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B permet de définir le nationalisme (et comment il s’est imposé comme idéologie majeure)…

3. Le nationalisme après Mao.

Après la mort de Mao, le nationalisme comme anti-impérialisme et anti- capitalisme a subsisté. Depuis 1979, la modernisation est redevenue la priorité de la nation. Le nationalisme est réapparu fort de la force économique toute récente et de l’implication croissante de la Chine dans les affaires mondiales. En un siècle, la Chine a restauré la domination han à l’intérieur de ses frontières, regagné sa souveraineté, abrogé les traités inégaux et restauré son intégrité territoriale. Le retour de Hong Kong en 1997 et de Macao en 1999 au sein de la République populaire indiquait que la page coloniale était définitivement tournée.

Si on ne peut que constater la résurgence du nationalisme à partir de la fin des années quatre-vingt dix, comment pour autant l’expliquer ? Le nationalisme va trouver un nouveau souffle car il va être porté par une partie des intellectuels conservateurs2. Précisons ici à la suite de Zhang Lun que le conservatisme revêt dans la Chine contemporaine deux aspects qui, s’ils partagent certains points, n’en demeurent pas moins très différents. Il faut distinguer le « conservatisme autoritaire » (l’expression est de Zhang Lun) qui veut « instaurer au plan politique l’autoritarisme, au plan économique, le modèle asiatique, et au plan culturel la tradition ». Ce courant, que l’on qualifie souvent de « néo-conservatisme » par opposition aux « vieux conservateurs » maoïstes, ignore la liberté individuelle au nom de l’intérêt collectif. A l’inverse, l’autre branche du conservatisme, si elle partage avec celle évoquée ci- dessus le même profond respect pour la tradition et le rejet du radicalisme, revendique le respect de la liberté individuelle et le refus de l’autoritarisme.

1 Ibid.

Une grande partie des débats intellectuels dans les années 1990 se cristallisent sur cette question du conservatisme, les libéraux ayant quasiment disparu du paysage intellectuel après 1989. « Après Tiananmen, les intellectuels libéraux disparaissent de la scène politique publique et les autorités tentent de regagner une légitimité en encourageant un retour à la tradition (ainsi en octobre 1989, Jiang Zemin fait-il l’éloge de la pensée confucéenne à l’occasion de la commémoration du 2540° anniversaire du philosophe). […] Cette ferveur pour les sciences et les arts chinois traditionnels n’est pas dissociable du nationalisme culturel naissant [au début de la décennie quatre-vingt dix], exaltant la grandeur de la civilisation nationale, seul rempart contre la folie du monde post-moderne. Et les autorités constatent avec satisfaction que la référence à la tradition contribue à atténuer l’influence des libéraux auprès de la population… » En fait, la période qui s’ouvre en 1992 (et dont nous ne sommes pas sortis) voit dans le nationalisme un rôle fondamental car double. Le nationalisme est un outil de relégitimation du Parti. Mais le nationalisme est aussi une réponse à une interrogation identitaire née d’une post-modernité portée par les réformes économiques. Le pays va donc être inondé par une propagande présentant le Parti comme le seul représentant de la nation. En ce sens, on ne peut que constater que la visée totalitaire du PCC, qui s’exprime dans le « fantasme de l’un » tel qu’évoqué plus haut, demeure vivace.

On peut suivre ici Zhang Lun pour qui le nationalisme dans le discours des intellectuels chinois se développe en trois temps1. D’abord, le nationalisme se veut anti-capitaliste et n’est le fait que de quelques chercheurs isolés dont He Xin. Mais la chute du bloc soviétique et le choix politique de relancer les réformes et l’ouverture économiques détruisent rapidement ce raisonnement. La Seconde étape est ce que nous appellerons le « débat sur la post-modernité ». La terminologie marxiste ne structure plus les termes du débat intellectuel qui s’organise désormais autour de la notion de civilisation. Ainsi, la publication en 1993 du Choc des civilisations de Samuel Huntington suscitera un vif intérêt en Chine. « Parallèlement sont introduites en Chine des théories post-colonialistes et orientalistes qui dénoncent l’hégémonie culturelle de l’Occident et revendiquent le droit des minorités »2. Ces théories_ principalement celles de Edward Saïd, Gaykrayorty Spivak, Homi Bhabha_ vont être diffusées en Chine par de jeunes intellectuels séjournant aux Etats-Unis notamment via la revue Dushu. « L’histoire semble se répéter : à l’époque du 4 mai, une théorie

1 Ibid page 245 2 Ibid page 246

occidentale, le marxisme, dénonçait l’Occident ; à la fin du XX° siècle, ce sont encore des thèses occidentales radicales qui influencent les Chinois dans le regard qu’ils portent sur l’autre côté du monde ». Il semble que cette étape marque un tournant. D’abord parce qu’en abordant la question identitaire, le nationalisme va commencer à gagner à lui toute cette nouvelle bourgeoisie issue des réformes économiques et dont sont originaires les nouvelles élites. D’autre part, le nationalisme et le conservatisme qui jusqu’alors se voulaient résolument opposés à tout radicalisme vont ici, pour le conservatisme autoritaire défenseur du nationalisme du moins, vont prendre un tour radical notamment dans la position de la Chine face à l’Occident. C’est dans cette dimension que doit se comprendre, la dernière étape mise en exergue par Zhang Lun. La troisième étape survient avec la publication en 1996 de l’ouvrage La Chine peut dire non : Choix politiques et émotionnels à l’époque post guerre-froide1. Nous pourrions aussi citer l’ouvrage d’Iris Chang Le viol de Nankin. Dans cette dernière étape, le nationalisme est perçu auprès des élites (qu’elles soient intellectuelles ou économiques) comme unificateur. Il devient le véritable courant intellectuel de fond de la société chinoise contemporaine. Lors des incidents diplomatiques entre la Chine continentale et Taiwan, peu (pas ?) de voix s’élevèrent pour apporter un soutien à la cause insulaire. Même les dissidents souscrivaient à l’idée très nationaliste d’une seule Chine comme héritière de la culture, de la race chinoise. Ce courant est , on s’en doute ardemment critiqué par les intellectuels libéraux qui y voient un danger dans ce courant xénophobe et populiste.

1 (中国可以说不 : 冷战后时代的政治与情感抉择;[Zhongguo keyi shuo bu: Lengzhanhou shidai de zhengzhi yu qinggan jueze]) op.cit.

Chapitre 2 :

QUELLE PLACE DANS