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Chapitre III : Deux régions métropolitaines pour appliquer un raisonnement

Encadré 1: Applications, critères de cho

III.2.2 De la métropole lilloise à la région métropolitaine

La métropole lilloise a, depuis les années 1980, par les dynamiques politiques de ces acteurs et leurs aptitudes à créer de la gouvernance, organisé un développement territorial métropolitain. Le territoire résultant et correspondant à la « Région Urbaine Lille-Nord-Pas-

de-Calais » (Paris 2002 page 1) comprend la région administrative du Nord-Pas-de-Calais à

laquelle on intègre les arrondissements frontaliers belges (Paris 2002).

Figure III- 9 : : Lille, de la métropole à la région urbaine (Paris 2002)

La construction de ce territoire métropolitain et l‟intégration successive des espaces dessinent un espace assez hétérogène dominé par Lille.

On distinguera dans cet ensemble régional une organisation clairement de type centre - périphérie dans un « emboîtement d’échelle » que décrit bien Didier Paris (Paris 2002). En effet, l‟agglomération lilloise, transfrontalière, représente un espace central correspondant grossièrement à la limite de LMCU (Lille Métropole Communauté Urbaine). Une deuxième entité se détache, par son passé commun, ses caractéristiques socio-économiques et aussi d‟un point de vue fonctionnel. Il s‟agit de l‟ancien bassin minier, désigné par le terme d‟ « Arc

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Douai-Lens-Hénin-Beaumont qui constitue un réseau de villes dans le département du Pas-de- Calais avec Béthune, Arras et Valenciennes dans le Nord.

Un autre sous-espace fonctionnel et administratif se situe sur le littoral de la mer du Nord, composé de la côte d‟Opale autour de Boulogne-sur-mer, Calais et Dunkerque ; à laquelle il faut ajouter le littoral belge frontalier. Enfin, les périphéries peuvent être identifiées dans le Cambraisis (autour de la ville des Bêtises) et surtout dans la vallée de la Sambre-Avesnois, à l‟extrême sud-est de la région urbaine, autour des polarités de Maubeuge, Jeumont ou encore Aulnoye-Aymeries.

D‟un point de vue morphologique, la configuration du semis urbain lui confère un caractère quasi christallérien. La figure III-10 montre l‟aire urbaine, sans les villes de la Côte d‟Opale.

Alexis Conesa 2009

Figure III- 10 : Schéma simplifié du semis urbain de l’Aire urbaine Lilloise

L‟étude du semis urbain9

tel que présenté dans la figure III-10 de l‟aire métropolitaine fait émerger une structure monocentrique au centre de laquelle Lille siège.

9 Ces schémas ont été réalisés en partant de recensements de l’INSEE. Cependant, les armatures des villes

proprement dites sont difficiles à lire et peu adéquates à une représentation simplifiée de la morphologie urbaine, en particulier selon les configurations des nœuds dans l’espace (la métropole lilloise présente une concentration

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D‟autre part, si les villes du bassin minier semblent constituer un ensemble morphologique cohérent, Valenciennes paraît plus isolée vers la frontière belge. L‟ensemble des villes du sud de l‟aire métropolitaine constitue la périphérie lointaine.

Le recours à une modélisation très simple et rudimentaire de la morphologie des trames urbaines dans l‟aire métropolitaine ne nécessite que deux variables : la taille des villes et les distances. Néanmoins, les configurations et les positions relatives des pôles urbains les uns par rapport aux autres fait émerger des structures qui peuvent donner des indications sur les organisations des transports correspondantes.

En effet, la configuration spatiale suggère une organisation radiale des relations avec une étoile centrée sur Lille et des raccordements plus difficiles pour des espaces périphériques comme Maubeuge, Cambrai et à un degré moindre Valenciennes.

En extrapolant sur une organisation de type centre-périphérie, on pourrait imaginer une première auréole de Béthune à Valenciennes en passant par Douai et Lens et une seconde d‟Arras à Maubeuge en passant par Cambrai.

