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B- HOSTILITE A L’ACTION DE LA COUR

2- LA TRES DISCRETE POLITIQUE CHINOISE

Sa politique à l’égard de la Cour est le fruit de sa politique internationale, politique qui répond à des principes parfois méconnus, fondée sur une conception particulière des droits de l’Homme.

- Les principes de base de la politique internationale chinoise

Pour Tang Shiping and Zhang Yunling58, la politique extérieure de la Chine sert un objectif principal : son développement. Elle met tout en œuvre pour sécuriser et construire un environnement favorable tant dans les domaines de la sécurité que de la politique sous régionales. Quatre concepts de base sont au cœur de cette politique: “peace and development”, “hiding strenght and living through hard times”, “friendly neighborhood relations” et “responsible great power “59

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En 2002, le diplomate néerlandais Harold DeWitt écrivait à des collègues: "We are quite alarmed to hear

about the impending invasion of the Netherlands. Our military is on high alert. We would really value you forwarding any news and relevant information as soon as it comes to your attention and, in particular, as it regards the timing. I would like to be able to notify my superiors … prior to any invasion.56"

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William A. Schabas, United States Hostilitty hostility towards the International criminal law, it’s all about the

security council, EJIL, 2004. http://ejil.oxfordjournals.org/content/15/4/701.full.pdf 58

Tang SHIPING, Zhang YUNLING, China’s Regional Strategy, Forthcoming from David Shambaugh (ed.), Power

Shift: China and Asia’s New Dynamics, University of California Press, 2005. 59

Tang SHIPING, Projecting China’s Foreign Policy: Determining Factors and Scenarios in Charting China's

En 1978, Deng Xiaoping se rendit compte lors de ses déplacements en Asie de la méfiance et la suspicion entourant les actions de la Chine. Un tel environnement ne favorisant pas sa stabilité et sécurité, il initia la stratégie des 24 caractères. Il la résumait comme suit: “Observe calmly; secure our position; cope with affairs calmly; hide our capacities and bide our time; be good at maintaining a low profile; and never claim leadership.”60

Dans ce but, la Chine tente de développer, avec plus ou moins de succès, le fameux soft power 61. Elle possède une culture et une histoire séduisantes, elle s’implique avec succès dans de nouveaux partenariats économiques sud-sud, sa politique de stricte non- ingérence dans les affaires intérieures des autres nations lui sert notamment en Afrique62.Il est cependant avéré que l’opinion mondiale notamment asiatique est toujours aussi méfiante à son égard et perçoit très mal le rôle de la Chine63.

Cette politique d’effacement de la Chine, le manque de transparence dans ses affaires internes et sa puissance économique font, tour à tour, et surtout aux yeux de Washington, de la Chine une menace (elle attendrait son heure pour renverser l’ordre international établi et l’hégémonie américaine) ou une alternative (un changement souhaitable dans l’ordre international, l’injonction de nouvelles idées).

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Cette stratégie donna naissance aux concepts de « Peaceful Rise », « Peaceful Development » « Harmonious

World ». Rejoindre le reste du monde ne signifie pas seulement que la Chine a quelque chose à y gagner mais

aussi qu’elle a des responsabilités. Elle se doit donc d’être une grande puissance responsable, « a responsible

great power ». Catherine JONES, International Order and Chinese Foreign Policy, University of Reading, p.9.

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Distinguant entre les pouvoirs politique et financier qu’il considère comme des exemples de hard power, pouvoir qui repose sur « le principe de la carotte et du bâton », le Professeur Joseph NYE voit l’émergence d’un nouveau pouvoir sur la scène internationale: le soft power. Le soft power repose sur la capacité pour un Etat, institution,…, d’user d’attraction ou de séduction pour parvenir à ses fins. Il s’agit de persuasion ou de cooptation, c’est amener l’autre à faire sa volonté sans recours à la force. Ce soft power repose sur des moyens intangibles: l’image positive d’un pays, son prestige, l’attrait de sa culture, mais également sa place dans le concert des nations, sa capacité à contrôler les institutions internationales, leur ordre du jour… Joseph S. NYE,

The powers to lead, Oxford University Press, 2008, p. 19. Pour Brantly WOMACK, China among unequals: asymmetric foreign relationships in Asia, p.68, le soft power ne reposerait pas sur la séduction, mais sur la

persuasion. De ce fait, il devrait être envisagé du point de vue du “persuadé”.

