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Chapitre V : Des mesures d’accessibilités pour établir un potentiel métropolitain

V.1 Première étape : établir des potentiels de fonctionnement territorial

V.1.3 Faiblesses de l’approche par l’offre

Le calcul de l‟accessibilité est relatif à la pénibilité, à l‟effort consenti lors du déplacement, en un mot au coût du déplacement. Ainsi, la mesure de l‟accessibilité peut être assimilée à une quantification des caractéristiques de l‟offre de transport. Cette vision classique du transport oppose l‟offre et la demande dans une logique de marché.

L‟objectif du présent travail est d‟analyser le potentiel de structuration du territoire par les transports collectifs. En particulier, le chapitre IV a montré comment la régularité des transports collectifs et leur capacité à générer une routine pouvaient favoriser l‟appropriation individuelle des territoires par les réseaux. Dans cette optique, il nous semble peu pertinent de restreindre l‟analyse à la dialectique entre offre et demande.

En effet, la position soutenue dans ce travail se différencie de l‟opposition offre/demande. Les réseaux de transport n‟ont pas pour seule fonction de se montrer performants en vue de capter la demande, pas plus qu‟ils ne doivent seulement répondre à une demande exprimée par le biais d‟enquêtes par exemple. L‟idée est plus de favoriser un usage, et donc un

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fonctionnement potentiel, en intégrant des éléments de demande dans l‟analyse. Pour le cas des transports collectifs, construire un réseau déconnecté des réalités territoriales mais reposant sur des critères d‟offre simple (vitesse et fréquence) ne constitue pas un outil d‟aménagement du territoire. À l‟inverse, vouloir « coller » à la demande reste illusoire tant les comportements individuels sont emprunts de complexité. La présente thèse promeut donc une approche spécifique fondée sur l‟établissement d‟un potentiel de structuration. D‟une manière triviale, le plus important pour nous n‟est ainsi pas ce que les usagers vont faire des réseaux TC mais ce qu‟ils peuvent en faire. Cela correspond à une attitude prospective affichée dans ce travail.

Le service plutôt que l’offre

Pour ce faire, l’accessibilité est mobilisée dans une optique d’estimation du service de

transport, et non de l’offre. La notion de service contient une idée d‟aide à la mobilité qui

est absente du terme d‟offre. Le service est orienté vers l‟individu, vers les besoins, alors que l‟offre est orientée vers les réseaux. La différence principale entre l‟offre et le service est que le service de transport intègre explicitement des éléments de demande (Baptiste et L'Hostis 2002, Rietveld et Bruinsma 1998). La méthode développée ici est donc la modélisation du service de transport. Or, le service ne peut se résumer à une vitesse ou une fréquence.

Outre les trois composantes temporelles (vitesse, fréquence et amplitude), le collectif Bahn- Ville recense comme faisant partie du service de transport collectif la fiabilité et le confort (Bahn-Ville 2005). La fiabilité peut se décomposer en sécurité et ponctualité, qui s‟ajoutent donc au confort et à l‟accessibilité pour former les quatre composantes du service de transport collectif (Chapelon, Baptiste, Coquio, Jouvaud, L'Hostis, Mende et Ramora 2005).

En se concentrant uniquement sur les variables temporelles et dans l‟esprit décrit dans les paragraphes précédents, il est nécessaire d‟intégrer des éléments de demande dans le calcul de l‟accessibilité.

La partie IV.1 a permis de segmenter la demande dans notre recherche. Ainsi, l‟analyse est centrée sur les déplacements à motif professionnel. Cela est d‟autant plus pertinent que les chiffres disponibles montrent l‟enjeu que représentent les déplacements domicile - travail à l‟échelle régionale. Ainsi, pour la frange de ces déplacements qui dépassent les 50 km, 36 % sont effectués en train (CERTU et SNCF 1998). Dans une optique de structuration du territoire par les TC, l‟objectif est au moins de conserver cette proportion. L‟ambition supérieure est alors de capter une part de la clientèle des transports individuels en favorisant le report modal, la cible est alors formée des « conditionnels de la voiture », par opposition aux captifs des véhicules individuels (Kühn et Hayat 1999).

Cette demande de mobilité domicile - travail répond à des rythmes urbains, comme expliqué dans la partie IV.3. Malgré l‟abaissement de la durée légale du travail quotidien et les bouleversements des comportements, on peut faire l‟hypothèse qu‟une journée de travail est encore en grande partie comprise dans un intervalle correspondant à une plage horaire allant de 7 heures à 19 heures. Les chiffres de trafics peuvent confirmer en outre l‟existence d‟une

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« heure de pointe » encore très prégnante dans la répartition des circulations au long de la journée entre 7 heures et 9 heures (Observatoire de la circulation de la communauté urbaine de Lille, Novembre 1994). On peut remarquer que « La période de pointe du matin

correspond ainsi aux heures de commencement des cours, et aux heures d’ouverture des magasins et des bureaux. » (Menerault et L'Hostis 2000 page 42). Les institutions

d‟aménagement local considèrent d‟ailleurs « l’offre en heure de pointe du matin comme un

bon indicateur du niveau de service offert pour les relations domicile - travail » (DRE NPdC

1999 page 74).

