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SECTION II - LA RESPONSABILITE DES SOCIETES MULTINATIONALES

LE PACTE DES NATIONS UNIES RELATIFS AUX DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS, UN PACTE DANS

1- LES DECLARATIONS DU PROCUREUR SUR LE DARFOUR

1- LES DECLARATIONS DU PROCUREUR SUR LE DARFOUR

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Protocole facultatif au pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels instituant un

mécanisme de plainte, un entretien avec Catarina de ALBUQUERQUE, propos recueillis par Anastasia

ILIOPOULOU et Arnaud JAUREGUIBERRY en juillet 2008 lors du 3e Forum mondial des droits de l’homme pour la revue Droits fondamentaux.

Lorsque premièrement saisi de la question du Darfour, le Procureur avait affirmé vouloir s’attaquer aux crimes économiques commis dans la région.

Force est de constater, cependant, que les charges qui pèsent sur les différents accusés423 n’en font pas état. Ils sont suspectés de crimes de guerre et crimes contre l’humanité pour meurtre, extermination, viol ou encore torture mais de persécution, ce qui aurait été une reconnaissance des crimes économiques par la CPI.

Le statut de la Cour stipule, en effet, que le crime contre l’humanité peut être constitué par la « persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d'ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste au sens du paragraphe 3, ou en fonction d'autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, en corrélation avec tout acte visé dans le présent paragraphe ou tout crime relevant de la compétence de la Cour424 »

Intéressons-nous au terme « en fonction d’autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international. » Une violation des droits de l’homme et notamment des droits économiques est inadmissible en droit international.

En effet, pour le TPIY, se basant sur la jurisprudence de Nuremberg, la persécution peut être de nature économique. Il déclarait ainsi, à propos de l’affaire Tadic, « le crime de persécution englobe une variété d'actes, notamment ceux d'un caractère physique,

économique ou judiciaire, qui privent une personne de son droit à un exercice égal de ses libertés fondamentales 425». De même, la Chambre de première instance du TPIY, dans l’affaire Zupreskic426, estimait que les conséquences de destructions de biens, pour être constitutives du crime de persécution, doivent être tout aussi inhumaines qu’une déportation par exemple. Il faut, de plus, démontrer que toute destruction de villes, villages, biens publics ou privés ne peut être justifiée par les exigences militaires. Elle doit être, de plus, illicite, arbitraire et exécutée de façon discriminatoire427.

La Commission d’enquête mandatée par l’ONU428 exhortait le Conseil de sécurité à saisir la CPI. Elle estimait, en effet, que les destructions de biens au Darfour s’inscrivaient dans le cadre d’attaques systématiques et généralisées dirigées contre la population civile et

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Il s’agit de Ahmad Muhammad Harun ("Ahmad Harun") et Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman ("Ali Kushayb"), Omar Hassan Ahmad Al Bashir, Bahar Idriss Abu Garda, Abdallah Banda Abakaer Nourain et Saleh Mohammed Jerbo Jamus. Fait amusant, la Cour considère Al Beschir en fuite alors qu’il coule des jours heureux au Soudan. Il n’a aucune intention de se cacher comme le prouve ses voyages officiels.

424

Article 7h du statut relatif au crime contre l’humanité.

425

TPIY, arrêt Tadic, Case No. IT-94-1, ICTY Appeal Judgment, 15 July 1999, par.710.

426

TPIY, arrêt arrêt Zupreskic et consort, Case No. IT-95-16, ICTY Trial Judgment, 14 January 2000

427

TPIY, Arrêt Blaskic, Case No. IT-95-14, ICTY Trial Judgment, 3 March 2000

428

Cette commission a été créée en 2004 par Kofi Annan, alors secrétaire général de l’ONU. Elle était composée de cinq membres, et devait enquêter sur les informations faisant état de violations du droit international humanitaire et des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme au Darfour (Soudan).

pourraient bien caractériser l’infraction de persécution, constitutive de crime contre l’humanité429. Ces attaques ont entraîné des déplacements forcés de populations qui, privées de moyens de subsistance, n’ont pas eu d’autres choix que de partir.

Elle a alors rappelé le gouvernement soudanais à ses obligations dérivant du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels : le droit de propriété430, le droit à un logement suffisant et de ne pas être soumis à l’expulsion forcée.

Si elle a pu constater le caractère discriminatoire des violations, la Commission n’a pu prouver le crime de génocide. Elle préconisait ainsi une poursuite sur la base de la persécution comme crime contre l’humanité.

Or, la demande de mandat d’arrêt formulée contre Omar AL BASCHIR ne mentionne pas la persécution mais bien le génocide. Le Procureur n’était pas lié par les recommandations de la Commission. Cependant, les évènements montrent un changement de sa stratégie. Lors de sa demande pour un mandat d’arrêt pour ALI KUSHAYB devant la chambre préliminaire, il estimait qu’il n’y avait pas preuve de génocide, mais seulement volonté persécutrice431. Ce changement est regrettable. Les éléments intentionnels requis pour le génocide et le crime contre l’humanité diffèrent.

« L’élément moral requis pour la persécution est plus strict que pour les crimes contre l’humanité habituels, tout en demeurant en-deçà de celui requis pour le génocide »432. Dans la persécution, seule est exigée l’intention de « faire subir des discriminations », tandis que pour le génocide, il est demandé de prouver l’intention de détruire « tout ou une grande partie de la race ou groupe ethnique concerné ».

La Chambre n’a pas trouvé que telle était la volonté du gouvernement soudanais. Elle estimait cependant que les meurtres et exterminations, par leur caractère généralisé et systématique, portaient bien la marque des crimes contre l’humanité433. Il aurait donc été plus judicieux, à notre sens, que le Procureur s’en soit tenu à ses premières résolutions434. Cette décision du Procureur enterre une nouvelle fois les droits économiques, sociaux et culturels. La justice internationale actuelle, malgré tous ses progrès, reste cependant très éloignée dans certains domaines de l’exemple du tribunal de Nuremberg.

429

Rapport de la commission par.321

430

Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, art.

431

Il y mentionnait explicitement la Persécution dans les villages de Kodoom et la ville de Bindisi et les zones environnantes comme crimes contre l’humanité notamment pour destruction de biens. SITUATION IN DARFUR, SUDAN IN THE CASE OF THE PROSECUTOR v. AHMAD MUHAMMAD HARUN ("AHMAD HARUN") and AU MUHAMMAD AL ABD-AL-RAHMAN ("AU KUSHAYB") WARRANT OF ARREST FOR ALI KUSHAYB, pp. 6 et 8.

432

TPIY, arrêt Zupreskic et consorts, op.cit.

433

CHAMBRE PRÉLIMINAIRE I, SITUATION AU DARFOUR (SOUDAN), AFFAIRE LE PROCUREUR c. OMAR HASSAN AHMAD AL BASHIR (« OMAR AL BASHIR ») Décision relative à la requête de l’Accusation aux fins de délivrance

d’un mandat d’arrêt à l’encontre d’Omar Hassan Ahmad Al BASHIR, p.80, par.193. 434

En 2010, il a cependant un second mandat d’arrêt contre Omar AL BASCHIR pour crime de génocide pour trois chefs d’accusations.