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Chapitre IV : La structuration par l’espace temps

IV.2 Un système spatiotemporel

IV.2.1 Le temps, variable discriminante des systèmes de transport

Les analyses des phénomènes spatiaux ayant trait au monde des transports se concentrent par nature sur celui de transfert. En effet, le principe même du transport étant la lutte contre la distance, la réduction de l‟espace à une relation entre un couple de points ; l‟ampleur et les modalités de cette réduction ne peuvent être occultées. Ainsi, les études opérationnelles sur les transports font souvent état de données de vitesse. La vitesse est la caractéristique majeure du service de transport, devant la sécurité, le confort ou d‟autres composantes moins déterminantes de l‟offre de transport. Nous verrons par la suite que d‟autres données temporelles ou spatiales tendent à présenter un intérêt pour l‟aménagement, mais la vitesse reste l‟indicateur simple et concis le plus évident de la performance des réseaux de transports. Signalons d‟ailleurs que la minimisation du temps de déplacement est le principal facteur à l‟origine des pratiques modales (Diekmann 1995). Au-delà de cela, la vitesse réalise l‟équation mathématique entre la distance et le temps, présentant par analogie les transports comme disjoncteur entre l‟espace et le temps. Ainsi, le transport transforme une longueur en temps. Si Paris est géométriquement à 220 kilomètres de Lille, géographiquement, la séparation varie entre 50 minutes et 1h30 pour les services les plus performants. L‟espace et le temps délimitent donc l‟action du système de transport.

Il est intéressant de remarquer que la plupart des exercices de modélisation systémique par un diagramme sagittal du système de transport ont mené à une double division. En premier lieu le système des transports proprement dit est toujours séparé de son environnement socio- économique, politique ou technologique. De plus, la séparation entre les usagers, représentant la demande de transport, et les réseaux, représentant l‟offre, est généralement reconnue. La représentation schématique de Shalom Reichman en est un bon exemple (voir Reichman 1983).

L‟auteur place le système de transport comme un outil qui « contribue à une plus grande

autonomie de l’homme vis-à-vis des lois de la nature, mais au prix de sa soumission aux exigences de la technologie et à son automatisme inné ».(Reichman 1983). C‟est dans cette

optique que les transports sont un outil d‟apprivoisement de l‟espace au service de la liberté de l‟homme. D‟où la question posée par Vincent Kauffman « Vaincre l’espace-temps n’est-il

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pas synonyme de liberté ? » (Kaufmann 2002). Cette « libération » des moyens humains

dépend certes des possibilités techniques propres à une situation historique et géographique donnée mais aussi, et cela constitue le second impact de l‟environnement du système sur les transports proprement dits, des intentions de déplacement des individus. Ainsi, si les moyens de déplacement d‟un Parisien diffèrent de ceux d‟un Mandchou, leurs besoins ou désirs de déplacement sont sans doute sensiblement distincts, les deux données étant interreliées à l‟intérieur du système des mobilités, qui est une composante du système de transport. Comprise comme l‟ « ensemble des manifestations liées au mouvement des réalités sociales

dans l’espace « (Bassand et Lévy 2003) ou encore « système de déplacement en relation avec les programmes d’activité, les positions géographiques et la diversité des modes de déplacement » (Bavoux, Beaucire, Chapelon et Zembri 2005), la mobilité représente les

mouvements des personnes. Ses deux grands déterminants sont les modes de vie (valeurs sociales, lois et règlements…) et les formes spatiales – la configuration géographique (Bavoux, Beaucire, Chapelon et Zembri 2005).

La génération de la mobilité peut se noter comme la distribution des agents économiques les uns par rapport aux autres (Bavoux, Beaucire, Chapelon et Zembri 2005). Admettons donc que la mobilité soit la réponse personnalisée à l‟hétérogénéité de l‟espace. En effet, le déplacement est le fruit de la décision individuelle respectant d‟une part la volonté de déplacement (la mobilité) et d‟autre part les contraintes (organisation spatiale). Les formes d‟organisation des territoires métropolitains, autrement dits les formes urbaines, ont un rôle crucial dans la mobilité. À ce propos, Marc Wiel affirme d‟ailleurs qu‟« Il ne faut pas

considérer le déplacement comme une consommation individuelle mais l’interpréter comme la conséquence de l’organisation spatiale globale de la ville » (Wiel 1999).