Enfin, les villes belges sont spatialement bien intégrées à l‟espace métropolitain.

L‟examen des configurations spatiales et de la forme du semis urbain ne suffit pas à la compréhension de l‟organisation de la région urbaine du Nord-Pas-de-Calais. La distribution des fonctions dans l‟espace et les rapports qu‟entretiennent les différents sous-espaces vont ordonner encore plus décisivement les relations et donc les transports.

La région Nord-Pas-de-Calais fait partie des vieilles régions industrielles françaises. Les entreprises de sidérurgie, métallurgie et autres ont longtemps porté l‟activité économique de toute la région. Les activités extractives ont en plus contribué à dessiner le paysage (les fameux terrils de charbon et les usines désaffectées) et à organiser l‟espace urbain par l‟intermédiaire des corons, lotissements d‟habitat collectif directement liés à l‟unité de production, à savoir la mine.

Cette grande région urbaine (densité bien largement supérieure à la moyenne française) continue d‟occuper une place de choix dans la production économique nationale puisqu‟elle fournissait en 1975 encore 6,6% du PIB national (4e rang des régions françaises), contre 5,5% en 2000 (5e rang, voir Noin 2003).

Cette position ne doit pas masquer les réalités locales. En effet, aujourd‟hui les mines de charbon sont toutes fermées et à l‟instar de la Lorraine, la transition vers une économie tertiarisée ne se déroule pas sans heurts (ces mutations ont été analysées par des géographes, voir Paris 1993). L‟abandon des activités minières a ainsi plongé l‟ensemble de l‟ancien

élevée de nodosités communales). Par souci de clarté (en particulier pour éviter les amas de points) les cartes ont donc été schématisées (modification des distances et des positions). La disparition de certains nœuds se justifie par leur absorption par ceux de niveaux supérieurs, la configuration territoriale n‟étant point altérée. Notons que la détermination des nodosités est essentiellement morphologique, et donc que la position spatiale des nœuds prime sur des définitions fonctionnelles telles que les aires urbaines de l‟INSEE.

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bassin minier dans une crise économique violente, faisant de ces anciens fleurons industriels des zones sinistrées.

Si les activités économiques se sont aujourd‟hui diversifiées, notamment par la vitalité des PME (Paris 1989) l‟ancien bassin minier souffre d‟un déficit socio-économique par rapport à la métropole lilloise, tant sur le plan des revenus que des niveaux d‟éducation par exemple. La stagnation démographique voire la perte de population ainsi que la crise du marché immobilier sont des facteurs qui rajoutent à la crainte de « fragmentation du territoire

métropolitain » (SRADT NPdC 2002).

En effet, la métropole lilloise ayant investi les stratégies métropolitaines et obtenu un développement afférent, les disparités se creusent au sein de cet ensemble.

La situation du littoral est un peu différente.

En effet, si les revenus restent en général faibles et l‟emploi peu spécialisé, le rôle d‟interface maritime et le potentiel touristique (Calais) ainsi qu‟une spécialisation industrielle efficace (Dunkerque) laissent entrevoir des possibilités de développement. Seul le boulonnais paraît en retrait. L‟Audomarois (région de Saint-Omer) peut être relié à ce sous-espace et connaît des indicateurs de développement satisfaisants (SRADT NPdC 2002).

D‟autre part, Arras, bien que d‟un poids démographique peu significatif à l‟échelle régionale, est un pôle régional important de par ses fonctions administratives (c‟est la préfecture du Pas-de-Calais), sa spécialisation dans les emplois publics et ses activités marchandes (SRADT NPdC 2002).

Le rapport de force socio-économique de la région est donc largement à l‟avantage de la métropole lilloise et au désavantage de l‟ancien bassin minier. L‟Arraisis et l‟espace littoral sont dans des situations intermédiaires.

