de permanent. Les étudiants étrangers au terme de leurs études au Québec sont considérés être de « bons candidats » à l’immigration susceptibles de cumuler d’avantage de points sur la grille de sélection : ils sont jeunes; ils sont en possession d’un diplôme reconnu; ils ont une

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très bonne connaissance du français; ils ont dans la majorité des cas une expérience du marché du travail au Québec et enfin, leur temps de résidence pour des études suppose qu’ils ont entamé un processus d’adaptation à la culture du Québec.

II- La migration au Québec mène à Montréal

Des quelques 1,2 millions de personnes immigrantes admises au Canada entre 2011 et 2016, 29,4% ont choisi de s’établir à Toronto, 14,8% à Montréal et 11,8% à Vancouver (Statistique Canada, 2018). Deux immigrants sur trois choisissent de s’établir dans l’un de ces grands centres urbains, et au Québec, les personnes immigrantes résident ou projettent de résider essentiellement à Montréal (M.I.D.I, 2017), ce qui démontre que le phénomène de concentration métropolitaine des immigrants tend à se maintenir dans le temps (Vatz Laaroussi, 2008 :79).

Entre 2012 et 2016, le Québec a admis en moyenne annuellement 51 861 personnes immigrantes (MIDI, 2017). Au recensement de 2016, ce sont 1 091 170 de personnes nées à l’extérieur du Canada qui résident au Québec, soit 13,4% de sa population totale (Statistique Canada, 2018). 86% de cette population a pour lieu de résidence la région métropolitaine de recensement de Montréal9 (RMRM). À l’intérieur même de la RMRM, 70% de la population immigrante10 résident dans la ville de Montréal, 13% à Laval et 9% à Longueuil. La population de la RMRM représente la moitié de la population totale du Québec (50,2%), où deux personnes sur cinq ont pour lieu de résidence la ville de Montréal. La concentration des immigrants à Montréal soulève des craintes quant à la place du français à Montréal justifiant l’adoption du cadre juridique et politique que nous avons décrit précédemment. « L’ouverture sur le monde », c’est-à-dire l’accueil au Québec des personnes immigrantes en provenance de divers pays, suscite aussi d’autres craintes relatives à l’intégration des immigrants à la société québécoise, qui se fondent sur l’anticipation d’une situation de

9 Selon la définition de Statistique Canada, la région métropolitaine de recensement rassemble plusieurs

municipalités voisines situées autour d’un noyau qui doit compter au moins 50 000 habitants. La population totale de la RMR doit compter au moins 100 000 habitants. Outre les quatre-vingt-huit autres municipalités, la RMR de Montréal englobe les villes de Laval et de Longueuil et a pour noyau la ville de Montréal.

10 Toutes les données présentes dans ce paragraphe proviennent de Statistique Canada qui considère qu’un

immigrant est une personne à qui les autorités ont accordé le droit de résider au Canada en permanence. La catégorie des immigrants regroupe donc toutes les personnes qui ne sont pas nés au Canada, qui ont un statut de résident permanent ou qui ont obtenu la citoyenneté canadienne.

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désorganisation et de segmentation sociale (Germain et Alain, 2006 : 247). Selon le ministère de l’immigration, en effet, « la concentration de l’immigration et, de facto, des communautés culturelles11 à Montréal n’est pas sans conséquences sur les relations interculturelles au Québec12 » (MIDI, 2009). La tendance des immigrants à se concentrer à Montréal fragmenterait le Québec en deux espaces distincts : d’un côté, une région métropolitaine qui serait le centre économique du Québec dont l’espace territorial serait de plus en plus dense, culturellement hétérogène et fragmenté; de l’autre, un ensemble de territoires disparates plus ou moins éloignés de Montréal, mais qui s’apparentent néanmoins par une certaine homogénéité culturelle, ethnique et religieuse13 (Vatz Laaroussi, 2008 : 80; Simard, 1996 : 12). Tous les enjeux soulevés (linguistiques, démographiques, économiques et culturels) liés à la concentration de l’immigration à Montréal se recoupent en un point qui est celui des inégalités de développement entre les différentes villes, notamment les villes les plus éloignées de Montréal.

