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La théorie du criminel né

Conclusion du Titre I

Section 1 : Science et preuve de dangerosité

A. La théorie du criminel né

164. Dans son ouvrage Lombroso met en évidence « l’existence d’un type humain voué au crime par son organisation même 362», d’un criminel né. Lombroso explique cette criminalité organique par l’origine atavistique du crime (1) avant d’entamer la description des caractéristiques du criminel né du point de vue physique et moral (2).

1. L’origine atavistique du crime

165. Selon Lombroso le crime ne peut s’expliquer que par un retour vers l’état sauvage de nos premiers ancêtres. Les criminels seraient de « véritables sauvages au milieu de la brillante civilisation européenne363 ». Le criminel reproduirait des tendances ataviques dues aux conditions organiques du cerveau. Lombroso fait la démonstration de sa thèse à travers l’étude du crime chez les animaux, le sauvage et l’enfant qui sont selon lui les formes primordiales du crime.

      

361

Congrès internationnal d'anthropologie criminelle, « Comptes rendus du VIe Congrès international d'anthropologie criminelle », Turin, 23 avril-3 mai 1906, Bocca Frères, 1908, p. XXXII.

362

Ch. LETOURNEAU, Préface du criminel né, 4 éd., Félix Alcan, 1887, p. IV.

363

La démonstration de l’origine atavistique du crime repose sur le postulat que la criminalité est naturelle. « Les actes les plus inique sont les plus naturels du monde tant ils sont répandus chez les espèces animales et même chez les plantes364 ».

166. Avant de s’attarder sur le crime dans le monde animal il aborde furtivement le règne végétal dans lequel on peut trouver « la première ébauche du crime365 ». Cette « première ébauche du crime » est l’œuvre des plantes carnivores repliant leurs tentacules sur leur « victime ».

Lombroso aborde longuement le règne animal dans lequel l’analogie avec le crime serait encore plus évidente. Selon Lombroso certains meurtres sont imposés par la concurrence vitale entre les espèces mais d’autres sont dictés par l’antipathie, la passion de la même manière que chez les hommes. Lombroso égraine de nombreux exemples366 de meurtres révélateur de la nature criminelle des animaux pour aboutir à la conclusion qu’il y a une continuité entre les actes criminels des animaux et les crimes commis par l’homme. Lombroso fait le parallèle entre la physionomie des espèces animales les plus féroces et celle des criminels : « les yeux sont injectés de sang comme chez les criminels 367»

167. S’agissant de nos premiers ancêtres, le crime aurait été universellement répandu chez eux. « Le crime chez les sauvages n’est plus une exception, mais la règle presque générale. Aussi n’est-il considéré par personne comme un crime et se confond-il dans ses origines avec les actions les moins criminelles368 ». Lombroso use de nombreux exemples de tribus commettant des avortements, des infanticides et des meurtres en raison de croyances rituelles ou religieuses. Dans certaines régions de l’Australie certaines tribus tuent leurs enfants afin de s’en servir comme appât et « leur graisse est employée pour les hameçons 369»

Avec la civilisation le crime tend à disparaitre « mais laisse des traces de son origine jusqu’ à notre époque370 ». Le fait que le crime continue à se produire même dans les races les plus cultivées ne peut s’expliquer que par l’atavisme.

      

364

C. LOMBROSO, Le crininel né, fou moral, épileptique: étude anthropologique et médico-légale , 4 éd., Félix Alcan, 1887, p. 2.

365

Ibid. p. 3.

366

Ibid. p 6. Les femelles ouistiti « mangent parfois la tête de leurs petits » ou « les écrasent contre un arbre » réalisant ainsi un infanticide tandis que les souris se dévorant entre elles offrent un exemple de cannibalisme.

367 Ibid. p. 27. 368 Ibid. p. 103. 369 Ibid. p. 42. 370 Ibid. p. 129.

168. Enfin, Lombroso trouve une autre preuve de l’origine atavistique du crime dans l’étude du caractère de l’enfant. « Les germes de la folie morale et du crime, se rencontrent non par exception, mais d’une façon normale, dans les premières années de l’homme, comme dans l’embryon se rencontrent certaines formes qui dans un adulte sont des monstruosités, si bien que l’enfant représenterait un homme privé du sens moral, ce que les aliénistes appelle un fou moral et nous un criminel né371 ».

Selon Lombroso le germe du crime se rencontre donc également chez l’enfant. Les enfants possèdent les même anomalies morales que les criminels-nés ; ils sont coléreux, jaloux, vindicatifs, menteurs, voleurs, égoïstes, cruels, dépourvus d’affection372, oisifs, paresseux373, vaniteux et parlent une « espèce d’argot374 » entre eux. L’éducation des enfants permet ce que Lombroso appelle « la métamorphose normale 375» c’est-à-dire la disparition des anomalies morales des enfants ; exceptés chez les criminels-nés.

Selon Lombroso le retard dans l’évolution se manifeste chez le criminel par des stigmates physiques et moraux (2)

2. Les anomalies physiques et morales du criminel-né

169. Lombroso décrit les anomalies physiques qu’il a découvertes chez les criminels d’après les études anthropométriques qu’il a réalisées sur des criminels. Ainsi selon Lombroso on retrouve chez les criminels une supériorité de la taille et du poids, une supériorité de l’amplitude thoracique, une infériorité de la capacité crânienne, ainsi qu’une supériorité de la longueur de la face. Les déformations crâniennes telles que des sinus frontaux énormes, le front bas, étroit ou fuyant sont fréquentes chez les criminels.

