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Chapitre 6 Dynamique d’entrepreneuriat chez les immigrants créateurs et repreneurs

6.2 Perception durant le parcours d’entrepreneuriat et d’immigration

6.2.1 Immigration et entrepreneuriat : d’une aventure à une découverte de soi

Le travail de réflexivité permet aux travailleurs qualifiés de la présente étude de se questionner sur leur développement professionnel. Un repreneur a livré sa réflexion en lien avec son vécu en Chine. Ayant témoigné du mouvement de la migration des paysans ouvriers chinois en Chine, il compare les repreneurs chinois avec ces paysans ouvriers qui vivent dans les grandes villes chinoises.

« Être immigrant, souvent c’est avoir des difficultés linguistiques, posséder moins de réseaux sociaux que les gens locaux. Dans le monde des affaires, ce sont ceux qui ont des ressources qui ont des opportunités. Les immigrants ont moins de possibilités pour tirer parti des meilleures occasions d’affaires. Les épiceries sont des entreprises que les Québécois ne veulent pas. Avoir une épicerie signifie travailler durant très longtemps pour peu de revenus. C’est un travail très physique. Les jeunes Québécois ne s’y intéressent pas et les cédants doivent passer la relève à quelqu’un d’autre. Prenez un exemple semblable : le phénomène d’exode rural en Chine laisse voir que les gens de la campagne reprennent des emplois que les gens des grandes villes ont abandonnés. Ces personnes-là viennent souvent d’un même village et ils s’installent toujours dans le même secteur, grâce à l’aide de leur réseau villageois. » (H3, repreneur)

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lien avec les caractéristiques des immigrants et leur attitude par rapport à leur création d’un emploi.

« Moi je crois toujours en mes capacités, quoique j’aie vécu l’immigration. Je m’adapte vite et j’ai toujours une grande confiance en moi. Quand je travaillais dans une usine à Montréal, je n’étais pas déçu. Même si je ne parlais aucun mot français, je sais que j’allais apprendre vite. » (H7, créateur)

Pour les autres immigrants, le choix d’immigrer au Québec représente plutôt une aventure, une nouvelle expérience, évoquée souvent comme un changement identitaire. Ainsi, la créatrice d’une entreprise de consultation se rend compte qu’elle est étrangère ici et là-bas, tant dans son pays d’origine qu’au Québec. L’expérience d’être étrangère est peut-être déplaisante; cependant, il y a des gains. En effet, F10 déclare bénéficier du meilleur des deux cultures.

« Au Québec et au Canada, je suis Chinoise, mais en Chine, les gens me considèrent comme étrangère. J’agis différemment des autres Chinois, car je suis entre les deux cultures. Je ne suis pas influencée par les jugements des autres personnes. Je ne me sentais pas confuse, je crée ma propre identité et je voudrais saisir les bons côtés des deux cultures et les transmettre aux enfants. » (F10, créatrice)

F6 valorise l’expérience de vivre dans une société multiculturelle comme celle du Québec. C’est après la migration qu’elle a eu l’occasion d’étudier et de travailler avec des Africains, des Maghrébins, des Allemands et des Québécois. Le fait de connaître des gens de différents pays apparaît comme des repères stables qui lui ont permis de connaître la culture de son pays d’origine et de construire ses valeurs personnelles. Ce qui ressort de plus important pour elle, que ce soit dans ses déplacements en Chine, au Québec ou ailleurs, c’est le sentiment d’accomplissement.

« La mobilité joue un rôle de catalyseur. Un grand avantage de venir au Canada est de rencontrer d’autres immigrants, qui vivent dans différentes cultures et qui possèdent diverses mentalités. Un Chinois est différent de l’autre, mais tous les Chinois ont des points communs. Le processus d’immigration est un processus de reconnaissance de soi. Que je sois aux États-Unis, en France ou au Canada, je suis une personne qui aime travailler fort et qui cherche à mettre en œuvre des projets. Je suis

beaucoup plus ouverte après avoir connu autant de cultures. » (F6, créatrice)

H8 et F1, enfants cadets dans leur famille, ont été surprotégés par leurs parents durant leur séjour en Chine. Le vécu à l’étranger leur permet de sortir de la zone de confort et d’avoir une nouvelle reconnaissance de soi. Le choix d’immigrer au Québec est apprécié, car il représente une rupture avec l’ancien mode de vie et une entrée positive vers le développement de soi.

H8 travaillait dans le secteur des techniques de l’informatique avant d’immigrer. Il évoque que son horizon était limité avant l’immigration et que le fait d’avoir repris des entreprises engendre une fierté qu’il n’aurait jamais ressentie en d’autres circonstances.

« En Chine, au travail, j’avais plus de contact avec mon écran d’ordinateur qu’avec les amis. Dans la famille, je suis l’enfant cadet, donc tout le monde prenait soin de moi. Je n’avais pas besoin de résoudre des problèmes par moi-même. Toute la famille m’aidait. Après l’immigration et surtout après la reprise d’entreprise, j'ai été obligé de devenir autonome et indépendant. En plus, j’ai développé davantage le sens des responsabilités. Ma carrière en vente et en service au public m’aide à développer mes aptitudes en communication ; maintenant, je suis une personne plus complète. » (H8, repreneur)

F1 pense que la migration est « un saut vers l’intérieur de soi ». En Chine, elle a mené une vie préparée par ses parents : après avoir terminé sa maîtrise, elle travaillait comme chargée de cours à l’université grâce aux réseaux sociaux de sa famille. Après la migration, elle a appris qu’elle était capable de subvenir à ses besoins et de se faire beaucoup d’amis.

« Peu importe où on va, il faut que l’on soit capable de s’y adapter. Avant la migration, mes parents m’aidaient à résoudre les problèmes auxquels j’avais à faire face. Ils m’aidaient à planifier mon projet d’études, et ensuite ils m’ont trouvé du travail. À l’âge de 30 ans, j’ai pris la décision d’aller à l’étranger. J’ai réalisé pour la première fois que je devais compter sur moi-même, créer des réseaux sociaux, apprendre une nouvelle langue et m’intégrer à la vie sociale du pays d’accueil. Je suis vraiment surprise par ma compétence à me faire des amis. J’ai beaucoup d’amis qui

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m’aident quand je rencontre des problèmes. Ils m’ont appris beaucoup de choses : par exemple, comment bien vivre la vie, comment bien travailler. Pour la première fois, je me suis rendu compte que je suis capable de faire face aux situations par moi-même. » (F1, repreneuse)

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