III- La « régionalisation » de l’immigration

Les objectifs et les attentes du gouvernement à l’égard de l’immigration au Québec ont été posés une première fois en 1991 dans la politique « Au Québec pour bâtir ensemble ». Cet énoncé manifestait la volonté du gouvernement de favoriser la répartition des immigrants entre toutes les régions administratives du Québec par une politique de « régionalisation ». Celle-ci faisait écho à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés voulant que toutes les « régions » bénéficient des avantages [économiques] qui découlent de l’immigration (Goyette, 2004 : 142).

3.1 Rôle de l’immigration

L’immigration est appréhendée comme un apport positif dans la terminologie politique de l’énoncé de 199114, dans la mesure où elle participe au mécanisme d’ensemble de la perpétuation de la société québécoise comme une société intégrée au sens durkheimien du

11 Le terme de « communautés cultuelles » apparait dans la terminologie politique dans les années 1980 pour

désigner les groupes de personnes dont l’origine n’est ni autochtone, ni française, ni anglaise.

12 Ministère de l’Immigration, Diversité et Inclusion, les fondements de la société québécoise,

http://www.quebecinterculturel.gouv.qc.ca/fr/valeurs-fondements/rapprochement/quebec-change.html.

13 L’homogénéité culturelle de l’espace territorial dont il s’agit ici exclut les territoires autochtones.

14 Les politiques de 2008, « La diversité : une valeur ajoutée » et de 2015, « Ensemble, nous sommes le

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terme15. L’énoncé pose quatre dimensions sociales où l’immigration tient un rôle important. Nous rapportons ci-dessous un extrait de l’énoncé qui définit clairement le rôle de l’immigration dans la société québécoise :

Si l’immigration est devenue un enjeu majeur pour le Québec, c’est parce qu’elle s’inscrit dans une perspective de développement de la société distincte. En effet, aujourd’hui davantage qu’hier, le Québec veut et doit associer l’immigration à quatre défis, largement interdépendants, dont dépend son avenir :

• le redressement démographique • la prospérité économique • la pérennité du fait français

• l’ouverture sur le monde (MICCQ, 1991 : 8)

Finalement, le Gouvernement veut également faire en sorte que la contribution de l’immigration bénéficie davantage que par le passé à l’ensemble des régions du Québec (MICCQ, 1991 : 11).

Le rôle de l’immigration est donc de contribuer à redresser la démographie d’une société vieillissante dont la population active est désormais en déclin, d’assurer la distinction linguistique au Québec, de maintenir la compétitivité économique dans les nouvelles réalités mondialisées, et de contribuer, par ailleurs, à l’incorporation du Québec dans ces nouvelles réalités par l’accueil des personnes immigrantes d’origine culturelle diverse. Si les personnes immigrantes représentent un apport positif pour le Québec, toutes les villes n’en bénéficient pas de la même manière. La concentration résidentielle de la population immigrante à Montréal amène à considérer la répartition de celle-ci dans l’espace comme un problème, d’où la volonté définie dans l’énoncé de mettre en place une politique de « régionalisation ». Le rôle de l’immigration est aussi de contribuer au « développement régional » (MICCQ, 1991 : 73).

3.2 Favoriser la « régionalisation de l’immigration »

L’orientation politique qui établit un lien étroit entre « développement régional » et immigration représentait, selon Myriam Simard, le « premier engagement officiel de l’État portant sur une répartition spatiale plus équilibrée de l’immigration » (Simard, 1996 : 5). L’Énoncé de 1991 s’appuyait sur l’Avis sur la régionalisation de l’immigration du Conseil

15 Le plan d’action, Des valeurs partagées, des intérêts communs (2004), souligne, en effet, que « l’intégration

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des Communautés culturelles et de l’Immigration (CCCI) commandé par le ministère, dont l’objectif était de se prononcer sur la possibilité et les implications liées à l’installation des immigrants dans les régions administratives autres que celle de Montréal. Le CCCI recommandait une politique permanente de « régionalisation de l’immigration » (Simard, 1996 :4) incitant les nouveaux arrivants à s’établir de manière permanente à l’extérieur de Montréal, notamment dans les petites villes les plus éloignées de la métropole qui sont particulièrement désignées dans le langage courant au Québec par l’expression les « régions ».

