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Une responsabilité morale à l’égard du peuple

Section 2 : La responsabilité morale de l’acte de juger

A. Une responsabilité morale à l’égard du peuple

tout moment de la procédure et les juges apprécient la rétractation comme l’aveu, en toute liberté.

S’agissant des indices, ils « ont pu être préparés et combinés pour égarer la justice303 », il faut donc les établir et les comprendre avant de les interpréter. Le juge jouissant d’une liberté d’appréciation doit « librement se soumettre aux règles de la logique304 ». Ainsi l’indice doit établir un fait. Par ailleurs, un rapport de causalité entre le fait établi et le fait qu’il s’agit d’établir doit exister. Enfin, les indices doivent s’enchainer sans interruption. « Là où la chaine se brise, là ou un anneau échappe, les autres anneaux doivent être écartés305 ».

En dernier lieu, le juge doit examiner la concordance des éléments de preuve pour déterminer sa conviction.

La responsabilité morale induite par la conscience participe de la croyance en l’infaillibilité des jugements des jurés. (II)

II. La croyance en l’infaillibilité du jugement des jurés  

La responsabilité morale des jurés s’apparente à une garantie de l’infaillibilité de leur jugement en ce qu’elle s’exerce à l’égard du peuple (A) et devant Dieu (B).

A. Une responsabilité morale à l’égard du peuple  

145. L’institution du jury populaire, plaçant les jurés en situation de responsabilité sociale, garantie la probité des jurés. Avec l’institution des jurés la vertu sera « au nombre des fonctions publiques306 ». La mission confiée aux citoyens de rendre la justice renforcera chez

       303 Ibid. p. 272. 304 Idem. 305 Ibid. p 282. 306

DUPORT, Assemblée nationale constituante, débats archives parlementaires, Madival et Laurent, 29 mars 1790, Tome 12, p. 415. « La morale et la justice ont servi de base à cette constitution. Est-il un moyen plus sûr, plus efficace de leur inspirer la droiture, la justice et cette rigide probité sans laquelle la société n’est plus qu’un assemblage de fripons et de dupes, que de les associer à l’administration de la justice elle-même, d’unir

eux le sentiment du juste et de l’injuste et leur apprendra à agir au quotidien avec justice. Cette mission leur donnera « plus de rectitude et de justesse307 ». L’institution des jurés permettra de vaincre « la mauvaise foi », « toutes les passions malfaisantes, telles que la haine, la vengeance, la cupidité, l’avarice ». L’institution des jurés en ramenant « des mœurs pures et simples », en renforçant, « les sentiments de bienveillance et de fraternité », rendra « les hommes heureux et bons308 ».

146. Les Constituants sont convaincus que ces qualités morales suffisent pour parvenir à atteindre la vérité309. La seule vertu donne la capacité d’être juge. Un homme vertueux ne parait pas pouvoir se tromper. Ainsi la société attend seulement des jurés « une parfaite probité310 ». Leurs fonctions consistent à examiner les faits avec attention et à se décider avec impartialité311. Ils doivent déclarer ce qu’ils trouveront être la vérité « en gens d’honneur et de probité 312». « Si leur déclaration est injuste ils (les jurés) sont l’exécration et l’horreur de leurs concitoyens313 ».

 

      

étroitement ensemble leurs intérêts et leurs devoirs, et de mettre pour ainsi dire, la vertu au nombre des fonctions publiques ? » DUPORT, Assemblée nationale constituante, Madival et Laurent, séance du 27 nov. 1790, Tome 21, p. 59. « Il est doux de penser que la probité et la bonne foi vont enfin devenir des instruments nécessaires de la machine politique »

307

DUPORT, Assemblée nationale constituante, débats archives parlementaires, Madival et Laurent, 29 mars 1790, Tome 12, p. 415. « Je pense, en un mot, qu’un citoyen qui aura exercé quelque temps l’emploi de juré se

portera plus difficilement à intenter et à soutenir un procès qu’il croira injuste ou déraisonnable »

308

DUPORT, Assemblée nationale constituante, Madival et Laurent, séance du 27 nov. 1790, Tome 21, p. 69.

309

Ibid. p. 61. « Hâtons-nous enfin de créer cet établissement qui doit constamment ramener les hommes aux

principes de leur gouvernement, et qui formant une trace profonde dans leurs mœurs rendra toujours sensible la route de la vérité et de la justice »

310

Ibid. p. 59. « Il est doux de penser que la probité et la bonne foi vont enfin devenir des instruments nécessaires de la machine politique »

311

DUPORT, Assemblée nationale constituante, Madival et Laurent, séance du 27 nov. 1790, Tome 21, p. 59.

312

DUPORT, Assemblée nationale constituante, Madival et Laurent, séance du 27 nov. 1790, Tome 21, p. 67.

313

BRIOIS-BEAUMEIZ, Assemblée nationale constituante, Madival et Laurent, séance du 5 janv. 1791, Tome 22, p. 26.

147. Les députés Garat et Bace de la Chapelle critiquent la vision idéaliste des jurés que propose Duport314. Garat accuse Duport de « prophétiser son système » pour le défendre. « Par le sien, les hommes deviendront des anges, (...) Par le système contraire ils resteront des démons315 ». Bace de la Chapelle dénonce la présomption des comités selon laquelle « d’un coup de leur baguette l’espèce humaine va être réformée 316» et refuse de faire une confiance aveugle aux jurés317.