Au-delà de ces clivages généraux, la répartition détaillée des fonctions sur le territoire permet de donner des indications sur les déplacements et flux potentiels.

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Figure III- 11 : Le fonctionnement de la région métropolitaine Nord-Pas-de-Calais (SRADT 2005)

La figure III-11 montre de manière synthétique le fonctionnement métropolitain de la région urbaine.

Lille est incontestablement le centre qui organise en grande partie l‟espace métropolitain. Son rayonnement est dû en grande partie à l‟industrie textile et ses mutations mais aussi à des activités de haute technologie dans les domaines de la santé, médecine et biochimie. Lille est aussi une ville marchande, avec le succès de la vente par correspondance (La Redoute) et de la grande distribution (Auchan, Décathlon…), auxquels s‟associent les services marchands aux entreprises (Paris 2002).

L‟ancien bassin minier constitue le sous-espace le plus riche en fonctions, notamment autour de l‟agglomération Lens-Douai (21e

aire urbaine française avec 326 000 habitants, INSEE 2000). Les activités sont en particulier liées à l‟automobile et à la logistique (plateforme de Dourges), ainsi qu‟un pôle sportif important à Liévin.

Des pôles d‟emplois similaires sont présents à Béthune, 32e

aire urbaine avec 267 000 habitants (Plasturgie, BTP) et Valenciennes, 17e aire urbaine avec 368 000 habitants (image et multimédia et surtout transport autour des firmes Bombardier et Alsthom).

Arras, hormis ses polarisations administratives et tertiaires, a développé une activité dans l‟industrie agroalimentaire, suivie à un niveau moindre par Cambrai. Enfin, Maubeuge attire difficilement les populations de la vallée de la Sambre avec l‟industrie mécanique. L‟analyse du tissu économique fait ressortir un déficit de développement à l‟Est de la région (voir à ce sujet Paris 1989).

Le sous-espace du Nord de la région urbaine s‟organise à partir du littoral avec des pôles régionaux performants :

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- Dunkerque (33e aire urbaine avec 263 000 habitants) a construit son activité à partir d‟un complexe industrialo-portuaire puis s‟est diversifiée dans les fonctions logistiques et l‟énergie ;

- Calais bénéficie du tunnel sous la Manche pour construire un développement économique autour des transports et du textile ;

- Boulogne-sur-mer s‟est spécialisée dans les activités liées à la pêche. - L‟ensemble du littoral a un intérêt touristique majeur ;

Saint-Omer est positionnée comme un relais entre le littoral et la métropole lilloise et développe avec succès une activité liée à l‟eau.

Le fonctionnement du territoire métropolisé se caractérise donc par la nécessité des relations vers la métropole lilloise. Au-delà, le fonctionnement de l‟ancien bassin minier ne doit pas omettre Cambrai et Maubeuge et doit s‟appuyer sur la polarité secondaire d‟Arras. Le sous- espace littoral doit aussi fonctionner de manière interne tout en permettant une relation vers Lille passant par Saint-Omer.

Si l‟on commence à bien entrevoir les modalités du fonctionnement métropolitain de la région, il faut pour bien se saisir des enjeux s‟intéresser aux organisations institutionnelles et politiques.

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Dans ce domaine, la multiplication des découpages administratifs et des échelles de gestion dresse un tableau alambiqué des autorités territoriales. Cyprien Richer remarque que :

« L’espace métropolitain lillois [est] un exemple de « complexe local de pouvoir » en

construction. Dans l’espace métropolitain lillois coexistent deux États (la France et la Belgique), une région et deux départements français, deux provinces et quatre « intercommunales » belges, un syndicat mixte, une conférence permanente transfrontalière, la « mission bassin minier », des communautés de communes rurales et périurbaines, des communautés d’agglomération, une communauté urbaine, le tout avec des enclaves, des discontinuités souvent en décalage avec l’organisation urbaine. » (Richer 2007 page 40).