Cependant, il convient de rappeler que les déplacements des personnes demeurent la traduction de décisions individuelles. Considérons la figure IV-1. Si je réside sur le point A et que mon lieu de travail se trouve sur le point B, j‟ai plusieurs choix à ma disposition : choix modal, choix du cheminement emprunté (si mon choix se porte sur l‟automobile j‟ai nécessairement plusieurs possibilités), choix de l‟horaire de circulation (un bus peut me faire arriver en avance sur mon lieu de travail mais je mettrai à profit ce temps pour nouer des liens sociaux au café d‟en face) etc.

Mon choix peut même se porter sur une alternative inattendue : je décide de me porter malade et de passer ma journée dans le périmètre de mon logis.

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Figure IV- 3 : Le réseau, des opportunités activées par des décisions individuelles

Certes, nous sommes conscients que les contraintes pesant sur ces choix (financières, organisationnels, sociales) sont telles qu‟elles sont à même de standardiser les comportements et ainsi réduire les possibilités. Ainsi les mobilités sont sans doute réductibles à quelques déplacements stratégiques. Cependant, si l‟analyse des ressorts psychologiques des comportements et des prises de décision dépasse le domaine de compétence de ce travail, il nous paraît réducteur de les éluder. C‟est pourquoi nous choisissons une optique individualisée des déplacements dans un territoire. À l‟instar d‟Arnaud Banos et Thomas Thévenin (voir page 153), nous nous appuyons sur l‟individualisme méthodologique pour construire notre méthode.

La mobilité en général n‟est toutefois pas réduite à des comportements individuels dans la littérature (Bassand, Brulhardt, Hainard et Schuler 1985, Joye, Bassand et Schuler 1988). En effet, comme nous l‟avons montré, les décisions sont le fruit d‟un ensemble de variables qui se comprennent dans une collectivité. Ainsi Mathis Stock évoque un système liant cinq dimensions : individuelle, sociale, temporelle, spatiale et symbolique (Stock 2006). Le « système individuel des mobilités » n‟en étant qu‟une composante (Stock 2001), soulignant par ailleurs que « « individu » et « société » ne s’opposent pas, mais peuvent être utilisés

comme concepts désignant deux manifestations distinctes de l’humain » (Stock 2006). La

mobilité est ainsi un fait social total, qui tend à caractériser les sociétés métropolitaines. Plus précisément, les comportements de mobilité se manifestent bien souvent au sein des ménages, qui est la variable statistique la plus usitée en la matière. On comprendra aisément que l‟agenda familial est le plus prégnant dans les comportements de mobilité.

Eu égard aux paragraphes précédents, on peut ainsi considérer que la vitesse est en constante croissance dans l‟histoire de l‟humanité même si les progrès ne sont pas uniformes dans le temps et l‟espace. Cette hausse n‟amène pas à une réduction de l‟espace par unité de temps mais davantage à une augmentation de l‟espace parcouru pour un temps similaire, selon la loi des budgets-temps constants, ou conjecture de Zahavi (Zahavi 1974), récemment remise en

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cause (Vodoz, Pfister-Giauque et Jemelin 2004) mais généralement reconnue. La mobilité va donc se construire à partir d‟un choix de trajets possibles joignant deux activités et des contraintes de temps (variable plus discriminante que l‟espace, voir Schafer et Victor 2000). Ainsi, les déplacements s‟allongent dans l‟espace et se multiplient. Cette explosion des mobilités, significative depuis 1850, s‟explique aussi par les processus de différenciation des lieux et de spécialisation dues à la métropolisation (Mignot, Aguiléra et Bloy 2004). À titre d‟exemple, la distance moyenne de déplacement quotidien d‟un Français a augmenté d‟un tiers entre 1982 et 1994, pour atteindre 25 kilomètres, et cette hausse est confirmée par de nombreuses recherches (Gallez, Orfeuil et Polacchini 1997, Madre et Maffre 1997). Ces évolutions alimentent les discours sur les nouvelles sociétés mobiles (Bassand et Kaufmann 2000, Bourdin 2000, Giddens 1994) et contribuent à placer la mobilité comme une composante structurante des sociétés contemporaines.

