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Chapitre 1 État de la question, problématique et question de recherche 6

1.3 Histoire d’immigration des Chinois au Canada et au Québec 20

La première vague d’immigration d’origine chinoise était composée par les paysans déplacés de la Californie à la Colombie-Britannique; ces derniers venaient au Canada pour découvrir l’or dans la Rivière Fraser (Lai, 1988). La seconde vague migratoire en Colombie-Britannique eut lieu lors de la construction du chemin de fer transcontinental à la fin des années 1870. Amenés en Colombie-Britannique par bateau à travers l’océan Pacifique, la plupart d’entre eux venaient de la province de Guangdong et de Fujian en Chine continentale (Hoe, 2003 : 3). Ces paysans du Sud de la Chine connurent des inondations et des guerres civiles et c’était très difficile pour eux de cultiver la terre et de faire vivre leur famille dans leur pays natal. Très démunis, ils étaient engagés pour accomplir des travaux physiques en Amérique du Nord (Helly, 1987). Huhua Cao et Olivier Deboore (2011) conviennent que dans chacune des deux vagues, on voit différentes sortes d’immigrants :

Migratory procedure were of two kinds. The first was by means of a work contract, which was the procedure through which the labourers known as coolies migrated to Canada. Coolies, who were at the bottom of the socioeconomic ladder, were hired on contract to work in the country of destination for a certain period of time and had to

reimburse the person involved in paying for and facilitating their migration to the relevant country. Once the contract is over, coolies could find themselves jobs on their own. The second procedure was migration in stage. Migrants would first work in the country of destination until they had enough money to return to their country of origin; then they would usually get married there; and later they would return to their host countries, taking sons, nephews or other male relatives along with them. A migratory network slowly emerged out of such flows (Cao et Dehoorne, 2011 : 223).

La construction du chemin de fer dura de 1880 à 1885. Pendant cette période, environ 7 000 travailleurs chinois arrivèrent en Colombie-Britannique, mais tous n’y restèrent pas jusqu’à la fin des travaux10(Bibliothèque et Archive Canada, 2017). Quand la construction prit fin, les Chinois

furent confrontés à une réduction constante des emplois accessibles et à une oppression venue des organisations qui les confinèrent à une ségrégation sociale et économique11 (Hoe, 2003 : 6). De

plus en plus d’immigrants chinois adoptèrent la stratégie d’évitement et ils migrèrent vers l’Est du Canada. Ils s’entraidèrent et s’organisèrent en clans afin de lutter contre l’attitude hostile de la part des Blancs (Helly, 1987). Faute de capital, ils ouvrirent tout d’abord de petits commerces dans le but de devenir leurs propres employeurs, ou employés de leurs compatriotes. Ils partagèrent les tâches et les bénéfices tout en construisant des quartiers chinois dans les avenues les plus pauvres dans plusieurs villes canadiennes à partir des années 189012. Ces endroits furent

des refuges offrant des activités et des lieux de rencontre à ces personnes qui vivaient isolées13.

Dès la fin de la construction du Chemin de fer Canadien Pacifique, l’acte de l’immigration chinoise de 1885 imposa une taxe d’entrée d’un montant de 50 dollars à chaque membre d’une famille chinoise. Cette taxe atteignit 100 dollars en 1900 et 500 dollars en 1903 (Wickberg et Con, 1984). Quand le gouvernement voyait que l’augmentation des frais ne pouvait pas restreindre le nombre d’immigrants chinois avec efficacité, une loi d’exclusion fut mise en vigueur en 1923 et aucun nouvel immigrant n’était accepté (Guo et DeVoretz, 2006; Helly, 1987; Simon, 1995). Même pour ceux qui étaient déjà sur le sol de Colombie-Britannique et en Saskatchewan, leurs droits et leurs intérêts demeurèrent difficilement admis (Bibliothèque et Archives Canada, 2017).

10En moyenne, le nombre des immigrants du Sud de la Chine était plus ou moins 3 500, formant les trois quarts de la main-d’œuvre affectée au

chemin de fer dans la province (Bibliothèque et Archive Canada, 2017).

