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me I have my dissenting opinion and I disagree with the findings and conclusions of the

PROBLEMATIQUE DE L’AMNISTIE

PROBLEMATIQUE DE L’AMNISTIE

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Selon le vocabulaire juridique Cornu, l’amnistie est « une mesure qui ôte rétroactivement à certains faits commis à une période déterminée leur caractère délictueux (ces faits étant réputés avoir été licites, mais non pas ne pas avoir lieu) ».

Deux cas se distinguent en fonction de la date d’entrée en vigueur de l’amnistie :

- elle intervient antérieurement à toute enquête, poursuite, ou condamnation au sein de l’Etat concerné,

- Intervenant postérieurement à celles-ci, elle stoppe toute procédure ou annule une condamnation.

Dans le premier cas, il est aisé de faire jouer la complémentarité. En effet, l’amnistie empêche les juridictions nationales d’enquêter. Faire preuve de mauvaise foi, d’inactivité ou d’incapacité de ces tribunaux n’est même pas nécessaire. La loi parle d’elle-même. En vertu de cette compétence, elle exigera la coopération de l’Etat qui, tenu par ses obligations internationales, est supposé accéder à cette demande.

Dans le second cas, en arrêtant les procédures engagées, il est possible de faire jouer la mauvaise foi par le biais de l’article 17.3a508. L’amnistie a justement pour but de faire obstacle à la justice.

Qu’en est-il si une personne jugée et condamnée est, par la promulgation d’une loi postérieure à son procès, amnistiée ? Une telle hypothèse est loin d’être un cas d’école. William Schabas relate l’affaire William Carey qui, condamné pour ses actes commis lors de la guerre du Vietnam, s’est retrouvé gracié par le président Nixon après un court séjour en prison509. Faudrait-il suivre ici la règle du ne bis in idem ? Ce principe apparait à l’article 19 du statut où il est défini comme suit :

« Quiconque a été jugé par une autre juridiction pour un comportement tombant aussi sous le coup des articles 6, 7 ou 8 ne peut être jugé par la Cour que si la procédure devant l'autre juridiction :

a) Avait pour but de soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale pour des crimes relevant de la compétence de la Cour ; ou

b) N'a pas été au demeurant menée de manière indépendante ou impartiale, dans le respect des garanties d'un procès équitable prévues par le droit international, mais d'une manière qui, dans les circonstances, était incompatible avec l'intention de traduire l'intéressé en justice. »

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« …la décision de l'État a été prise dans le dessein de soustraire la personne concernée à sa responsabilité

pénale pour les crimes relevant de la compétence de la Cour… » 509

Ce principe n’apparaissait pas dans les versions préparatoires du statut. Son ajout s'explique essentiellement par le souci de protéger les droits de l’accusé, à la différence des alinéas a), b) et d) du même paragraphe, qui ont pour objet de préserver les droits souverains des Etats et de s' assurer que les affaires portées devant la Cour sont d'une gravite suffisante510

La Cour estime qu’un procès connait trois étapes : la phase préliminaire (enquêtes et poursuites) relevant de la Chambre préliminaire, la phase du procès attribuée a la Chambre de première instance, dont la traduction anglaise pourrait être «trial proceedings », et la phase d’appel dont connait la Chambre d’appel511. Ce n’est que pendant les deux premières étapes que l’exception ne bis in idem peut être invoquée.

Le principe du non bis in idem est également questionné par certains auteurs. En effet si l’on peut comprendre qu’il soit appliqué de manière verticale de la Cour vers les Etats512, qu’en est-il de manière horizontale c’est-à-dire entre Etats ? Un crime jugé dans un Etat A peut-il être rejugé dans un Etat B ? Le problème ici serait essentiellement un problème de qualification des faits. Jugé une première fois pour meurtre, il pourrait être rejugé par la Cour pour crime de guerre ou génocide. Les autres tribunaux internationaux ne sont pas à écarter non plus. Dans l’affaire Le Procureur c/ Furundzija, le TPIY décida la chose suivante en cas d’amnistie: «Proceedings could be initiated by potential victims if they had locus standi before a competent international or national judicial body with a view to asking it to hold the national measure to be internationally unlawful; or the victim could bring a civil suit for damage in a foreign court, which would therefore be asked inter alia to disregard the legal value of the national authorising act.513

Ainsi, les juridictions internationales et les Etats tiers ne sont pas liés par les amnisties. Encore faut-il que les victimes puissent avoir accès à de tels recours externes. Quant à intenter une action devant une juridiction nationale, nous évoquerons ici la Cour constitutionnelle sud-africaine qui a consacré l’amnistie dans l’arrêt Azanian People’s Organization (AZAPO).

