• Aucun résultat trouvé

Description de la réforme : l’adieu au maoïsme

B. La réforme de Deng Xiaoping

1. Rupture avec le maoïsme

Il est important de commencer en rappelant que jamais Deng Xiaoping n’a renié le dogme communisme. Ainsi, il a déclaré que Mao avait raison à 70% et tort sur 30%. Mais, il ajoutait aussitôt que 70% est déjà exceptionnel et souhaitait qu’à la fin de sa vie on puisse en dire autant de lui.

1 DOMENACH Jean-Luc & RICHER Philippe, La Chine, Paris, Seuil, 1995, tome 2 page 633. 2 Sur ce point voir le paragraphe III de cette section.

Quand Deng et les réformateurs arrivent au pouvoir en 1978, ils n’ont pas de projet alternatif. Deng cherche à réaliser le socialisme. En effet, vu le sous-développement de la Chine, les réformes avaient comme objectif une sorte de cours de rattrapage du capitalisme. Deng et avec toute la direction du Parti communiste chinois vont reconnaître lors du Troisième plénum du onzième comité central en décembre 1978 la nécessité d’insister sur le développement économique et pour ce faire consacrer moins de temps aux activités politiques et laisser une marge de manœuvre aux acteurs économiques. Il serait erroné de penser que Deng et son équipe ont comme projet une politique alternative au socialisme. Dans le domaine économique, on le verra au cours du paragraphe III, son action consiste surtout à revenir à la période précédente, c’est- à-dire celle d’avant la révolution culturelle. En ce sens, la véritable victoire de 1978 lors de l’abandon de la politique économique maoïste est surtout pour Chen Yun, un « planificateur pragmatique » tel que le qualifie Tony Saich1.

Il est intéressant de noter qu’on a assisté au même phénomène après la mort de Staline en Europe de l’Est et en URSS. On a assisté à une libéralisation c'est-à-dire une autolimitation par le pouvoir des champs de son contrôle mais sans modification des structures de ce pouvoir. Cette libéralisation s’est faite dans trois domaines : économique, privée, culturelle.

Mais, politiquement il n’y a que peu de changements. En fait, on revient à la situation d’avant la révolution culturelle. Il n’y a donc pas eu de démaoïsation. Une vraie démaoïsation aurait été très délicate à mener dans la mesure où Mao représentait à la fois le Lénine et le Staline du PCC. En attribuant tous les torts à sa veuve, les dirigeants communistes ont conservé l’image du parti. D’une certaine manière, on peut considérer que le régime n’est alors plus totalitaire. En effet, si l’on se reporte à l’analyse de Sigmund Nemann2 pour qui le totalitarisme se caractérise par une révolution permanente et cherchait à institutionnaliser cette révolution, ce qui lui permettait d’assurer sa propre perpétuation. En ce sens, le régime chinois serait devenu davantage un autoritarisme traditionnel et serait donc devenu plus conservateur.

Deng en devenant chef suprême abandonne le culte de la personnalité et laisse le Parti sur le devant de la scène. Le régime chinois n’est plus centré sur la personne du chef

1 SAICH Tony, Governance and politics in China, New York, Palgrave MacMillan, 2004, page 57 2 NEUMANN Sigmund, Permanent revolution. Totalitarism in the age of international civil war; Londres 1940.

(l’égocrate comme le dit Lefort) mais sur le parti. Pour autant, la visée totalitaire du Parti communiste chinois n’est pas modifiée. Ainsi, les organisations de masses, qui avaient disparues au cours de la révolution culturelle, sont restaurées avec autant peu d’autonomie qu’avant 1966.

Cependant, au cours du III° plénum du comité central du parti communiste, un mouvement autonome (dont la figure de proue fut Wei Jingsheng) réclame plus de liberté. Ce mouvement débute par la manifestation du 5 avril 1976 qui réunit place Tiananmen des cadres « droitiers », des intellectuels et des « jeunes instruits » envoyés à la campagne. Deng veut rompre avec la pratique maoïste et notamment cette visée totalitaire du contrôle de la connaissance par le politique. Cela répond d’abord, à une exigence pratique. La nouvelle équipe au pouvoir a besoin de personnes compétentes pour remettre le pays au travail et le sortir de la pauvreté. Ainsi, au slogan « le rouge prime l’expert » de la révolution culturelle qui traduit la visée totalitaire du pouvoir chinois, Deng instaure une nouvelle ligne politique qui a pour slogan « la pratique est le critère unique de la vérité ». Le 15 novembre 1978, Deng réhabilite la manifestation du 5 avril 1976. Deng Xiaoping va laisser ce mouvement prospérer le temps du plénum. Une fois celui-ci terminé, il est assuré d’avoir éliminé toute opposition maoïste au sein du Parti. Il va alors mater le mouvement de protestation (16 mars 1979) et envoyer son leader (Wei Jingsheng) en prison.

