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comportements de déplacement par l’accessibilité horaire

V.2.1 L’intérêt du graphe horaire

L‟intégration des heures de pointe dans les mesures d‟accessibilité précise le contenu des calculs et se rapproche de la simulation des comportements de mobilité. Néanmoins, cette intégration est peu satisfaisante.

La limite de pertinence du meilleur temps de parcours

En effet, le meilleur temps de parcours tel qu‟il est calculé représente une durée théorique. L‟usager a peu de chances de rencontrer ce temps de parcours qui minimise les temps d‟attentes. Or on sait que les temps d‟attente sont habituellement mal vécus par les usagers (Kaufmann 2002). Le meilleur temps de parcours, fût-il en heure de pointe, ne

correspond qu’à l’accessibilité à un moment donné. Étant donnée la constitution des

horaires de transport collectif, considérons la minute comme l‟unité de temps minimum. Le meilleur temps de parcours en heures de pointe peut être une relation partant à 7 heures 12 et arrivant à 8 heures. Pour l‟usager habitant dans le lieu de départ et travaillant dans le lieu d‟arrivée, ce train peut présenter un intérêt. Il faut cependant comprendre que, bien que dans la réalité les pratiques s‟adaptent aux services de transport, en théorie les horaires doivent être en adéquation avec les rythmes de vie. Pour cet individu fictif, si l‟activité professionnelle commence à 9 heures, le meilleur temps de parcours est quasiment inutile. Et l‟accessibilité peut même être vraiment médiocre si le prochain train est à 9 heures 45. Si un second individu, possédant les mêmes lieux de résidence et de travail que le premier, commence son activité professionnelle à 7 heures 30 et que le meilleur train (7h12 - 8h00) est aussi le premier de la journée, alors le service proposé ne pourra prétendre à construire le territoire via les usages décrits.

A la recherche d’autres indicateurs

D‟autres indicateurs peuvent être mobilisés pour améliorer les mesures, comme le présente bien le raport PREDIT de 2005 (Chapelon, Baptiste, Coquio, Jouvaud, L'Hostis, Mende et Ramora 2005) :

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- Associé au meilleur temps de parcours, le moins bon temps de parcours donne une idée de l‟ « élasticité » de l‟accessibilité (Chapelon, Baptiste, Coquio, Jouvaud, L'Hostis, Mende et Ramora 2005 page 32). Dans le cas où le moins bon temps de parcours reste relativement performant l‟indicateur est représentatif d‟un bon service. Néanmoins la question de l‟acceptabilité des trajets les plus médiocres se pose. Quel est l’intérêt de proposer un

déplacement à l’accessibilité mauvaise et par extension quel est l’intérêt de l’analyser ?

- Le temps moyen de parcours est un temps fictif, calculé sur la base de l‟agrégation de l‟ensemble des trains sur la période donnée. Il rejoint la question des fréquences car il renseigne indirectement sur le nombre de relations rapides (un grand nombre de relations rapides améliore la moyenne). Néanmoins, cette moyenne ne renseigne pas sur le

positionnement horaire des trains.

- Le même constat peut être fait pour les fréquences, le nombre de trains en heure de pointe ne renseignant pas sur la rapidité ni le positionnement horaire de ces trains. Là encore, c‟est l‟agrégation des données qui engendre une imprécision ou une simplification excessive des horaires. La seule solution pour retranscrire parfaitement les oscillations de

l’accessibilité au cours de la journée est d’intégrer l’ensemble de la base de données horaires.

D‟autre part, comme le montre l‟exemple précédent, les possibilités de structuration territoriale par les déplacements sont très dépendantes des usages. À défaut d‟adapter exactement les transports aux besoins de mobilité (si tant est qu‟on les connaisse assez précisément) et de faire des réseaux de transports régionaux des vastes espaces de transport à la demande, il paraît pertinent d’intégrer des éléments de demande dans l’analyse du

service de transport. En effet, quel sens a un trajet rapide qui ne sert aucun usage ?

L‟objectif d‟aménagement du territoire défendu est de faire en sorte que les réseaux de transport puissent faciliter les appropriations en correspondant non pas à des comportements moyens mais à des comportements probables du point de vue du fonctionnement territorial.

Or intégrer des éléments de demande dans le service de transport nécessite de maîtriser l‟ensemble des conditions d‟accessibilité tout au long de la journée. L‟objectif est de pouvoir analyser les différentiels temporels d‟accessibilité de manière continue. En reprenant notr exemple, l‟accessibilité entre le lieu de départ et le lieu d‟arrivée est de 48 minutes à 7 heures 12. À 7 heures 13, elle est de 2 heures 32, soit le temps d‟attente du train de 9h45, auquel il faut ajouter le temps de trajet de ce train. Là encore, il convient de nuancer ces chiffres : pour les usagers, il est impératif d‟arriver avant 7h12 à la gare, et tout est fait dans cette optique. L‟accessibilité à 7h13 est hautement théorique car sauf accident personne n‟arrive à cette heure à la gare. Néanmoins, force est de constater que la variabilité quotidienne de l‟accessibilité est grande. La connaissance la plus précise possible de l‟ensemble des conditions d‟accessibilité tout au long de la journée permet en retour d‟analyser les relations à

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des heures voulues par l‟examinateur et non aux heures imposées par les transports. Pour

mesurer l’accessibilité à une heure ayant un sens du point de vue du fonctionnement du territoire, une heure correspondant à une demande potentielle, il est ainsi nécessaire de connaître toute la composition horaire des services.

