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Le choix de l'entrepreneuriat chez les travailleurs qualifiés d'origine chinoise dans la région de Québec : une étude exploratoire sur leurs réseaux

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Academic year: 2021

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Le choix de l'entrepreneuriat chez les travailleurs

qualifiés d'origine chinoise dans la région de Québec:

une étude exploratoire sur leurs réseaux

Thèse

Yan Wang

Doctorat en ethnologie et patrimoine

Philosophiæ doctor (Ph. D.)

(2)

Le choix de l’entrepreneuriat chez les travailleurs qualifiés

d’origine chinoise dans la région de Québec

une étude exploratoire sur leurs réseaux

Thèse

Yan Wang

Sous la direction de :

Lucille Guilbert, directrice de recherche

Michel Racine, codirecteur de recherche

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Résumé

La présente recherche en ethnologie et patrimoine s’intègre dans le courant de la recherche sur l’entrepreneuriat. S’appuyant sur les théories de l’immigration et de l’interculturalité, cette thèse vise à mieux comprendre le processus d’intégration au marché du travail chez les immigrants d’origine chinoise. En observant les dynamiques d’entrepreneuriat chez les participants, nous mettons en lumière leur développement de réseaux locaux, ethniques, transnationaux d’une part et, d’autre part, les perceptions qu’ils ont sur leurs choix professionnels et sur leurs modes de réseautage. Les caractéristiques et les trajectoires des individus, les motivations pour créer ou reprendre une entreprise, les fonctions de réseaux et le phénomène d’immigration en région font partie des dimensions d’analyse qui soulèvent des questions théoriques en matière d’intégration socioprofessionnelle, d’entrepreneuriat et de réseaux sociaux.

La méthodologie adoptée s’appuie sur le parcours de vie, les entrevues semi-dirigées et l’analyse de contenu. La recherche a aussi fait appel à la réalisation de cartes de réseaux afin de mieux connaître le développement et le changement de réseaux de dimensions diverses durant le processus d’entrepreneuriat chez les immigrants d’origine chinoise.

La démarche d’analyse se fait en deux parties. Dans un premier temps, on fait ressortir les trajectoires migratoires des entrepreneurs immigrants ainsi que leurs stratégies d’intégration professionnelle. Puis, le processus d’entrepreneuriat et le développement de réseaux sociaux durant la création ou la reprise de l’entreprise sont analysés.

Cette étude se fondant sur des récits et des entrevues des participants permet aussi de connaître les ressources diverses auxquelles les créateurs et repreneurs d’entreprise font appel. Enfin, on constate qu’il existe des différences entre les créateurs et les repreneurs d’entreprise concernant leur capital humain, leurs réseaux sociaux et leurs façons de gérer l’entreprise. On voit qu’il est nécessaire que les instances gouvernementales et paragouvernementales prennent connaissance des différents besoins des immigrants entrepreneurs afin de mettre en place des politiques et des mesures favorables à l’épanouissement des immigrants entrepreneurs.

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Abstract

Canada and Quebec are searching for a large number of immigrants to ensure their demographic, economic and social development. That is the case in the Quebec City region, where the workforce is in high demand due to the aging of the population. By observing the socioprofessionnal dynamics of Chinese skilled workers, the thesis aims to better understand their professional choice in the local labor market and their tactics used to promote their integration. This research seeks to better understand the work search path of Chinese immigrants, their decision to undertake a business project, and the place that they give to social network when they begin their creation or takeover of their company / companies.

The methodology adopted in this research is based on life course, the semi-directed interview and the qualitative analysis. The network map is also used to learn about the development of the network, a strategy adopted by Chinese immigrants during the entrepreneurship process.

The analysis is divided in two parts. As a first step, the different strategies to enter into Quebec’s labor market from immigrant newcomers are highlighted. Then, the entrepreneurship process and the social network development during the creation and the takeover of the company are analyzed. The trajectories and the characteristics of the individuals, their motivations to undertake a business affair, and the phenomenon of immigration in region are part of the subjects which raise theoretical questions with regard to integration, entrepreneurship and social network.

This study, based on stories and interviews of participants, also reveals the diverse resources that business creators and buyers use. Finally, there are differences between creators and buyers of businesses regarding their human capital, their social networks and their ways of running the business. It is necessary for government and para-government bodies to become aware of the different needs of immigrant entrepreneurs in order to put in place policies which contribute to the development of immigrant entrepreneurs.

(5)

Cette thèse est dédiée à mon grand-père Lianjie Niu, qui m’a accompagné avec sa sagesse de vie et qui m’a indiqué le chemin.

(6)

Table des matières

Résumé...ii

Abstract... iv

Liste des tableaux...ix

Liste des figures... x

Liste des abréviations...xi

Liste des annexes...xii

Remerciements... xiii

Introduction... 1

Chapitre 1 État de la question, problématique et question de recherche... 6

1.1 Migration et immigrants au Canada, au Québec et dans la région de Québec... 6

1. 2 Intégration en emploi des immigrants... 12

1.2.1 Stratégies d’intégration développées par les immigrants... 18

1.3 Histoire d’immigration des Chinois au Canada et au Québec... 20

1.4 Immigrants et réseaux... 24

1.5 Entrepreneurs immigrants au Canada et au Québec... 27

1.5.1 Entrepreneur, réseau familial et réseau ethnique... 32

1.5.2 Choix de reprendre une entreprise en contexte québécois... 35

1.6 Problématique et question de recherche... 40

1.7 Conclusion... 42

Chapitre 2 Contexte théorique de la recherche... 46

2.1 Interactionnisme symbolique... 44

2.2 Entrepreneuriat immigrant... 44

2.2.1 Courants théoriques de l’entrepreneuriat... 46

2.3 Conception d'intégration... 51

2.3.2 Intégration sociale... 52

2.4 Réseau, concept clé pour l’analyse des parcours d’intégration au travail... 55

2.4.1 Réseaux traditionnels des Chinois : Guanxi... 58

2.5 Projet... 59

2.6 Conclusion... 61

Chapitre 3 Méthodologie, terrain et analyse... 63

3.1 Approche ethnologique et parcours de vie... 63

3.2 Méthodes appliquées... 66

3.3 Population ciblée et profil de l’échantillon... 71

-3.4 Posture de la chercheuse... 80

(7)

3.6 Dimensions éthiques... 86

3.7 Conclusion...87

Chapitre 4 Présentation des données et analyses des résultats: parcours migratoire des répondants du pays d’origine à l’établissement au Québec... 90

4.1 Différents motifs ayant mené les répondants à l’immigration... 90

4.1.1 Aspiration à changer de mode de vie... 91

4.1.2 Désir de voir le monde extérieur...92

4.1.3 Envie de faire des études et de connaître une ascension professionnelle...93

4.1.4 Programmes d’immigration avancés du Québec...94

4.2 Premières expériences d’immigration dans la société d’installation... 97

4.2.1 Choix de la ville de destination et impact des liens sociaux...97

4.2.2 Stratégies d’intégration en emploi durant la période de transition...100

4.3 Défis chez les immigrants qui développent leur projet professionnel différemment...103

4.3.1 Défis chez ceux qui voulaient poursuivre des études...104

4.3.2 Défis chez ceux qui travaillent dans les centres de recherche...106

4.3.3 Défis pour ceux qui sont allés sur le marché de l’emploi ... 107

4.3.4 Défis pour ceux qui ont mis en avant leur projet d’entrepreneuriat peu de temps après la migration... 108

4.4 Mobilité des immigrants et leur choix de destination... 110

4.4.1 De la région de Montréal à la région de Québec, en passant par d’autres villes de transition...111

4.4.2 De la région de Montréal à la région de Québec...112

4.4.3 De la Ville de Québec à la région de Québec (aucun déplacement interrégional)114 4.5 Conclusion...116

Chapitre 5 Situation de carrière actuelle : immigrants créateurs et repreneurs d’entreprise... 116

