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SECTION I- LA RESPONSABILITE DES ORGANISATIONS TERRORRISTES

A- LE DROIT INTERNATIONAL EST-IL DEPASSE FACE AU TERRORISME ?

Nous répondrons à cette question en examinant deux points : les actes visés par les conventions internationales en vigueur, et la lutte contre le financement des organisations terroristes.

1- LES ACTES TERRORISTES VISES PAR LES CONVENTIONS EN VIGUEUR

L’absence de définition universelle ne pose pas de problème pratique pour la répression du terrorisme. Les conventions actuelles prohibent les actes terroristes suivants 380:

· Capture illicite d’aéronefs

380

Cette liste non exhaustive se base sur les conventions suivantes : Convention pour la répression de la capture illicite d'aéronefs, signée à La Haye, le 16 décembre 1970 ; Convention pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile, conclue à Montréal, le 23 septembre 1971 ; Convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime, conclue à Rome, le 10 mars 1988 ; Protocole à la Convention du 10 mars 1988 pour la répression d'actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental, conclu à Rome, le 10 mars 1988 ; Convention sur la protection physique des matières nucléaires, adoptée à Vienne, le 26 octobre 1979; Convention internationale contre la prise d'otages, adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies, le 17 décembre 1979 ; Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif, adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 15 décembre 1997 ; Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques, adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies, le 14 décembre 1973; Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies, le 9 décembre 1999 .

· Actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile · Actes de violence dans les aéroports

· Actes dirigés contre la sécurité de la navigation maritime

· Actes dirigés contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental

· Crimes contre des personnes jouissant d’une protection internationale (par exemple l’enlèvement de diplomates)

· Prise et possession illicites de matières nucléaires · Prise d’otages

· Attentats à l’explosif

· Financement de la commission d’actes terroristes et d’organisations terroristes

· Actes de terrorisme nucléaire commis par des individus ou des groupes. Ces conventions bien qu’antérieures au 11 septembre sont pourtant pertinentes. Al-Qaida pourrait être coupable des deux premiers actes. Sa branche au Maghreb, AQMI, coupable de prises d’otages et d’extorsion, entre également dans leur champ de compétence. L’attentat du 19 août 2003 contre le siège des Nations Unies, à Bagdad, qui fit des centaines de blessés et 22 morts, dont l’envoyé spécial des Nations unies, Sergio Vieira DE MELLO, représentant spécial du Secrétaire général en Irak, est clairement incriminé par les dispositions de ces conventions.

Le Conseil de Sécurité de l’ONU a pris de nombreuses résolutions381 en ce domaine. Dès 1999, il prenait des mesures contre Al-Qaida. Au point 4b de sa résolution 1267382, il demandait à tous les Etats de geler les fonds et autres ressources financières, tirés notamment de biens appartenant aux Taliban ou de toute entreprise leur appartenant directement ou indirectement.

Cependant, la résolution 1373 est la plus importante. En son point 2.e, elle enjoint les Etats à « veiller à ce que toutes personnes qui participent au financement, à l’organisation, à la préparation ou à la perpétration d’actes de terrorisme ou qui y apportent un appui soient traduites en justice, à ce que, outre les mesures qui pourraient être prises contre ces personnes, ces actes de terrorisme soient érigés en infractions graves dans la législation et la réglementation nationales et à ce que la peine infligée soit à la mesure de la gravité de ces actes ».

381

Il s’agit des résolutions 1267 (1999), 1456 (2003), 1535 (2004), 1540 (2004), 1566 (2004), 1333 (2000), 1390 (2002), 1455 (2003), 1526 (2004), 1617 (2005), 1735 (2006) et 1822 (2008).

382

Elle intervint suite à la prise du consulat général de la République islamique d’Iran par les Taliban et l’assassinat de diplomates iraniens et d’un journaliste à Mazar-e-Sharif qui « constituent des violations flagrantes des règles établies du droit international »

L’efficacité de ces conventions dépend de la coopération internationale. Les juridictions internationales n’ayant pas compétence pour connaître de ces actes, il ne reste plus que les juridictions nationales. Le caractère transnational du terrorisme exige des autorités policières et judiciaires nationales une coopération avec leurs homologues à l’étranger. L’entraide judiciaire, l’extradition, le transfèrement des prisonniers, le transfert des procédures pénales, la coopération internationale aux fins de la confiscation du produit des activités criminelles et les procédures de recouvrement des biens des auteurs de tels actes sont des mécanismes mis en place par de nombreux traités internationaux383.

La Stratégie antiterroriste de l’ONU384, tout en ayant pour but d’éradiquer les motivations du terrorisme, prévoit notamment l’implication de la société civile et des organisations régionales et sous-régionales dans la lutte contre le terrorisme. Elle encourage aussi les partenariats avec le secteur privé pour empêcher des attentats contre des cibles particulièrement vulnérables. Elle lutte également contre l’utilisation d’Internet à des fins terroristes.