La méthode doit ainsi permettre de vérifier une inégalité que tout usager régulier des transports en commun connaît bien : un retard de 5 minutes à l‟origine du déplacement, s‟il provoque l‟impossibilité de prendre le véhicule à l‟heure visée préalablement, peut impliquer un retard largement supérieur aux 5 minutes en fin de déplacement, ce résultat étant dépendant des fréquences.

La seule manière de maîtriser l’ensemble de ces paramètres temporels dans l’analyse des transports collectifs régionaux est la modélisation de l’ensemble de la base de données horaires.

Vers l’accessibilité horaire

Cet investissement dans le domaine des horaires, s‟il est assez récent, connaît une vitalité contemporaine en raison des progrès techniques et de l‟apparition des TIC qui transforment le rapport au temps des géographes. À titre d‟exemple, les modèles de trafic (cf. partie I.3) ont mobilisé les bases de données horaires pour affiner leurs simulations (Nuzzolo, Russo et Crisalli 2001). Les investigations horaires ont aussi permis plusieurs analyses territoriales, à différentes échelles et contenant des problématiques différentes (Chang, Yeh et Shen 1999, Janic 1996, Nuzzolo, Crisalli et Gangemi 1999).

Dans le domaine de l‟accessibilité, l‟intégration des horaires a donné naissance aux calculs spatiotemporels (« Space-time accessibility measures ») encore appelés calculs basés sur l‟activité (« Activity-based accessibility measures »), ou plus simplement approches désagrégées (« Disaggregate accessibility measures », Neutens, Witlox et Denmeyer 2007 page 348). Ces approches sont considérées comme liant le mieux l‟espace et le temps dans les calculs d‟accessibilité et sont menées à partir de SIG. Notons aussi pour information la simulation des comportements par des Systèmes Multi-Agents qui permettent aussi de géolocaliser les problèmes d‟accessibilité (Dumolard 1999). Utilisant les préceptes théoriques de la Time-Geography (cf. partie IV.2), ces analyses montrent bien comment les contraintes personnelles ainsi que les contraintes externes liées à la disponibilité des activités construisent des conditions d‟accessibilité (Neutens, Witlox et Denmeyer 2007). Les algorithmes géocomputationnels permettent ainsi de modéliser la distribution spatiale des aménités, c‟est- à-dire les lieux où l‟individu est susceptible de dépenser son temps (Kwan 1998, Kwan 1999), mais aussi la disponibilité horaire de celles-là, à savoir les horaires d‟ouverture et de fermeture ainsi que les durées maximales et minimales d‟occupation (Miller 1999, Miller et Wu 2000). La combinaison des paramètres spatiaux et temporels des activités permet de dresser des conditions d‟accessibilité d‟une grande précision (Kim et Kwan 2003). Toutefois, ces approches sont guidées par l‟objectif de prendre en compte les conditions personnelles d‟accessibilité à des activités et d‟ailleurs elles permettent souvent de différencier les accessibilités par types d‟individus (Neutens, Witlox et Denmeyer 2007). Cela nécessite une

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grande précision dans les données et concerne souvent une échelle microgéographique, voire locale. Les extensions de la mobilisation d‟horaires concernent surtout la visualisation (Neutens, Witlox et Denmeyer 2007) et la modélisation de l‟ensemble des horaires d‟une région restent l‟apanage de rares études, dont la plupart ont déjà été citées dans la présente recherche (Baptiste et L'Hostis 2002, Chapelon, Baptiste, Coquio, Jouvaud, L'Hostis, Mende et Ramora 2005, L'Hostis, Decoupigny, Menerault et Morice 2001, L'Hostis et Baptiste 2006, Menerault, Barré, Conesa, L'Hostis, Pucci et Stransky 2006).

La raison de cette spécialisation des usages est en grande partie méthodologique. En effet, la modélisation d‟une base de données horaire nécessite d‟une part un grand investissement méthodologique et d‟autre part la possession et la maîtrise d‟outils particuliers. MapNod, puisqu‟il s‟agit de ce logiciel, ne doit plus à ce stade être considéré comme un système de gestion d‟horaires de transport mais comme un SIG orienté transport, permettant une modélisation d‟un service de transport dans un graphe horaire. Il est à ce stade nécessaire de définir ce qu‟est un graphe horaire.