En particulier, il est instructif de remarquer que si les principales polarités fonctionnelles dénombrées jusqu‟ici se concrétisent par des structures intercommunales, leur nombre est largement supérieur à ce que l‟organisation urbaine laissait présager. Cette fragmentation pose problème dans l‟ancien bassin minier, où l‟espace fonctionnel est ici découpé en plusieurs entités qui peinent à faire émerger un territoire commun.

A cette échelle, les stratégies métropolitaines se conjuguent néanmoins souvent avec des moyens opératoires moins formels que l‟on qualifie souvent de gouvernance (cf. chapitre II). L‟aménagement à cette échelle est en effet souvent construit par des projets métropolitains, qui mobilisent acteurs publics et privés et qui manifestent les interrelations entre les différentes institutions et les différents échelons. La métropolisation est ainsi plus souvent affaire de projets et de partenariats que l‟émanation directe d‟une institution forte (Vanier 2002).

Revenons à notre exemple : la métropolisation lilloise s‟est largement appuyée sur ce type de projets coopératifs pour se constituer. L‟importance de la Communauté Urbaine dans la structuration métropolitaine a en effet été mise en valeur (Paris 2002) car depuis sa création en 1968, elle a largement influé sur la politique locale. La création de la ville nouvelle de Villeneuve d‟Ascq et la mise en place de la taxe professionnelle unique en sont des arguments probants.

Plus récemment, le rôle des projets de partenariats et des structures non institutionnelles ont permis de mener à bien certaines politiques d‟aménagement. Didier Paris cite l‟exemple du « Comité Grand Lille », structure souple issue du monde patronal (Paris 2002). À une échelle supérieure, on peut évoquer les réponses territoriales à l‟appel à coopération métropolitain de la DIACT, comme la « Mission Bassin Minier », regroupant experts, scientifiques et élus dans une optique de coopération. Si ces scènes d‟échange n‟ont pas toujours de traduction opérationnelle immédiatement visible, elles représentent un réel effort de définition d‟une stratégie commune.

La césure la plus forte au sein de l‟aire métropolitaine de Lille reste à l‟heure actuelle entre la métropole lilloise et l‟arc sud. Les différences économiques et sociales historiques ont du mal à se résorber et la domination de Lille sur sa région a longtemps été mal vécue par les

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populations du Nord-Pas-de-Calais. Les différences de développement ont pu mener à des antagonismes, portées entre autre par la rivalité sportive entre le Lille Olympique Sporting Club et le Racing Club de Lens.

Toutefois, si la coopération métropolitaine a pu être tendue par le passé, la coopération économique entre différents acteurs privés a mené la construction métropolitaine. Aujourd‟hui, les institutions respectives travaillent de manière harmonieuse (Paris 2002). Notons cependant que l‟ancien bassin minier est aussi polarisé par Arras et que le risque d‟une « métropole en miettes » est toujours abordé (SRADT NPdC 2002 page 18).

L‟ensemble des éléments descriptifs détaillés dans cette partie nous apporte des éléments quant à l‟organisation métropolitaine du Nord-Pas-de-Calais et pose les enjeux et les risques de l‟organisation des systèmes de transport.

Pour résumer, la région métropolitaine lilloise se caractérise par :

-Une domination démographique, économique et stratégique de la métropole lilloise au sens fonctionnel (d‟Armentières à Baisieux et au sud jusqu‟à Séclin et Lesquin) qui correspond plus ou moins à la Communauté Urbaine de Lille (LMCU).

-Un sous-espace en crise économique et intégré plus récemment à la dynamique métropolitaine.

-Une entité intermédiaire et cohérente sur le littoral de la Mer du Nord à laquelle on associe Saint-Omer.

-Des périphéries tantôt polarisantes (Arras) tantôt délaissées (Maubeuge).

-Une dynamique de gouvernance institutionnelle et interinstitutionnelle qui associe l‟ensemble des territoires, y compris sur le versant belge.