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Description de la réforme : l’adieu au maoïsme

A. Les origines : tentative de définition du régime maoïste.

3. Le totalitarisme maoïste

Ainsi, il n’y a pas de société civile car elle est absorbée par l’Etat. Toute la question sera donc de savoir si la société civile existe dans la Chine de la seconde période des réformes.

Le maoïsme répond aux critères du totalitarisme: le maoïsme a instauré un système de contrôle politique, économique, social et culturel sans précédent dans l’histoire de la Chine. C’est-à-dire que le pays devient une seule et même organisation gérant une infinité de micro organisations interdépendantes. Pour ce faire, le pouvoir s’appuie sur des institutions nouvellement créées :

• Le danwei

• Le dossier personnel • Le comité de quartier

1 MALIA Martin, La tragédie soviétique, histoire du socialisme en Russie 1917-1991, Paris, Seuil, 1995.

Notons que les campagnes ont connu un système un peu différent mais disons que pour la première fois dans l’histoire de la Chine les paysans subissent un contrôle très fort de l’Etat ; chose que les précédents régimes ou dynasties n’avaient jamais voulu ou pu réaliser. Ceci a été rendu possible par la destruction préalable des structures existantes dans tous les domaines de la vie sociale. Dans la mesure où la société civile n’existe plus, il ne reste alors que les masses que le pouvoir mobilise à sa guise et selon ses objectifs. La mobilisation des masses ne fut pas une invention maoïste. Mais, Mao Zedong y a eu davantage recourt que les autres dirigeants totalitaires. Pourquoi ? La mobilisation des masses a permis à Mao de résoudre des problèmes politiques qui l’opposaient à d’autres membres du parti (révolution culturelle). Elle lui permit, aussi, de maintenir vivante l’idéologie et l’utopie révolutionnaire. L’édification du système totalitaire en Chine n’a été possible que par la destruction, la déconstruction des structures sociales existantes qui concurrençaient le monopôle du Parti communiste chinois dans son rapport à la société. Destruction de toute concurrence politique d’abord, tous les autres partis politiques ont été interdits1. Destruction de la

concurrence culturelle ensuite, l’Etat s’est approprié tous les moyens d’information. Mais on assiste aussi à la destruction de la concurrence économique car l’Etat-Parti s’approprie tous les moyens de production urbains et collectivise (mais n’étatise pas) les campagnes. Enfin, l’Etat-parti s’engage dans la destruction de toutes les structures sociales car certains groupes sociaux disposent d’un prestige extérieur au Parti (à la campagne : les propriétaires fonciers et les paysans riches, les chefs de clan et de famille ; dans les villes : les capitalistes, les entrepreneurs et les intellectuels). « Il va de soi que toutes les associations et organisations sociales correspondant à l’ancien système disparaissent et sont remplacées par des organisations de masse (Fédération des syndicats, Fédération des femmes, Ligue de la jeunesse, etc.) toutes entièrement contrôlées par le Parti, selon la théorie léniniste de la courroie de transmission »2. Mais le résultat a été inverse à ce qu’il espérait. La population a été dégoûtée de la politique et de l’idéologie. Jean-Luc Domenach et Philippe Richer tirent un bilan lucide de cette visée totalitaire : « Le résultat de quarante cinq années de marches et de contre-marches pour un objectif qui ne cessait de se modifier a été une extraordinaire érosion idéologique. Le marxisme-léninisme, successivement modifié

1 Officiellement le régime chinois est multipartiste. Mais dans les faits, ces partis n’ont aucune assise réelle.

par Mao Tsé-toung et Deng Xiaoping, est demeuré en permanence l’idéologie officielle, mais il a perdu toute attraction en trois grandes saccades : après le « grand bond en avant », il a été privé de son contenu utopique ; après la révolution culturelle, il a perdu sa rationalité politique ; depuis les réformes de Deng Xiaoping, il sert surtout à légitimer le maintien du pouvoir en place et le recours aux méthodes capitalistes. On serait bien en mal de trouver un seul marxiste convaincu dans l’appareil du PCC du début des années 90. […] Après avoir été l’une des plus dominées que le monde ait connues, la société chinoise est progressivement sortie de tout contrôle et de toute discipline dans les années 80, mais sans se politiser. Puisqu’il ne lui est pas possible ni de participer ni de s’opposer, elle fuit dans l’enrichissement économique et dans la vie privée. »1

Même au sein du parti le mécontentement était grand. C’est, sans doute, l’un des facteurs décisifs qui explique le retour de Deng Xiaoping au sommet de l’Etat. Il avait pour lui l’appui de Zhou Enlai. Il avait surtout les innombrables cadres qu’ils ont tous deux relevés de leur indignité politique en les appelant à des postes de responsabilité. Il avait pour lui la plus grande partie de l’armée. Il a pour lui tous ceux qui aspirent à une vie meilleure. Il avait enfin pour lui d’avoir compris que le temps de la révolution culturelle était passé et que les Chinois voulaient autre chose. Ainsi, ce sont sans doute les excès du maoïsme dans l’idéologie et l’utopie qui ont poussé ses successeurs à aller plus loin dans le pragmatisme et le réalisme. Rappelons que le but initial de la réforme est de remettre l’économie chinoise en état de marche et que les premières mesures visent plus à rétablir le système tel qu’il était avant la révolution culturelle, au niveau économique du moins2.