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Chapitre V. Introduction aux résultats

5.2 Une mise en relation en quatre mouvements

S’inscrivant dans une approche relationnelle, la « médiation procréative » offre un appareillage théorique pour comprendre la construction du rapport à la maternité chez les femmes concernées par la gestation pour autrui et le don d’ovules. Le processus d’enfantement représente un phénomène sui generis plus grand que ses parties; un métissage relationnel qui émerge et se concrétise tout au long de quatre étapes charnières. Ces dernières se déploient à travers une mise en relation entre les personnes concernées et la construction d’un récit de conception.

Dans les prochaines sections, j’expose sommairement les quatre parties de ce modèle tourné vers l’action : 1) s’engager dans un processus d’enfantement à plusieurs; 2) négocier une entente de procréation assistée par autrui; 3) mettre en pratique la gestation pour autrui et le don d’ovules et, finalement, 5) trouver sa place dans le récit de conception et le raconter. Ces séquences représentent autant de mouvements enracinés dans les expériences de vie des femmes, permettant de mettre en lumière de façon pragmatique leurs trajectoires, les points de convergence et de tensions entre les personnes impliquées, les marqueurs d’influence, ainsi que les stratégies d’appropriation ou de mise à distance de la maternité.

5.2.1 S’engager

La première séquence évoque les trajectoires respectives des femmes concernées, soit à titre de mères d’intention ou de tierces reproductrices, qui convergent vers un projet commun d’enfantement à plusieurs. La trajectoire des femmes stériles ou infertiles est motivée par le désir d’accéder à la maternité ou de permettre à leur conjoint de devenir père, tandis que celle des femmes porteuses et des donneuses d’ovules montre une pluralité de motifs d’engagement. Leurs représentations de ce qui « fait » ou « ne fait pas » la mère influencent les logiques discursives des femmes et orientent subséquemment leurs comportements et leurs pratiques pour le reste du processus. J’aborde cette séquence dans le chapitre 6.

5.2.2 Négocier

La négociation de l’entente représente le point de rencontre entre les mères d’intention et les tierces. Dans cette séquence du processus, je présente d’abord les trois filières d’accès à la procréation assistée par autrui, puis les cadres normatifs que sont le droit, la médecine et l’État. Chacun de ces éléments génère des régulations plus ou moins cohérentes entre elles qui teintent le déroulement et l’issue de la négociation. Dans un tel contexte, consentir de façon éclairée au projet n’est pas chose aisée. Je présente cette séquence du processus d’enfantement au chapitre 7, concluant par la présentation du concept de « consentement embrouillé ».

5.2.3 Mettre en pratique

Le troisième mouvement se décline en deux séquences : la mise en pratique de la gestation pour autrui et celle du don d’ovules; ces deux pratiques étant suffisamment différentes pour les aborder dans deux chapitres distincts. Ainsi, dans le chapitre 8, je montre que les femmes concernées ritualisent la grossesse et l’accouchement pour faire face à l’incertitude maintenue par le flou juridique actuel entourant la GPA. Les rituels déployés par les femmes à des moments névralgiques visent à construire une confiance réciproque menant ultimement à la remise de l’enfant après sa naissance.

Dans le chapitre 9, je décortique la « course à relais » que représente le don d’ovules, à partir des deux mouvements menant à l’enfantement. D’abord, la préparation du corps de la donneuse et l’extraction des gamètes à l’aide de procédures médicales désincarnent l’ovule et le circonscrivent en matériau biogénétique. Ensuite, l’implantation de l’embryon enclenche chez les mères d’intention le processus d’incarnation de leur maternité par la chair : pendant la grossesse avec le lien utérin avec le fœtus, puis lors de la période postnatale par l’allaitement et son lien nourricier.

5.2.4 Raconter

La naissance de l’enfant concrétise la mise en pratique de la GPA et du don d’ovules, mais ne constitue pas la fin du processus d’enfantement. En effet, ce dernier se poursuit par l’élaboration d’un récit de conception où chaque protagoniste trouve sa place dans l’histoire de la genèse familiale. Cette construction narrative évoque la trame relationnelle tissée méticuleusement autour de l’enfant par les adultes concernés et leurs proches, laquelle évolue à travers le temps selon les circonstances et les événements ponctuant le quotidien. Cette quatrième et dernière séquence est présentée au chapitre 10.

Chapitre VI. Des trajectoires convergentes

S’engager dans un processus d’enfantement à plusieurs

Dans ce premier chapitre des résultats, j’explore le prélude du processus d’enfantement par gestation pour autrui et par don d’ovules, retraçant les trajectoires des femmes concernées pour en révéler leurs origines et les tracés. Poser un éclairage sur leurs ramifications est essentiel pour mieux comprendre le premier mouvement de la médiation procréative (s’engager), ainsi que la charge émotive et le bagage des protagonistes qui en influencent le déroulement. La figure suivante présente la convergence de ces trajectoires :

Figure 5. La convergence des trajectoires des femmes concernées

Je documente d’abord de manière descriptive les motivations des mères d’intention à solliciter l’aide d’une autre femme pour fonder une famille et accéder à la maternité tant convoitée, puis celles des tierces reproductrices à participer au projet parental d’autrui. Cet inventaire des motifs qui poussent les femmes à s’engager dans une telle démarche me permet de mettre en lumière les logiques discursives avancées par ces dernières pour contextualiser et justifier leur implication. Leurs discours s’ancrent dans des représentations de la maternité et de la famille qui guident ultérieurement leurs comportements à chaque séquence de l’enfantement.

Cet ancrage pragmatique dans les récits biographiques campe les maternités assistées comme un processus influencé par les expériences personnelles antérieures et les relations émergentes, et non comme un événement ayant pour seule résultante la naissance d’un enfant.