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Chapitre III : Deux régions métropolitaines pour appliquer un raisonnement

Encadré 1: Applications, critères de cho

III.3 PACA : une région en demande de transport

III.3.2 Une région métropolitaine mais deux entités distinctes

Si le Nord-Pas-de-Calais correspond plutôt bien à un large espace polarisé par Lille dans une dynamique centre - périphérie, PACA est comme nous l‟avons vu un ensemble hétérogène composé de plusieurs éléments de taille et de forme différentes. Si l‟on y ajoute les dimensions (PACA est 2,5 fois plus vaste que le Nord-Pas-de-Calais) et les fortes contraintes naturelles, on comprendra que l‟application d‟un modèle général est plus délicate qu‟en Nord-Pas-de-Calais.

La région PACA est donc plutôt une combinaison de différents modèles correspondant à différents espaces.

Les fortes contraintes vont faire émerger des structures de type anisotropiques (Dauphiné 1979). Ainsi, deux axes forts dessinent la construction du territoire régional : le littoral maralpin et la vallée du Rhône.

Si le premier délimite la métropole azuréenne, le second joint la métropole provençale dans sa partie littorale, correspondant plus ou moins au département des Bouches-du-Rhône, et les espaces urbains jusqu‟à l‟agglomération avignonnaise (37e

aire urbaine française avec 212 000 habitants, INSEE 1999). Réciproquement, les espaces montagneux définissent de larges espaces à dominante rurale. Dans l‟arrière-pays, Gap, Sisteron et Digne dominent ces zones. Sur le littoral, l‟Esterel borde l‟agglomération Fréjus-Saint-Raphaël. Enfin, le site géostratégique, en particulier à des fins militaires, de la rade de Toulon accueille la 12e aire urbaine française et ses 478 000 habitants (INSEE 1999).

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Ainsi, si le Nord-Pas-de-Calais se caractérise par un relief neutre et un schéma d‟organisation exemplaire, au contraire PACA est fortement contraint par les caractéristiques physiques et il en résulte une grande hétérogénéité.

A l‟instar du travail effectué sur l‟aire métropolitaine de Lille, nous avons voulu caractériser la morphologie des hiérarchies urbaines des deux ensembles métropolitains de la région PACA. L‟étude des semis de points donne ainsi corps à deux formes de métropolisation bien différentes (voir figure III-10 pour les modalités de construction des schémas). Notons bien que comme pour la figure III-10, l‟ensemble de la région n‟est pas représentée et qu‟on s‟intéresse uniquement aux aires métropolitaines.

Alexis Conesa 2009

Figure III- 15 : Schema simplifié des semis urbains pour les espaces métropolitains Marseille-Aix et Côte d'Azur

Comme le suggère la figure III-15, La métropole azuréenne s‟apparente à un chapelet de villes le long de la côte. Mais on peut aussi identifier une organisation polarisée autour de Nice vers l‟arrière-pays proche. Pour la métropole provençale, on peut évoquer une organisation bipolaire dans laquelle Marseille et Aix organisent un espace proche, entourés de satellites. De surcroît et avec un peu plus d‟effort d‟abstraction, deux structures se dessinent : l‟axe littoral et les bords de l‟Etang de Berre.

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Ces organisations compliquées dressent un tableau beaucoup moins explicite qu‟en Nord-Pas-de-Calais. Les implications sur les problématiques de transport sont donc plus complexes.

Pour la métropole azuréenne, la forte organisation anisotropique implique bien entendu un réseau en colonne vertébrale est - ouest avec des raccordements vers les polarités de l‟arrière- pays. La configuration des pôles urbains peut amener à une division en trois sous-ensembles : Grasse-Cannes-Antibes, Nice et Monaco-Menton. Cependant le choix de représentation claire des communes masque dans ce cas la réalité physique, c‟est-à-dire la continuité du bâti qui efface les frontières communales et relativise la division en trois sous-ensembles.

En ce qui concerne la métropole provençale, on peut identifier une relation entre Aix et Marseille. En second lieu, un axe potentiel de relation peut se dessiner à partir de Marseille et vers l‟Est, vers La Ciotat puis Toulon. Un troisième niveau d‟organisation va définir un gradient à partir du cœur Aix-Marseille et vers l‟Ouest avec en première auréole la côte Est de l‟Etang de Berre (Vitrolles et Marignane), puis une deuxième auréole la côte Ouest du même étang (Istres, Martigues, Salon-de-Provence) et enfin Arles qui paraît en position très périphérique.

Outre l‟analyse simple des configurations des semis de points, l‟étude de la localisation des fonctions territoriales permet de préciser les potentiels de fonctionnement territorial des régions métropolitaines.

Contrairement à la région Nord-Pas-de-Calais, le passé de la région PACA n‟est pas marqué par l‟exploitation industrielle. L‟espace azuréen a longtemps fondé son économie sur la villégiature depuis le XVIIe siècle, puis le tourisme de masse depuis les années 1960. Depuis peu, la diversification vers une économie tertiarisée, avec en particulier les implantations de grandes firmes high-tech, ont donné une base plus solide à l‟économie azuréenne.

