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Transition : plans d’affaires renforcés par la coopération des cédants, des employés

Chapitre 5 Situation de carrière actuelle : immigrants créateurs et repreneurs d’entreprise

5.3 Repreneurs immigrants d’origine chinoise et leur intégration au travail

5.3.3 Transition : plans d’affaires renforcés par la coopération des cédants, des employés

Procéder à la période de transition permet au repreneur de devenir lui-même une ressource appréciable pour son entreprise. La phase de transition se traduit par « une période d’autosocialisation durant laquelle le repreneur doit se montrer à l’écoute et faire preuve d’humilité, cela principalement dans le but de continuer à asseoir sa crédibilité et sa légitimité » (Cadieux et Brouard, 2009 : 40). Durant cette période, les relations entre le repreneur et le cédant et les employés doivent être prises en considération.

5.3.3.1 Coopération entre le repreneur, l’ancien propriétaire et les employés

De l’analyse des processus en jeu au cours de la transition, Cadieux et Brouard (2009) ont retenu trois dimensions qui permettent de mieux saisir l’évolution et l’adaptation du repreneur et du cédant : a) la bonne manière de préparer et d’intégrer le successeur, b) le temps consacré par le prédécesseur et la vive interaction entre le prédécesseur et le successeur, c) le retrait du prédécesseur (Cadieux et Brouard, 2009 : 42). Autrement dit, la recherche préparatoire sur le projet d’achat et de vente chez le repreneur et le cédant, la qualité de leur communication et de leur relation interpersonnelle, le temps

dédié à leur interaction contribuent à la réussite de la transmission. Plus longtemps et plus activement les protagonistes interagiront, meilleures seront la transition d’entreprise et leur coopération interculturelle. Et le repreneur se fera accepter plus facilement par son équipe de travail et par ses employés clés.

F9 a vécu une très bonne expérience de transition d’entreprise. En fait, le cédant lui a offert des prêts étalés sur plusieurs années et lui a donné une certaine souplesse dans le remboursement. Elle est très reconnaissante de la prise en charge du cédant dans la transition. Par contre, elle exprime ses inquiétudes et les défis qu’elle doit relever en coopérant avec une équipe locale qui ne partage pas la même culture de gestion qu’elle.

« L’ancien propriétaire québécois du café m’a beaucoup soutenue, il m’a appris à promouvoir mes activités : il visite mon entreprise de temps en temps, il jase avec mes clients. Il m’a prêté des fonds pour reprendre le café. Le café est un endroit de socialisation, il représente dans un certain sens la culture québécoise dans laquelle je n’ai aucune connaissance. Dans ce cas, j’ai choisi de recruter une équipe de travailleurs québécois parce qu’ils connaissent mieux les clients et le marché que moi. Pourtant, si mon employé clé démissionne avec les autres, le café fermera ses portes. Cela me demande de bien connaître mon équipe. On a différentes mentalités et différentes façons de gérer. » (F9)

F3 pense qu’avoir des employés qui ont beaucoup d’expérience est essentiel pour le bon fonctionnement de son entreprise. Les employés l’accompagnent dans son processus d’intégration dans l’environnement interne et externe de l’entreprise.

« Quand je rencontre des difficultés, je consulte mes employés. Une de mes employés est la fille du cédant québécois. Elle comprend très bien le fonctionnement de l’entreprise. Par exemple, s’il y a de la construction dans la rue durant la nuit, on va demander aux employés de faire une plainte. Si on ne comprend pas la facture, on va demander aux employés. » (F3)

Si le successeur de l’entreprise manque de connaissance sur les façons de gérer et de diriger une PME dans la société québécoise, l’équipe de travail pourrait, dans certains cas, bloquer le développement de l’entreprise.

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« Quand j’ai repris l’épicerie, je voulais embaucher de nouvelles personnes. Cependant, selon les lois locales, je n’avais pas le droit de couper les anciennes et je devais les garder. Ces employés m’ont accusé. J’ai perdu le procès et j’ai payé plus de dix mille dollars d’amende. » (H2) « Au début de ma reprise, un employé a eu un conflit avec moi parce qu’il m’a volé 3000 $ durant un mois. Malgré le fait que le syndicat lui a envoyé un avocat, j’ai gagné la cause. Mais il a le droit de continuer à travailler chez moi pour une semaine ! Je ne comprenais pas : lui, il est un voleur ! Pourquoi a-t-il autant de droits ? » (H8)

Le défi d’être accepté par les réseaux d’affaires pour un repreneur ne peut être atténué que par son apprentissage et une communication de qualité avec ses employés, son cédant et ses coopérateurs. Cependant, la différence culturelle joue aussi dans la relation d’employeur-employé :