5.1 Profil des créateurs et des repreneurs d’origine chinoise dans la région de Québec...118

5.1.1 Caractéristiques sociodémographiques des entrepreneurs créateurs...119

5.1.2 Caractéristiques sociodémographiques des entrepreneurs repreneurs... 122

5.2 Créateurs d’origine chinoise et leur intégration au travail... 126

5.2.1 Les créateurs développent leurs entreprises progressivement...126

5.2.2 Créateurs et leur fonds du démarrage...127

5.2.3 Transformation des compétences culturelles en habiletés professionnelles... 129

5.2.4 Créateurs et leur propre vision de l’entrepreneuriat...130

5.2.5 Créateurs et l’importance accordée à l’éducation... 132

5.2.6 Conditions d’opération des créateurs : leurs réseaux... 134

5.3 Repreneurs immigrants d’origine chinoise et leur intégration au travail... 144

5.3.1 Phase de planification : impact des réseaux ethniques et décision d’entrepreneuriat chez les futurs repreneurs...145

5.3.2 Mise en œuvre : plan d’affaires soutenu par les réseaux familiaux et par les réseaux externes... 148

5.3.3 Transition : plans d’affaires renforcés par la coopération des cédants, des employés clés, des associations ethniques et des réseaux virtuels... 153

(8)

5.3.4 Nouvelle direction: repreneurs chinois et leurs réseaux québécois...157

5.4 Conclusion...161

Chapitre 6 Dynamique d’entrepreneuriat chez les immigrants créateurs et repreneurs... 163

6.1 Motifs d’entreprendre...163

6.1.1 Création/reprise d’entreprise comme projet de carrière...164

6.1.2 Création/reprise d’entreprise pour contourner des contraintes...165

6.1.3 Création/ reprise d’entreprise pour saisir des occasions d’affaires... 166

6.2 Perception durant le parcours d’entrepreneuriat et d’immigration... 170

6.2.1 Immigration et entrepreneuriat : d’une aventure à une découverte de soi... 170

6.2.2 Compétences de résilience développées...173

6.2.3 Nouvel apprentissage dans le parcours migratoire...174

6.2.4 De la création/reprise d’entreprise à la « prise » des valeurs québécoises... 177

6.3 Perception des immigrants à propos de leur choix d’entreprendre... 180

6.4 Conclusion...184

Chapitre 7 Discussion... 186

7.1 Résultats : réponses à la question de recherche...186

7.1.1 Travailleurs qualifiés et leurs motifs d’immigrer...186

7.1.2 Premières expériences d’immigration...188

7.1.3 Stratégies d’intégration durant les premiers temps... 191

7.2 Parcours de création et de reprise d’entreprises et caractéristiques des immigrants...192

7.2.1 Selon le groupe d’âge...192

7.2.2 Arrimer la culture chinoise et la culture québécoise... 193

7.2.3 Éducation et formation professionnelle...195

7.2.4 Expérience de travail dans la société d’accueil et expérience d’entrepreneuriat.. 196

7.2.5 Tolérance aux risques financiers... 197

7.2.6 Femmes entrepreneures et leurs particularités... 199

7.3 Place des réseaux dans le parcours d’entrepreneuriat chez les créateurs et les repreneurs chinois... 200

7.3.1 Réseaux familiaux et ethniques...200

7.3.2 Réseaux locaux...201

7.3.3 Réseaux virtuels... 202

7.3.4 Modèles de réseautage chez les créateurs et les repreneurs... 203

7.4 Processus d’intégration : entre les attentes de la société et la perception des immigrants..206

7.4.1 Entrepreneuriat et intégration...206

7.4.2 Perceptions des immigrants...208

7.4.3 Piste de réflexion et d’intervention... 210

7.4.4 Limites de la présente étude et pistes à suivre...213

Conclusion générale...217

Bibliographie...221

(9)

Liste des tableaux

Tableau 1. Répartition des immigrants selon l’âge d’immigration... 73

Tableau 2. Statut matrimonial des immigrants à l’arrivée au Québec, Canada...74

Tableau 3. Statut d’admission des immigrants à l’arrivée au Québec, Canada………..74

Tableau 4. Secteurs d’emploi des immigrants après les premières années…….………...75

Tableau 5. Profils généraux de l’échantillon………..77

Tableau 6. Profils généraux des répondants pendant les premières années d’installation au Québec... 103

Tableau 7. Mobilité géographique des répondants... 111

Tableau 8. Professions exercées par les immigrants créateurs en Chine ...119

Tableau 9. Secteurs d’activité des entreprises créées... 120

Tableau 10. Répartition d’entreprises créées selon l’origine des employés...121

Tableau 11. Professions exercées par les immigrants repreneurs en Chine... 123

Tableau 12. Secteurs d’activité des entreprises reprises...124

(10)

Liste des figures

Figure 1. Modèle d’intégration exclusif de Corinne Prince-St-Amand (Prince-St-Amand, 2016)55 Figure 2. Modèle de réseautage chez les créateurs...205 Figure 3. Modèle de réseautage chez les repreneurs... 205

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Liste des abréviations

AII Atelier interculturel de l'imaginaire

AMDEQ Association des marchands dépanneurs et épiciers du Québec

CIC Citoyenneté et Immigration Canada / Citizenship and Immigration Canada ISQ Institut de la statistique du Québec

MICAM Modèle interculturel coopératif d'accompagnement mutuel

MIDI Ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (anciennement MICC, Ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles)

OCDE Organisation de Coopération et de Développement Économique RMR Région métropolitaine de recensement

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Liste des annexes

Annonce de recrutement (deux pages)

Grille 1 : Guide de récit de vie sur l’intégration professionnelle des immigrants d’origine chinoise à Québec et guide de réalisation de carte de réseaux

Grille2 : Guide d’entrevue semi-dirigée sur les réseaux des immigrants Formulaire de consentement

(13)

Remerciements

La réalisation de cette thèse n’a pas pu être possible sans l’implication de plusieurs personnes. J’adresse tout d’abord mes remerciements à ma directrice de thèse, madame Lucille Guilbert, professeure du département d’histoire et à mon codirecteur, monsieur Michel Racine, professeur du département des relations industrielles pour leur soutien, leurs conseils et leur patience. Sans leur aide, mon projet de recherche n’aurait pas pu voir le jour. Leur expertise dans le domaine de l’immigration et de l’intégration socioprofessionnelle m’a permis de développer cette recherche progressivement. Merci Lucille pour son encadrement et pour son intérêt envers mon projet de recherche. Merci Michel pour toutes les corrections minutieuses et toute la confiance qu’il a témoignée en mes capacités.

Je remercie également mes parents pour leur amour inconditionnel, leur encouragement, leur confiance et tous les sacrifices qu’ils ont faits pour leur fille. Je tiens à remercier mes grands-parents qui m’ont élevée, qui m’ont guidée, avec leur sagesse de vie, à traverser toutes les embûches et les obstacles durant la rédaction. Merci grands-parents pour tout l’accompagnement que vous m’avez offert.

Je tiens à remercier les 20 travailleurs qualifiés chinois qui vivent dans la région de Québec et qui m’ont accordé du temps et de la confiance pour partager leurs réflexions sur le parcours de migration. Le recrutement des personnes dans un temps limité était un grand défi, mais grâce à l’ouverture du réseau ethnique et à la générosité des participants, ce défi a pu être surmonté. Je remercie plusieurs participants qui jouent un rôle clé me permettant d’entrer en contact avec d’autres personnes immigrantes.

J’ai la chance d’avoir des amis, des collègues qui m’ont épaulée durant ce long chemin. Je les remercie de l’encouragement et de l’accompagnement durant la concrétisation de mes études au doctorat. Je suis très reconnaissante de leur soutien et de leur encouragement tout au long de mon parcours scolaire, et maintenant c’est le moment de redonner mon soutien pour eux.

Les membres du jury d’évaluation m’offrent de l’aide et des suggestions précieuses. Leur temps accordé et leur générosité permettent d’améliorer cette étude et de bien réaliser ce projet de recherche.

(14)

Introduction

De nos jours, la plupart des pays du Nord, confrontés à la mondialisation des économies et au vieillissement de leur population, offrent aux immigrants une opportunité de s’accomplir individuellement et professionnellement. L’insertion professionnelle de ces derniers constitue un processus multidimensionnel en rapport avec les « structures sociales qui lient les pays de départ aux pays d'accueil » (Belhassen-Maalaoui, 2008 : 91), avec l'état du marché, avec la volonté politique et l'intervention sociale du contexte d'accueil et aussi avec les caractéristiques personnelles des immigrants. Selon l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), le niveau d’intégration des immigrants ne se mesure pas seulement à l'aune du taux d'emploi, mais peut aussi au regard de l'adéquation entre qualifications et emplois (2007 : 142).