Il faut de plus noter que Marseille a développé une activité industrialo-portuaire qui a violemment subi la crise de la désindustrialisation.

Pour résumer, la région PACA possède un avantage économique sur le Nord-Pas-de-Calais en raison de son profil plus complet. Ainsi, le niveau de vie est généralement beaucoup plus élevé. Notons que cela s‟accompagne de données sociologiques : la population est en moyenne beaucoup plus âgée et les activités libérales et supérieures sont surreprésentées. Ces fortes différences ne doivent pas masquer le fait qu‟en région PACA les disparités sont fortes (le degré de dispersion des revenus est le plus fort en France, INSEE 2000, SRADT PACA 2006) et que dans les zones les plus denses les précarités sont réelles (SRADT PACA 2006).

Ainsi, le chômage reste un problème prépondérant dans l‟espace régional même si la situation n‟est pas homogène. Les espaces les plus durement touchés sont situés en grande partie dans l‟Ouestde la région : Avignon, Arles et l‟ouest du bassin rhodanien avec Berre, Fos et Salon- de-Provence.

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Il faut ajouter à cette zone les agglomérations varoises (Toulon, Draguignan, Fréjus et Brignoles) pour définir les espaces les plus précarisés.

La partie Est du bassin rhodanien (Marseille, Aubagne) est aussi touchée par le chômage mais en même temps elle reste le pôle économique principal de la région (DTA Bouches-du-Rhône 2005).

Le pôle secondaire est la Côte d‟Azur, tandis que les espaces alpins sont caractérisés par une faible production et une faible densité économique, malgré l‟axe de développement durancien (SRADT PACA 2006). Notons que dans la région PACA les problèmes environnementaux se posent avec beaucoup d‟acuité étant données la richesse paysagère et naturelle et l‟importance de cet environnement naturel sur l‟attractivité et donc l‟économie de la région. Ces enjeux environnementaux concernent aussi bien le littoral saturé (70% de la population sur 25 km de large) que l‟arrière-pays alpin sensible (SRADT PAC 2006).

Ainsi, la grande dichotomie de la région PACA n‟est pas comme pour le Nord-Pas-de-Calais une différenciation qualitative entre deux régions urbaines mais entre des espaces urbains et des espaces ruraux.

Le fonctionnement du territoire régional de PACA est ainsi davantage ordonné par les grandes différences de densités entre les sous-espaces que par la localisation des pôles.

En effet, l‟arrière et le moyen-pays sont les espaces les plus attractifs de la région en interne et ceux présentant les plus grands enjeux environnementaux et un fort potentiel touristique. De plus, la vallée de la Durance représente un axe de développement autour de l‟hydro- électricité, des « districts » économiques « senteur et saveur » et surtout du pôle de haute technologie de Cadarache (notamment le projet ITER).

Cependant, les centralités métropolitaines sont très fortement concentrées sur les espaces côtiers.

Le littoral comprend ainsi le grand pôle industriel de Marseille et de l‟étang de Berre, spécialisé dans les activités industrialo-portuaires et l‟industrie de pointe. Marseille concentre aussi les fonctions administratives régionales.

La métropole azuréenne est caractérisée par le tourisme et les activités de service (Nice), mais aussi l‟industrie de pointe (Texas Instrument à Villeneuve-Loubet, Thomson à Cagnes-sur- Mer), l‟aérospatiale (Alcatel à Cannes) et l‟accueil scientifique (Monaco).

Les fonctions stratégiques et navales fleurissent à Toulon alors que le littoral varois est plus naturel et dédié au tourisme. Notons tout de même la position de Draguignan, ancienne préfecture du Var et dont la polarisation sur son espace littoral reste prégnant (SRADT PACA 2006).

Enfin, l‟espace rhodanien regroupe des pôles de communication et de pétrochimie (Avignon, Salon-de-Provence) et des espaces agricoles et naturels de haute valeur paysagère en Camargue notamment.(SRADT PACA 2006)

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Ainsi, le fonctionnement du territoire régional de PACA passe par la mise en relation des centralités littorales de Marseille-Aix, Toulon et Nice-Côte d‟ Azur. L‟intégration de l‟espace rhodanien à cette dynamique littorale est aussi certainement un enjeu de structuration territoriale. Néanmoins les espaces de faibles densités, à savoir la montagne et à un degré moindre l‟axe durancien et le littoral varois, ne peuvent être complètement mis à l‟écart de cette dynamique.

Sans aborder l‟état des transports proprement dits, ce rapide tour d‟horizon des structures spatiales dans la région PACA présente des contraintes plus fortes qu‟en Nord-Pas-de-Calais. Si les dimensions et le relief jouent un rôle important sur les relations potentielles, la disposition des polarités dessine un schéma moins clair. Les centralités sont plurales et les positions entre les périphéries éloignées (l‟espace montagnard) et les espaces intermédiaires (le littoral varois) sont plus finement différenciées.