148. Les députés Thouret, Tronchet et Brios-Beaumeiz se questionnent sur l’impartialité du jugement par jurés.318 Thouret expose l’opinion d’un auteur anglais ; Wiliam Paley qui met en cause l’impartialité du jury. Selon cet auteur les préjugés populaires et les passions interviennent dans la décision du jury319. Pour Tronchet qui se rallie à l’opinion de Wiliam Paley « le jugement par juré est plus exposé que tout autre au danger de la partialité 320». Selon Briois-Beaumeiz « les anglais sont bien loin de croire à l’infaillibilité du jugement par jurés » qui « peut être susceptibles d’erreurs volontaires, mais même en plusieurs circonstances, de prévention et de partialité321 ».

      

314

GARAT, Assemblée nationale constituante, débats archives parlementaires, Madival et Laurent, 31 mars 1790, Tome 12, p. 499. « M. Duport se promet de son institution des jurés la plus heureuse et la plus complète

révolution dans les mœurs nationales. La société ne sera plus un assemblage douloureux de dupes et de fripons, la vertu rentrera de toutes parts dans les fonctions publique et les dirigera seules »

315

Idem.

316

BACE DE LA CHAPELLE, Assemblée nationale constituante, Madival et laurent, séance du 26 déc. 1790, Tome 21, p. 670. « Je frémis de la présomption de vos comités qui pensent (…) que d’un coup de leur baguette

l’espèce humaine va être réformée »

317

Idem. « Pourquoi aurais-je une confiance aveugle en vos jurés ? Ils sont hommes, et hommes peu exercés à

l’attention, et conséquemment plus sujets à l’erreur. Où est la base de leur jugement, où est l’évidence de mon crime ? »

318

TRONCHET, Assemblée nationale constituante, débats archives parlementaires, Madival et Laurent, 29 avril 1790, Tome 12, p. 331. « C’est une grande question que celle de savoir si le jugement par jurés est un moyen

infaillible d’en garantir l’impartialité »

319

W. Paley cité par THOURET, Assemblée nationale constituante, débats archives parlementaires, Madival et Laurent, 6 avril 1790, Tome 12, p. 553. « Ces décisions secrètes de l’âme sont, la plupart, dictées par un

sentiment de faveur ou d’aversion ; souvent elles sont fondées sur l’opinion que l’on a de la secte de la famille, du caractère, des liaisons, ou d’autres circonstances dans lesquelles se trouvent les parties , plutôt que sur une connaissance exacte, ou une discussion sérieuse du mérite de la question. »

320

TRONCHET, Assemblée nationale constituante, débats archives parlementaires, Madival et Laurent, 29 avril 1790, Tome 12, p. 331.

321

BRIOIS-BEAUMEIZ, Assemblée nationale constituante, Madival et Laurent, séance du 5 janv. 1791, Tome 22, p. 31-32.

149. Cependant, pour les rapporteurs du projet de loi « La moralité fait de l’institution du juré le moyen le plus voisin de l’infaillibilité qui soit parmi les hommes322 ».

Enfin, la règle selon laquelle la culpabilité ne peut être prononcée qu’à de la majorité de 10 hommes sur 12 palie au risque d’erreur. « Une conviction uniforme sur le très grand nombre des hommes impartiaux » ne peut pas être erronée323. Ce que les hommes « trouveront en leur âme et conscience, et par une conviction uniforme de dix sur douze être la vérité324 » doit être tenu pour la vérité.

150. Pour Duport le jugement des jurés ne peut pas faire l’objet d’un appel car les jurés « sont le peuple lui-même, au-delà duquel il n’existe aucune puissance325 ». Le député Rey réclame en faveur des accusés les deux degrés de juridictions existant auparavant. Le double degré de juridiction permettrait de se prémunir des jugements des jurés « influencés par l’esprit de parti ou par des ressentiments particuliers326 ». L’absence d’appel des verdicts des jurés reflète la souveraineté nationale mais est également significatif de la croyance d’infaillibilité attachée au jugement des jurés.

La responsabilité morale des jurés à l’égard du peuple source de confiance dans « l’institution sainte des jurés327 » est également une responsabilité s’exerçant devant dieu (B)

B. Une responsabilité morale devant Dieu  

La responsabilité morale de l’acte de juger devant Dieu s’explique par la conception historique et chrétienne de la conscience (1) et se manifeste par des références religieuses (2).

      

322

THOURET, Assemblée nationale constituante, Madival et Laurent, séance du 11 janvier 1791, Tome 22, p. 132.

323

Ibid. p 132

324

THOURET, Assemblée nationale constituante, Madival et Laurent, séance du 28 déc. 1790, Tome 21, p. 691.

325

DUPORT, Assemblée nationale constituante, débats archives parlementaires, Madival et Laurent, 29 mars 1790, Tome 12, p. 421.

326

REY, Assemblée nationale onstituante, Madival et Laurent, séance du 28 déc. 1790, Tome 21, p. 690.

327

DUPORT, Assemblée nationale constituante, débats archives parlementaires, Madival et Laurent, 29 mars 1790, Tome 12, p. 436. « Cette institution sainte des jurés peut seule bannir du cœur d’un citoyen la crainte et la

nombreuses escortes de vices, et lui donner cette confiance, principes de toutes les affections généreuses, en lui assurant sa vie sa fortune son honneur »

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