Dans le lexique gouvernemental, la régionalisation doit se pratiquer dans un partenariat entre le gouvernement et les régions administratives dont la finalité est « l’adaptation des interventions et des services gouvernementaux aux réalités régionales, en associant les représentants des populations locales et régionales à la prise de décision, à la mise en œuvre ou à la gestion d’activités relevant de la responsabilité de l’État » (Gouvernement du Québec, 2000). Tel que défini par le gouvernement, la « régionalisation de l’immigration » consiste à incorporer l’immigration dans la gestion et l’occupation des territoires administratifs dans une optique de croissance des activités liées à cette gestion.

Dans son sens sociologique, la régionalisation correspond à autre chose. Il y a régionalisation quand il y a une augmentation des relations ou des interactions entre des unités territoriales (pays ou entités infra-étatiques) situées dans une même partie géographique (Galia et Richard, 2014 : 24). Ce phénomène procède par des regroupements ou des agrégations territoriales et non par découpage administratif. Galia et Richard précisent par ailleurs que l’objet des échanges entre les unités territoriales est multisectoriel dans le sens où il ne s’agit pas uniquement de commerce, mais également d’autres types de flux tels que les migrations ou la mobilité internationale. Selon la définition qu’en donnent Galia et Richard, la régionalisation est donc le processus selon lequel l’augmentation des échanges, des relations, des interactions entre les villes et les localités situées dans une certaine proximité géographique aboutit à des regroupements ou à des agrégats de territoires qui finissent par former un tout, mais dont les limites sont toujours mouvantes. Dans le cadre de ce mémoire, la « régionalisation de l’immigration » renvoie à ce processus de constructions de territoires

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inter-reliés situés à proximité les uns des autres, à l’extérieur de la région métropolitaine de recensement de Montréal, et consiste à favoriser l’établissement à long terme des personnes immigrantes à l’intérieur de cet ensemble territorialisé. La régionalisation étant une dynamique exo et endogène, le choix des personnes immigrantes de s’établir ou non dans ces villes et localités circonscrites participe à la construction de cet ensemble territorialisé dans sa forme. Au-delà des motivations objectives qui peuvent influencer ce choix, celui-ci est intimement lié aux subjectivités individuelles, à la représentation des uns et des autres dans la formation de cet ensemble de territoires en construction. Derrière les actions suivant les intentions politiques de « régionalisation de l’immigration » au Québec, les analyses de ce mémoire portent attention à la dynamique de régionalisation dans laquelle s’inscrivent les expériences d’immigration dans les régions éloignées de la métropole.

3.3 Pourquoi « régionaliser l’immigration » ?

La politique de « régionalisation de l’immigration » selon le CCCI devrait « s’inscrire dans le cadre plus global d’une politique de développement régional [dont le premier objectif serait] de favoriser une croissance économique et démographique plus équilibrée des diverses régions du Québec (…) [et le deuxième objectif] de faciliter l’intégration harmonieuse des immigrants à la société québécoise et plus particulièrement à la majorité francophone » (CCCI, 1989 : 11). Ce sont les recommandations du CCCI contenues dans cette citation qui formeront la matrice référentielle de la politique de « régionalisation de l’immigration » : « une répartition régionale plus équilibrée des immigrants est en effet susceptible de favoriser le développement économique, démographique et communautaire des régions et de faciliter l’intégration des nouveaux arrivants » (MICCQ, 1991 : 69). La « régionalisation de l’immigration » consiste pour l’État Québécois à articuler deux axes : « développement régional » et « intégration des immigrants ». Une meilleure répartition spatiale des immigrants entre les différentes entités territoriales ferait en sorte que l’apport de l’immigration ne soit pas aux seuls bénéfices de Montréal. Faire le choix pour les nouveaux arrivants de s’établir en « région » plutôt qu’à Montréal favoriserait leur « intégration » à la société québécoise se mesurant au degré de leur participation à la vie économique, sociale, culturelle et politique (MICCQ, 1991 : 17). Cette vision suppose que l’économie et les collectivités des « régions » peuvent mieux intégrer les immigrants, comme si la moindre

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présence de ces dernières et le manque de main-d’œuvre constituaient des conditions favorables.