      

371

C. LOMBROSO, Le crininel né, fou moral, épileptique: étude anthropologique et médico-légale , 4 éd., Félix Alcan, 1887, p. 99.

372

Ibid. p 109 « Ils sont attachés à vous par les dons que vous leur avez faits et par l’espoir d’en recevoir de

nouveaux ; rien de plus ».

373

Ibid. p. 99. « Un autre trait de ressemblance entre l’enfant et le criminel-né est une certaine paresse d’esprit

qui n’exclut pas l’activité pour les plaisirs et les jeux ».

374

Ibid. p. 111.

375

L’étude des criminels que Lombroso a rencontrés en maison de détention lui permet d’affirmer qu’il existe « une physionomie toute particulière et presque spéciale à chaque forme de criminalité376 ».

Lombroso expose une série de portraits type de criminels regroupant l’ensemble des caractères distinctifs des criminels selon la catégorie de crime commis. Ces visages types sont établis d’après les moyennes des traits physionomiques singuliers qu’il a observés.

Le violeur aurait « l’œil saillant, la physionomie délicate, les lèvres et les paupières volumineuses. La plupart sont grêles, blonds, rachitiques et parfois bossus377 ».

Le meurtrier et le voleur avec effraction sont décrits comme ayant « les cheveux crépus, le crane déformé, de puissantes mâchoires, des zygomes énormes, de fréquents tatouages378 » et étant « couverts de cicatrices dans la tête et dans le tronc379 ».

Enfin, « les homicides habituels ont le regard vitreux, froid, immobile, quelquefois sanguinaire et injecté, le nez souvent aquilin, ou mieux crochu comme celui des oiseaux de proie, toujours volumineux, les mâchoires sont robustes, les oreilles longues, les pommettes larges, les cheveux crépus abondants et foncés. Assez souvent la barbe est rare, les dents canines très développées, les lèvres fines. Souvent il y a nystagme et des contractions du visage, qui montrent la saillie des dents canines comme un signe de menace 380».

170. Lombroso s’arrête plus brièvement sur la femme criminelle afin de faire l’état de ses anomalies et d’en dresser le portrait. La femme criminelle aurait quant à elle souvent « le crane difforme, une asymétrie de la face, des oreilles en anses ou anormales381 », « un développement important de la mâchoire, l’œil sinistre, les pommettes saillantes, une physionomie virile, une chevelure abondante et la lèvre mince382 ».

Dans son ouvrage postérieur datant de 1896 consacré aux femmes et aux prostituées Lombroso décrit la femme non criminelle avec des caractères physiques semblables aux criminels-nés notamment l’infériorité du crâne383. En effet, selon Lombroso la femme, qui

      

376

C. LOMBROSO, Le crininel né, fou moral, épileptique: étude anthropologique et médico-légale , 4 éd., Félix Alcan, 1887, p. 225. 377 Idem 378 Idem 379 Idem 380 Ibid. p. 226. 381 Ibid. p. 239. 382 Idem. 383

aurait évolué moins vite que l’homme, disposerait de caractères physiques semblables aux sauvages et donc aux criminels384.

171. Enfin, le plus grand dénominateur commun des criminels serait leur particulière laideur. Cette laideur des criminels serait connue depuis longtemps. Lombroso cite MM. Valesio et Loyseau selon lesquels un édit du moyen âge prescrirait, « dans le cas ou deux individus seraient soupçonnés d’appliquer la torture au plus laid des deux385 ».

Garofalo insiste également sur ce trait distinctif des criminels ; « Que l’anomalie soit moindre, cela ne veut pas dire qu’elle soit tout à fait imperceptible. L’expression méchante, ou cette mauvaise mine indéfinissable qu’on est convenu d’appeler patibulaire est très fréquente dans les prisons. Il est rare d’y trouver quelques traits réguliers, à l’expression douce ; la laideur extrême, la laideur repoussante, qui n’est pourtant pas encore une vraie difformité, est très commune dans ces établissements386 ». Garofalo racontant sa visite d’une prison pour femmes conclut ainsi : On conviendra qu’une pareille proportion de femmes laides n’existe dans aucune race, ni dans aucun autre milieu 387».

172. La connaissance de la physionomie du criminel serait instinctive. La vue d’une personne portant les caractères criminels suscite chez certaines personnes effroi et inquiétude. Il existe une « conscience involontaire mais universelle d’une physionomie spéciale aux criminels388 » permettant de reconnaitre un criminel.

173. Du point de vue moral, Lombroso dépeint un criminel monstrueux. Le criminel-né est dépourvu de sensibilité générale, ce que prouve son appétence pour les tatouages389. Il est paresseux, débauché, imprévoyant, cruel et fier de ses exploits morbides. Les criminels utilisent l’argot, qui est une langue de sauvage390.

 

      

384

Idem.

385

C. LOMBROSO, Le crininel né, fou moral, épileptique: étude anthropologique et médico-légale , 4 éd., Félix Alcan, 1887, p. XVII. 386 Ibid. p. 84. 387 Idem. 388 Ibid. p. 247. 389 Ibid. p. 290. 390 Ibid. p. 476.

Néanmoins, la théorie développée par Lombroso va susciter les critiques de nombreux auteurs (B)

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