La théorie de l‟individuation (voir Chapitre I), ou l‟individualisation (Elias 1994) a été reprise pour définir une « individualisation géographique des hommes par rapport à des

sociétés d’individus sédentaires » manifestée par trois phénomènes principaux : - le choix des lieux est plus grand et s’effectue de manière plus autonome ;

- les individus deviennent plus distanciés par rapport au lieu de résidence (ou plus généralement, acquièrent une distance par rapport aux lieux proches) ;

- les espaces de vie individuels, les « trajectoires spatiales individuelles » au cours de la vie sont plus différenciés les uns par rapport aux autres (Stock 2006).

Cette hypothèse renvoie à un phénomène général de libération des comportements individuels dans la mobilité et de fragmentation des attitudes de déplacement les unes par rapport aux autres. Les hommes, à l‟aide de la modernisation des transports, se rendent plus autonomes par rapport aux institutions et aux autres individus. La relation au lieu de domicile peut ainsi être plus distendue, et augmente donc les possibilités de différenciation des trajectoires. La hausse des déménagements, à une échelle supérieure, montre bien que la multiplicité des possibilités va donner lieu à une multiplication des « profils », c‟est-à-dire des agendas individuels, ou plus exactement des agendas des ménages.

Ainsi, l‟analyse des transports dans une perspective d‟outil d‟appropriation spatiale doit prendre en compte deux données majeures. La première est la nécessité de comprendre les systèmes de transport non seulement dans l‟espace mais encore dans le temps, car la nature même des transports est de mettre en relation ces deux variables. La seconde est la montée de l‟individualisation des comportements de mobilités, qui amène à porter l‟analyse sur les choix individuels, ou les comportements des ménages.

Les géographes ont conceptualisé un cadre d‟analyse dans lequel les individus portent leurs choix sur un champ spatiotemporel des possibles, définissant une branche de la géographie dont découlent de nombreux travaux récents sur les transports.

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IV.2.2

La

Time-Geography,

formulation

des

systèmes

spatiotemporels

En fait, la géographie, dans l‟étude des processus et des structures spatiales, fait souvent référence au temps, de manière plus ou moins directe. Par exemple, les modélisations dites « dynamiques » intègrent explicitement le temps (Forrester 1969, Langlois et Phipps 1997, Phipps et Langlois 1997), tout comme les modèles de diffusion spatiales (Hagerstrand 1967). Cependant, ces approches considèrent « le temps comme un étalon auquel se confronte les

structures des espaces observés » (Chardonnel 2001), et le mesurent au niveau agrégé des

structures. Ainsi, l’output du modèle dans l‟unité spatiale U sera différent au temps T de celui au temps T+1. La modélisation des mobilités et des transports se situe à un niveau désagrégé. L‟appréhension du temps comme variable structurelle, au même titre que l‟espace, a été développée par l‟école de géographie suédoise de Lund dans les années 1970 autour de Torsten Hagerstrand sous le nom de Tidsgeografi (tid en suédois voulant dire temps). La dénomination internationale de cette approche est donc Time-Geography, l‟équivalent français ne faisant pas l‟unanimité (Chardonnel 2001). L‟idée directrice est d‟aborder les problématiques géographiques à l‟échelle du temps des actions individuelles, avec pour contexte les structures spatiotemporelles. Cet environnement spatiotemporel détermine des ressources et des contraintes avec lesquelles les individus composent pour construire des trajectoires. Ces trajectoires se décrivent par des successions de points, représentant des situations dans l‟espace-temps. Chaque individu se déplace en composant avec les contraintes structurelles dans l‟espace et dans le temps, définissant une trajectoire, nécessairement individualisée.

Cette démarche se rapproche des études démographiques fondées sur les « budget-temps ». En effet, ces enquêtes (Dumontier et Pan Ke Shon 2000) permettent de définir le temps alloué à chaque activité quotidienne. L‟intérêt est de faire ressortir des structures de rythmes de vie et d‟identifier des pratiques caractéristiques de groupes spécifiques de la population (segmentation par âge, sexe, revenus, statut…). La Time-Geography se distingue de ces approches par la considération de l‟aspect spatial des trajectoires, faisant de cette démarche une branche à part entière de la géographie.

