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Chapitre III : Deux régions métropolitaines pour appliquer un raisonnement

III.1 La région métropolitaine comme échelle pertinente

III.1.2 Le choix de la région comme territoire de la métropolisation

La définition d‟un territoire d‟étude se heurte donc à des choix objectifs qui se résument en la définition d‟une échelle de pertinence du système étudié. Cette définition, dans un cadre opérationnel d‟aménagement du territoire doit en outre prendre en compte les deux aspects

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fondamentaux du territoire tel qu‟il est approprié par les sociétés humaines : l‟espace fonctionnel et l‟espace institutionnel.

Des fonctionnements régionaux

D‟un point de vue fonctionnel, les dynamiques métropolitaines semblent s‟insérer plus ou moins bien dans un carcan régional.

Le terme « regio » vient du latin « regere », qui signifie tracer une ligne ou une limite. Dans la Rome antique, la « regio » évoquait la délimitation d'une zone alors que la région française est un échelon administratif.

Le processus de métropolisation a reconfiguré les espaces fonctionnels. L‟ouverture des marchés locaux a fait émerger un nouvel espace économique, le niveau métropolitain, « considered to be the territorial scale at which international competition now frequently

takes place » (Sykes 2005b). Ce phénomène économique se heurte à la spatialité, qui dessine

les systèmes de niveaux métropolitains.

En effet, les aires urbaines de l‟INSEE furent un premier pas vers un essai d‟identification des territoires fonctionnels. Cependant, les évolutions récentes attestent d‟une obsolescence de la notion pour figurer les territoires de la métropolisation. Les aires urbaines entretiennent entre elles des relations fortes qui sont assimilées à une « mise en résonance » vers la constitution de « systèmes métropolitains » (FNAU 2006). De nombreux indicateurs attestent ainsi d‟espaces fonctionnels plus larges que les aires urbaines. La figure III-1 montre l‟illustration des migrations résidentielles. Si l'on fait l'hypothèse que ces migrations sont le fruit de l‟inscription de trajectoires de vie dans un espace, on voit que les aires urbaines appartiennent à un espace fonctionnel plus vaste qui s‟intègre de manière généralisée dans les limites des régions administratives.

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Les migrations domicile-travail, outil classique et reconnu de définitions des espaces fonctionnels, appliquées aux aires urbaines, donnent une idée plus précise des « aires métropolitaines » comme le montre la figure III-2.

Figure III- 2 : Les entités régionales comme contenants des déplacements domicile-travail (FNAU 2006)

On peut remarquer, hormis l‟établissement de plusieurs entités transfrontalières, que ce découpage métropolitain fait émerger tout au plus une dizaine d‟aires sur le territoire français. La figure III-3, carte des migrations domicile-lieu d‟études, structurant l‟espace fonctionnel des étudiants uniquement, se superpose quasiment sur les flux de la carte précédente.

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Figure III- 3 : Les déplacements domicile-études et leur inscription régionale (FNAU 2006)

Il en est quasiment de même pour les relations entre sièges d‟entreprise et établissements locaux comme le suggère la figure III-4.

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Figure III- 4 : Les relations sièges sociaux-établissements en France (FNAU 2006)

Tous ces indicateurs, significatifs d‟un fonctionnement socio-économique des systèmes territoriaux font ressortir l‟émergence, en France, de territoires cohérents, plus larges que les aires urbaines mais dépassant rarement les limites de leur région.

Cet espace fonctionnel doit être confronté aux espaces institutionnels qui représentent l‟appropriation politique des territoires.

Des jeux institutionnels

L‟idée d‟accentuer le pouvoir de gestion d‟entités inférieures aux territoires nationaux et supérieurs aux noyaux communaux (on parle d‟échelle « meso », Sykes 2005b) ne date pas de la décentralisation. Ainsi dans les pays à structure fédérale, une grande autonomie politique

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est laissée aux échelons méso qu‟il s‟agisse de Lander en Allemagne, de Cantons en Suisse ou des Regioni italiennes. En revanche, dans les États plus centralisateurs, comme la France, il a fallu attendre les années 1980 pour que ce mouvement s‟engage. Si la gestion des territoires locaux par des collectivités locales fût l‟objectif annoncé des processus de décentralisation administrative, l‟émergence du niveau régional en aménagement du territoire n‟est pas négligeable. L‟aménagement du territoire français est d‟ailleurs né du déséquilibre entre la région parisienne et les autres régions françaises, que l‟on a voulu réduire à partir des « Métropoles d’équilibres », villes devenues aires métropolitaines. La région s‟est depuis imposée comme échelon d‟application des politiques d‟aménagement du territoire, notamment avec le Schéma régional d‟aménagement et le CPER. La croissance démographique et économique, l‟extension spatiale et la multiplication des échanges ont rendu l‟échelle micro (l‟agglomération) trop étroite pour conceptualiser l‟ensemble des enjeux métropolitains. D‟autre part, le passage des relations pyramidales aux relations horizontales a remis en cause l‟autorité de l‟échelon national. L‟exemple des relations entre firmes (Bury 2001) peut montrer le manque de légitimité de l‟Etat dans ces problématiques nouvelles.

