• Aucun résultat trouvé

Rôle de la médecine légale dans le procès pénal

Conclusion du Titre I

Section 2 : Science et preuve de culpabilité

A. Rôle de la médecine légale dans le procès pénal

186. La médecine légale peut être définie comme « l’art d’appliquer les connaissances que nous fournissent les sciences physiques et médicales à la confection de certaines lois, à la connaissance et à l’interprétation de tous les faits médicaux en matière judiciaire 441 ». L’intervention du médecin dans l’enquête criminelle est ancienne. Le digeste confiait déjà la constatation des blessures et de la démence à un médecin. Au XVIème siècle Ambroise Paré fonde les bases de la médecine légale442. Cependant, c’est au XIXème siècle que la médecine légale commence à jouer dans le procès pénal « un rôle de premier plan443 ». L’intervention de la médecine légale se fait par l’intermédiaire des experts auxquels le magistrat confie la mission de constater un point de fait ou de se prononcer sur une question relevant de la médecine444. Le médecin expert contribue à l’administration de la preuve de la matérialité de l’infraction (1) ainsi que de la preuve de l’imputabilité de l’infraction en se prononçant sur la responsabilité pénale de l’accusé (2).

      

440

E. LOCARD, L'enquête criminelle et les méthodes scientifiques, Paris, Ernest Flammarion, 1920, p. 18.

441

A. DEVERGIE, Médecine légale théorique et pratique, 3 éd., Paris, Germer Baillière, Tome 1, 1852, p. VI.

442

E. LOCARD, L'enquête criminelle et les méthodes scientifiques, Paris, Ernest Flammarion, 1920, p. 22.

443

Idem.

444

1. Preuve de la matérialité de l’infraction

187. En cas de mort violente il appartient au médecin légiste de procéder à la levée de corps445 afin de déterminer si la mort est d’origine naturelle, accidentelle ou criminelle. Dans l’hypothèse d’une mort d’origine criminelle l’expert est amené à pratiquer une autopsie, sur demande du magistrat, afin d’identifier précisément la cause de la mort : empoisonnement446, asphyxie447, coups et blessures448.

188. Les progrès de la médecine et de la chimie permettent aux médecins experts de mettre en évidence les effets sur l’organisme de chaque poison et de démontrer au moyen d’expériences chimiques l’existence du poison. Les questions auxquelles les médecins experts sont amenés à répondre afin d’éclairer la justice sont les suivantes : « La mort doit-elle être attribuée à l’administration d’une substance vénéneuse ? Quelle est la substance vénéneuse qui a produit la mort ?449 »

Les progrès de la médecine sont également sensible dans le diagnostic de la mort par asphyxie et la détermination des différents modes d’asphyxie ; suffocation, pendaison, strangulation, submersion. Les recherches de Tardieu ont permis de mettre en avant les signes de l’asphyxie, en particulier l’existence de tâches qui portent désormais le nom de ce médecin légiste. Les tâches de Tardieu sont « de petites ecchymoses, punctiformes, grosses comme une tête d’épingle ou une lentille. Elles sont, en nombre variable, sous la plèvre, d’une couleur rouge vif ou sombre450 ». Les questions auxquelles les experts sont confrontés dans le cadre d’une mort par asphyxie sont diverses.

Par exemple, dans le cas d’une pendaison les médecins experts sont souvent amenés à déterminer s’il s’agit d’un suicide ou d’un homicide. En effet, dans certaines affaires la

      

445

Ibid. p. 324 « La levée de corps est l’opération qui consiste à examiner un cadavre à l’effet de déclarer si la

mort est le résultat d’un suicide, d’un accident ou d’un crime et de permettre ainsi de l’enlever par l’autorité publique »

446

Ibid. p. 653 « Certaines substances minérales ou organiques délétères, introduites dans l’organisme,

déterminent un état morbide spécial auquel on donne le nom d’empoisonnement ».

447

Ibid. p. 490. « L’asphyxie au point de vue médico-légal est un état de mort apparente ou réelle, consécutif aux

obstacles, soit des échanges gazeux dans les poumons, soit de la ventilation de ces organes.

Ces conditions se produisent par modification dans la quantité des gaz nécessaires à la respiration, par empêchement à la pénétration de l’air jusqu’aux alvéoles pulmonaires, par altération dans la composition des globules sanguins »

448

Ibid. p. 372. « Lésions traumatiques produites par des causes extérieures, physiques ou chimiques, en un

endroit quelconque du corps ».

449

A. LACASSAGNE, Précis de médecine légale, Paris, Masson & Cie Editeurs, 1906, p. 673.

450

victime assassinée par un procédé quelconque est pendue afin de faire croire à un suicide451. Afin de déterminer la cause de la mort le médecin expert étudie la direction du sillon laissé sur le cou du mort. Le sillon de la strangulation est perpendiculaire à l’axe du cou tandis que le sillon de la pendaison est oblique452. Le médecin étudie également les lésions du cou et du rachis, plus superficielles dans le suicide que dans la strangulation453.