3.4 L’implication des acteurs « régionaux »

Dans la mise en œuvre de la politique de « régionalisation de l’immigration », le gouvernement appelle à l’implication des différents acteurs sociaux à l’échelle locale et régionale auprès desquels il agit à titre de partenaire. Dix ans après l’énoncé de 1991, l’immigration dans les villes à l’extérieur de Montréal reste en-dessous des espérances. Les dernières stratégies gouvernementales en matière d’immigration ont toujours pour ambition de réaliser le projet de « régionalisation de l’immigration » de 1991 en faisant interagir différents acteurs sociaux et organismes institutionnels lesquels sont, selon le Plan d’action 2018-2020, Stratégie gouvernementale pour assurer l’occupation et la vitalité des territoires 2018-202216, « au cœur des initiatives pour favoriser l’établissement durable en région » (MIDI, 2018 : 6). Le plan d’action élabore un certain nombre de mesures et d’engagements du ministère dont celui de s’entendre sur un « plan régional » avec les différents acteurs sociaux et économiques de la « région » concernée, l’objectif étant d’accroître la présence des immigrants à l’extérieur de Montréal. Une des actions concrètes à laquelle s’attend le gouvernement dans l’élaboration et la mise en œuvre des « plans régionaux » est le recrutement des étudiants étrangers au niveau universitaire et collégial pour lesquels une baisse de fréquentation est anticipée. Avec la collaboration du ministère de l’éducation, le programme ÉduQuébec-Régions fait la promotion à l’étranger de la possibilité pour les jeunes d’étudier sur une période de trois ans dans un cégep à l’extérieur de Montréal au terme desquels le gouvernement entend favoriser leur processus d’immigration permanente. Il est attendu des jeunes qui font le choix de la résidence permanente qu’ils s’établissent préférablement dans la ville ou ses environs où ils ont étudié. Les établissements d’enseignement de l’Abiti-Témiscamingue, du Bas-St-Laurent, de la Mauricie, de l’Outaouais et du Lac-St-Jean sont particulièrement concernés par le programme de recrutement. En ce sens, les collèges d’enseignement général et professionnel (cégep) à l’extérieur de Montréal deviennent des acteurs clé de la « régionalisation de l’immigration ».

16MIDI, [En ligne],

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Conclusion

Dans ce premier chapitre, nous avons posé quelques points de repère sur l’immigration au Québec depuis le milieu du vingtième siècle. Cette période correspond pour le gouvernement provincial à l’obtention progressive de compétences juridiques en matière d’immigration au Québec. En plus d’obtenir le droit de recevoir un taux d’immigrants correspondant à son poids démographique dans le Canada, ses compétences sont élargies à la sélection des immigrants de la catégorie économique. Les années 1970-1980 correspondent à une période de transformations dans les flux de migration au Québec, qui font écho aux grandes transformations dans la structure économique des pays occidentaux. Le Québec compte désormais de plus en plus d’immigrants de diverses origines culturelles qui continuent de choisir majoritairement la ville de Montréal comme lieu de résidence. Les enjeux soulevés par différents acteurs sociaux sur la concentration des immigrants à Montréal d’un côté et, de l’autre côté, sur la quasi absence de ces derniers à l’extérieur de Montréal motiveront une politique de « régionalisation de l’immigration » énoncée en 1991. Dans le cadre de cette politique, différents acteurs sociaux des régions administratives extérieures à Montréal sont appelés à s’impliquer dans des stratégies d’action en vue de recruter des immigrants et d’inciter ces derniers à choisir une des villes « régionales » comme lieu de résidence. Parmi ces acteurs clé de l’immigration à l’extérieur de Montréal, figurent les cégeps qui, tout en cherchant à maintenir voire à augmenter le taux de fréquentation collégiale dans les villes éloignées de la métropole, rendent visibles de nouveaux espaces de migration à des immigrants potentiels. Le recrutement des étudiants internationaux dans les cégeps à l’extérieur de la région administrative17 de Montréal est donc une action arrimée, dans un premier temps, à la politique de « régionalisation de l’immigration ». Les étudiants étrangers constituent un bassin d’immigrants permanents potentiels susceptibles de choisir de s’établir de manière permanente dans leur ville d’accueil, catégorie d’immigrants que le

