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La prééminence du système de la preuve morale dans la recherche de la vérité

Section 2 : L’oralité du procès

B. La prééminence du système de la preuve morale dans la recherche de la vérité

prééminence du système de la preuve morale dans la recherche de la vérité (B).

B. La prééminence du système de la preuve morale dans la recherche de la vérité  

103. Duport résume le débat sur le choix du système de preuve ainsi « déterminer d’avance quelles seront les preuves à l’aide desquelles on connaitra la vérité ; astreindre les juges à décider sur ces preuves et les prendre pour constantes, quelle que soit leur conviction, ou bien rassembler devant les juges tous les moyens de connaitre la vérité, et s’en rapporter à leur opinion et leur intime conviction203 ».

104. Pour Mr Thouret le point décisif est de savoir « dans lequel deux procédés se trouve réellement, et abstraction faite de tout préjugé d’habitude, le plus haut degré de probabilité, et le plus solide fondement de la conviction humaine ; car voilà tout ce que la justice des hommes doit exiger et tout ce qu’elle peut obtenir204 »

1. Avantages du système de la preuve morale  

105. Pour les députés Duport et Thouret le système des preuves légales est un système « absurde »205 . La loi ne peut pas déterminer à l’avance des règles infaillibles de conviction pouvant s’adapter à tous les faits. Ce système conduit à imposer une solution mathématique sur la culpabilité qui ne correspond pas à la réalité. La conséquence de ce système est qu’un accusé coupable contre lequel il n’existe pas les preuves déterminées par la loi pourra échapper à la répression alors qu’innocent contre lequel il existe les preuves déterminées par la loi pourra être condamné, le bien fondé de celle-ci n’étant pas discutées. La conviction légale a été « la source constante des assassinats judiciaires206 ». La conviction « réelle et

      

203

DUPORT, Assemblée nationale constituante, Madival et Laurent, séance du 4 janv. 1791, Tome 22, p. 11.

204

THOURET, Assemblée nationale constituante, Madival et Laurent, séance du 28 déc. 1790, Tome 21, p. 691.

205

DUPORT, Assemblée nationale constituante, Madival et Laurent, séance du 4 janv. 1791, Tome 22, p. 11. THOURET, Assemblée nationale constituante, Madival et Laurent, séance du 28 déc. 1790, Tome 21, p. 691.

206

libre207 » des jurés permet d’atteindre de façon plus sure la vérité que la conviction « forcée et artificielle.208 ». L’intime conviction « garde le juré dans la route de la vérité ». « La conviction intime du citoyen porte un caractère plus naturel, plus sage que la science de juger sur preuve écrite.209» Pour les partisans du projet de loi « la preuve n’existe que dans l’assentiment que la conscience est essentiellement libre, qu’elle ne peut être commandée ni par le nombre des témoins, ni par leur unanimité apparente210 ». C’est le jugement selon l’intime conviction qui « garde mieux le juré dans la route de la vérité que toutes les combinaisons métaphysiques et les efforts de l’esprit211 ».

2. Avantages du système de preuves légales  

106. Selon les défenseurs du système des preuves légales, l’Ordonnance de 1670, réformée, est la procédure la plus juste qui puisse être mise en place. « J’interroge tous ceux qui connaissent les principes de la législation criminelle : je leur demande si l’ordonnance de 1670, qui règle les formalités d’accusations, des plaintes, ne présente pas, à quelques réformes près, un ensemble de vues, une unité de principes, capables de rassurer la société toute entière pour la protection de l’innocence et la découverte des crimes ; et ces réformes que cette ordonnance exigeait pour être perfectionnée vous les avez opérées 212». La prohibition de la torture, la publicité des débats, le droit pour l’accusé à un conseil ainsi que l’institution des jurés ont remédié aux maux de l’Ordonnance de 1670. Le système de la preuve morale proposée par le comité de constitution est « un système métaphysique 213» qui va donner « un brevet d’impunité à tous les malveillants du royaume214 ». Selon Mougins, Duport a « tout vu en philosophe, et presque rien en magistrat215 ».

Le député Rey appuie l’opinion de Mougins. L’ancien système de procédure était meilleur garant des droits de l’accusé que celui proposé par le comité de constitution. Dans le

      

207

THOURET, Assemblée nationale constituante, Madival et Laurent, séance du 28 déc. 1790, Tome 21, p. 691.

208

THOURET, Assemblée nationale constituante, Madival et Laurent, séance du 28 déc. 1790, Tome 21, p. 691.

209

BRIOIS-BEAUMEIZ, Assemblée nationale constituante, Madival et Laurent, séance du 5 janv. 1791, Tome 22, p. 27.

210

PÉTION, Assemblée nationale constituante, Madival et Laurent, Séance du 17 janv. 1791, Tome 22, p. 293.

211

PÉTION, Assemblée nationale constituante, Madival et Laurent, Séance du 17 janv. 1791, Tome 22, p. 293.

212

MOUGINS, Assemblée nationale constituante, Madival et Laurent, séance du 27 déc. 1790, tome 21, p. 682.

