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Chapitre 6 Dynamique d’entrepreneuriat chez les immigrants créateurs et repreneurs

6.1 Motifs d’entreprendre

6.1.3 Création/ reprise d’entreprise pour saisir des occasions d’affaires

Pour certains immigrants chinois, l’entrepreneuriat renvoie à une stratégie d’entrer sur le marché du travail en saisissant des occasions d’affaires. L’entrepreneuriat peut être un choix par volonté, un choix qu’ils ont pris par hasard ou un choix réfléchi.

Deux créatrices ont mentionné que la création de leur propre entreprise était un bon choix par volonté pour démontrer leurs compétences, leur autonomie et leur capacité

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de contrôler leur propre rythme de vie. Enracinées dans leur nouveau rôle d’entrepreneure, ces deux femmes immigrantes reconnaissent leurs capacités sur le plan professionnel, économique et symbolique. Très courageuses, elles se lancent en affaires pour mieux se sentir chez elle. La création d’entreprises laisse aussi voir leur propension à prendre des risques.

« Avoir une entreprise me permet de connaître des gens et de maîtriser mon propre horaire. J’ai du temps pour moi et je me sens libre. Je te dis que c’est mieux de travailler pour soi que pour les autres. Ton patron te fait faire beaucoup de tâches, il t’évalue et il gagne beaucoup plus que toi. Pourquoi doit-on travailler sous le contrôle des autres ? Si tu as la capacité de travailler pour toi-même, fais-le. » (F8, créatrice)

« J’ai quitté mon ancien emploi pour ouvrir ma propre entreprise. Je veux mettre en œuvre mes propres idées et mettre en valeur mes compétences. Quand je travaillais dans mon ancienne entreprise, le patron possédait sa vision et son jugement. Je pouvais discuter avec lui, mais finalement c’était lui qui prenait la décision. Après avoir quitté mon emploi, au lieu d’avoir peur, j’étais très stimulée. J’étais sûre que mon projet d’entreprise était réalisable. » (F10, créatrice)

Les points de vue livrés par les créatrices laissent voir qu’elles sont plus proactives dans leur choix d’entreprendre. Leur projet d’entreprendre après l’immigration est motivé par leur besoin d’indépendance et d’autonomie.

L’expérience de travail sur le marché non ethnique conduit les créateurs à avoir plus de contacts avec la société et à saisir des opportunités d’affaires. Certains parlent de « hasard » en tant que cause unique du choix d’entrepreneuriat. Ce genre d’évocation ne doit pas faire perdre de vue que les immigrants, au cours du développement de leur commerce ou de leur travail salarié, découvrent d’autres opportunités de travail tout en combinant leurs situations de vie, leurs compétences personnelles, leur intérêt personnel et leur situation professionnelle dans le pays d’accueil. Pour intégrer le marché du travail québécois, F6 a fait plusieurs démarches, dont celles de créer un restaurant avec des amis.

« Au début, je n’avais pas trouvé d’emploi, donc j’aidais des amis dans un restaurant, j’enseignais le chinois, je travaillais avec les autres pour faire

du commerce international. J’étudiais en même temps à l’université pour bien maîtriser le français et pour connaître la gestion d’une entreprise et c’est par hasard que j’ai réussi à créer mon entreprise. » (F6, créatrice)

Ayant accumulé de l’expérience dans la reprise d’entreprises, la créatrice F4 a décidé de s’installer dans le secteur immobilier en offrant des services aux clients d’origine chinoise. À ce propos, elle dit :

« C’est une occasion que j’ai saisie par hasard. Avant d’arriver, je pensais que je serais femme au foyer. Cependant, notre plan familial a changé quand mon mari a rencontré beaucoup de difficultés sur le marché du travail. J’ai décidé d’aller travailler pour avoir plus de revenus. » (F4, repreneuse et créatrice)

Pour mieux comprendre les motifs du choix d’entreprendre des participants, il est important de considérer leurs différentes figures : il n’y a qu’un très petit pourcentage de travailleurs qualifiés qui sont venus au Canada avec un projet d’entrepreneuriat déjà élaboré. La plupart d’entre eux se sont lancés en affaire sans exprimer leur intention d’entrepreneuriat. Plusieurs ont mis en valeur leur adaptabilité et leur capacité de se relever dans différentes situations de vie. Ils considèrent l’entrepreneuriat comme une stratégie d’adaptation à la société d’accueil.