S’agissant des coups et blessures le médecin expert est amené à déterminer la cause de la blessure. Les experts font la distinction entre les blessures causées par un instrument contondant, un instrument piquant ou un instrument tranchant. L’instrument contondant est rond, obtus, non tranchant et cause des contusions ou ecchymoses. Les poings, les pieds sont des armes naturelles contondantes454. L’instrument piquant, tel qu’une épée occasionne une plaie étroite pouvant être profonde455. L’instrument tranchant tel qu’un couteau cause une plaie plus longue que large, à bords nets et à angles aigus456.

Les experts sont également réquisitionnés afin d’examiner les victimes de viol afin de relever les traces éventuelles traces de violences pouvant attester du viol457.

Enfin, les experts peuvent intervenir afin de déterminer la nature de taches retrouvées sur les lieux du crime ou sur la victime. La maitrise de la chimie leur permet de réaliser des expériences prouvant la présence de sang ou de sperme458.

2. La preuve de l’imputabilité morale de l’infraction

189. En raison de l’art. 64 du code pénal459 prévoyant l’irresponsabilité pénale de l’accusé ayant agi sous l’empire d’un trouble psychique, les médecins experts indiquent au magistrat requérant dans quelle mesure l’accusé était responsable au moment du crime de l’acte qui lui est reproché. Ils se prononcent sur les deux questions suivantes « 1° Dire si l'inculpé était en état de démence au moment de l'acte, dans le sens de l'article 64 C. Pén. 2° Si l'examen

       451 Ibid. p. 544 452 Ibid. p. 542. 453 Idem. 454 Ibid. p. 379. 455 Ibid. p. 392. 456 Ibid. p. 395. 457 Ibid. p. 767. 458 Ibid. p. 341. 459

Art. 64 du code pénal de 1810 « Il n’y a crime ni délit lorsque le prévenu était en état de démence au temps

de l’action, ou lorsqu’il a été contraint par une force à laquelle il n’a pu résister » DALLOZ, Code d'instruction criminelle et code pénal annotés d'après la doctrine et le jurisprudence, Librairie Dalloz, 1913, p. 340.

psychiatrique et biologique ne révèle point chez lui des anomalies mentales ou psychiques de nature à atténuer dans une certaine mesure sa responsabilité460 ».

190. Le diagnostic de la responsabilité ou de l’irresponsabilité pénale s’établit d’après un entretien avec l’accusé basé sur l’examen de la parole de l’accusé, de ses écrits, ainsi que de ses traits physiques. Cet entretien doit lui permettre de juger de l’état mental et physique de l’accusé461.

Le médecin expert engage une conversation banale lui permettant d’étudier les capacités intellectuelles de l’accusé telles que la mémoire, l’attention462.

Afin de juger de la faiblesse de l’intelligence il fait faire à l’accusé un exercice de la table de multiplication463. La conversation est également l’occasion pour le médecin de tester les sentiments d’orgueil, d’ambition, de vanité de l’accusé464. Le médecin cherche par ailleurs à déceler les idées de persécution et les hallucinations. Pour cela le médecin demande à l’accusé si « on lui veut du mal, s’il entend des ennemis 465».

Après l’examen de la parole, le médecin expert examine les écrits de l’accusé. Les caractères physiques de l’écriture pourraient révéler l’aliénation. L’écriture d’un aliéné est « heurtée, les traits ont parfois l’air d’avoir été écrits rapidement, puis tout à coup doucement ; les lettres sont mal formées 466». Les phrases peuvent également être incomplètes ou contenir des mots incompréhensibles.

Enfin le médecin observe si l’accusé présente les caractères physiques de l’aliénation « l’attitude est particulière, de même la physionomie, avec l’étrangeté spéciale des yeux et du regard. Les traits sont contractés et les rides souvent précoces ; il y a souvent asymétrie ou défaut d’expression entre le haut et le bas de la face, la moitié droite et la moitié gauche du visage. En général les aliénés sont laids (…) Il y a des mouvements exagérés dans la conversation(…) 467».

191. Avec le progrès de la science, les techniques de la police technique et scientifique se développent, amenant celle-ci à jouer un rôle considérable dans le procès pénal ( B)

      

460

L. MALLARD, Traité complet de l'expertise judiciaire : guide théorique et pratique à l'usage des experts,

arbitres-rapporteurs, magistrats, officiers ministériels et conseils en matière civile, commerciale, administrative et criminelle., 3 éd., Paris, Marchal et Godde, 1911, p. 275.

461

A. LACASSAGNE, Précis de médecine légale, Paris, Masson & Cie Editeurs, 1906, p. 234.

462 Ibid. p. 235 463 Idem. 464 Idem. 465 Idem. 466 Idem. 467 Ibid. p. 235-236

Documents relatifs