Les plaignants dénonçaient le tort que leur causait l’amnistie en les privant de leur droit à la justice. Ils estimaient aussi qu’une commission vérité n’étant pas un tribunal, elle ne pouvait prendre de décision judiciaire et accorder une amnistie. En tenant compte des exemples des commissions vérités argentines et chiliennes, du besoin de vérité et l’inapplicabilité des conventions de Genève au cas sud-africain, la Cour reconnu le tort qu’une telle disposition

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Le Procureur C. Germain Katanga Et Mathieu Ngudjolo Chui, ICC-Ol/04-01/07 22/39, 16 juin2009, par.48

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Idem, par.39, p.17.

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Un individu condamné par la Cour pour génocide, crimes de guerre ou crimes contre l’humanité ne peut faire l’objet de poursuites par un Etat.

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pouvait causer aux victimes d’apartheid mais a jugé de la constitutionnalité de la loi d’amnistie514.

A la décharge de la commission sud-africaine, toutes les demandes d’amnisties ne furent pas accordées. Il est notable que celles de Thabo Mbeki et de l’ANC furent refusées.

1- DENI DE JUSTICE DENI DE REPARATION

A l’issue d’un conflit, les bourreaux d’hier sont les gouvernants. Les victimes n’ont rien à attendre de l’exécutif. Les efforts de reconstruction occupent le devant de la scène. Les injustices sont oubliées et masquées. Porter plainte devant une juridiction nationale demande un courage ou un désespoir peu commun.

L’amnistie est supposée garantir la paix et la réconciliation nationale. De ce fait, les pays ayant promulgué de telles lois devraient depuis connaître paix et stabilité. Qu’en est-il en réalité ? L’Afrique du Sud n’est pas en proie aux troubles mais les commissions vérités argentines et chiliennes n’ont pas réussi.

En Sierra Leone, au Rwanda, en ex-Yougoslavie et au Cambodge, les criminels sont jugés. La loi d’amnistie sierra léonaise exclut de son champ d’application les atteintes graves aux droits de l’homme et au droit international humanitaire.

La commission pour la recherche de la vérité haïtienne échoua pour le sentiment d’insécurité éprouvé par ses membres sur fond d’un climat général d’impunité, l’oubli de la communauté internationale, des désorganisations administratives515.

En fait, le sentiment d’injustice provoqué par l’amnistie est un terrain propice pour alimenter un nouveau conflit armé. Les victimes d’hier devenant les bourreaux d’aujourd’hui l’on se retrouve pris dans un cercle vicieux.

Evoquant le cycle de la violence dans les Balkans, commencé bien avant la première guerre mondiale, Carla Del Ponte constate “Peace without justice cannot be sustainable. It is a terrible mistake to believe that people will simply forget. Even after hundred years,

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Constitutional Court Of South Africa, the Azanian People’s Organization (Azapo) Vs the President of the

Republic of South Africa and The Government of the Republic of South Africa, Jugement, CCT 17/96, 25 juillet

1996.

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, Joanna R QUINN, Haiti's Failed Truth Commission: Lessons in Transitional Justice, Journal of Human Rights, 8: 3, 265 — 281, 2009, DOI: 10.1080/14754830903110350,

sometimes even after several hundreds of years, unpunished crimes continue to represent huge stumbling blocks in establishing peaceful, normal relations between some States.”516 Il est en fait primordial de savoir ce que l’on entend par « justice » ou « intérêts de la justice » ? Notre jugement sur l’amnistie peut s’en trouver changer. S’agit-il de rétribution ou de restauration ?

La doctrine est en désaccord sur une définition du concept517. Elle ne s’accorde d’ailleurs pas sur la traduction française du terme anglais restorative justice518. Le Conseil Economique et Social de l’ONU préconise un programme de justice réparatrice. Il s’agit de « tout programme qui fait appel à un processus de réparation et qui vise à aboutir à une entente de réparation. » Il convient donc de définir le processus de réparation qui est « tout processus dans lequel la victime et le délinquant et, lorsqu’il y a lieu, toute autre personne ou tout autre membre de la communauté subissant les conséquences d’une infraction participent ensemble activement à la

résolution des problèmes découlant de cette infraction, généralement avec l’aide d’un facilitateur 519».

Dans une société en transition, il ne faut pas exclure l’une ou l’autre. Il faut les intégrer. Dans son étude sur la justice restauratrice, Villa-Vicencio note quatre étapes par lesquelles la restauration est mise en marche520. L’une des plus importantes est la reconnaissance de la douleur des survivants et la compensation matérielle qui peut s’ensuivre.