11Les organisations sinophobes sont nombreuses dans la région de Vancouver, et les trois les plus représentatives sont : Anti-Chinese Society,

Anti-Chinese League et Asiatic Exclusion League. Anti-Chinese Society est fondé à Victoria en 1873, Anti-Chinese League est fondé à Vancouver à 1887 et Asiatic Exclusion League est fondé à Vancouver en 1907 (Hoe, 2003 : 6).

12À Montréal, Jos Song Long ouvre la première buanderie chinoise au coin des rues Craig (Saint-Antoine) et Jeanne-Mance en 1877 (Archives

Montréal, 2017).

13Avant 1923, « la majorité des personnes d’origine chinoise vivant au Canada était constituée d’hommes seuls, sans familles. Ils étaient

« Despite a scarcity of labour in Canada, there was a strong tide of racism against the Chinese. Political oppression, legislative exclusion, economic discrimination and social segregation confined Chinese immigrants to the labouring class » (Hoe, 2003: 5)14. Les Chinois à l’époque

étaient marginalisés dans la société d’accueil : les Canadiens chinois ne pouvaient parrainer au pays que quelques membres de leur famille, alors que d’autres Canadiens avaient droit d’accueillir beaucoup plus d’immigrants (Bibliothèque et Archives Canada, 2017). Cao et Dehoorne (2011) indiquent que les restrictions institutionnelles sur les immigrants n’ont été complètement retirées qu’en 1962, année où le gouvernement fédéral changeait les politiques d’immigration par la création de quatre catégories d’admission :

The first two allowed independent migration by educated individuals entering the liberal professions, while the third was for immigrants who had privileged relationship with Canadian citizens or permanent residents, and in all three of these categories, immigrants’ racial background or country of origin no longer constituted a criterion for admission into Canada. The fourth category, however, enabled Canadian citizen or permanent residents to sponsor only Europeans or US citizens seeking admission. The new policy of 1962 enabled the Chinese without family ties in Canada to enter the country as independent immigrants for the first time since 1923 (Cao et Dehoorne, 2011 : 226).

Dès la fin des années 1960, la croissance économique fit hausser la demande de main-d’œuvre au Canada et on voit la naissance d’une nouvelle politique d’immigration visant à augmenter la démographie canadienne par la sélection d’immigrants qualifiés (Pâquet, 2005 : 171). Au Québec, comme ailleurs au Canada, on remarque depuis l’instauration du système de points fondé sur l’éducation, la compétence et les ressources l’arrivée de beaucoup d’immigrants chinois dont l’image s’est transformée : si les premiers immigrants chinois provenaient d’une toute petite région du Sud de la Chine, parlaient les dialectes, arrivaient au Canada pour gagner leur vie et vivre en sécurité, leurs compatriotes plus récemment arrivés au Canada occupent des situations différentes. Pendant les années 1950 et 1960, la vague d’immigrants était composée d’individus d’origine de Hong Kong et de communautés chinoises d’outremer, de l’Asie du Sud-Est, du sud de l’Afrique, d’Amérique latine et des Antilles (Cao et al., 2006 : 15). Elle était ensuite

14En 1945, le Canada s’engage aux Nations Unies de valoriser l’égalité des droits des hommes et des femmes. Cet engagement contribue

remplacée par celle des nouveaux immigrants de la Chine continentale15. L’entrée en vigueur

d’une série de réformes politiques et économiques ainsi que la mise en place de programmes à l’intérieur de la République Populaire de Chine favorisent les études outre-mer des jeunes boursiers et des étudiants financés par eux-mêmes (Gittings, 1989). Les immigrants de la vague de 1980-1990 étaient des étudiants, des travailleurs qualifiés, des entrepreneurs et des immigrants économiques qui ciblent des opportunités d’études, de travail et un meilleur environnement d’investissement (Lai, 2003). Depuis les années 1990, on constate une forte croissance du nombre de demandes des immigrants chinois de la classe moyenne (Guo et DeVoretz, 2006). Ces derniers ont pris la place des investisseurs provenant de Hong Kong et Taiwan dont le nombre reste restreint après 199716 (Citoyenneté et Immigration Canada, 1999). La nouvelle génération

de Chinois qui ont une meilleure éducation et une meilleure connaissance de l’anglais représente la cohorte des années 2000. Ils ont étudié en Chine continentale et ils proviennent de toutes les régions de la Chine. Depuis lors, la Chine se classe parmi les premières sources d’immigration au Québec et au Canada (Guo et DeVoretz, 2006; Mujahid et al., 2011).