Parallèlement à l'augmentation du niveau de scolarité des immigrants qui s'établissent dans plusieurs pays d'accueil, un nombre croissant d'études abordent le sujet de leur situation professionnelle postmigratoire. Plusieurs chercheurs montrent que les obstacles pour faire reconnaître les expériences et la formation étrangère, la longue attente avant l’obtention d’un emploi satisfaisant, le changement de statut social ainsi que la perte de capital humain inconvertible font partie des défis à relever chez les nouveaux arrivants (Pâquet, 2005 ; Pinsonneault et al., 2010; Simon, 1995). Entre 1996 et 2004, on constate une forte croissance des personnes qui demandent de l’aide financière parmi les travailleurs qualifiés admis au Québec. Le nombre de prestataires est passé de 1 885 pour la cohorte de 1996 à 5 331 pour la cohorte de 2004, soit une augmentation de 183% (Pinsonneault et al., 2010 : 11). Cette croissance a été plus importante chez les ressortissants venant de l’Algérie, du Maroc, de la Roumanie, de la Bulgarie et de la Syrie (Benzakour et al., 2013; Pinsonneault et al., 2010). Quant aux immigrants chinois au Québec, selon le recensement de 2011, ils sont proportionnellement plus nombreux à détenir un grade universitaire (36,3 %) que l’ensemble de la population québécoise (18,6 %), mais leur taux de chômage est plus élevé (10,3 %) que celui de l’ensemble de la société (7,2 %) (Gouvernement du Québec, 2014).

Si pour des immigrants qualifiés, la précarité est perçue comme un passage vers une éventuelle réintégration dans leur profession, ils ont quand même développé des stratégies tant formelles

(15)

qu'informelles pour éviter la stigmatisation qu'implique un statut de déclassé, de chômeur ou d'assisté social. Retour aux études, occupation d'emplois déclassés, regroupement ethnique et remigration vers le pays d'origine ou d'autres pays font partie des stratégies mises en œuvre pour retrouver leur statut professionnel avant l'immigration, ou du moins pour s'en rapprocher (Belhassen-Maalaoui, 2008; Chicha, 2009; Lenoir-Achdjian et al., 2010; Liversage, 2009). D’ailleurs, de plus en plus de nouveaux arrivants s’installent dans les petites et moyennes villes pour un meilleur coût de vie et des opportunités de travail, au lieu de rester dans les métropoles (Guilbert et Prévost, 2009; Vatz Laaroussi, Guilbert et al., 2007). Spécifiquement au Québec, l’environnement commercial actif, la fiscalité attractive, les coûts d’exploitation favorable, le soutien de l’État sous forme d’accompagnement et de subventions (Folliet et al., 2013 : 13) attirent les immigrants qui cherchent à se lancer en affaires. Il n’est pas rare de voir que des Maghrébins, des Portugais, des Chinois et des immigrants d’autres ethnies bâtissent leur propre entreprise au Québec, et particulièrement à Montréal (Allali, 2010 : 26; Brenner et al., 2004 ; Robichaud, 2001). Ces immigrants ont exprimé leur volonté de s’investir dans une carrière d’entrepreneurs, voire de repreneurs d’entreprise (Nadeau et Guilbert, 2014 : 116), dû au fait que la société québécoise d’aujourd’hui est en face d’une pénurie de repreneurs de petites et moyennes entreprises (PME), cédées par les propriétaires de la génération de baby-boomers (Fondation de l’entrepreneurship, 2010; Nadeau et Guilbert, 2014).

Récemment, au Québec et dans la région de Québec, beaucoup d’immigrants d’origine chinoise choisissent de reprendre des entreprises locales, notamment dans le secteur du commerce de détail. Selon un article dans le journal Le Devoir (31 mars 2012), « au Québec, un dépanneur sur six est géré par un immigrant chinois ». D’après l’article « De plus en plus de dépanneurs détenus par des Chinois à Québec », paru dans Radio Canada (Lemieux, 2015), « en cinq ans, 86 dépanneurs ont été achetés par des Chinois dans les régions de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches ». Les reportages soulignent que dans le domaine financier, la reprise des entreprises offre des possibilités financières aux nouveaux arrivants pour soutenir leur famille ; elle facilite leur accès à la langue et à la culture québécoise, favorisant aussi leur intégration. Cette recherche apparaît pertinente dans ce contexte où les médias sociaux proclament que reprendre un petit commerce constitue « une véritable “école d'intégration” » et « une porte d’entrée » pour les immigrants chinois (Le Devoir, 31 mars 2012).

(16)

Cette thèse, qui explore le phénomène d’entrepreneuriat par le biais d’une création ou d’une reprise d’entreprise chez les travailleurs qualifiés d’origine chinoise de la région de Québec, se situe dans le cadre de recherche ethnologique. Elle cherche à faire ressortir leur parcours d’intégration au travail et à comprendre leur processus de fondation et de développement d’entreprise dans la région de Québec. Pour pouvoir comprendre comment fonctionne cette dynamique entrepreneuriale, on a recruté vingt immigrants d’origine chinoise, qui ont créé ou repris des entreprises dans la région de Québec. Leur parcours d’immigration, leur processus d’intégration professionnelle en tant qu’entrepreneur, les ressources auxquelles ils ont fait appel pour démarrer leur entreprise et les façons dont ils développent leurs propres réseaux sociaux suscitent notre intérêt. Cette recherche sera réalisée selon quatre objectifs : 1) saisir les motivations d’immigration chez les travailleurs qualifiés et prendre connaissance de leurs premières expériences sur le marché du travail ; 2) comprendre leurs raisons de démarrer une entreprise, leurs stratégies et leur processus pour saisir des occasions d’affaires; 3) comprendre les différents modes d’entreprendre (création et reprise d’entreprise) et les ressources diverses auxquelles les immigrants entrepreneurs font appel, et 4) distinguer les fonctions des réseaux sociaux développés par les immigrants créateurs et repreneurs.

Le chapitre 1, « État de la question, problématique et question de recherche », regroupe des aspects différents du phénomène d’immigration dans le contexte de la mondialisation et de l’entrepreneuriat. Les mouvements migratoires sont importants de nos jours et la situation migratoire au Canada et au Québec ne fait pas exception. Dans une rétrospective, l’histoire d’immigration des Chinois au Canada et au Québec sera retracée. Ensuite, l’intégration professionnelle des travailleurs qualifiés chinois au Québec ainsi que les caractéristiques de leur trajectoire migratoire seront abordées. Étant donné que les immigrants ne s’installent pas uniquement là où ils arrivent et qu’ils déménagent pour accéder à une promotion sociale et familiale (Vatz Laaroussi, Guilbert et al., 2007), les réseaux qui fournissent des ressources reliées à leur mobilité, à leur intégration sociale et professionnelle est au centre de la présente recherche. La question de recherche s’articule autour des réseaux sociaux des travailleurs qualifiés d’origine chinoise : « Comment les travailleurs qualifiés d’origine chinoise agissent sur leur processus d’intégration en mobilisant des réseaux de sociabilité pour se lancer en affaires ? »

(17)

l’entrepreneuriat immigrant. Il regroupe plusieurs théories d’entrepreneuriat, qui touchent à la fois les caractéristiques personnelles et ethniques des immigrants et l’aspect environnemental, situationnel et structurel de la société d’accueil. Le développement théorique du concept d’« intégration » permet de caractériser des stratégies sociales et professionnelles auxquelles les immigrants ont fait appel pour avoir accès au travail. Le concept de « réseau » est lancé afin de mieux comprendre les ressources des immigrants. La possibilité d’accéder aux réseaux est non seulement un objet de recherche qui reflète le niveau d’intégration des immigrants, mais aussi un outil qui guide la présente analyse. À la fin, on aborde la théorie du projet selon l’approche de l’interactionnisme symbolique.

Le chapitre 3 présente l’approche méthodologique. Le choix des répondants a été réalisé selon leur statut d’immigration (travailleurs qualifiés), leur niveau de scolarité avant l’immigration et leur profession dans la société d’accueil — entrepreneur. L’échantillon comporte vingt interviewés (10 femmes et 10 hommes) provenant de différentes provinces de la Chine continentale. Entrées au Québec entre 1990 et 2008, leurs entreprises se situent dans les secteurs variés et représentatifs de la communauté chinoise dans la grande région de Québec. Chaque participant a réalisé deux entrevues qui duraient respectivement une heure et demie. En faisant appel à l’approche qualitative, les récits individuels et l’interprétation réflexive des sujets sur leur propre parcours ont été retracés et ensuite analysés. Considérée « comme lieu de synthèse, comme centre de la compréhension, comme incarnation de la théorisation » (Paillé et Mucchielli, 2003 : 194), la réflexivité du côté du chercheur a été aussi mise en avant.