Les trajectoires individuelles dans l’espace-temps

Historiquement, la Time-Geography fait suite aux travaux de la New Geography des années 1960. Les études préalables d‟Hagerstrand datent des années quarante et portent sur les vagues d‟émigration et d‟innovation. Chacun de ces deux axes de recherche a mis en exergue d‟une part le rôle de l‟individu comme acteur décidant de sa trajectoire en fonction de contraintes et d‟autre part le fait que « la capacité d’innovation varie d’un individu à l’autre » (Chardonnel 2001). Ainsi, les réalités géographiques se construisent dans un monde mouvant, dans lequel les situations, c‟est-à-dire les positions dans l‟espace-temps, sont indispensables à la compréhension des phénomènes. L‟analyse des pratiques individuelles est donc profitable à la construction des savoirs géographiques (Chardonnel 2001). Cette optique s‟appuie sur la

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théorie des trois mondes développée par Popper et Eccles13 pour démontrer comment l‟individu, partant de son intention, choisit sa trajectoire en slalomant entre les contraintes physiques objectives et les contraintes sociale qui comprennent les interactions entre individus, comme par exemple l‟obligation de s‟unir pour travailler ou assurer la reproduction de l‟espèce (Hagerstrand 1985). L‟espace-temps est considéré comme un ensemble de contraintes et de ressources.

L‟article fondateur de la Time-Geography est sans doute « What about people in regional

Science ? » de Torsten Hagerstrand en 1970. Dans cette réflexion générale sur la prise en

compte des individus (le terme anglophone people n‟est pas ici très représentatif de l‟état d‟esprit de l‟auteur), le géographe suédois plaide pour une désagrégation des méthodes de compréhension et d‟analyse : « Nothing truly general can be said about aggregate

regularities until it has been made clear how far they remain invariant with organizational differences at the micro-level. » (On ne peut rien tirer des régularités agrégées sauf à

clairement déterminer leur stabilité dans leur confrontation aux différences organisationnelles du niveau micro, traduction personelle de Hagerstrand 1970). Plaçant le projet au centre des trajectoires de vie et donc par agrégation des structures, l‟auteur insiste sur le rôle du temps dans ces intentionnalités et sur le caractère non-stockable de l‟espace-temps dans les trajectoires individuelles (« paths »). En effet, il existe une quantité finie d‟espace-temps allouée par journée et par individu, que celui-ci ne peut économiser pour le lendemain. L‟enjeu est alors de définir les mécanismes spatiotemporels de contraintes qui déterminent comment les trajectoires sont canalisées ou réduite (« define the time-space mechanics of

constraints which determine how the paths are channelled or damned up »). Hagerstrand

prône l‟analyse des possibilités de déplacements sans préjuger des comportements et en intégrant tous les individus quelles que soient leurs compétences mais en tenant compte de leur empreinte spatiotemporelle (« everybody should be included in the picture, the child as

well as the entrepreneur » p. 20).

Les propos ne sont pas exempts de considérations que l‟on pourrait qualifier d‟anthropologiques, l‟analyse des parcours concrets faisant « émerger l’hypothèse que la

gestion des ressources spatiales et temporelles est facteur de maîtrise de sa vie quotidienne »

(Chardonnel 2001 p. 138). L‟idée d‟une libération de l‟individu par les transports exposée précédemment est donc relayée par cette approche. Hagerstrand déclare que « dans la réalité

on bute sur une foule de barrières. L’individu donne l’impression d’être un observateur emmuré dans un labyrinthe qui limite les réelles possibilités de choix » (Hagerstrand 1970).

Dans ce contexte, l‟objectif de tout aménagement ayant directement trait aux contingences spatiotemporelles contraignant les trajectoires, parmi lesquels en premier lieu l‟aménagement des transports, ne doit-il pas contenir l‟idée de « libérer » les individus ? Ne relève-t-il pas de l‟éthique et du progrès (au sens humain du terme) des sociétés contemporaines de permettre la libération des pratiques individuelles dans le temps et dans l‟espace ?

Ces considérations philosophiques ne doivent cependant pas faire perdre de vue l‟intérêt méthodologique des conceptions de la Time-Geography. Or il est intéressant de noter que

13 Théorie selon laquelle le monde est composé d’un versant physique, un deuxième subjectif individuel et un troisième constitué des règles et des normes collectives.

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cette approche est également perçue comme un « langage » (Chardonnel 2001), un mode de représentation des différentes hypothèses présentées ci-dessus. Le prisme journalier est la représentation synthétique principale des idées d‟Hagerstrand.

Le prisme journalier comme base de l’expression des mobilités individuelles

La figure IV-4 montre que ce prisme (Hagerstrand 1970) représente le volume d‟espace- temps disponible dans la journée pour chaque individu afin de réaliser ces déplacements.