17 Les « régions administratives » sont des divisions territoriales dont le découpage est à des fins

administratives. Le Québec compte actuellement 17 régions administratives qu’on distingue en trois grandes catégories selon leur structure économique et leur mode de développement : les régions ressources (Bas-St-Laurent, Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, Côte-Nord, Nord-du-Québec et l’Abitibi-Témiscamingue); les régions manufacturières (Saguenay-Lac-St-Jean, Mauricie, Lanaudière, Laurentides, Montérégie, Centre-du-Québec, Chaudière-Appalaches, Estrie); les régions urbaines (Capitale-Nationale, Montréal, Laval, Outaouais). Selon les divisions de Statistique Canada, la région administrative correspond à la région économique.

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gouvernement entend favoriser. En situant ces différents points de repère, nous avons ainsi voulu poser le contexte général dans lequel nous plaçons notre intérêt sociologique : l’établissement à long terme des étudiants étrangers au Québec dans les villes des régions éloignées de Montréal à faible ou à très faible présence d’immigrants.

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Chapitre 2

La migration à l’extérieur de Montréal : quel modèle théorique?

Plus de vingt ans après la volonté politique de mieux répartir les immigrants entre les différentes entités administratives, les recherches concluent à la faible incidence de la politique de « régionalisation » sur la répartition géographique de l’immigration (Vatz Laaroussi et Bezzi, 2010 : 32). Plusieurs études permettent de dresser un état des lieux de l’immigration à l’extérieur de Montréal. Certaines recherches qualitatives réalisées auprès des personnes immigrantes qui résident dans des villes extérieures à la région métropolitaine de Montréal ont l’avantage de donner un éclairage à partir du point de vue de ces dernières. Toutes ont pour objectif de mieux comprendre leurs choix de résider ou non hors de Montréal. Après avoir distingué les deux grands paradigmes relativement auxquels sera considéré le rapport de l’étranger à l’espace, ce chapitre relate l’essentiel de ce que dit la littérature sur l’(im)migration dans les villes à l’extérieur et plus ou moins éloignées de Montréal en apportant, par ailleurs, des précisions sur la situation des villes dont il est question dans ce mémoire et la terminologie employée pour les désigner.

I- De l’immigrant au migrant

Avec l’École de Chicago naît la sociologie de l’immigration, champ d’études prolifique jusque dans les années 1980. De Simmel aux sociologues contemporains post École de Chicago, la figure type de l’étranger est l’immigré18 ou l’immigrant. La réflexion de la sociologie de l’immigration, à la suite de l’École de Chicago, se concentre, pour l’essentiel, sur le processus par lequel l’immigrant « soumis aux contraintes de la société d’accueil » est intégré à celle-ci (Mazzella 2014 : 14). Trop axée sur des questions liées à l’intégration de l’immigrant dans la société d’accueil, la sociologie de l’immigration apparaît, à certains sociologues, limitée conceptuellement pour rendre compte de la complexité de la migration et du rapport des migrants à la migration dans un monde globalisé. Selon ces derniers, les

18 Le terme immigré est plus familier à la sociologie française auquel correspond l’image du travailleur ouvrier

recruté massivement dans les pays du nord de l’Afrique dans l’après-seconde-guerre-mondiale pour participer à la relance économique de la France. Si l’immigrant en Amérique participe à la constitution de la nation, l’immigré français se distingue de la société d’accueil et n’est défini que par la précarité de sa condition immigrante. Pour la distinction de l’usage des deux termes, nous renvoyons le lecteur à Body-Gendrot et al., (1992).

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