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III- Les jeunes Réunionnais dans la migration

3.1 L’Île de La Réunion en bref

L’Île de La Réunion est un département et région d’outre-mer (DROM33) français situé dans le sud-ouest de l’Océan Indien, entre Madagascar et l’Île Maurice à plus de 9 000 km de la France Métropolitaine. Bien que la distance qui sépare l’île des côtes terrestres ne soit que de 800 km à l’ouest et de 200 km à l’est, tout déplacement physique à l’extérieur de l’île ne peut se faire que par voie maritime ou aérienne. Le caractère insulaire de La Réunion contraint le rapport à la migration de ces Français « outre-mer » à l’extérieur de l’île et sur le territoire même de la France métropolitaine. Cette situation géographique particulière constitue un obstacle important dans les projets de déplacement à l’extérieur de l’île compte tenu de la distance et des coûts que cela implique. Outre l’isolement géographique qui affecte dans une certaine mesure les déplacements à l’extérieur de l’île, la densification résidentielle liée à l’urbanisation et à la morphologie très accidentée de l’île limite les possibilités d’occupation du territoire constituant de fait une dimension additionnelle à considérer dans

33 De 1946 à 2003, La Réunion est un Département d’outre-mer (DOM). Le statut de département reflète alors

ce que Laurent Blériot nomme « le mimétisme constitutionnel » c’est-à-dire que l’organisation administrative de l’île de même que l’application du droit ne diffèrent guère des départements de la France métropolitaine. Le statut de DROM (appliqué également à la Guadeloupe, à la Martinique, à la Guyane et à Mayotte) consiste en une décentralisation de certaines compétences institutionnelles reconnaissant de fait la singularité de la France outre-mer.

« l’urgence de la situation sociale » à laquelle sont confrontés les acteurs politiques du département (Labache, 2008 : 25). La population est, en effet, concentrée essentiellement le long du littoral où le taux de croissance annuel tend à augmenter beaucoup plus rapidement qu’à l’intérieur de l’île, de telle sorte que les projections de la densité d’habitants dans les villes et les localités côtières laissent entrevoir une situation d’impasse dans l’aménagement du territoire. D’une manière générale, les caractéristiques de la structure démographique de l’Île de La Réunion tendent à s’apparenter à celles de la France métropolitaine, cependant qu’elle s’en distingue par quelques particularités. Au recensement de 2015, la population réunionnaise comptait 860 896 personnes et elle croît à un rythme de 1% par année depuis 2007 (0,7% à l’échelle nationale) marquant un net ralentissement comparativement aux années précédentes. L’indice de fécondité comptait encore parmi les plus élevés des départements français soit 2,4 enfants par femme (1,98 en France métropolitaine). Si à La Réunion les hommes peuvent espérer vivre jusqu’à soixante-dix-sept ans, l’espérance de vie des femmes est de quatre-vingt-trois ans, ce qui ne représente qu’un point et demi d’écart avec celle des Français de l’hexagone.

Même si elle est vieillissante, la population réunionnaise compte une forte proportion de jeunes. Un tiers de la population en France métropolitaine (36,5%) et au Québec (33,4%)34 a moins de trente ans. À l’Île de La Réunion, ce groupe d’âge représente presque la moitié de la population (46%), ce qui en fait une « caractéristique majeure de la démographie de l’île » (Roinsard, 2007) appréhendée en termes de pression sociale par les autorités institutionnelles. Une forte proportion de jeunes, dont ceux qui sont âgés entre 16 et 29 ans, cumulent un niveau de qualifications professionnelles et de diplomation scolaire relativement plus faible qu’en France métropolitaine ou au Québec. De plus en plus diplômés, c’est encore à peine 20% des jeunes Réunionnais qui poursuivent leurs études supérieures, la grande majorité d’entre eux quitte le cursus scolaire avant l’entrée à l’université, soit aux alentours de dix- neuf ans (INSEE, 2012). En 2011, parmi la cohorte sortante du système scolaire, seuls 17% avaient obtenu un diplôme d’études supérieures (33% en France) alors que 36% ne détenaient

aucun diplôme (20% en France). Au Québec35, ce sont 16% des jeunes de la cohorte de 2010- 2011 qui ont quitté le système éducatif sans diplôme ni qualification, alors que deux étudiants sur cinq détenaient un diplôme d’études universitaires en 2011. Une autre caractéristique majeure qui distingue les jeunes Réunionnais actifs de moins trente ans comparativement à leurs homologues Français et Québécois est leur part plus grande parmi les chômeurs. Dans un contexte où le taux de chômage par rapport à la population active36 était de 24,6% en 2015, un jeune Réunionnais sur deux (52,4%) âgé entre 15 et 24 ans déclarait être au chômage, et cela en dépit d’un taux de croissance du marché de l’emploi supérieur à celui enregistré en France métropolitaine (INSEE, 2016). En France métropolitaine, pour la même année de référence, le chômage concernait 10% de la population active et un jeune sur cinq (24%) âgé entre 15 et 24 ans (INSEE, 2017). Au Québec, en 2015, le taux de chômage dans la population active était de 7,6% et c’est un jeune sur dix (12,8%) âgé entre 15 et 24 ans qui était au chômage (Gouvernement du Québec, 2016). Il semble que les difficultés d’insertion des jeunes Réunionnais sur le marché de l’emploi résident essentiellement dans la non- concordance entre leurs qualifications professionnelles et la structure du marché de l’emploi. Plus diplômés que leurs aînés, ils subissent les conditions d’un marché de l’emploi de plus en plus saturé, où la demande excède l’offre (Temporal, 2017 : 13; 2011 : 136). Le marché est essentiellement tourné vers des activités de services, n’absorbe pas la demande de travail par un développement de la production de sorte que le chômage est la principale préoccupation sociale à l’Île de La Réunion (Temporal, 2011 : 135).