Après quoi, Deng va véritablement poser les principes de son action politique dans ce qu’il est convenu d’appeler les Quatre principes fondamentaux. Là encore, il convient de rappeler que Deng, loin d’avoir une visée alternative, cherche d’abord à rasseoir la domination du Parti en renforçant les structures d’avant la révolution culturelle.

Quels sont les Quatre principes fondamentaux exprimés par Deng Xiaoping ? On les retrouve dans le préambule de la constitution de 1982 :

• Affirmation de la voie socialiste

• Maintien de la dictature démocratique populaire

• Référence explicite faite au marxisme léninisme et à la pensée Mao Zedong • Rôle dirigeant du Parti communiste.

On a pu assister au cours des années 1980 à une libéralisation de la société chinoise et ce surtout dans la seconde moitié de la décennie. Ceci a été rendu possible grâce à deux facteurs :

• L’existence d’un marché qui rend possible le financement d’activités autonomes ;

• La tolérance par l’aile libérale des réformateurs d’une certaine liberté politique (Hu Yaobang, Zhao Zhiyang, Wen Jibao)

En 1987, Deng Xiaoping, cependant, rejette toute forme politique hors du parti communiste et renvoei le secrétaire général du Parti, Hu Yaobang.

Après le massacre de Tiananmen, Deng installe Jiang Zemin à la tête de l’appareil étatique. Il restera au pouvoir pendant treize ans. En 2005, la presse officielle reconnaissait deux best sellers pour l’année écoulée : le dernier volet des aventures d’Harry Potter (sic) et un ouvrage consacré à Jiang Zemin intitulé L’homme qui changea la Chine. Certes il y a peu à parier que ce livre ait vraiment atteint des sommets en librairies. Nonobstant, avec le recul (Jiang a officiellement quitté le pouvoir en 2002) le fait de rester plus d’une décennie à la tête de la Chine (communiste de surcroît) est tout à fait remarquable. Comment expliquer cette longévité et donc cette période de stabilité ?

D’abord, parce que le massacre de la place Tiananmen s’accompagne de l’éviction de toute l’aile libérale du parti. Celle-ci sera remplacée, dans un premier temps, par des staliniens (Li Peng) puis par ce qu’il est convenu d’appeler depuis lors la bande de Shanghai. Cela s’explique aussi par la crainte à tous les niveaux du parti d’une évolution du pays semblable à celle de l’URSS et de l’Europe de l’est. Enfin, le succès de la réforme économique qui fut relancée en 1992 y est aussi pour beaucoup. Notons, cependant, que la reprise de la réforme est lancée par Deng et aucun autre.

Comme on vient de le voir, il est impossible de classer le régime politique chinois contemporain comme un totalitarisme pur et dur.

Mais, il est aussi impossible de le ranger dans l’un des deux autres systèmes politiques modernes que sont la démocratie et l’autoritarisme. On doit au politologue Juan Linz cette division des systèmes politiques en trois catégories. Mais, Linz l’a reconnu lui- même, l’autoritarisme était une catégorie fourre tout. C’est pourquoi, en 1996 il a proposé deux sous catégories pour éclaircir cette lacune initiale. L’une de ces

catégories est celle de post-totalitarisme. Il semble que c’est celle qui convienne le mieux à la Chine contemporaine. Pourtant, cette définition n’est pas exempte de toutes critiques. En effet, sommes-nous vraiment entrés dans une seconde phase ou est-ce la seconde phase postérieure de la même période historique ?

On pourrait peut être préférer le terme de totalitarisme réformé ou totalitarisme réaliste. Envisageons maintenant ce qui a changé et ce qui n’a pas changé/

2. Permanence du système

L’ambition totalitaire n’est pas remise en question. Le régime chinois est toujours celui d’un Parti-Etat. Il n’y a pas de séparation nette entre le Parti communiste chinois et la structure étatique. Certes, on ne peut plus parler de totalitarisme actif car il n’y a plus dans le régime un politique visant à créer un homme nouveau. Pour autant, l’Etat-Parti ne tolère toujours pas le fait que son monopôle soit remis en question. Le pouvoir du Parti-Etat s’étend donc de manière à la fois horizontale et verticale. Influence verticale, car le Parti communiste chinois est présent du village à la tête de l’Etat de manière ininterrompue. Influence horizontale car le PCC est présent dans tous les secteurs via les différents groupes spécialisés, l’armée, l’exécutif, le législatif. Le graphique 1 tente de donner une vision synthétisée de la situation :             Graphique 1.1 : Un gouvernement dirigé par le Parti 

Etat 

Parti