Le chapitre 4, « Parcours migratoires et professionnels des répondants : du pays d’origine à l’établissement au Québec », présente les caractéristiques socioprofessionnelles des répondants avant de quitter leur pays d’origine, leurs motifs d’immigration et leurs premières trajectoires socioprofessionnelles après l’immigration. Il en ressort que, pour la plupart d’entre eux, le choix d’immigration est un projet familial qui vise un changement de mode de vie. Et les réseaux familial et ethnique dans la société d’accueil s’avèrent très importants pour eux, notamment durant la période de transition et durant les moments de recherche de leurs premiers emplois. Cependant, les opportunités de travail au sein de ces réseaux sont en général très limitées, d’où l’idée de se mettre à leur compte et d’offrir des services à l’ensemble de la société d’accueil. Le 5echapitre, « Situation de carrière actuelle : immigrants créateurs et repreneurs d’entreprise »,

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présente les profils divers des entrepreneurs d’origine chinoise actifs dans la région de Québec. On a souligné les facteurs motivant les entrepreneurs immigrants à démarrer et à exploiter une entreprise, leur capacité et leur processus d’entrepreneuriat, ainsi que les réseaux sociaux auxquels ils ont fait appel. Malgré leur choix commun de pratiquer des activités indépendantes, les travailleurs qualifiés d’origine chinoise dans la présente recherche démarrent leurs affaires de manières différentes, soit de créer, soit de reprendre une entreprise. Ce chapitre porte aussi sur les fonctions des réseaux sociaux durant les différentes phases du développement d’une entreprise. Le 6e chapitre, « Dynamique d’entrepreneuriat chez les immigrants créateurs et repreneurs »,

illustre la perception des créateurs et repreneurs chinois sur eux-mêmes et sur leur décision d’entreprendre. Tout d’abord, les motifs d’entreprendre chez les entrepreneurs chinois ont été classés et catégorisés. Ensuite, un retour sur la représentation de leurs pratiques socioprofessionnelles concernant la réalisation de soi et l’apprentissage durant la migration a été abordé. L’analyse montre que tous les immigrants n’entreprennent pas dans la passivité, ils sont aptes à utiliser différentes ressources et ils sont capables de prendre en main leur choix d’entreprendre.

Le 7e chapitre « Interprétation des résultats et discussion » vise à faire état des constats

ethnographiques et à ressortir de manière systématique les cheminements et les caractéristiques des créateurs et des repreneurs. L’utilisation des réseaux influence leur type d’occasions d’affaires repérées et leur processus d’accès au travail. « L’appartenance à un réseau constitue une ressource qui permet à l’individu d’avoir l’accès à des connaissances sur un secteur et sur les occasions d’affaires qu’il recèle » (Filion et al., 2007 : 49). L’interprétation de leurs réseaux sociaux contribue non seulement à la compréhension sur le choix de faire des affaires de ces travailleurs qualifiés, mais aussi à la distinction des modalités d’entrepreneuriat entre les créateurs et les repreneurs. La dernière partie de ce chapitre tente de dégager un cadre théorique approprié pour l’analyse de la dynamique d’entrepreneuriat chez les travailleurs qualifiés d’origine chinoise dans la région de Québec.

(19)

Chapitre 1 État de la question, problématique et question de recherche

De nos jours, le phénomène de migration semble de plus en plus répandu. Les pays du Nord font de plus en plus appel à la migration pour faire face au défi de la mondialisation économique et du vieillissement de la population nationale. Le Canada et le Québec, en insistant sur leur besoin immédiat du marché du travail, sur l’atténuation des impacts des changements démographiques et sur la maintenance d’une main-d’œuvre stable, souhaitent accueillir des immigrants compétents qui peuvent contribuer à la prospérité économique. Parallèlement au développement d’un ensemble de systèmes économique et social qui encouragent le déplacement géographique des immigrants, on constate un réseau de migration qui se complexifie et se perfectionne. Les migrants se déplacent au sein de leur région, voire traversent les frontières. Les travailleurs qualifiés d’origine chinoise qui se classent dans la catégorie de l’immigration économique au Canada font partie des immigrants sélectionnés que l’on va étudier dans la présente recherche. Dans la partie de revue de la littérature, les différentes définitions sur le phénomène d’immigration seront synthétisées : d’abord, l’évolution des politiques de migration canadienne et québécoise et l’histoire de l’immigration des Chinois en sol canadien seront expliquées ; ensuite, le phénomène de l’accès au travail des immigrants et leurs diverses stratégies seront décrits ; à la fin, les immigrants qui se mettent à leur compte et qui possèdent divers modes d’entrepreneuriat seront présentés.

1.1 Migration et immigrants au Canada, au Québec et dans la région de Québec

Le mouvement migratoire a influencé l’histoire humaine, soutenu le processus de croissance économique mondiale, contribué à l’évolution des États et des sociétés, et enrichi de nombreuses cultures et civilisations (Simon, 2008). L’histoire du Canada et du Québec est intimement associée au phénomène de migration caractéristique des pays neufs. Dès le XIXe siècle, le

peuplement du territoire s’est effectué par vagues successives et la croissance démographique est devenue un facteur décisif du développement social et économique (Mathieu et Lacoursière, 1991; Simon, 1995). Les lois et les règlements adoptés pour résoudre les difficultés suite à la croissance de la population se développent progressivement et la politique en matière d’immigration évolue constamment. En 1867, par l’article 95 de la Loi constitutionnelle, le régime fédéral répartit entre

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l’État central et les provinces les compétences pour l’élaboration des normes d’inclusion et d’exclusion des immigrants fondées sur le plan de la santé, de la moralité et des moyens de subsistance. Pour la première fois, les États provinciaux interviennent en matière de sélection, de recrutement, d’accueil et d’intégration des immigrants (Pâquet, 2005 ; Simon, 1995). En octobre 1868, durant la première conférence fédérale-provinciale sur l’immigration, le gouvernement du Québec souligne l’importance pour chaque province d’avoir sa propre agence d’immigration : « as each province must be held to know the best its own want and the comparative advantages which it can offer to immigrants from other countries, it is highly important that each should have its own agent for this service; accredited certainly by the federal gouvernment; perhaps subject to its confirmation, and to instructions approved by it » (Skilling, 1945 : 12). La première Loi sur

l’immigration (Immigration Act de 1869) est adoptée suivant l’accord de l868. Cet acte interdit la

venue des immigrants criminels, les immigrants qui ont des problèmes de santé ainsi que les dénués. La loi de 1869 est refondue en 1906, selon laquelle le gouvernement fédéral a le droit de déporter les immigrants indésirables, notamment des fous, des malades, des infirmes et des handicapés (Daniel, 2003 ; Kelley et Trebilcock, 1998). La loi sur l’immigration de 1910 a élargit la liste des immigrants indésirables tout en interdisant les races jugées inadaptées au climat ou aux exigences du Canada. Les immigrants sont « sélectionnés en fonction de leur potentiel d’assimilation basée sur la race, les coutumes, la mode de vie, les habitudes religieuses » (Daniel, 2003 : 35). La loi de 1923, La Loi de l’immigration chinoise, vise à interdire les ressortissants d’ethnicité chinoise (Guo et DeVoretz, 2006). Bien que les politiques d’immigration à cette époque encouragent l’expansion économique locale par l’immigration, elles ne cherchent que la préservation du caractère britannique de la population. Ces règles n’ont connu de grand changement qu’après les deux guerres mondiales (Daniel, 2003).