La Président du Comité mis en place par la résolution 1373385 citait en exemple diverses coopérations. Il citait ainsi celle instaurée depuis 12 ans entre le Kenya, la République-Unie de Tanzanie et les États-Unis d’Amérique dans le cadre de l’enquête et des poursuites relatives aux attentats à la bombe perpétrés en 1998 contre les ambassades des États-Unis au Kenya et en République-Unie de Tanzanie ; ou encore la coopération entre la Belgique, la France, les Pays-Bas, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et les États-Unis d’Amérique dans le cadre de l’enquête et des poursuites relatives à l’affaire de «l’homme à la chaussure piégée ».

La coopération interétatique fait face à de nombreux enjeux dans la lutte contre le terrorisme : les conceptions de lutte contre le terrorisme différentes selon les Etats386, le manque de transparence du système financier, le manque de ressources et de matériels,…

383

Les articles 16, 17 et 18 de la Convention des nations Unies contre la criminalité transnationale organisée portent sur l’extradition, le transfert des personnes condamnées et l’entraide judiciaire, son protocole additionnel lutte contre la traite des personnes notamment les femmes et les enfants ; La Convention contre la corruption en son chapitre IV article 43 portant coopération internationale prévoit que « les États Parties

envisagent de se prêter mutuellement assistance dans les enquêtes et les procédures concernant des affaires civiles et administratives relatives à la corruption », convention contre le blanchiment d’argent

384

Les États Membres de l’ONU ont adopté la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies le 8 septembre 2006. Cette stratégie prend la forme d’une résolution avec un Plan d’action en annexe (A/RES/60/288).

385

Lettre datée du 5 avril 2011, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1373 (2001) concernant la lutte antiterroriste, p.5, par.13.

386

Soucieux de sa souveraineté, le Mali a ainsi refusé une intervention étrangère contre le terrorisme, LEMONDE.FR avec AFP, le 28 octobre 2011, disponible sur

http://www.lemonde.fr/afrique/article/2011/10/28/le-mali-refuse-une-intervention-etrangere-contre-le-terrorisme_1595397_3212.html#xtor=RSS-3208

2- LE FINANCEMENT DU TERRORISME ET LES FAILLES DU SYSTEME FINANCIER MONDIAL

Le 11 septembre 2002, le journal La Tribune387, publia un article intitulé « Les paradis financiers sont intacts, l'argent des terroristes aussi » et avait pour sous-titre « malgré les déclarations d'intention le jour suivant les attentats, rien - ou presque rien - n'a été fait pour surveiller les paradis fiscaux388 ».

L'article signale l'attitude négative des grandes puissances et le maigre résultat obtenu : sur le milliard de dollars estimé à la portée des terroristes (des cinq milliards à l'abri dans les centres « offshore »), seuls 10 millions ont été congelés. En conclusion, « les fraudeurs du fisc, les corrompus et surtout les entreprises multinationales, ont constitué d'énormes caisses noires qui se partagent les quatre milliards restants... »

Lutter contre les paradis fiscaux n’est-il donc pas plus utile que de guerroyer en Afghanistan ?

Les Etats Unis n’ont eu de cesse de déclarer la « guerre au terrorisme », mais rien ou très peu a été fait pour lutter contre le financement du terrorisme, le blanchiment d’argent ou encore les paradis fiscaux.

En matière d’opacité financière, les pays les moins transparents ne sont pas forcément ceux que l’on croit. Pour le Tax Justice Network389, dans une étude du 4 Octobre 2011390, les Etats Unis se classent 5è et l’Allemagne 9è.

De même, 98% des sociétés inscrites à la bourse de Londres ont recours aux paradis fiscaux391, 38% de leurs filiales outre-mer sont localisées dans des paradis fiscaux. Ce n’est pas étonnant quand on constate que la précédente étude du TJN place les dominions britanniques Jersey, les Iles Vierges Britanniques et le Royaume Uni, lui-même, respectivement 7è, 11è et 13è.

Les paradis fiscaux sont des zones de non droit. Les entreprises qui y sont domiciliées ne rendent aucun compte, ne font l’objet d’aucun contrôle, ouvrant la voie à des désastres.

387

La Tribune, 11 Septembre 2002, p6.

388

Certains auteurs préfèrent au terme « paradis fiscal » celui de « juridictions du secret », ces endroits n’offrant pas un, mais trois avantages : des taxes minimes ou nulles, de la discrétion et une régulation toujours plus laxiste, voir John CHRISTENSEN et Richard MURPHY, Pour une lutte globale contre les paradis fiscaux ? Alternatives Internationales, mercredi 29 octobre 2008.

389

Le Tax Justice Network (TJN) est un institut indépendant créé en 2003 par les Chambres Parlementaires britanniques. Il travaille à promouvoir des réformes de régulation fiscale à l’échelle nationale et internationale.