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« On estime à plus de 115 milliards de dollars (un peu plus de 83 milliards d’euros) le montant des échanges

économiques entre la Chine et 45 pays africains, dont la Zambie, le Zimbabwe, le Soudan, l’Algérien le Nigéria, le Kenya, la Tanzanie et l’Afrique du Sud. Un chiffre qui augmenterait de 44% par an selon le quotidien britannique Daily Telegraph » Leo West, La Chine en Afrique – enjeux et relations, 1er mars 2011, disponible

sur http://chine.aujourdhuilemonde.com/la-chine-en-afrique-%E2%80%93-enjeux-et-relations.

L’influence grandissante de la Chine en Afrique est à nuancer. En décembre 2006, le président sud-africain Thabo Mbeki a déclaré au Cap, lors du XIVe congrès du syndicat des étudiants sud-africains, que l’Afrique ne devait pas entretenir avec la Chine une relation coloniale en se contentant d’être un fournisseur en matières premières (dépêche Reuters).

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Christopher B. WHITNEY, David SHAMBAUGH, Soft Power in Asia: Results of a 2008 Multinational Survey of

Public Opinion, New Results and Analysis 2009 Edition, The Chicago Council on Global Affairs et l’East Asian

Institute (EAI), p.16. Ainsi, si 56 % des vietnamiens ne jugent pas dérangeante la place de la Chine comme nouveau leader de l’est asiatique, seuls 10 % des japonais et 21 % des sud-coréens partagent cette opinion 50 % des américains, 59% des japonais et 56 % des sud-coréens considèrent que la Chine a « très peu » ou « de manière insuffisante » contribué au règlement du conflit nord-coréen . Le poids du passé se fait encore sentir dans la région.

Sa politique de non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats lui sert de prétexte pour soutenir des régimes dictatoriaux. Il est vrai que Pékin a une conception particulière des droits de l’homme.

- La conception chinoise des droits de l’Homme

La Chine s’est depuis longtemps opposée à ce qu’elle appelle une conception occidentale des droits de l’Homme. Elle en prône une conception souverainiste : l'État souverain définit leur étendue et leurs garanties. Elle fustige, de ce fait, la politisation des sujets sur les droits de l'Homme, et appelle à ne pas pratiquer la politique du « deux poids, deux mesures », à réduire et à éviter la confrontation, à intensifier la coopération, à affecter plus de ressources aux programmes de coopération technique concernant les droits de l'Homme et à renforcer la capacité des différents pays en la matière.

Au-delà du discours officiel, la Chine s’efforce de se racheter une conduite internationale. Etant fréquemment accusée de manquement aux droits de l’homme, elle se doit de justifier ses positions et d’attaquer ses détracteurs.

Au contraire des Etats Unis qui se sont violemment et publiquement opposés à la Cour, la Chine, fidèle à sa politique d’effacement, a adopté une attitude tout en contraste. Ainsi, si elle n’a pas signé le Statut, elle a fait savoir que son adhésion n’était pas impossible64 et depuis 2002, elle participe aux Assemblées des Etats parties.