Dès l’Après-guerre, on voit la naissance d’une nouvelle politique d’immigration qui vise à augmenter la population canadienne par des arrivants dûment sélectionnés pouvant s’intégrer harmonieusement à la composition sociale du Canada. En janvier 1950, le gouvernement fédéral installe un nouveau ministère de la citoyenneté et de l’immigration qui a pour mission d’accueillir des immigrants. Depuis lors, la population immigrée ne cesse d’augmenter (Daniel, 2003). En 1965, le Parti libéral de Jean Lesage inaugure « une nouvelle ère des politiques relatives à l’immigration » et la coordination entre la province de Québec et le gouvernement fédéral devient étroite (Vineberg, 2011 : 24). En même année, un bureau d’immigration est établi

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dans le ministère provincial des Affaires culturelles (ibid.). En 1966, on voit le dépôt d’un Livre

blanc sur le lien entre le développement économique canadien et l’arrivée de main-d’œuvre par

l’immigration (Daniel, 2003; Kelley et Trebilcock, 2010). En 1967, un système de sélection est mis en application par le gouvernement libéral dans l’esprit de choisir les immigrants indépendants en fonction des critères suivants : « éducation, qualités et ressources » (Simon, 1995; Pâquet, 2005). Les immigrants obtiennent des points liés à leur capacité de réussir dans la société d’accueil. Neuf catégories d’évaluation sont prises en compte : « l’éducation et la formation ; le caractère personnel ; le domaine professionnel demandé ; la capacité professionnelle ; l’âge ; l’emploi pré-arrangé ; la connaissance du français et de l’anglais ; la présence d’un parent au Canada et la possibilité d’emploi dans leur domaine de compétences » (Kelley et Trebilcock, 1998 : 359). L’établissement du système de points signifie l’abolition de la discrimination sur la base de race et de nationalité et il représente une plus grande ouverture envers les populations de couleur.

Le ministère de l’Immigration du Québec entre en service à partir de 1968 et l’opération d’immigration québécoise se lance sur deux fronts : « des agents furent envoyés dans les ambassades canadiennes à l’étranger pour recruter des immigrants ; des services de formation linguistique et d’adaptation se multiplièrent pour les nouveaux arrivants sur le sol québécois » (Vineberg, 2011 : 25). Suite à la création du ministère de l’Immigration au Québec, plusieurs ententes s’établissent progressivement en ce qui concerne l’accueil et l’intégration des personnes immigrantes entre les gouvernements fédéral et provincial. En 1969, le Québec adhère à l’entente fédérale de formation linguistique et les centres d’orientation et de formation des immigrants (COFI) sont créés1. On constate l’intérêt particulier du Québec pour l’immigration d’un point de

vue culturel :

The French fact is an essential element in the political and cultural life of Canada. Therefore, the committee agrees that to the economic, social and other considerations which normally enter into the formulation and application of immigration policy must be added a concern for the maintenance of the French Canadian presence in a healthy and thriving condition (Gouvernement du Canada, 1975 : 62).

En mai 1971, Otto Lang, ministre de la main-d’œuvre et de l’immigration (manpower and

1Jusqu’à l’année 2000, les cours de français étaient offerts par des Centres d’orientation et de formation des immigrants (COFI). À la suite de

la réforme des services de francisation, les cours de français ne sont plus dispensés dans des endroits réservés aux immigrants, comme l’étaient les COFIS, mais dans les écoles, les cégeps, les universités et les organismes communautaires (Office québécois de la langue française, 2017).

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immigration) du gouvernement fédéral, et François Cloutier, ministre de l’immigration du Québec, ont signé le premier accord fédéral-provincial. Connu sous le nom de Lang-Cloutier, cet accord a « pour mandat d’encourager les candidats francophones à choisir de s’installer au Québec et d’autoriser le Québec à envoyer des agents d’orientation au gouvernement fédéral » (Vineberg, 2011 : 30). En 1975, l’accord Lang-Cloutier a été renégocié et, en vertu des nouveaux articles, les consultations officielles avec les immigrants sont tenues avec les agents de Service d’immigration du Québec avant de rencontrer les agents fédéraux (ibid.). La réforme de la loi fédérale sur l’immigration mise en œuvre en 1976 contribue à réviser les objectifs fondamentaux de la politique d’immigration canadienne, « the Immigration Act, 1976, the cornerstone of immigration policy from 1978 until 2001, broke new ground by spelling out the fundamental principles and objectives of Canadian immigration policy » (Knowles, 1997 : 208). « En vertu de la loi, quatre catégories d’immigrants admissibles ont été reconnues : les immigrants indépendants sélectionnés sur la base du système de points, la catégorie familiale, qui comprenait des membres de la famille des citoyens canadiens et des résidents permanents, les parents aidés, et les réfugiés, au sens de la Convention relative au statut des réfugiés des Nations Unies et la catégorie parents aidés » (Knowles, 2000 : 89).

Le gouvernement du Québec se dote, en 1975, de la Charte des droits et libertés de la personne (LRQ, c. C-12), qui consacre le droit à l’égalité et prohibe la discrimination fondée notamment sur la « race », la couleur, l’origine ethnique ou nationale ou la religion (Gouvernement du Québec, 2015). En 1977, l’adoption de la Charte de la langue française inscrit la promotion et le rayonnement du français dans le mouvement de revalorisation des cultures nationales (Pâquet, 2005 : 204). En 1978, dans le cadre de l’accord Cullen-Couture, le Canada et le Québec conviennent de coopérer dans tous les domaines liés aux mouvements migratoires et démographiques et à la participation de la sélection des immigrants qui souhaitent s’établir au Québec à court et long terme2. La mise en application de la Loi sur l’immigration au Québec en

1981 encourage l’intégration des immigrants à la majorité francophone. Autant de façon d’être

Québécois : plan d’action du Gouvernement du Québec à l’intention des communautés culturelles (1981) est le premier plan d’action du gouvernement à l’intention des communautés

culturelles. Pour le gouvernement du Québec, le souci d’affirmer le caractère francophone de la

2Un des objectifs de cet accord « is among other things, the preservation of Quebec’s demographic importance within Canada and the

integration of immigrants to that province in a manner that respects the distinct identity of Quebec » (Accord Canada-Québec relatif à l’immigration et à l’admission temporaire des aubains, 1991).

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société n’a jamais été « dissocié de la reconnaissance du caractère pluraliste de l’héritage culturel » (Gouvernement du Québec, 1981). La signature de l’Accord Canada-Québec relatif à

l’immigration et à l’admission temporaire des aubains (1991) a consolidé et élargi les pouvoirs

du Québec dans différents champs d’interventions. « Pour ce qui est de l’immigration permanente, le Québec assume la responsabilité exclusive de déterminer les volumes d’immigrants ainsi que de sélectionner les candidats à destination de son territoire, à l’exception des personnes parrainées dans le cadre du regroupement familial et des personnes ayant obtenu sur place le statut de réfugié ; de plus, il gère les engagements de parrainage souscrits au Québec » (Gouvernement du Québec, 2011 : 2). Le gouvernement fédéral est responsable de compenser les dépenses : « The compensation to Québec covers service for reception service and linguistic, cultural and economic integration services, provided that they are equivalent to similar federal service in other parts of the country » (Gouvernement du Canada, 2017 : 254). Dans le cadre de l’accord, le gouvernement fédéral prend sa place dans l’établissement des normes et des objectifs relatifs à l’immigration et à l’admission de tous les immigrants et au contrôle des visiteurs, alors que le gouvernement du Québec travaille dans les domaines de sélection, de réception et d’intégration des immigrants (Young, 2004).

En souscrivant aux engagements internationaux en matière de droits de la personne, le gouvernement du Québec met en œuvre de nombreuses mesures afin de prévenir et de combattre les préjugés et la discrimination. En 1991, le gouvernement du Québec organise la table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI) qui réussit à regrouper plus de 130 organismes basés sur les communautés multiethniques (TCRI, 2015). À l’ère 2000, de multiples plans d’action font preuve de l’ouverture et de la diversité ethnoculturelle. Le Plan d’action 2004-2007, Des valeurs partagées, des intérêts communs, porte sur les relations interculturelles et sur la pleine participation des personnes immigrantes à l’essor social et économique du Québec. Le « Plan d’action de 2008-2013 La diversité : une valeur ajoutée » valorise l’importance de la correction des situations de discrimination, de l’égalité des chances et de la participation de la part des groupes minoritaires. Le Plan d’immigration du Québec pour l’année 2014 a pour toile de fond un Plan d’action pour la francisation et l’intégration des

personnes immigrantes : Un Québec fort de son immigration. Il s’articule autour de plusieurs

axes, notamment l’établissement durable en région des immigrants et les soutiens de la part des collectivités et de la population. Le Plan d’action gouvernemental 2015-2018 La radicalisation

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au Québec : agir, prévenir, détecter et vivre ensemble a pour objectif d’améliorer la

compréhension du phénomène d’immigration dans l’ensemble de la société québécoise. La situation démographique, la prospérité économique, la vitalité du français, l’ouverture sur le monde, ainsi que la régionalisation de l’immigration font partie primordiale du plan. La nouvelle politique Ensemble, nous sommes le Québec (2016-2021) a pour objectif de laisser épanouir l’apport positif de l’immigration à l’édification de la société québécoise, à la vitalité du français et à la dynamique des régions. Elle contribue à la rédaction du cahier de consultation publique

Vers une nouvelle politique québécoise en matière d’immigration, de diversité et d’inclusion3. La

mise en œuvre de ces plans vise la pleine participation des personnes immigrantes à l’essor économique québécois, à la vitalité de la langue française et à l’épanouissement de toutes les régions du Québec.