390

TAX JUSTICE NETWORK, Financial Secrecy Index – the G20’s broken promise, 2011, disponible sur http://taxjustice.blogspot.com/2011/10/tjn-launches-2011-financial-secrecy_4807.html

391

Andrew GRICE, British firms attacked for routine use of tax havens, Charity urges politicians to match rhetoric

with action to stop an 'epidemic' of tax dodging, 11 octobre 2011 , The Independent, disponible sur

http://www.independent.co.uk/news/business/news/british-firms-attacked-for-routine-use-of--tax-havens-2368753.html

Ainsi, Transparency International France notait-elle que dans l’affaire des déchets toxiques déversés en Côte d'Ivoire en 2006392 (une dizaine de morts et 42 000 consultations médicales), le Probo Koala, battant pavillon panaméen, était expédié par une société écran, Puma Energy, domiciliée aux Bahamas. L'actionnaire unique de Puma Energy est Trafigura, fondée par deux hommes d'affaires français, dont les bureaux sont à Londres, la filiale en cause (Trafigura Beheer BV) et leur adresse fiscale à Amsterdam, le siège social à Lucerne en Suisse, la holding qui détient les actions à Malte et les parts du personnel dans un trust basé à Jersey. Quelle organisation !!!

L’OCDE a regroupé les paradis fiscaux en diverses catégories selon leur degré de transparence et de coopération. Les pays considérés « paradis fiscaux » doivent signer des accords d’échange de renseignements fiscaux s’ils veulent figurer sur la liste A et « laver leur honneur ».

Les paradis fiscaux signent la plupart de ces accords entre eux. Ainsi, le Royaume Uni a-t-il signé de nombreux accords avec ses propres dominions : Antigua et Barbuda, Saint Kitts et Nevis, les Iles Vierges… Andorre, de son côté, « coopère » avec Saint-Marin, le Liechtenstein, Monaco…393 Quand on sait qu’il suffit de 12 accords pour atteindre la liste « blanche », le compte peut être très vite atteint.

Des enlèvements à la contrefaçon394 en passant par les trafics de drogue et d’êtres humains, les formes de financement du terrorisme sont multiples395. Les liens entre organisations terroristes et criminalité transnationale organisée sont évidents, démontrés396. Bien que les buts des organisations terroristes et des organisations criminelles à proprement parler, soient différents - l’organisation terroriste poursuivant un but politique, la criminelle, un économique- les réseaux et méthodes employés sont les mêmes. Lutter contre le terrorisme, c’est aussi lutter contre la criminalité transnationale organisée.

392

Paradis fiscaux et judiciaire, cessons le scandale, brochure réalisée avec d’autres associations dont ATTAC, P.17

393

La liste des accords bilatéraux est disponible sur le site de l’OCDE,

http://www.oecd.org/document/20/0,3746,fr_2649_33745_38711700_1_1_1_1,00.html

394

Les responsables des attentats contre les tours du World Trade Center en 1993 ont financé leur opération par la vente de T-shirts contrefaits, voir Roslyn A. MAZER, From T-Shirts to Terroris : That Fake Nike Swoosh

May Be Helping to Fund Bin Laden's Network, , Sunday, September 30, 2001, Washington Post 2001 p.B02. De

même, il existe des liens entre la contrefaçon de DVD et le financement d’activités terroristes, Gregory F. TREVERTON, Film Piracy, Organized Crime, and Terrorism, RAND Organisation, 2008,p.76.

395

Selon Rezag BARA, conseiller du président Bouteflika,, “le recoupement de déclarations de terroristes arrêtés

permet d’affirmer qu’aujourd’hui, le tarif de base pour la libération d’un otage avoisine les 5 millions d’euros”, il

estime que AQMI a pu ainsi récolter 150 millions d’euros, http://www.city-dz.com/l%E2%80%99aqmi-a-recolte-150-millions-d%E2%80%99euros-de-l%E2%80%99argent-des-rancons/

396

Gregory F. TREVERTON, op.cit, p.77s.

Point 4 de la Résolution 1373 du Conseil de sécurité où il s’inquiétait des liens étroits existants entre criminalité transnationale organisée, blanchiment de capitaux et financement du terrorisme. Selon le Figaro international, AQMI taxerait les trafiquants de drogue, consultable sur

http://www.lefigaro.fr/international/2010/03/19/01003-20100319ARTFIG00346-al-qaida-au-maghreb-taxe-les-trafiquants-de-drogue-.php

Vu le peu de résultats obtenus pour réguler les marchés financiers suite à la crise des subprimes, l’on est en droit de penser que le financement du terrorisme a encore de beaux jours devant lui. La lutte antiterroriste s’annonce ardue et le rôle que peut jouer la CPI également.

Cependant, l’on ne peut pas dire que le droit international est dépassé ou démuni face au terrorisme. Il en prohibe les principales manifestations. La volonté des Etats est par contre en question notamment dans la lutte contre le blanchiment d’argent et les paradis fiscaux. Les éradiquer revient à assécher le financement du terrorisme. De même, l’action antiterroriste, réponse supposé adaptée au terrorisme contemporain se révèle en inadéquation avec le droit international.