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Chapitre 1 État de la question, problématique et question de recherche 6

1.1 Migration et immigrants au Canada, au Québec et dans la région de Québec 6

1.2.1 Stratégies d’intégration développées par les immigrants 18

Dans l’optique de s’adapter rapidement à leur nouvel univers, les immigrants, entrepreneurs d’eux-mêmes, développent consciemment ou non diverses stratégies permettant une intégration au travail efficace.

1.2.1.1 Retour aux études pour s’intégrer au marché du travail

Le retour aux études est une stratégie très prisée chez les immigrants qualifiés, qui reprennent souvent la formation dans le domaine d’origine ou se réorientent dans d’autres disciplines après la migration (Belhassen-Maalaoui, 2008; Chicha, 2009; Chicha et Deraedt, 2009; Guilbert, 2009; Guilbert et Prévost, 2009). Dans les petites et moyennes villes universitaires comme celle de Québec, on voit la trajectoire et la destination des immigrants étroitement liée avec leur projet d’études (Guilbert et Prévost, 2009). Les immigrants, en faisant appel à une multitude de modes d’apprentissage, fréquentent des milieux institutionnels tels que cégeps, universités et centres d’éducation des adultes. Pour certains d’entre eux, le projet d’études pouvait être un projet adaptatif et une stratégie pour obtenir un emploi ou une meilleure situation, après que des efforts pour s’intégrer sur le marché du travail ont échoué. Toutefois, retourner aux études constitue une voie incertaine et un long engagement marqué par la nécessité (Belhassen-Maalaoui, 2008 ; Guilbert et Prévost, 2009 ; Vatz Laaroussi, Guilbert et al., 2007). Les immigrantes qui parviennent à la requalification bénéficient souvent de circonstances favorables, telles que leur jeune âge, le contexte économique et social avantageux (Chicha et Deraedt, 2009 ; Liversage 2009). La recherche de Marie-Thérèse Chicha menée dans la région de Montréal inclut une perspective nouvelle : les études dans le pays d’accueil peuvent mener parfois à retrouver le statut professionnel, mais plus souvent à des emplois moyennement qualifiés ou précaires. Autrement dit, le diplôme canadien ou québécois ne permet pas pour toujours de compenser le désavantage dû à la non-reconnaissance des acquis étrangers.

1.2.1.2 S’intégrer dans les emplois précaires et déqualifiés

Chez certains immigrants, la difficulté de faire reconnaître les diplômes étrangers, le manque de succès de la réorientation professionnelle, l’absence d’expériences québécoises et les obligations

familiales importantes les conduisent vers la marginalisation et l’occupation d’emplois précaires, à la manière d’un « cercle vicieux » (Chicha et Deraedt, 2009). Ces derniers sont obligés d’accepter la déqualification professionnelle9 étant donné que les obstacles s’accumulent et

s’enchevêtrent tout au long de leur trajectoire migratoire (Belhassen-Maalaoui, 2008).

Cependant, le phénomène de déqualification doit être appréhendé de façon dynamique : chez les immigrants qui sont arrivés au Québec comme célibataires, sans enfant et qui ont réussi à aplanir les obstacles liés à la reconnaissance des diplômes étrangers, leur situation de déqualification est faible et temporaire (Chicha, 2009) ; le fait d’accepter un emploi sous-qualifié pourrait aussi être stratégique pour ceux qui cherchent à acquérir une expérience québécoise. La recherche de Jean Renaud et Christan Cayn (2006) affirme que la prise d’expérience québécoise ou la capacité d’attendre et de chercher un meilleur emploi constitue « un processus somme toute efficace, qui aide à la requalification, tout en la retardant, mais de moins en moins au fil du temps » (40). Renaud et Cayn soulignent aussi le fait que les séjours préalables au Québec favorisent le regain de statut. Lorsque les immigrants résident au Québec « plus longtemps, leur taux en emploi qualifié augmente » (2006 : 52). Acquérir de l’expérience de travail par les emplois non rémunérés ainsi que l’implication bénévole dans la communauté font partie des stratégies qui favorisent l’obtention d’un travail salarié (Vatz Laaroussi, Guilbert et al., 2007).

1.2.1.3 Devenir travailleur autonome

Un autre choix professionnel pour les immigrants qualifiés est celui de s’intégrer au marché du travail comme travailleur autonome (Belhassen-Maalaoui, 2008). Plusieurs recherches ont fait un constat sur les immigrants qui choisissent la voie du travail autonome et elles conviennent qu’ils ne le font pas toujours par choix personnel, mais pour fuir la dévaluation professionnelle et pour avoir une ascension professionnelle et économique (Belhassen-Maalaoui, 2008; Valée et Toulouse, 1993 : 15). Le nombre d’entrepreneurs ethniques qui avaient un statut de sans-emploi avant de se lancer en affaires dépasse les autres entrepreneurs (Brenner et al., 2002).

9La déqualification signifie le fait d’exercer un emploi moins qualifié ou moins bien rémunéré que le niveau d’instruction permettrait

théoriquement de l’envisager (OCDE 2007). Pour étudier le phénomène de déqualification, trois approches peuvent être considérées : « une approche normative, qui repose sur une correspondance établie a priori entre le diplôme et l’emploi; une approche statistique, qui établit les correspondances les plus communes entre la formation et les caractéristiques de l’emploi; une approche par auto-déclaration, qui se base sur l’opinion des individus qui se prononcent sur l’adéquation entre la formation suivie et l’emploi qu’ils occupent » (OCDE 2007 : 145).

Quant aux adultes canadiens d’origine chinoise, ces derniers sont moins susceptibles d’occuper un emploi que les adultes à l’échelle du pays. Par contre, ils sont en général aussi susceptibles que les Canadiens dans la population active d’être des travailleurs indépendants ayant une entreprise (Lindsay, 2006). Plusieurs études illustrent que l’ethnie chinoise possède un esprit d’entrepreneuriat : « Within the Chinese psyche, there is a deep-seated and culturally embedded desire for self-ownership and autonomy in decision making » (Yeung, 2002 : 190), « ‘Doing business’ ou ‘zao sheng yi’ reclaims its literal meaning, as making a livelihood becomes refashioning of life itself » (Yao, 1997 : 237). Tant au niveau socioculturel qu’économique, le choix de l’entrepreneuriat leur permet de gagner leur vie et d’envisager un meilleur futur pour eux et leurs familles. La description de Souchou Yao (2002) conduit à voir que les immigrants entrepreneurs d’origine chinoise ont tendance à s’intégrer aux marchés de la société d’accueil à travers l’investissement direct : « Among the Chinese actors, it becomes relatively simple to invest an existential aura into a business enterprise, particularly that which is owned and managed by family » (Yao, 2002 : 237).

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