213 Idem. 214 Idem. 215 Idem.

système des preuves légales l’accusé avait le temps de se défendre, alors que le nouveau système n’accorde à la défense « qu’une seule séance de jurés216 », au cours de laquelle ils se forment leur opinion immédiatement. Sous l’ancien système les hommes de loi prenaient le temps de réfléchir sur le résultat des preuves avant de se décider. « L’accusé avait dans l’ancien système des procédures, le temps d’examiner les dépositions, de rassembler les preuves de la défense, de prouver la mauvaise foi des témoins, de les interpeller, de découvrir les contradictions qui pouvaient se trouver dans les témoignages. On vous propose de substituer à ses usages une procédure verbale devant des juges sans expérience, sans donner aux accusés le temps de réfléchir ni de repousser la calomnie217».

107. Le projet du comité de constitution attribuerait aux jurés un pouvoir d’appréciation des preuves sans bornes. « S’il ne faut plus de preuves légales pour déclarer un citoyen coupable, tout devient conjectural et c’est au tribunal des conjectures que se portent l’honneur et la vie des hommes 218». « Si les juges ne sont pas infaillibles la loi ne peut leur dire : choisissez les moyens que vous voudrez (...) Car alors la conviction des juges ignorants seraient substituée aux preuves 219». « Est-il rien de plus abondamment arbitraire que ce système odieux de la conviction intime des juges ?220 »

108. Pour les partisans du système de la preuve légale, des « dépositions empreintes dans l’air221 » ne peuvent constituer des preuves222. La preuve ne peut pas résider dans la perception incertaine et relative de chaque juré. Il faut disposer de la science juridique permettant d’évaluer « la distance qu’il y a de la probabilité à l’évidence 223», avoir appris à confronter les faits pour apprécier la valeur d’une preuve. Supprimer le système des preuves légales serait alors « priver l’accusé de la protection des lois224 ».

      

216

REY, Assemblée nationale onstituante, Madival et Laurent, séance du 28 déc. 1790, Tome 21, p. 690.

217

Idem.

218

PRUGNON, Assemblée nationale constituante, Madival et Laurent, Séance du 3 janv. 1791, Tome 22, p. 3.

219

ROBESPIERRE, Assemblée nationale constituante, Madival et Laurent, séance du 4. janv. 1791, Tome 22, p. 11.

220

Goupil De PRÉFEIN, Assemblée nationale constituante, Madival et Laurent, Séance du 4 janv. 1791, Tome 22, p. 13.

221

PRUGNON, Assemblée nationale constituante, Madival et Laurent, Séance du 3 janv. 1791, Tome 22, p. 3.

222

Idem. « Une déposition non écrite n‘est point une déposition, n’est pas une preuve légale et tout accusé

condamné sans cette preuve la, est condamné illégalement, c’est-à-dire juridiquement assassiné »

223

PRUGNON, Assemblée nationale constituante, Madival et Laurent, Séance du 3 janv. 1791, Tome 22, p. 3.

224

Goupil De PRÉFEIN, Assemblée nationale constituante, Madival et Laurent, Séance du 4 janv. 1791, Tome 22, p. 25.

3. Avantages d’un système mixte  

109. Le député Robespierre admet que les preuves légales sont insuffisantes et propose de « réunir et la confiance qui est due aux preuves légales et celle que mérite la conviction intime du juge 225».

Mr Goupil de Prefein se joint à l’opinion de Robespierre en se prononçant pour un système de preuve légale qui n’oblige pas le juge à condamner contre sa conscience. Ainsi l’accusé pourra être déclaré coupable seulement quand les preuves légales exigées par la loi seront réunies et correspondront à la conviction intime du juge226. Robespierre propose à l’assemblée d’adopter les articles suivants :

« Art 1er: les dépositions seront rédigées par écrit.

II. L’accusé pourra être déclaré convaincu toutes les fois que les preuves déterminées par la loi n’existeront pas.

III. L’accusé ne pourra être condamné sur les preuves légales, si elles sont contraires à la connaissance et la conviction intime des juges ».

110. Selon les rapporteurs du projet de loi de justice criminelle, l’oralité de la procédure est impérative pour consacrer un système de preuve morale dans lequel la valeur probante des éléments de charge est soumise à la libre appréciation des jurés mais aussi pour préserver l’intégrité de cette conviction morale (II)

II. Une garantie de l’intégrité de la conviction morale  

L’oralité garantit l’intégrité de la conviction morale en faisant des débats oraux son seul fondement (A) et en protégeant la liberté de conviction des jurés (B)

      

225

ROBESPIERRE, Assemblée nationale constituante, Madival et Laurent, séance du 4. janv. 1791, Tome 22, p. 11.

226

Idem. « Donner tout à la conviction des juges sans le secours des preuves légales, c’est créer l’arbitraire et

le despotisme ; accorder une confiance sans bornes aux preuves légales, lors même qu’elles sont contraires à la conviction des juges, c’est tolérer l’assassinat judiciaire »

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