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Phase de planification : impact des réseaux ethniques et décision d’entrepreneuriat

Chapitre 5 Situation de carrière actuelle : immigrants créateurs et repreneurs d’entreprise

5.3 Repreneurs immigrants d’origine chinoise et leur intégration au travail

5.3.1 Phase de planification : impact des réseaux ethniques et décision d’entrepreneuriat

L’élaboration du plan d’affaires se définit de manière classique comme le premier pas pour le candidat qui vise à reprendre une entreprise. Chez le repreneur, « la nouvelle direction prend racine dans l’élaboration du plan de reprise [...]. Cette étape le conforte dans son rôle de futur dirigeant, rôle qui passe nécessairement par l’assise de sa légitimité vis-à-vis de l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise transmise / remise » (Cadieux et Deschamps, 2011 : 77). Alors qu’en général les futurs repreneurs « [...] vont rédiger leur plan d’entreprise en pensant à la carrière entrepreneuriale et ensuite au secteur d’activité dans lequel évolue l’entreprise visée » (Cadieux et Bouard 2009 : 42), les repreneurs d’origine chinoise rencontrés dans la présente recherche élaborent leur projet de reprise à partir de leurs contacts quotidiens et de leurs rapports entretenus avec les « coethniques ».

Ayant rencontré les personnes de la communauté chinoise qui ont éprouvé beaucoup de difficultés relatives à la recherche d’emploi, F9 considère la décision de reprendre une entreprise comme le seul ressort lié à son projet familial et professionnel. Elle a repris une entreprise dès la fin de ses cours de francisation. Elle n’a pas d’expérience de chercher du travail sur le marché québécois.

« Je pense qu’ici nous n’avons pas eu beaucoup de chance pour nous intégrer dans le marché du travail. Beaucoup de travailleurs qualifiés chinois ont trouvé un emploi, et puis le perdent quand le projet prend fin. Ils déménagent quand il y a une opportunité de travail ailleurs et leur vie est toujours instable. Il y a des chercheurs postdoctoraux chinois qui ont repris des PME – cette information est très néfaste pour nous, qui comptons continuer les études pour poursuivre une bonne carrière. La raison principale pour laquelle nous faisons des affaires est de pourvoir à nos besoins financiers et d’assurer l’éducation des enfants. [...] Mon plan de carrière est devenu réalisable grâce à l’aide d’un propriétaire de café à Montréal d’origine chinoise. Il vit au Canada depuis 20 ans. » (F9)

L’expérience vécue par F9 laisse voir qu’au sein de la communauté ethnique, le choix professionnel des nouveaux arrivants serait influencé par l’expérience de travail des

membres de leurs réseaux ethniques installés depuis longtemps. F9, comme beaucoup de répondants repreneurs, n’a même pas pris son temps pour faire des recherches sur le marché du travail québécois. Une fois que son cours de francisation a terminé, elle a repris une entreprise dans la région de Québec. Sa décision de reprendre une entreprise réfère directement aux mauvaises expériences relatives à la recherche d’emploi chez d’autres personnes de la communauté chinoise. Cependant, l’information offerte par des immigrants de la communauté ethnique pourrait être partielle et conséquemment, la non-validation de cette information nuirait à l’intégration des nouveaux arrivants.

En ce qui concerne le choix de reprendre chez les travailleurs qualifiés d’origine chinoise, H10, qui a eu l’expérience de vendre une épicerie, a partagé ses opinions. Ses points de vue touchent ses propres expériences d’achat et de vente d’épiceries ainsi que celles de plusieurs nouveaux arrivants d’origine chinoise. H10 indique que les immigrants chinois achètent des épiceries en suivant l’exemple des autres membres ethniques qui réussissent leur projet de reprise d’entreprise.

« Le choix professionnel des immigrants chinois est souvent influencé par les expériences des amis. Par exemple, le successeur de ma PME, avant de faire son choix professionnel, a fait un tour chez tous ses amis chinois qui ont immigré au Canada et qui travaillent dans des secteurs divers. Finalement, il a décidé de reprendre une PME. » (H10)

H4 fait partie des immigrants qui ont ajusté leur projet de carrière selon la situation familiale et l’environnement commercial local. Inscrit pour faire une maîtrise en génie à Montréal, H4 a délaissé ses études et s’est orienté vers la reprise d’épicerie. Pour travailler comme ingénieur, il lui faut non seulement un diplôme de maîtrise, mais aussi un titre professionnel comme membre de l’Ordre, sans parler des autres obstacles potentiels tels que la demande de l’expérience de travail québécoise et de la maîtrise parfaite de la langue française dans les milieux de travail. Après avoir conversé avec un ami proche, H4 a fait de la reprise d’entreprise un projet personnel et professionnel.

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« À l’époque, un ami très proche m’a présenté l’option de reprendre une petite épicerie, et cette suggestion correspond bien à mon plan professionnel. C’est la raison pour laquelle j’ai lancé mon projet dans ce domaine. » (H4)

Mais la reprise d’entreprise représente aussi une stratégie qui aide les nouveaux arrivants à s’intégrer au travail. H8, ancien programmateur (secteur technologies de l’information et des communications) qui passait la majeure partie de son temps derrière un écran d’ordinateur en Chine, a eu de la difficulté à réussir les entrevues dans le contexte de fluctuation du marché du travail dans le secteur de TIC. Pour lui, la reprise d’une PME est un choix permettant d’améliorer sa connaissance du français et de sortir du statut de chômeur.

« J’ai des amis qui ont trouvé du travail, mais souvent le couple travaillait dans des endroits différents. Je me suis dit alors que je créerais un emploi pour moi en reprenant une PME d’un cédant québécois. Le domaine de l’épicerie est le plus stable et ma femme et moi nous avons décidé d’en faire notre projet. En plus, faire des affaires peut m’aider à améliorer la langue française. Je préfère reprendre une entreprise que d’attendre la prestation gouvernementale pour les chômeurs. » (H8)

La planification est un fait complexe surtout pour les gens qui viennent d’immigrer, qui doivent évaluer le revenu et la valeur de propriété et l’environnement commercial du pays d’accueil. Dans la phase de planification, les repreneurs ont tendance à fréquenter leurs réseaux ethniques et les réseaux de contact quotidien pour obtenir de l’information. Presque la moitié des repreneurs ont élaboré leur projet d’affaires pour éviter la stigmatisation due à leur statut de nouvel arrivant et au manque de compétitivité professionnelle sur le marché du travail. Comme ce que plusieurs participants ont mentionné, les succès de reprise chez leurs compatriotes les encouragent, et leurs mauvaises expériences les inquiètent. De la même manière, au moment d’intégrer le marché du travail, les immigrants s’orientent vers les secteurs qui facilitent la stabilité financière afin de réussir leur projet de reprendre.

5.3.2 Mise en œuvre : plan d’affaires soutenu par les réseaux familiaux et par les

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