Dans la région de Québec, différents services sont aussi offerts aux immigrants, tant au niveau de l’accueil que de l’intégration. On dénombre plus d’une soixantaine d’organismes sans but lucratif4 pour compléter toute l’offre globale auprès des immigrants sur son territoire (Ville

de Québec, 2010 : 33). Munie de la Politique d’accueil et d’intégration des immigrantes et

immigrants de la Ville de Québec et des ententes conclues avec le ministère d’Immigration,

Diversité et Inclusion Québec (MIDI), la Capitale-Nationale intervient particulièrement dans le champ de la promotion et l’attraction, de l’intégration et du rapprochement interculturel (Ville de Québec, 2010). En 2008, elle a adhéré à la Coalition canadienne des municipalités contre le racisme et la discrimination (Ville de Québec, 2010 : 32). La Politique municipale sur l’accueil,

l’intégration et la rétention des personnes immigrantes, dont les principes directeurs sont fondés

sur la reconnaissance des personnes immigrantes comme des citoyens à part entière, sur la gestion de la diversité ethnoculturelle, l’engagement, la collaboration et le partenariat, a été adoptée le 5 juillet 2010. Des services à plusieurs niveaux sont offerts : francisation et formation, aide à l’emploi et à l’employabilité, intégration dans le milieu de vie et soutien à la recherche de logement, rapprochement interculturel, soutien à l’accueil et à l’intégration des réfugiés, soutien aux immigrants entrepreneurs, etc. (Ville de Québec, 2010). On constate l’existence des autres organismes qui travaillent pour l’intégration des immigrants, notamment la Chambre de

3Ce document de consultation, qui, une fois adopté, sera le fondement de la nouvelle politique qui favorise une meilleure compréhension sur

l’interculturalisme québécois et sur des enjeux actuels concernant l’immigration.

4Le site web de la Ville de Québec permet de trouver les coordonnées de différents organismes qui travaillent auprès des nouveaux arrivants

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commerce et d’industrie de Québec5 et l’Association des marchands dépanneurs et épiciers du

Québec (AMDEQ)6.

1. 2 Intégration en emploi des immigrants

Depuis plus de 40 ans, le gouvernement du Québec et ses partenaires ont créé des programmes visant l’intégration des immigrants sur le marché du travail. Tout en unissant les démarches sociales et gouvernementales, ces programmes répondent à la vaste gamme de besoins de la plupart des immigrants sur le plan professionnel. Toutefois, certaines limites sont observées. Dans le cas des professions réglementées, il existe au Québec quelque 46 ordres professionnels qui gèrent l’admission des travailleurs et qui réglementent et surveillent les activités professionnelles (Office des professions Québec, 2017). Malgré les améliorations apportées au dispositif de reconnaissance des qualifications professionnelles, beaucoup de professionnels immigrants se heurtent à des obstacles systémiques, dont des critères complexes (Froy et Giguère, 2007). De nombreux migrants n’arrivent pas à faire reconnaître leurs qualifications professionnelles ni leur diplôme, en particulier lorsque ceux-ci proviennent de pays en développement. Martin Pâquet (2005) indique qu’il peut s’agir d’une « méconnaissance des programmes dans les pays de départ, d’une confusion avec les ordres professionnels ou du fait que l’exigence de cette forme de reconnaissance n’a pas d’écho à certaines périodes de la trajectoire migratoire, particulièrement avant l’arrivée au pays d’accueil ». Et ce phénomène se retrouve particulièrement dans les pays comme le Canada, qui sélectionnent les candidats à l’immigration à l’aide de systèmes de pointage7 (Simon, 1995). Marie-Thérèse Chicha et Éric

Charest (2008), après avoir examiné la nature et la portée de l’éventail des politiques et des programmes d’intégration des immigrés au marché du travail de Montréal, mettent en évidence les difficultés de coordination, la fragmentation de la conception et de la gestion, de même que le sous-financement des programmes. Après avoir fait des entrevues avec les immigrants maghrébins qui habitent Montréal et Sherbrooke, Annick Lenoir-Achdjian et Sébastien Arcand

5La Chambre de commerce et d’industrie de Québec organise une série d’activités visant à reconnaître la contribution des immigrants au

développement de la région de Québec. Les activités telles que « Gala Reconnaissance Un Monde à faire » encouragent les immigrants par leur entrepreneuriat à contribuer à l’essor économique de la grande région de Québec (Chambre de commerce et d’industrie de Québec, 2017).

6L’Association des marchands dépanneurs et épiciers du Québec (AMDEQ) offre des cours de français à ses membres asiatiques (Association

des marchands dépanneurs et épiciers du Québec, 2017).

7Au Québec et au Canada, si un immigrant est admissible à présenter une demande dans la catégorie des travailleurs qualifiés, environ 25 %

du pointage de l’évaluation de son dossier sera consacré à son niveau d’études (Gouvernement du Canada, 2017; Immigration, Diversité et Inclusion Québec, 2017).

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(2010) insistent sur le décalage entre le projet de chercher de l’emploi chez les Maghrébins et les soutiens qui leur sont offerts par les travailleurs sociaux locaux. Les incompréhensions et les tensions entre ces deux parties influencent les comportements des nouveaux arrivants. Dans la même veine, Lucille Guilbert (2007) souligne que le choc culturel entrave non seulement la vie des nouveaux arrivants, mais aussi les pratiques de la société d’accueil : « Le choc culturel le plus crucial et le plus important à résoudre, tant chez les immigrants que chez les professionnels de l’intervention et les employeurs, est l’écart entre les manières de penser le monde et de faire les choses dans un contexte administratif et public » (Guilbert, 2007 : 15). Patricia Rimok et Raloh Rouzier (2008) notent que les services d’intégration devraient être décentralisés, passer au niveau local pour développer le partenariat avec les communautés ethniques et pour installer les programmes de soutien aux différents organismes. Plus clairement, leur idée se présente comme suit :

Since these plans stem from immigration plans on which public consultations have been held, should they not be developed in concert with the various social and economic stakeholders concerned with or involved in these issues, and in conjunction with all government departments and agencies? Secondly, would it not be important for these same stakeholders to meet and evaluate the impacts of the concert actions carried out for the purpose of achieving the objectives in the strategic plans? (Rimok et Rouzier, 2008 : 199).

Durant les années 2000, le gouvernement du Québec a haussé ses volumes d’immigration. Les immigrants, surtout les travailleurs qualifiés, sont appelés, notamment à pourvoir une proportion importante d’emplois. Les candidats qui désirent immigrer au Québec en tant que travailleurs qualifiés doivent satisfaire à plusieurs conditions susceptibles de favoriser une intégration rapide et réussie. Leurs niveaux de scolarité, leurs compétences professionnelles, leur âge ainsi que leurs connaissances linguistiques sont considérés. En plus, les caractéristiques du conjoint (e) du demandeur et la présence d’enfants, les séjours faits au Québec et les liens de parenté avec un citoyen canadien ou un résident permanent au Québec, la possession d’une offre d’emploi valide au Québec font partie des facteurs divers qui influencent le résultat d’évaluation des candidatures par le gouvernement du Québec (Gouvernement du Canada, 2015).