« Les employés ici sont différents de ceux de la Chine. En Chine, les employés sont très travailleurs; ils pensent au bien du patron et ils essaient toujours de surmonter leurs propres difficultés pour aider l’entrepreneur à résoudre des problèmes. Et ils sont même capables de travailler sans rémunération sous certaines conditions urgentes40. Ici, les employés

québécois peuvent terminer leurs tâches distribuées, et c’est tout. Tu ne peux pas leur demander plus que ça. Si tu leur proposes de faire un remplacement urgent, c’est presque impossible, parce qu’ils ont leur propre emploi du temps. » (F2)

Dans la perspective interculturelle, la relation entre les employeurs et les employés, la compréhension de la « coopération » ainsi que les manières de gérer sont à penser différemment. La connaissance sur la culture et sur le fonctionnement des organisations québécoises s’avère une clé à la réussite de la transmission d’entreprise pour les repreneurs immigrants d’origine chinoise.

5.3.3.2 Relation entre le repreneur et les associations ethniques

Bien que beaucoup de valeurs de travail québécoises soient connues et acceptées par les repreneurs chinois, leurs façons différentes de gérer, leur faible niveau de langue suscitent souvent l’incompréhension de la part des employés et des coopérateurs

40La hiérarchie sociale entre la relation employeur-employés dans la culture chinoise permet de fonder une relation

locaux. Pour bien résoudre ce problème, les repreneurs d’expérience de la région de Québec ont fondé plusieurs associations commerciales dans le but de faire connaître à la communauté chinoise les lois et les règlements locaux, de créer un espace d’échange entre les repreneurs de différents âges, de favoriser la réussite de leur PME et d’encourager les échanges avec les réseaux locaux sur différents plans.

« Un sous-comité de l’Association des Chinois de Québec offre des services aux immigrants, tels qu’aider les entrepreneurs à trouver des employés, vendre des propriétés immobilières, louer des chambres, acheter des assurances, etc. On a vraiment besoin de l’association, parce qu’elle répond à mes demandes et à mes intérêts. Et je suis la présidente de ce sous-comité. » (F2)

« Nous avons créé l’Association d’Amitié entre les propriétaires des épiceries d’origine chinoise. Cette association vise à rassembler tous les Chinois qui travaillent dans le domaine du commerce d’alimentation. Nous voulons que les Chinois se réunissent et discutent afin de sortir de notre petit cercle et de mieux nous intégrer à la société. » (H8)

Un repreneur de la communauté chinoise de Québec a identifié l’importance de la coopération entre les repreneurs d’épicerie et la facilité de négociation pour acheter en gros.

« Je pense que c’est nécessaire de partager les informations au sein du groupe de repreneurs chinois qui travaillent dans le secteur de l’épicerie. Par exemple, plus de 30 repreneurs négocient ensemble avec les fournisseurs de bière et de vin : ça va faire baisser le prix. Si on achète moins cher, on aura plus de profit. Moi j’ai essayé de travailler là-dessus, mais cela demande beaucoup d’organisation. Je pense que cela pourrait être un travail du sous-comité commercial de l’Association des Chinois de Québec. » (H1)

H3 souligne que les réseaux sociaux des immigrants chinois sont très restreints, ce qui rend les réseaux ethniques encore plus importants. Lorsqu’il a besoin de ressources, il sait que les réseaux ethniques sont les premiers à lui offrir de l’aide.

« Étant donné que l’on n’a pas beaucoup de réseaux sociaux, les échanges avec la communauté chinoise paraissent très importants. Par exemple, on se communique sur le renouvellement des permis de résidence permanente, les investissements, les voyages, les échanges, ainsi que

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d’autres informations. Nous nous appelons souvent entre nous, on échange sur divers sujets. » (H3)

5.3.3.3 Aide de la part des réseaux virtuels

À propos des réseaux virtuels, il s’agit notamment des sites d’informations qui visent spécialement à offrir aux travailleurs qualifiés des opportunités de reprise d’entreprises. Ces sites dont la langue utilisé est uniquement le mandarin accompagnent les immigrants dans le processus de transfert d’entreprises tout en leur fournissent des outils de gestion dans le domaine des affaires. À l’aide de ces espaces virtuels, les repreneurs d’entreprise sont capables d’échanger, de saisir les occasions d’affaires et de s’entraide sur le marché du travail québécois.

Je suis membre de plusieurs réseaux virtuels parmi lesquels il y a l’Association Yuelu, dont les membres sont principalement des repreneurs de PME. (H8)

Tous les jours, je visite les sites tels que« Chinois à Montréal», « Dibalianmeng », etc. J’ai cherché des renseignements là-dessus quand j’ai voulu reprendre une PME et lorsque j’ai rencontré des difficultés techniques. (H7)

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