Dernière étape de cette description régionale, l‟examen de l‟organisation institutionnelle est aussi riche d‟enseignements.

Figure III- 16 : Les intercommunalités en PACA (SRADT PACA 2006)

Outre le découpage administratif formel en six départements, la coopération intercommunale se développe progressivement dans PACA.

Les deux principales agglomérations métropolitaines sont gérées par deux communautés urbaines, la Communauté Urbaine Marseille-Provence-Métropole (MPM) et la Communauté Urbaine Nice-Côte d‟Azur (CUNCA).

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Les autres polarités urbaines correspondent assez bien à des communautés d‟agglomérations alors que les communautés de communes couvrent les territoires ruraux alpins.

Deux traits structurants caractérisent l‟intercommunalité en PACA.

Le premier est la faiblesse de ces dynamiques intercommunales. En effet, si le Nord-Pas-de-Calais est intégralement recouvert de ces structures de gouvernance, des vides importants subsistent ici. Gap et surtout Cannes ne faisaient en 2005 partie d‟aucune intercommunalité. Cette situation est le résultat d‟un retard important de la région en ce domaine. Ainsi, les dynamiques intercommunales sont récentes et la coopération encore fragile. L‟histoire de la région en général, et en particulier concernant la Côte d‟Azur la réussite touristique, ont en effet longtemps été marquées par des stratégies concurrentielles entre les polarités urbaines, la coopération étant une politique beaucoup plus récente.

Le second trait structurant est une conséquence directe de ce retard. La compartimentation institutionnelle est ainsi handicapante : par exemple la métropole azuréenne comprend la CARF (Communauté d‟Agglomération Riviera Française) autour de Menton, la CASA (Communauté d‟Agglomération de Sophia Antipolis) autour d‟Antibes et la CAPAP (Communauté d‟Agglomération Pôle d‟Azur Provence) autour de Grasse. La métropole provençale connaît la même fragmentation puisqu‟Aix, Aubagne, Martigues, Salon-de- Provence ont leurs propres intercommunalités, auxquelles il faut ajouter le Syndicat d‟Agglomération Nouvelle Nord-Ouest de l‟Etang de Berre (SANNOEB) incluant Istres. Les structures de gouvernance locale ne sont donc pas en phase avec les espaces fonctionnels et elles sont encore trop jeunes pour réellement structurer le territoire. Il faut nuancer ce constat par la vitalité des projets de territoires. Ainsi, les pays et les agglomérations se regroupent « non plus pour exercer des compétences communautaires, mais pour définir et

mettre en œuvre des chartes de développement définies avec la participation des responsables du développement local rassemblés au sein d’un conseil de développement. » (SRADT PACA

2006 Cahier 3 page 19). Cet aménagement de projet, souple et informel, est très efficace dans les Pays, qui représentent les zones rurales des Hautes-Alpes et des Alpes de Haute-Provence. Cependant, en ce qui concerne les projets métropolitains, les partenariats publics/privés ne construisent que rarement des stratégies fortes de métropolisation comme c‟est le cas pour la métropole lilloise. À titre d‟exemple, l‟agAM (Agence d‟urbanisme de l‟Aire Marseillaise) a dirigé la rédaction d‟un projet d‟agglomération mêlant les trois principales intercommunalités (CPA, CU MPM et Communauté d‟Agglomération de Garlaban-Huveaune-Sainte-Baume (GHB)) en 2003 mais les concrétisations tangibles sont rares à ce jour. En effet le projet le plus abouti est l‟Opération d‟Intérêt National d‟EuroMéditerranée, et si celle-ci fut portée par différentes institutions, elle le fut davantage par un emboîtement d‟échelles que par une coopération transversale (seule la MPM fût partie prenante).

Pour finir, il faut signaler que l‟appel à coopération métropolitaine « Métropole Côte d‟Azur », incluant Monaco et Menton, ne concerne aucune institution italienne. La dynamique transfrontalière, contrairement au cas du Nord-Pas-de-Calais, n‟est donc pas véritablement engagée.

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L‟organisation institutionnelle de la région PACA reste plus rigide et moins coopérative que pour le Nord-Pas-de-Calais. Cela s‟ajoute aux contraintes géographiques pour dessiner une région de contrastes et de fragmentations. L‟organisation des systèmes de transport relève donc d‟enjeux encore plus élevés dans la région PACA que dans le Nord-Pas-de-Calais. La situation dans PACA peut se résumer aux points suivants :

- Deux espaces métropolitains qui dominent l‟espace régional malgré une grande

fragmentation institutionnelle ;

- Une centralité secondaire à mi-chemin entre les deux métropoles (Toulon) ;

- Des axes de développement et de coopération économique mais de faible poids (Vallée du Rhône et de la Durance) ;

- Des espaces périphériques (montagne) ou intermédiaires (Var) hétérogènes ;

- Une faiblesse des dynamiques institutionnelles qui limite fortement les coopérations avec les espaces transfrontaliers ligures.