Dans une volonté de se rapprocher du comportement de mobilité des usagers, il est donc

convenable d’intégrer des indications horaires comme par exemple l’existence de l’heure de pointe du matin (Baptiste et L'Hostis 2002). En effet, bien que la fréquence apporte une

information sur la composition horaire des services de transport collectif, l‟approche présentée dans la première étape est insuffisante : si le meilleur parcours de la journée est positionné au milieu de la nuit ou de l‟après-midi, il n‟a probablement qu‟un apport minime sur le potentiel de fonctionnement, qui se cristallise encore dans les heures de pointe.

Ainsi, les calculs présentés dans le V.1.2 ont été effectués uniquement pour les heures de pointe, c‟est-à-dire entre 7 et 9 heures. Le tableau 2 présente ainsi des résultats plus fonctionnels : il mesure des conditions de fonctionnement entre des pôles sélectionnés.

Tableau 3 : Meilleurs temps et nombre de trains directs entre les pôles choisis en PACA et NPdC en heures de pointe (7h - 9h)

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Les indicateurs calculés de cette manière sont plus précis et plus justes que les précédents. La principale conséquence est la baisse de niveau du service. Pour l‟accessibilité, une ville comme Avignon voit son meilleur temps de parcours se rallonger de manière spectaculaire (on passe de 37 minutes à 57 minutes pour Avignon - Marseille ou encore de 2h19 à 2h50 pour Avignon - Toulon). Au niveau de la fréquence, les pôles externes perdent une grande partie de leurs relations directes (les 6 Londres - Lille directs disparaissent, ainsi que 16 des 18 Paris - Arras). Cela signifie que pour certains pôles, une grande partie du service de transport n‟est pas située pendant l‟heure de pointe, ce qui peut paraître assez inadapté aux besoins régionaux.

Les différences d‟accessibilité entre l‟ensemble de la journée et l‟heure de pointe sont telles que la hiérarchie des nœuds s‟en trouve parfois changée (voir tableau 2).

Ainsi, pour le Nord-Pas-de-Calais, le Lille - Béthune rejoint le Douai - Béthune en termes de temps de parcours en heures de pointe. La relation qui subit le plus de dégradation est le Maubeuge - Béthune, ce qui peut se justifier par le fait que cette relation n‟est pas a priori propice à un fonctionnement quotidien par le rail. Néanmoins, il est intéressant de remarquer sur le plan de l‟accessibilité stricte que dans ces relations vers Béthune, le pôle externe de Bruxelles devient plus accessible que Maubeuge.

Pour PACA, les changements sont plus significatifs.

La mauvaise accessibilité en heures pleines à Avignon a pour conséquence que le Avignon - Marseille et le Avignon - Toulon se fait supplanter respectivement par le Aix - Marseille et le Grasse - Toulon dans les meilleures accessibilités. Ce dernier changement est d‟autant plus à noter que le Grasse - Toulon a peu de sens fonctionnel. Pour ce qui est de l‟accessibilité aux pôles externes, le Avignon - Milan devient plus long que le Aix - Milan. À noter dans le même ordre d‟idée la dégradation de l‟accessibilité pour le Turin - Grasse.

L‟apport des horaires amène donc une information plus précise sur les conditions d‟accessibilité. Néanmoins il convient de préciser encore davantage. En effet, dans l‟intervalle des deux heures, le meilleur temps de parcours n’est peut-être pas idéalement positionné

dans le temps pour la relation fonctionnelle, c‟est-à-dire la navette. On peut de la même

manière se poser la question du retour. Il est ainsi nécessaire de passer à la deuxième étape, qui ambitionne de construire des indicateurs d‟accessibilités horaires.

Conclusion

Pour évaluer le potentiel de structuration du territoire offert par les réseaux de transport collectif, nous choisissons de nous appuyer sur des pôles de construction du territoire, choisis entre autres selon leur importance dans l‟armature urbaine et leur position géographique. Les interactions entres ces villes sont analysées du point de vue des possibilités de fonctionnement, en particulier les déplacements domicile - travail. Sur le plan du calcul proprement dit, les approches classiques produisent des indicateurs synthétiques lisibles et compréhensibles, mais

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la simplification des oscillations de l‟accessibilité au cours de la journée est excessive. Il est préférable dans une optique territorialisée de s‟intéresser au service de transport, dans lequel les horaires de transport sont intégrés. C‟est en décrivant le plus exhaustivement possible le service de transport que l‟on se saisit de l‟ensemble des conditions d‟accessibilités au cours d‟une journée, et ainsi que l‟on peut s‟intéresser plus profondément à celles qui présentent un potentiel pour la construction des territoires.

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