Les professeurs Gao Mingxuan et Wang Junping évoquent comme pierres d’achoppement65: · Le principe de la complémentarité permet à la Cour de sanctionner, de porter

un jugement de valeur sur le système judiciaire d’un Etat donné ; en effet, selon le Professeur YUE Liling, la Chine et l’Occident ont des conceptions différentes de l’indépendance judiciaire66. Les tribunaux chinois sont, ainsi, indépendants des autres institutions, mais pas du pouvoir central ;

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“As to the question of acceding to the Statute, the Chinese Government adopts an open attitude and the

actual performance of the Court is undoubtedly an important factor for consideration. We do not exclude the possibility of considering the accession to the Statute at an appropriate time”, Ministère des Affaires Etrangères

chinois relativement à la Chine et à la CPI, consultable sur http://www.fmprc.gov.cn/eng/wjb/zzjg/tyfls/tyfl/2626/2627/t15473.htm

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PROFESSOR GAO,MINGXUAN AND PROFESSOR WANG, JUNPING, ISSUES OFCONCERN TO CHINAREGARDING

THE INTERNATIONALCRIMINALCOURT, Symposium on the International Criminal Court, 3-4 février 2007

(Beijing, China), International Centre for Criminal Law Reform and Criminal Justice Policy, Canada, p.13-14.

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PROFESSOR YUE LILING, Some thoughts on the obstacles to China’s accession to the Rome statute: national

sovereignty and human rights, Symposium on the International Criminal Court, 3-4 février 2007 (Beijing, China),

· Les crimes de guerre poursuivis par la Cour couvrent à la fois des conflits internes et internationaux, ils ne devraient prendre en compte que les guerres et conflits internationaux ;

· Les crimes contre l'humanité ne font pas l’objet d’une convention internationale et ne devraient être poursuivis qu’en relation avec un conflit armé comme à Nuremberg. Elargir de cette façon le champ de compétence de la Cour nuit à son efficacité dans sa poursuite des crimes les plus graves ; · L'inclusion du crime d'agression affaiblirait le rôle du Conseil de sécurité en

tant que gardien de la paix et sécurité internationale. Que la Cour suive ou non la position du Conseil dans une affaire d’agression, les deux institutions seraient considérées soit faible soit dépendante et partiale ;

· L’auto saisine du Procureur peut placer la Cour sous une influence politique. La Chine n’a pas fait usage de son droit de veto lors de la résolution sur le Darfour. Elle a

cependant clairement exprimé sa crainte que l’implication de la Cour ne rende plus difficile le règlement du conflit. Dans la même déclaration, elle condamnait l’extension des compétences de la Cour aux Etats non parties tels le Soudan. La Chine a également accueilli en 2011 le président soudanais Al Baschir67, les Etats Unis ont implicitement soutenu la Chine68 en lui demandant de promouvoir le Comprehensive Peace Agreement (CPA), accord de paix relatif au Darfour.

Elle observe la Cour. Si elle estime la ratification du Statut indispensable, pour asseoir son influence, conforter sa position comme grande puissance, elle le fera. Au contraire, si la Cour vient à échouer dans sa mission et se décrédibilise comme avec l’affaire du mandat d’arrêt d’Al Baschir, elle n’aura rien perdu.

Au centre de leur hostilité réside la crainte du crime contre l’humanité, la crainte de se voir poursuivis devant la Cour aussi improbable que cela soit. D’abord, la cour a une compétence subsidiaire : il faudrait démontrer que les juridictions nationales sont dans l’incapacité matérielle d’exercer leur compétence. Ensuite, le Conseil peut imposer un arrêt des procédures à la Cour. Enfin, la Cour est-elle capable de se prononcer contre un Etat puissant ? Etat dont la ratification du statut est le fruit de marchandages ?

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El-Béchir en visite en Chine, 28 juin 2011, BBC Afrique,

http://www.bbc.co.uk/afrique/monde/2011/06/110628_bechir_china_visit.shtml,

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Justice in conflict, US Gives Its Blessings to Bashir's China Visit, US endorses it: But What Does it Mean? Juin 2011, http://justiceinconflict.org/2011/06/19/bashir-to-visit-china-us-endorses-it-but-what-does-it-mean/