Parallèlement à la croissance de la demande, on constate que certains travailleurs qualifiés admis au Québec rencontrent des difficultés spécifiques. Une étude longitudinale sur les immigrants admis au Québec entre 1996 et 2004 révèle que ceux qui viennent de l’Algérie, du Maroc, de la

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Roumanie, de la Bulgarie et de la Syrie mettent plus de dix-huit mois pour sortir de l’aide sociale. C’est dans ce contexte que l’exigence relative à la présomption d’avoirs liquides pour les travailleurs qualifiés a été mise en œuvre en décembre 2004 (Pinsonneault et al., 2010). Quant aux travailleurs qualifiés admis entre 2002 et 2009, le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale et Emploi-Québec indiquent que plus l’année d’admission est récente, plus leur taux de chômage est élevé et plus leur taux d’activité et d’emploi est faible (Benzakour et al., 2013). Dans l’ensemble de la province, « le taux d’emploi des personnes immigrantes atteint 56,4 % en 2014, alors qu’il se situe à 59,7 % dans l’ensemble de la population et à 60,4 % chez les natifs ; le taux de chômage des personnes immigrantes est de 11,1 % en 2014, et dans l’ensemble de la population, le taux de chômage est de 7,7 %, et chez les natifs 7,1 % en 2014 » (Yana, 2015 : 11). Il a été observé que, depuis les années 1970, au Québec comme ailleurs au Canada, les immigrants qui provenaient autrefois majoritairement des pays occidentaux viennent de plus en plus des pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine (Boudarbat et Grenier, 2014 ; Chicha et Charest, 2008; Prince-St-Amand, 2016). La discrimination connue par les minorités visibles s’avère un frein pour leur intégration socioprofessionnelle dans la société d’accueil (Chicha, 2009; Chicha et Charest, 2008; Renaud et al., 2003). Les recherches relatives aux difficultés éprouvées par les minorités visibles ont montré qu’à Montréal, l’intersection entre le fait d’être immigré et d’appartenir à une minorité visible est globalement défavorable, notamment lorsqu’il s’agit de l’accès ou de l’insertion dans des emplois qualifiés (Chicha, 2009 ; Chicha et Charest, 2008). La recherche de Jean Renaud et al. (2003) vise l’impact de l’origine nationale des immigrants sur leur insertion économique au cours des dix premières années au Québec. Ils soulignent que le taux d’emploi semble augmenter avec l’ancienneté chez les immigrants visibles qui s’installent au Québec, mais les problèmes de différentiation ne sont pas tous disparus : « les personnes originaires du Vietnam et de l’Amérique du Sud et des Caraïbes (à l’exclusion d’Haïti) semblent encore désavantagées. Mais une fois qu’on a accédé à un emploi d’un statut donné, après dix ans, on ne constate plus aucun désavantage lié à l’origine nationale quant à l’obtention de revenus » (178). À l’échelle provinciale, voire canadienne, dans un contexte de marché compétitif, la discrimination ethnique et l’inégalité entre les minorités visibles et les travailleurs blancs existent encore (Pendakur et Pendakur, 2004). L’étude de Brahim Boudarbat et Gilles Grenier (2014) se fondant sur le recensement de l’année 2011 convient qu’au Québec, les immigrants diplômés universitaires appartenant aux minorités visibles connaissent un taux de chômage plus élevé

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(11,7 %) que les autres immigrants qui ont un diplôme universitaire (7,5 %). Fondée sur les données entre 2010 et 2013 de 500 organismes du secteur public du Québec, une recherche menée par Radio Canada (2016) a remarqué que la province employait en moyenne 5 % de minorités visibles alors qu’elles comptaient pour 11 % de la population. Et cela, sans parler du retard accumulé par des entreprises privées (Gerbet, 2016).

Si les métropoles reçoivent la majorité des nouveaux arrivants et que la plupart s’y installent à demeure, les immigrants, soumis aux contraintes de l’économie et de l’emploi, « visent aussi des villes ou régions traditionnellement plus homogènes afin de profiter de leurs services sans assumer le coût de la vie élevé » (Vatz Laaroussi, 2009 : 10). L’Énoncé de politique en matière d’immigration et d’intégration Au Québec pour bâtir ensemble (1990) a permis de jeter les bases pour « développer des services d’aide régionaux, soutenir les organismes des communautés culturelles implantés en région et encourager les immigrants à s’installer entre autres dans les régions agricoles » (1990 : 75). La mise en œuvre de cette politique vise à « faire bénéficier les régions de l’apport économique, socioculturel et démographique de l’immigration et réduire, à plus long terme, le hiatus entre Montréal et le reste de la province » (Simard, 1995 : 216). Toutefois, l’établissement des immigrants dans les régions non métropolitaines est un processus multidimensionnel qui touche aux aspects linguistique, professionnel, social et culturel. Concrètement, des obstacles liés à la dévitalisation en région8, à la probabilité d’emploi et à

l’inadaptation de services offerts aux immigrants constituent les plus grands défis auxquels les immigrants doivent faire face (Arsenault, 2009; Arsenault et Giroux, 2009; Simard, 2007). Une étude longitudinale réalisée en région québécoise sur la mobilité des immigrants par Michèle Vatz Laaroussi, Lucille Guilbert ainsi que leurs collaborateurs (2010) révèle que le parcours migratoire des personnes immigrantes s’attache non seulement à l’origine des immigrants, la catégorie d’immigration, le site d’installation et la période d’arrivée, mais aussi à une compréhension des effets des politiques locales et des conjonctures socioéconomiques. Autrement dit, la possibilité d’amener la population immigrée à s’insérer sur le marché du travail est un facteur décisif sur leur rétention dans les régions. En outre, les adultes immigrants membres d’une famille ont souvent des besoins particuliers, notamment en ce qui concerne la qualité du système d’éducation et la diversité des activités sociales et culturelles (Simard, 2007).

8La dévitalisation est un processus par lequel « une collectivité territoriale est progressivement dépossédée de sa vitalité démographique,

économique et sociale du fait de sa marginalisation, de son exclusion par rapport aux espaces qui accaparent la croissance économique et ses retombées sur le plan des services, des équipements et du bien-être » (Vachon, 1993 : 13).

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Leur désir de quitter la région serait sous l’influence de plusieurs facteurs, notamment « le manque d’activités de loisir, le manque d’emplois, l’accès difficile à des logements adéquats, le manque de services, le manque de produits spécialisés et finalement le manque de réseaux sociaux » (Arsenault, 2009 : 22).

La possibilité de retenir les nouveaux arrivants en région renvoie aux rapports entre les immigrants et les réseaux locaux. Plusieurs chercheurs indiquent que certaine distance sociale persistante entre les immigrants et les « Québécois de souche » en région (Arsenault et Giroux, 2009; Simard, 2007). Pour permettre à la population immigrante de faire sa vie en région, en plus d’avoir des bases de vie telles que les services nécessaires et les possibilités de travail, il est important que les contacts au sein des communautés culturelles locales et ethniques soient présents. Les réseaux sur divers plans, qu’ils soient familiaux, ethniques, religieux, pluriculturels ou expérientiels, contribuent à séduire les nouveaux arrivants, à influencer leur parcours de mobilité et à faciliter leur intégration progressive (Vatz Laaroussi, Guilbert et al., 2010 ; Simard, 2007). La mobilité en région pourrait être tant géographique que sociale et elle se déroule dans les rapports entretenus avec les réseaux sociaux (Vatz Laaroussi, Guilbert et al., 2010).

L’intégration économique semble improbable sans le moyen de communication qu’est la langue officielle. Au Québec, la connaissance du français se révèle un outil indispensable qui donne accès à tous les types d’emploi. Selon le Recueil de statistiques sur l’immigration et la diversité au Québec, « de 2004 à 2013, 68,6% des immigrants économiques admis au Québec se déclarent connaissant le français et 47% connaissant l’anglais et le français. 19,4 % des immigrants ne connaissent aucune des deux langues » (Gouvernement du Québec, 2014 : 20). Cependant, la maîtrise de l’anglais constitue un levier de la distribution occupationnelle et sectorielle. On remarque une croissance de l’utilisation de l’anglais au travail au Québec de 2006 (40,4 %) à 2016 (42,5 %). Cette croissance « est attribuable à plusieurs facteurs, dont les croissances dans certaines professions où les personnes sont plus susceptibles d'utiliser l'anglais au travail (par exemple, la profession de programmeur informatique) et l'évolution de certains secteurs d'industrie (tel que celui des services professionnels, scientifiques et techniques) » (Statistique Canada, 2016 : 16). L’Enquête auprès des immigrants menée en 2016 indique aussi qu’au Québec, « l’utilisation prédominante du français au travail est passée de 82,0 % en 2006 à 79,7 % en 2016. Cette baisse s’est produite principalement au profit de l'utilisation du français et de

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l'anglais à égalité, qui est passée de 4,6 % en 2006 à 7,2 % en 2016 » (Statistique Canada, 2016 : 16).