Son volume et sa forme dépendent des « contraintes de capacité » pesant sur l‟individu, c‟est- à-dire les attributs biologiques (temps réservé au sommeil et au repas), la nécessité de posséder un lieu de résidence, les formes spatiales (distance entre résidence et lieu de travail) et les moyens de transport à disposition qui façonnent le prisme (Chardonnel 2001). Ainsi, un individu pourra se déplacer très loin dans l‟espace mais dans une contrainte de temps limitée, s‟il peut mobiliser des moyens de transport très rapides mais qu‟il est contraint de passer beaucoup de temps à son domicile. À l‟inverse, un individu ne pouvant mobiliser ces moyens de transport rapides sera contraint d‟utiliser beaucoup de temps pour des déplacements consommant peu d‟espace, « allongeant » alors son prisme journalier. On notera le rôle déterminant de l‟offre de transport.

Les contraintes peuvent aussi être issues des exigences de coordination entre les individus, on parlera de « contraintes de conjonction » (Chardonnel 2001). L‟analyse de ce type de contraintes a fait l‟objet de travaux sur les notions de projets et de réalités du travail (Ellegard, Engstrom et Nilsson 1991, Ellegard 1996).

Un troisième type de contraintes a été identifié par Hagerstrand (Hagerstrand 1970), les contraintes de « pouvoir », déterminant des « domaines » dans lesquels se construisent les trajectoires, « dans la mesure où un certain ordre est nécessaire pour que l’accumulation et la

coexistence d’individus sur un même lieu n’engendrent pas systématiquement des conflits de partage des ressources » (Chardonnel 2001).

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Ces contraintes pèsent différemment sur les individus et leurs trajectoires sont différenciées. L‟exemple du cadre supérieur et de la mère au foyer illustre ces différences (figure IV-5). On peut préjuger que la trajectoire d‟un cadre supérieur international sera très « horizontale » et s‟apparentera à la forme d‟un ressort alors que celle d‟une mère au foyer non motorisée accusera une grande verticalité.

Alexis Conesa 2009

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Développements, critiques et améliorations

Les principes de la Time-Geography ont traversé l‟Atlantique et ont été repris par des géographes américains dans des recherches autour des prises en compte de l‟espace-temps dans l‟aménagement ou l‟analyse spatiale (Carlstein, Parkes et Thrift 1978, Carlstein, Parkes et Thrift 1978, Carlstein 1982, Goodchild et Janelle 1984, Thrift 1977).

Au cours du temps, cette approche, malgré son succès, a connu de vives critiques notamment de la part des sociologues comme Anthony Giddens (Giddens 1984), regrettant la réduction de l‟individu à un acteur incapable de transformer les structures spatiotemporelles par ses réflexions, actions et rapports sociaux. Le caractère déterministe des analyses a été reproché à ces travaux dont la dimension opératoire n‟a jamais réussi à s‟imposer. En effet, les méthodes de représentation et outils de simulation utilisés alors ne pouvaient concrétiser l‟ambition théorique.

Nous considérons donc, comme le suggère Sonia Chardonnel (Chardonnel 2001), la Time-

Geography comme une formulation de pensée très puissante et très utile à l‟appréhension des

procédés géographiques mettant en relation le temps et l‟espace. Dans une approche opérationnelle, il paraît indispensable de développer des outils de modélisation désagrégée appréhendant les trajectoires individuelles dans un système spatiotemporel.

A titre d‟exemple, les méthodes de représentation et de modélisation des réseaux de transports les plus sophistiquées s‟inscrivent dans le cadre conceptuel défini par la Time-Geography (Chew, Chong et Moore 2005).

Enfin, des auteurs modernes, sans référence à la Time-Geography, proposent de repenser, face à l‟explosion des mobilités, les rapports de l‟Homme à son environnement spatiotemporel (Ascher 2001, Montulet 1998, Urry 2000). Vincent Kauffman résume leur pensée par la proposition suivante : « nous sommes en train de passer d’un cadre social de perception du

temps et de l’espace, fondé sur la succession spatio-temporelle de territoires enclos dévolus à une activité précise, à un espace-temps qui serait un support organisant, où de nombreuses micro-mobilités se déploieraient en fonction des opportunités rencontrées. » (Kaufmann

2002).

Conclusion

Le temps est une variable qu‟il faut prendre en compte lorsque l‟on étudie les rapports entre