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SECTION II - LA RESPONSABILITE DES SOCIETES MULTINATIONALES

1- LES DIAMANTS DU SANG

Les diamants des conflits, diamants de la guerre, ou encore diamants du sang, ont alimenté et continuent d’alimenter les conflits. Ils ont servi à financer les troupes rebelles en Sierra Leone, Angola, République Démocratique du Congo455. L’industrie diamantifère travaillant, sans aucune règle ou éthique, permettait d’entretenir des conflits armés. Sa complicité dans les atrocités commises a ému l’opinion internationale.

Pour mettre fin à ce trafic, le processus de Kimberley (PK) a été créé mais force est de constater, par la situation en Côte d’Ivoire notamment, qu’il est faillible. Les diamants ivoiriens frappés par le processus, le contournent en passant par le Ghana voisin. Ils ne sont plus des diamants ivoiriens, ils deviennent ghanéens et peuvent être exportés sans aucun problème. Et ce n’est pas le seul problème qui se pose.

- Le Processus de Kimberley et ses failles

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FIDH et OMCT, Situation des défenseurs des droits de l’Homme, 41ème session ordinaire de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, (CADHP) Contribution sur la situation des défenseurs des droits de l'homme en Afrique, Accra, mai 2007.

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« D’après les estimations, 3,7 millions de personnes sont mortes en Angola, en République démocratique du

Congo (RDC), au Libéria et en Sierra Leone dans des conflits financés par les diamants. » AMNESTY

INTERNATIONAL, Les diamants du sang, une réalité toujours d’actualité, jeudi 25 janvier 2007, Document public, POL 30/002/2007.

Le PK est l’aboutissement d’un processus commencé en 1998456. Approche innovante du règlement des problèmes internationaux, il aide les pays les plus touchés par les guerres financées par le trafic de diamants à augmenter leur revenu par le commerce de diamants. Cependant, son incapacité à résoudre les problèmes concernant le Zimbabwe, la Côte d’Ivoire ou encore le Venezuela a été flagrante. Les diamants continuent d’alimenter la violence et les abus des droits humains. Les failles du processus de Kimberley ne lui permettent pas d’endiguer la mise sur le marché mondial des diamants provenant d’exploitations minières bafouant les droits humains.

D’abord, le processus de Kimberley n’est pas un accord contraignant. Il est né d’une suite de réunions ministérielles en présence de représentants de la société civile. Ces réunions ont donné naissance à un certain nombre de règles que les participants se sont engagés à respecter. Ce processus a toutefois été reconnu, encadré et encouragé par des résolutions successives de l’Assemblée Générale et du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Toutefois, le texte même du Système de Certification est présenté comme une Recommandation457. N’étant pas contraignant, le processus ne s’oppose pas aux règles du commerce international. Les participants au processus n’ont donc pas le droit, en théorie, de boycotter des diamants provenant d’un Etat ne se soumettant pas aux règles de Kimberley. Cependant, par le biais du « waiver », tout participant peut adopter les mesures nécessaires pour interdire l’importation et l’exportation de diamants bruts vers et en provenance d’Etats ne participant pas au Processus de Kimberley. Ce « waiver » est de durée limitée458.

La certification est, elle aussi, limitée. Elle ne s’applique qu’aux diamants bruts, non aux pierres taillées et polies. L’industrie du diamant se doit donc de garantir la transparence et la surveillance de toute la chaîne du diamant. Elle ne le fait pas ou imparfaitement459. Elle s’était pourtant opposée à toute réglementation stricte lors de l’élaboration du processus, s’engageant à s’autoréguler. Pour pallier à cet état de fait, des organisations comme

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« Le 24 juin 1998, le Conseil de Sécurité de l’ONU (CSONU) adopte une Résolution qui interdit, entre autres mesures, l’exportation directe ou indirecte de diamants angolais illégaux (c’est-à-dire non accompagnés d’un Certificat d’Origine émis par le gouvernement d’Angola). Les Angolais refusant totalement de coopérer, le CSONU applique des sanctions dès le 1er juillet 1998 »

http://www.diamondfacts.org/french/pdfs/conflict/Kimberley_Process_Timeline.pdf

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Philippe Renaudière , Le Processus de Kimberley et les diamants de la guerre, Research Papers N°2, Centre

Européen de Recherche Internationale et Stratégique, 2004, p.28. 458

Il comptait du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2006. Il a été reconduit pour 6 ans et élargit à la Bulgarie et la Roumanie.