« Si beaucoup d’immigrants venus au Québec ont créé de petites entreprises, cela ne veut pas dire qu’ils manquent de capacité professionnelle. C’est parce que la création de petites entreprises est la meilleure approche qui permette aux gens de s’installer dans la société québécoise. » (F6, créatrice)

« Quand tu passes l’entrevue pour le service d’immigration, ton adaptabilité est aussi jugée par les intervieweurs. Cette compétence t’aidera et te permettra de bien faire dans les domaines intéressants autres que l’ancienne profession. C’est une qualité importante... Dans certains cas, tu dois t’adapter. » (H4, repreneur)

H4 accepte à reprendre une entreprise après une longue réflexion sur son projet de carrière.

« À Rome, fais comme les Romains. Faisant partie des immigrants de la première génération au Québec, nous devons adapter nos choix d’emplois aux conditions locales. Quoique nos choix soient restreints

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comparativement aux natifs, nous avons quand même développé notre côté professionnel. Nous visons à passer un minimum de temps pour avoir le maximum d’avantages. Nous avons repris une petite entreprise à Montréal. On a travaillé très dur, jour et nuit. Maintenant on a changé pour une autre épicerie plus grande à Québec. Nous pouvons embaucher plus de gens et continuer à développer nos affaires. Nous possédons beaucoup de temps libre pour faire ce que nous voulons. » (H4, repreneur) Plusieurs personnes sont heureuses de choisir la profession de repreneur d’entreprise. Ils éprouvent la fierté d’être entrepreneurs et ils s’adaptent vite à leurs nouveaux rôles. F2 et H9 sont conscients de garder un certain équilibre entre le travail et la vie personnelle, de gérer des relations délicates avec leurs employés, de bien préparer leur projet afin de réussir à long terme.

« J’aime être entrepreneure, parce que l’environnement commercial du Québec est juste et simple. C’est-à-dire, quand tu travailles, tu obtiens des récompenses. Cela est différent en Chine, où les gens de certains secteurs peuvent être très riches et d’autres très pauvres. Au Québec, on n’a besoin que de respecter des réglementations et de payer des taxes. » (F2, repreneuse)

« Être entrepreneur veut dire que je travaille pour moi-même et que je dois prendre beaucoup de responsabilités. Je me sens stressé, mais en même temps je suis très excité et motivé. Je forme les employés, je gère les transactions avec les fournisseurs, je planifie avec les collaborateurs la création de deux autres entreprises. J’ai en même temps pas mal de choses à apprendre aussi, notamment je dois savoir gérer les ressources humaines dans un contexte multiethnique. » (H9, repreneur)

Il ressort de cette analyse que les immigrants possèdent divers motifs d’entreprendre et qu’une même personne pourrait invoquer plusieurs types de motifs pour entreprendre. Il n’y a que quelques personnes qui immigrent avec leur projet d’entrepreneuriat, leur nombre est relativement limité. La majorité des immigrants entreprennent pour échapper aux contraintes linguistiques et culturelles et sortir du déclassement professionnel, ou pour saisir de belles occasions d’affaires, voir faire état de leur autonomie. L’entrepreneuriat, en tant que stratégie d’intégration, paraît favorable pour ceux qui s’intéressent déjà à la gestion des affaires avant l’immigration, qui ont réussi à saisir des occasions d’affaires après l’immigration et qui ont

développé un intérêt durant le processus d’immigration dans ce domaine.

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