Alexis Conesa 2009

Figure III- 5 : Les changements de relations dans l’espace des firmes

La figure III-5 représente le passage des relations pyramidales de type Paris - Région - Département - Commune en noir, aux relations transversales interrégionales en rouge dans l‟espace des firmes.

En effet dans les années 1960 l‟espace économique français était unifié sous l‟égide parisienne, les fonctions économiques se calquant sur les échelons de la pyramide administrative. Désormais, l‟économie en réseaux permet aux firmes régionales de contacter directement les marchés internationaux sans passer par l‟intermédiaire parisien. Ce fonctionnement horizontal, profitable aux échanges interrégionaux plus qu'aux échanges régions - États, est extensible à l‟espace socio-économique et l‟espace de vie des sociétés. Ce fonctionnement métropolitain de l‟espace va profiter aux régions.

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Cependant, la composante institutionnelle et décisionnelle est absente de ces construits géographiques. L‟intercommunalité, censée répondre aux dynamiques métropolitaines, s‟est construite petit à petit et avec des fortunes diverses selon les cas. Portée par des valeurs de coopération autour d‟intérêts communs, l‟intercommunalité consiste en le partage de compétences au sein d‟une structure institutionnelle plus souple que les administrations traditionnelles.

Ainsi, les métropoles se sont dotées selon les cas de communautés de communes, communautés d‟agglomération ou communautés urbaines, englobant les grandes villes et les communes composant leur espace fonctionnel. Malgré ces efforts, l‟intercommunalité répond imparfaitement au fonctionnement métropolitain (Richer 2007). Cette gouvernance urbaine est donc déjà certainement, analogiquement aux aires urbaines, dépassée par les dynamiques récentes, et ne correspond pas aux territoires de la métropolisation. La « gouvernance

métropolitaine » est donc aujourd‟hui largement inopérante (Dolez et Paris 2004), et se

construit sur les bases des relations entre institutions, parmi lesquelles les intercommunalités tiennent un rôle majeur. Les espaces métropolitains sont ainsi davantage gérés par des coopérations ponctuelles, projectuelles, hétéroclites (unissant acteurs publics et privés) qui n‟ont d‟autres identités que celle de « machins » selon l‟expression de Daniel Béhar (Béhar 2006).

La politique de la DIACT, avec la création des réseaux de villes en 1989 puis des appels à coopération métropolitaine 15 ans plus tard, a contribué à la fédération des acteurs institutionnels autour de projets, d‟abord économiques puis plus largement territoriaux. Les « contrats métropolitains » entre les différents acteurs ont ainsi permis de porter des objectifs d‟enseignement, recherche, culture ou transport (FNAU 2006). Ainsi « des thématiques d’une

gouvernance élargie émergent autour de la cohérence des politiques publiques : Plans de déplacements urbains, inter-SCOT à l’échelle métropolitaine… » (FNAU 2006) dans un

mode d‟administration qui est qualifié d‟interterritorialité (FNAU 2006).

On peut remarquer des similitudes entre l‟exemple français et le cas du Royaume-Uni dans la politique du NGWS (« Northern Way Growth Strategy »), menées par les RDAs (« Regional

Development Agencies ») du nord de l‟Angleterre. Les objectifs sont aussi ceux d‟un

changement institutionnel vers l‟organisation à un niveau métropolitain de politiques communes (Parkinson, Hutchins, Simmie, Clark et Verdonk 2004). Le développement des partenariats est de plus de la même manière qu‟en France fondé sur une approche contractuelle, plus souple et donc plus apte à épouser les opportunités locales.

Les stratégies britanniques se dirigent en priorité vers des entités désignées par le terme de

City-Regions. En effet, huit espaces métropolitains de Grande-Bretagne sont sélectionnés pour

incarner la politique NGWS (Sykes 2005b). Ces city-regions sont les territoires pertinents de la métropolisation et de son aménagement. Ainsi, la construction d‟une structuration métropolitaine du territoire britannique se fonde autour d‟entités comme la city-region de Manchester ou de Leeds, couvrant des espaces beaucoup plus vastes que les comtés (counties), premier échelon subnational existant (Sykes 2005b).

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Cet échelon pertinent pour l‟aménagement des territoires de la métropolisation trouve une traduction différente en France. En effet, Fabrice Decoupigny (Decoupigny 2006) identifie deux formes de territoires métropolitains, la ville-région et la conurbation de plusieurs agglomérations de taille voisine. Cette seconde forme de métropolisation se concrétise dans des espaces comme la Côte d‟Azur ou la métropole Rhin-Ruhr. Nous préfèrerons donc, eu égard au tropisme « monocentral » du terme ville-région, utiliser celui de « région métropolitaine » pour définir nos territoires d‟études.