Le recensement le plus récent montre qu’en 2016, au Canada, environ 1,3 million immigrants sont d’origine chinoise (Statistique Canada, 2018). De 2011 à 2015, 22 648 immigrants de la Chine continentale s’installent au Québec. Et parmi eux, 19 413 sont des immigrants de la catégorie d’immigration économique (MIDI, 2016); 6 959 sont de la sous-catégorie des travailleurs qualifiés (Gouvernement du Québec, 2016). La grande majorité des immigrants chinois, soit 91 780 personnes, résidant dans la province de Québec se concentrent dans la région métropolitaine de recensement de Montréal (MIDI, 2016), et quelque 3 010 personnes restent dans la région métropolitaine de recensement de Québec (Gouvernement du Québec, 2014 : 9). Selon le recensement mené par le gouvernement du Québec en 2014, les personnes d’origine chinoise déclarent connaître l’anglais (71,3 %) plus que le français (61,0 %) (Gouvernement du Québec, 2014 : 5). Selon le recensement « Le portrait statistique de la population immigrante d’origine chinoise au Québec » (Gouvernement du Québec, 2014) réalisé par le gouvernement du Canada : « (L) es membres de la population active expérimentée de la communauté chinoise

15En fait, l’ouverture de la Chine et la mobilité internationale de ses citoyens sont marquées par plusieurs événements sociopolitiques : « the

establishment of diplomatic relations between Canada and China in 1970, and the end of the Cultural Revolution in 1976, following the death of Mao Zedong. Although emigration from China to Canada started following the establishment of diplomatic relations, it was not until after the rise of Deng Xiaoping to power in 1978 that China moved towards an open door policy, which eased the mobility of its citizens » (Mujahid et al., 2011: 187).

16Selon Statistique Canada, des 225 000 immigrants de Hong Kong sont arrivés au Canada au cours des 10 années précédant sa rétrocession

travaillent surtout dans les secteurs des services de restauration, du commerce de détail, de la fabrication et des services professionnels, scientifiques et techniques. Les femmes sont relativement plus nombreuses dans le secteur des soins de santé et d’assistance sociale » (2014 : 7).

Entre les anciennes et les nouvelles générations, les attitudes envers la communauté traditionnelle « Chinatown17 » ont peu de similarité. La recherche de Huhua Cao, Olivier

Dehoorne et Vincent Roy (2006) montre que de plus en plus de nouveaux migrants délaissent ce quartier fondateur pour aller s’installer dans les banlieues et que le « Chinatown » a perdu son importance emblématique dans la communauté. Dans la région de Montréal, l’ancien rôle du Chinatown est progressivement remplacé par les organismes communautaires qui réussissent à regrouper les aînés, les jeunes ainsi que les nouveaux arrivants d’origine chinoise. Un des principaux centres de service de la communauté chinoise à Montréal est le « Service à la famille chinoise du Grand Montréal ». À but non lucratif, ce centre travaille en partenariat avec les secteurs public, privé et communautaire afin de développer des ressources, des programmes et des services adéquats répondant aux besoins de la communauté chinoise. Dans la région de Québec, l’Association des Chinois de Québec vise l’accès des immigrants chinois aux services sociaux ainsi qu’aux divers programmes culturels , son sous-comité commercial travaille dans l’objectif d’intégrer économiquement des immigrants entrepreneurs et de soutenir des membres vivant des situations difficiles; l’Association Yuelu regroupe des immigrants chinois issus de différents milieux, plusieurs membre de son Conseil d’administration sont des entrepreneurs et des repreneurs chinois (notamment ceux qui travaillent dans le domaine de l’épicerie).

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