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III- Les nouveaux espaces de migration

3.1 Une « régionalisation » de proximité

À l’extérieur de Montréal, les personnes immigrantes admises entre 2006 et 2015 résident en premier lieu en Montérégie (Longueuil, la Montérégie-Est, la Vallée-du-Haut-St-Laurent) et à Laval. La Montérégie compte en 2017 12,7% des personnes admises dont un tiers est à Longueuil, et 8,2% des personnes admises sont à Laval. La préférence résidentielle des personnes de l’immigration récente pour les villes de Longueuil ou de Laval qui sont des villes situées à proximité immédiate de Montréal correspond, selon Vatz Laaroussi et Bezzi, davantage à « un phénomène de banlieurisation de l’immigration plus que de régionalisation » (Vatz Laaroussi et Bezzi, 2010 : 33). Quand les personnes immigrantes choisissent leur premier lieu de résidence au Québec à l’extérieur de Montréal, elles choisissent principalement des villes proches de Montréal telles que Laval ou Longueuil considérées comme les « premières banlieues20 » de Montréal. Le choix du lieu de résidence des personnes immigrantes est, selon certaines études, lié au lieu de travail (Clark et Davies Withers, 1999; Pettit, 1999; Clark et Dieleman, 1996 cités par Zhu et Leloup, 2014 : 5). Si ces villes comme banlieues permettent le navettage quotidien, elles correspondent par ailleurs

20 En référence à la généralisation dans la seconde moitié du XXème siècle de l’établissement des familles à

l’extérieur de l’île de Montréal dans des quartiers situés à Laval ou à Longueuil (Charbonneau et Germain, 2002).

de plus en plus à ces edge cities qui se caractérisent par leur indépendance croissante de la principale grande ville de la région métropolitaine (Charbonneau et Germain, 2002 : 314). Ces villes regroupent toutes les fonctions des grandes villes de sorte que la population peut y travailler et y résider. C’est dire que plusieurs personnes immigrantes résident ou projettent de résider dans les villes en dehors de la ville de Montréal pour autant qu’elles soient proches de celle-ci et qu’elles constituent des pôles économiques importants.

La proximité d’une grande ville et l’importance de l’activité économique sont les deux caractéristiques que font ressortir le graphique 1 ci-dessous (pour les données complètes, voir annexe 2) qui montre la présence en 2017 des personnes immigrantes admises entre 2006 et 2015 selon les six principaux lieux de résidence à l’extérieur de Montréal, de Laval et de Longueuil.

Graphique 1

Population immigrante admise de 2006 à 2015 présente en 2017 selon la région administrative de résidence (%)

Source : Ministère de l'immigration, de la diversité et de l'inclusion, Direction de la recherche et de la statistique, 2017.

À l’extérieur de Montréal, de Laval et de Longueuil, les personnes immigrantes résident principalement dans la Capitale-Nationale qui compte 6% de la population admise entre 2006 et 2015 et présente en 2017, dont neuf personnes sur dix sont dans la ville de Québec, la

Montréal-Laval- Longueuil (RMM) 74% Non déterminé 3% Capitale Nationale 6% Montérégie 5% Outaouais 3% Estrie 2% Laurentides 2% Lanaudière 2% Autres 3% Hors RMM 23%

deuxième ville la plus populeuse après Montréal. Les municipalités régionales de comté21 (MRC) de Roussillon et de Vaudreuil-Soulanges en Montérégie sont les deux autres lieux où résident principalement les personnes immigrantes (5%). La MRC de Roussillon compte pour la période d’admission 33,1 % des immigrants présents en Montérégie (sans tenir compte de la ville de Longueuil) et la MRC de Vaudreuil-Soulanges 22,1%. Situées respectivement au sud et à l’ouest de Montréal, ces deux MRC sont à moins d’une heure de déplacement en automobile de Montréal ou de Longueuil. La MRC de Vaudreuil-Soulanges présente, en 2011, l’un des plus fort taux de navettage vers Montréal22. Ce sont plus de 50% de la population active occupée résidant dans Vaudreuil-Soulanges qui travaillent dans le noyau de délimitation de la RMR de Montréal (Rivet, 2014 : 29). Après Montréal, la Montérégie et la Capitale-Nationale sont les deux pôles d’activité économique les plus importants au Québec. Sur la base du Produit intérieur brut (PIB) comme indicateur (le plus couramment utilisé) de la valeur de la production totale de biens et services d’une zone géographique circonscrite (ISQ, 2017), la Montérégie (incluant Longueuil) affiche en 2015 la valeur la plus importante (15,1% du PIB de l’ensemble du Québec) après Montréal (35,2% de l’ensemble du Québec). Ces deux régions administratives voisines que sont Montréal et la Montérégie concentrent plus de 50% de la valeur de la production totale des biens et services au Québec. La Capitale-Nationale occupe la troisième position avec 10,01% du PIB provincial (ISQ, 2017). À l’extérieur de Montréal, de Laval ou de Longueuil, les immigrants admis entre 2006 et 2015 sont présents en 2017 principalement dans les villes qui sont des pôles économiques importants et/ou des villes à proximité de Montréal. La répartition des immigrants à l’extérieur de ces villes à très forte et à forte migration est, en somme, une régionalisation de proximité puisqu’elle profite surtout aux villes adjacentes.

21 Une municipalité régionale de comté (MRC) est un regroupement de municipalités locales qui ont en

commun des services et la gestion des décisions régionales représentée par un préfet ou une préfète qui peut être élu.e au suffrage universel ou désigné.e par le conseil de la MRC.

22 De manière plus précise, il s’agit du navettage entre le noyau de délimitation de la RMR de Montréal et

certaines villes et municipalités de Vaudreuil-Soulanges qui ne font pas partie du noyau. Le noyau de délimitation de la RMR de Montréal regroupe 53 des 89 municipalités de la RMR. Selon les données de 2011, le taux de navettage de la ville de Saint-Lazare, de la municipalité de Les Cèdres dans la municipalité de comté de Vaudreuil-Soulanges, des villes de Saint-Philippe et de Chateauguay dans la municipalité de comté de Roussillon vers le noyau de la RMR de Montréal est entre 50% et 74%. Jusqu’à sept personnes sur dix qui résident dans ces villes ou municipalités travaillent dans le noyau de la RMR de Montréal.

Il s’agit ici du premier choix de lieu de résidence des immigrants et non pas du choix de lieu dans le cadre des migrations secondaires. Considérant cela, le modèle classique de la sociologie de l’immigration du mode d’installation des immigrants dans la société d’accueil garde sa pertinence dans la mesure où il semble y avoir une concordance entre les opportunités du marché du travail et le choix d’un lieu de résidence des personnes immigrantes au Québec.