Effectivement, les régions métropolitaines désignent non seulement les espaces fonctionnels de la métropolisation, correspondant aux principaux flux socio-économiques, mais encore les visées des différents acteurs de l‟aménagement du territoire, notamment elles sont l‟objet des stratégies nationales ou européennes de développement. En cela ce sont des espaces de projet.

Il est toutefois nécessaire de signaler le rôle de la région administrative dans la métropolisation, et en particulier dans la gestion des transports. En effet, cette institution administrative porte en partie la gestion des transports à l‟échelle qui nous occupe. Ainsi, la régionalisation des chemins de fer français est maintenant et depuis les années 1980 généralisée en France. Les lois de décentralisation telles la LOTI de 1982 et la LOADT de 1995 ont donné à la région le rôle d‟autorité organisatrice des transports. Les régions administratives se sont ainsi substituées à l‟Etat pour le rôle d‟autorité organisatrice des services régionaux, les TER (Transports Express Régionaux). Un espace institutionnel, la région administrative, s‟est donc imposé par son autorité de gestion à l‟espace fonctionnel construit par les réseaux (Zembri 1997). Dans une thèse portant sur l‟utilisation des transports comme outil d‟aménagement des territoires métropolitains, le rôle décisif des services ferroviaires, en particulier des TER est tellement déterminant que l‟on se doit de prendre en compte les autorités gestionnaires de ces services, en l‟occurrence les régions.

La région métropolitaine apparaît donc comme l‟espace cohérent de l‟aménagement des territoires métropolitains. Néanmoins, par souci d‟opérationnalité et donc de dialogue avec des institutions porteuses d‟autorité sur les territoires métropolitains, et en particulier concernant des questions relatives aux transports, nous considérerons comme territoire d‟application de notre recherche les régions administratives.

Notons que bien qu‟inscrites dans le périmètre régional, les processus à l‟œuvre se lisent à plusieurs échelles. En effet, le télescopage des échelles montre bien qu‟à l‟intérieur des systèmes de transports régionaux, plusieurs échelles de déplacement sont concernées. La gestion des déplacements transitant dans les agglomérations pose d‟ailleurs des problèmes épineux aux aménageurs. Les fonctionnements en réseau ont multiplié les relations à différentes distances. Il en résulte, dans les espaces métropolitains, une hétérogénéité des déplacements et donc des réseaux. La figure III-6 montre comment ces différentes échelles se côtoient et se croisent tout en restant étanches.

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Figure III- 6 : Les différentes échelles de vie des territoires (Bavoux, Beaucire, Chapelon et Zembri 2005)

Les régions métropolitaines sont donc pour la plupart desservies par différents niveaux de transport, que l‟on peut brièvement diviser en international, régional, d‟agglomération et local ou de quartier. Les modes de transports correspondants étant par exemple le TGV, le TER, le métro et le bus. Comme le montrent Offner et Pumain (Offner et Pumain 1996) les tarifs et les services offerts se différencient selon l‟échelle des déplacements. Néanmoins, et la figure III-6 le montre bien, les cœurs métropolitains sont le théâtre de la confrontation des trajectoires. Les déplacements vont donc se croiser et les usages peuvent mobiliser des modes de transport qui ne correspondent a priori pas à leur échelle de déplacement. Par exemple on peut se demander si un TGV peut servir une desserte intramétropolitaine. Il semble opportun de se questionner sur le rôle et l‟échelle de pertinence des modes de transports. Il apparaît aussi intéressant d‟aller plus avant dans cette question des hiérarchies des transports en appréhendant cette segmentation dans une perspective d‟aide à la décision en aménagement du territoire.

Pour cela, il faut choisir les territoires d‟étude.

Conclusion

La question du territoire pertinent pour mener une analyse pose la question de l‟échelle. Quel niveau d‟échelon territorial est le plus adapté aux problématiques que nous voulons traiter ?

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Dans notre cas, c‟est l‟appréhension des dynamiques de métropolisation et des phénomènes de mise en réseau par les transports qui dicte ce choix.

Celui-ci s‟est ainsi porté sur la région métropolitaine pour plusieurs raisons :

- elle est façonnée par les dynamiques spatiales et fonctionnelles de métropolisation ;

- la région administrative est un échelon pertinent d‟aménagement, particulièrement concernant les transports.

Ainsi on considèrera la région métropolitaine comme notre territoire d‟études. Plus qu‟un territoire fonctionnel ou institutionnel, c‟est un territoire de projet.

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III.2 La région Nord-Pas-de-Calais : un exemple de service