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En 2004, GLOBAL WITNESS ET AMNESTY INTERNATIONAL ont mené une étude dont il ressortait que seuls 18% des joailliers interrogés pouvait fournir une copie de leur politique en matière de diamants de conflits et que 22% n’en avait tout simplement pas.

Amnesty International ou Global Witness ont mis au point un à l’intention des consommateurs460. Mais qui consulte un tel guide avant d’entrer chez un joaillier ?

Le problème des diamants zimbabwéens semble être la pierre d’achoppement capable de « tuer » le processus. Ces diamants étaient, en effet, interdits de vente car soupçonnés de provenir des travaux forcés. Des violations des droits humains (meurtres, exploitations sexuelles, arrestations et détentions arbitraires, travail forcé notamment d’enfants, corruption …) auraient été commises par les autorités zimbabwéennes461. La BBC en a même fait un documentaire. Les participants avaient donc décidé d’interdire à la vente ces diamants.

Pendant deux ans, tous les membres ont cherché un consensus sur cette question. En vain. Or, à l’issue des travaux de la 8ème réunion intersessionnelle du Système de Certification du Processus de Kimberley (SCPK), en juin dernier, la mesure qui frappait le régime Mugabé a été levée.

Si la Chine, l’Inde, des pays africains ont soutenu cette décision, des pays occidentaux dont le Canada, des industriels du secteur et les défenseurs des droits de l’Homme l’ont rejeté462. Les membres de la société civile, parties au processus, ont, par ailleurs, annoncé leur décision, dans un email adressé à l’International Diamond Exchange (IDEX), de boycotter l’assemblée plénière du PK en novembre 2011463.

Le processus a été constitué pour lutter contre les « diamants de conflits », des diamants qui servaient à financer des groupes rebelles. Sans conflits, pas de « diamants de guerre ». Il a paradoxalement permis aux gouvernements dits légitimes d’exploiter ces mêmes diamants dans les mêmes conditions de violations des droits humains464. Les diamants du sang ne sont pas morts, seules les mains qui le versent ont changé.

- Peut-on l’améliorer?

Le PK ne saurait être amélioré sans une bonne dose de volonté politique. Sans réforme, des membres influents comme les défenseurs des droits de l’Homme l’abandonneront et il

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GLOBAL WITNESS ET AMNESTY INTERNATIONAL, Are you looking for the perfect diamond?, http://www.globalwitness.org/sites/default/files/pdfs/uk_ai_gw_diamond_leafletfinal.pdf

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HUMAN RIGHTS WATCH, Diamonds in the Rough: Human Rights Abuses in the Marange Diamond Fields of

Zimbabwe, JUIN 2009, 61p. 462

RADIO NETHERLANDS, Zimbabwe: Ottawa rejette l'annonce "incorrecte" sur les "diamants du sang", 25 juin 2011, http://www.rnw.nl/afrique/bulletin/zimbabwe-ottawa-rejette-lannonce-incorrecte-sur-les-diamants-du-sang.

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IDEX online news, 4 octobre 2011, http://www.pacweb.org/Documents/PAC-in-the-news/2011/indexonline-2011-oct-04.pdf

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Sur la situation en Angola, voir par exemple, MICHAEL ALLEN, The 'Blood Diamond' Resurfaces, THE WALL STREET JOURNAL, 19 juin 2010.

deviendra une agora inutile. Les diamants de conflits- qui n’ont jamais totalement disparus du marché international- referont surface et un grands progrès de la lutte contre l’impunité périra465.

Tant que les participants au processus ignoreront les droits de l’Homme, il ne saurait être efficace. Briser les liens entre violations des droits de l’Homme et commerce des diamants était l’un des principes fondamentaux de la création du PK. Il se doit donc de clarifier et de renforcer ses engagements envers ceux-ci.

Le PK a besoin d’un personnel administratif et technique qui lui soit propre. En effet, il n’a ni secrétariat permanent, ni fonds. Il n’a donc pas la faculté de suivre efficacement et rapidement les situations de crises.

La fin du consensus dans la prise de décisions. Un seul membre peut bloquer toute initiative. Le PK peut rarement prendre des mesures fortes en cas de non suivi de ses règles. Il ne peut engager la responsabilité d’un de ses membres et cela est fort regrettable. Cela altère sa crédibilité aux yeux des consommateurs et des participants eux-mêmes.