On constate, notamment à travers les dynamiques du marché du travail, un impact négatif de l’ignorance des langues officielles et une prime au bilinguisme (Guo et DeVoretz, 2006), ce qui renforce l’idée de porter l’attention à la dimension linguistique dans la documentation des parcours des immigrants. Les études de Christine Blaser (2006) sont réalisées sous un nouvel angle : la langue, étant outil de communication par excellence, représente aussi l’identité ethnique de chaque individu. L’omission d’un de ces deux aspects dans l’analyse de l’effet de l’intégration linguistique sur la performance économique exagère le poids de la compétence en langue officielle, ou bien adoucit l’impact de l’appartenance à un groupe ethnique. Elle arrive à conclure que les écarts salariaux dus aux compétences linguistiques disparaissent avec le temps, alors que ceux reliés aux langues maternelles de certains immigrants se maintiennent. Autrement dit, les langues maternelles expliquent des écarts de statut et de salaire chez certains groupes d’immigrants tout au long du processus d’intégration (Blaser, 2006). Les études de Hong Zhu (2008) sur les travailleurs qualifiés chinois qui vivent à Toronto, à Vancouver et à Regina indiquent que le fait d’utiliser la langue du pays d’accueil n’est pas un simple échange linguistique entre les immigrants et les gens locaux, mais un défi dans le cadre d’une communication interculturelle. En effet, les échanges entre les interlocuteurs sont souvent sous l’influence des dispositions culturelles spécifiques développées dans la culture de leur langue maternelle, le bon déroulement d’une communication interculturelle « réfère aussi à la position sociale des locuteurs et aux rapports du pouvoir du discours » (216). Ces éléments peuvent se traduire de façon très concrète, ils créent des opportunités ou érigent des obstacles affectant les possibilités de bien mener un échange interculturel.

En somme, tenir compte de la dimension linguistique dans la collecte des données et dans l’analyse des parcours socioprofessionnels d’immigrants est essentiel. Le niveau de maîtrise des langues officielles peut intervenir de différentes manières dans les dynamiques migratoires des immigrants, notamment en ce qui a trait à leur parcours socioprofessionnel. Dans tous les cas, « les immigrants se voient dans l’obligation de définir, au cours de leur établissement, une stratégie linguistique en fonction de leurs aspirations et de leurs activités professionnelles et personnelles » (Maheux, 2004 : 8).

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1.2.1 Stratégies d’intégration développées par les immigrants

Dans l’optique de s’adapter rapidement à leur nouvel univers, les immigrants, entrepreneurs d’eux-mêmes, développent consciemment ou non diverses stratégies permettant une intégration au travail efficace.

1.2.1.1 Retour aux études pour s’intégrer au marché du travail

Le retour aux études est une stratégie très prisée chez les immigrants qualifiés, qui reprennent souvent la formation dans le domaine d’origine ou se réorientent dans d’autres disciplines après la migration (Belhassen-Maalaoui, 2008; Chicha, 2009; Chicha et Deraedt, 2009; Guilbert, 2009; Guilbert et Prévost, 2009). Dans les petites et moyennes villes universitaires comme celle de Québec, on voit la trajectoire et la destination des immigrants étroitement liée avec leur projet d’études (Guilbert et Prévost, 2009). Les immigrants, en faisant appel à une multitude de modes d’apprentissage, fréquentent des milieux institutionnels tels que cégeps, universités et centres d’éducation des adultes. Pour certains d’entre eux, le projet d’études pouvait être un projet adaptatif et une stratégie pour obtenir un emploi ou une meilleure situation, après que des efforts pour s’intégrer sur le marché du travail ont échoué. Toutefois, retourner aux études constitue une voie incertaine et un long engagement marqué par la nécessité (Belhassen-Maalaoui, 2008 ; Guilbert et Prévost, 2009 ; Vatz Laaroussi, Guilbert et al., 2007). Les immigrantes qui parviennent à la requalification bénéficient souvent de circonstances favorables, telles que leur jeune âge, le contexte économique et social avantageux (Chicha et Deraedt, 2009 ; Liversage 2009). La recherche de Marie-Thérèse Chicha menée dans la région de Montréal inclut une perspective nouvelle : les études dans le pays d’accueil peuvent mener parfois à retrouver le statut professionnel, mais plus souvent à des emplois moyennement qualifiés ou précaires. Autrement dit, le diplôme canadien ou québécois ne permet pas pour toujours de compenser le désavantage dû à la non-reconnaissance des acquis étrangers.

1.2.1.2 S’intégrer dans les emplois précaires et déqualifiés

Chez certains immigrants, la difficulté de faire reconnaître les diplômes étrangers, le manque de succès de la réorientation professionnelle, l’absence d’expériences québécoises et les obligations

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familiales importantes les conduisent vers la marginalisation et l’occupation d’emplois précaires, à la manière d’un « cercle vicieux » (Chicha et Deraedt, 2009). Ces derniers sont obligés d’accepter la déqualification professionnelle9 étant donné que les obstacles s’accumulent et

s’enchevêtrent tout au long de leur trajectoire migratoire (Belhassen-Maalaoui, 2008).

Cependant, le phénomène de déqualification doit être appréhendé de façon dynamique : chez les immigrants qui sont arrivés au Québec comme célibataires, sans enfant et qui ont réussi à aplanir les obstacles liés à la reconnaissance des diplômes étrangers, leur situation de déqualification est faible et temporaire (Chicha, 2009) ; le fait d’accepter un emploi sous-qualifié pourrait aussi être stratégique pour ceux qui cherchent à acquérir une expérience québécoise. La recherche de Jean Renaud et Christan Cayn (2006) affirme que la prise d’expérience québécoise ou la capacité d’attendre et de chercher un meilleur emploi constitue « un processus somme toute efficace, qui aide à la requalification, tout en la retardant, mais de moins en moins au fil du temps » (40). Renaud et Cayn soulignent aussi le fait que les séjours préalables au Québec favorisent le regain de statut. Lorsque les immigrants résident au Québec « plus longtemps, leur taux en emploi qualifié augmente » (2006 : 52). Acquérir de l’expérience de travail par les emplois non rémunérés ainsi que l’implication bénévole dans la communauté font partie des stratégies qui favorisent l’obtention d’un travail salarié (Vatz Laaroussi, Guilbert et al., 2007).

1.2.1.3 Devenir travailleur autonome

Un autre choix professionnel pour les immigrants qualifiés est celui de s’intégrer au marché du travail comme travailleur autonome (Belhassen-Maalaoui, 2008). Plusieurs recherches ont fait un constat sur les immigrants qui choisissent la voie du travail autonome et elles conviennent qu’ils ne le font pas toujours par choix personnel, mais pour fuir la dévaluation professionnelle et pour avoir une ascension professionnelle et économique (Belhassen-Maalaoui, 2008; Valée et Toulouse, 1993 : 15). Le nombre d’entrepreneurs ethniques qui avaient un statut de sans-emploi avant de se lancer en affaires dépasse les autres entrepreneurs (Brenner et al., 2002).

9La déqualification signifie le fait d’exercer un emploi moins qualifié ou moins bien rémunéré que le niveau d’instruction permettrait

théoriquement de l’envisager (OCDE 2007). Pour étudier le phénomène de déqualification, trois approches peuvent être considérées : « une approche normative, qui repose sur une correspondance établie a priori entre le diplôme et l’emploi; une approche statistique, qui établit les correspondances les plus communes entre la formation et les caractéristiques de l’emploi; une approche par auto-déclaration, qui se base sur l’opinion des individus qui se prononcent sur l’adéquation entre la formation suivie et l’emploi qu’ils occupent » (OCDE 2007 : 145).

Figure

Figure 1. Modèle d’intégration exclusif de Corinne Prince-St-Amand (Prince-St-Amand, 2016)
Tableau 1. Répartition des immigrants selon l’âge d’immigration Tranche d’âge à l’arrivée Homme Femme
Tableau 2. Statut matrimonial des immigrants à l’arrivée au Québec, Canada
Tableau 4. Secteurs d’emploi des immigrants après les premières années Nature
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