Reconnaitre la douleur et la colère ressenties par les victimes est vue comme un moyen de désamorcer le désir de vengeance, l’une des réactions fondamentales de l’être humain. Desmond Tutu en fait l’axe principal de sa conception de la justice restauratrice : « Restorative justice is focused on restoring the personhood that is damaged or lost. But restoring that sense of self means restoring memory, a recognition that what happened to you happened. You’re not crazy. Something seriously evil happened to you. And the nation believes you. That acknowledgment is crucial if healing is to go on and if the undercurrents

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Carla DEL PONTE, European Values and National Interests in the enlarging Europe, discours prononcé lors de la conférence, Values And Interests In International Politics, qui s’est tenue à Tallinn le 30 octobre 2006.

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Voir notamment Robert CARIO, Justice restaurative: Principes et promesses, Volume 8 de Traité de sciences criminelles, Editions L'Harmattan, 2005, p.52-56.

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On peut le traduire soit par “justice réparatrice” ou “ justice restaurative”.

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L’ECOSOC définit aussi “le facilitateur”, “les parties”, «l’entente de réparation” in ECOSOC, Commission pour la prévention du crime et la justice pénale, Rapport sur la onzième session (16-25 avril 2002) Annexe Principes fondamentaux concernant la recours à des programmes de justice réparatrice en matière pénale E/2002/30 et

E/CN.15/2002/14 p7.

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Charles VILLA-VICENCIO, Restorative Justice, Ambiguities and Limitations of a Theory, in The Provocations of Amnesty: Memory, Justice, and Impunity, Erik Doxtader, Charles Villa-Vicencio (Red.), Institute for Justice and Reconciliation (South Africa), New Africa Books, 2003,p.30s.

of conflict are not to be left simmering, as they have been so many times in so many parts of the world.”521

La responsabilité morale des coupables fait partie intégrante de cette reconnaissance. Faisant un parallèle entre les attitudes du président chilien et du président croate, Michel Ignatieff en a conclu que le second aurait pu éviter la guerre de 1991 en se repentant des crimes de son prédécesseur522. Une confession d’une telle ampleur peut en effet en engendrer de milliers d’autres dans des sphères privées. C’est également en ce sens qu’il faut interpréter l’arrêt de la Cour sud africaine dans l’affaire AZAPO. Si elle a rejeté la requête en inconstitutionnalité, elle a statué que la réparation due aux victimes et survivants pouvait se substituer à une action civile ou pénale.

A- LA NON COOPERATION AVEC LA COUR

Les Etats rechignent à coopérer surtout quand ils sont directement visés. La pression des autres Etats de la communauté internationale y est pour beaucoup. Le fait est qu’un procureur ou un président d’une juridiction internationale joue un rôle diplomatique pour lequel il n’est pas forcément préparé. L’on a demandé à Carla Del Ponte de se prononcer sur la suspension des négociations pour l’entrés de la Serbie dans l’Union Européenne523. Ce problème ancien de la justice internationale conduit à son impuissance.

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Frank LIPMAN, Interview with the Archbishop Desmond Tutu, http://www.drfranklipman.com/archbishop-desmond-tutu/

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“When Chilean President Patricio Alwyn appeared on television to apologise to the victims of Pinochet's repression, he created the public climate in which a thousand acts of private repentance and apology became possible. He also symbolically cleansed the Chilean state of its association with these crimes. German Chancellor Willy Brandt's gesture of going down on his knees at a death camp had a similarly cathartic effect by officially associating the German state with the process of atonement.

These acts compare strikingly with the behaviour of the political figures responsible for the war in the Balkans. If, instead of writing books niggling at the numbers exterminated at Jasenovac, President Franjo Tudjman of Croatia had gone to the site of the most notorious of the Croatian extermination camps and publicly apologised for the crimes committed by the Croation Ustashe against Serbs, gypsies, Jews and partisans, he would have liberated the Croatian present from the hold of the Ustashe past. He would also have increased dramatically the chances of the Serbian minority accepting the legitimacy of an independent Croatian state. Had he lanced the boil of the past, the war of 1991 might not have occurred. He chose not to, of course, because he believed Serbs as guilty of crimes against the Croats. But sometimes, a gesture of atonement is effective precisely because it rises above the crimes done to your own side.” Michael Ignatieff, ARTICLES OF FAITH, abridged from the article published in Index On Censorship 5/96 (September, 1996).

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« - Comment jugez-vous le manque d'unanimité au sein des Vingt-Cinq concernant la suspension des négociations d'adhésion entre l'UE et la Serbie ?

- J'ai lu qu'il y avait eu des divisions entre les Etats. Mais, ce qui compte, c'est la déclaration finale qui rappelle la coopération nécessaire de la Serbie avec le tribunal. C'est tout ce qu'il nous faut. » interview réalisée par Arnaud VAULERIN in Libération, 21/22 octobre 2006, p. 7,.