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B à la direction actuelle

B. La pensée Jiang Zemin

Comme on l’a vu plus haut, les affrontements au sein du Parti-Etat ne sont plus tant structurés par des différences en termes de philosophies politiques que par des conflits d’intrérêts. Les différences en termes de choix quant aux décisions politiques ou économiques sont devenues secondaires. Jiang Zemin était à la tête de ce qu’il est convenu d’appeler la « faction de Shanghai ». Ce groupe (Jiang avant d’être nommé Premier secrétaire du Parti était le maire de Shanghai) cherche avant tout le développement de la région du « grand Shanghai » qui inclut les provinces du Jiangsu et du Zhejiang. Par conséquent, Jiang et ses proches font en sorte d’obtenir des ressources financières et des opportunités économiques (obtention de nouveaux marché, etc.) dans le but de développer le grand Shanghai. Les cadres « affiliés » aux autres grandes métropoles font de même.

Ainsi dans la mesure où le XVI° Congrès du Parti communiste chinois était l’occasion du passage de flambeau d’une génération de dirigeants à l’autre, on a assisté à un double mouvement. D’abord, les chefs des factions de la Troisième génération comme Jiang ou Li Peng avaient dépassé l’âge limite imposé par le Parti, ils se voyaient donc contraints d’abandonner leur poste. Mais pas question pour eux d’abandonner le pouvoir1. En coulisse, ils ont ardemment négocié pour obtenir un des rares postes significatifs au sein de l’Etat ou Parti qui demeuraient disponibles. Ensuite, dans la mesure où ils étaient contraints de partir (notamment Zhu Rongji qui était sûr de quitter l’exécutif), ils ont mis tout en œuvre pour assurer la promotion de leurs protégés.

La stratégie de Jiang lors du XV° Congrès d’octobre 1997 (soutenue par Zhu Rongji) tenait en cinq points :

• L’engagement de maintenir une croissance économique élevée ; ceci était vu comme essentiel pour maintenir la stabilité sociale. Ceci signifiait qu’il fallait accorder plus d’attention au problème de l’inflation toujours menaçante et s’attaquer sérieusement au cœur du problème du secteur financier.

• La direction a pris l’engagement clair de combiner une économie mixte avec un cadre théorique qui continue à prôner la domination du secteur étatique.

• Alors que le Parti continuerait à relâcher son emprise sur l’économie et la société, le PCC se renforcerait et son rôle dirigeant serait accru. Jiang et ses proches voyaient clairement le Parti comme l’acteur institutionnel clé pour tous les niveaux et dans tous les domaines cruciaux. Pour lui le PCC est la pierre angulaire de la société chinoise. Dans le même temps, le Parti lance un appel pour élargir sa composition comme on le verra plus tard avec l’acceptation des entrepreneurs privés en son sein et la théorie de Jiang de promotion des Trois représentations.

• Le rythme de l’intégration à l’économie mondiale devait être accéléré, comme en témoigne parfaitement l’adhésion à l’OMC.

• Jiang continue la préférence de Deng pour maintenir de bonnes relations avec les Etats-Unis dans tous les domaines où cela est possible.

Contrairement à de nombreuses analyses d’avant Congrès, il n’y avait pas de nouvelles idées pour une réforme politique. Durant l’année 1997, la question de la réforme politique semble être revenue comme une priorité de l’agenda politique : un certain nombre de suggestions ont été faites pour mener des changements significatifs. Pendant un moment, il est apparu que Jiang a sanctionné ces discussions. Sur cette question des réformes politiques, il semble, en fait, qu’il ait plutôt tâté le terrain pendant un moment. Son objectif principal était alors de détourner l’attention de ses opposants de la réforme des entreprises d’Etat ce qui était très clairement le sujet le plus important pour Jiang. Les propositions de réforme politique consistaient principalement à améliorer le fonctionnement du système du Congrès, accroître l’implication des organisations de masses et affirmer de la valeur des élections villageoises. En plus le principal rival de Jiang, Qiao Shi souvent présenté comme le champion de la réforme politique et président de l’Assemblée nationale popualire, a été écarté pour cause de limite d’âge. Le départ de Qiao permit à Jiang de prendre l’ascendant sur l’Assemblée nationale populaire.

Il nous semble que la crise asiatique a deux avantages pour Jiang. Primo, elle permet d’écarter la question des réformes politiques au sein même du parti. En effet, la croissance économique étant considérée comme le pilier de la stabilité, c’est un aspect d’importance vitale pour le Parti. D’autre part, elle permet de mettre Zhu Rongji sur le devant de la scène et laisse celui-ci mener deux politiques de front : la réforme du système bancaire et la transformation des entreprises d’Etat vers une économie de marché1.

Les facteurs extérieurs2 ont joué un rôle. Jiang et les autres dirigeants chinois semblent avoir été déconcertés par la chute soudaine du régime de Suharto en Indonésie. Voici un homme qui a présidé pendant une longue période de très forte croissance économique (que certains qualifient même de miracle économique), qui semblait confortablement installé au pouvoir, qui avait le soutien inconditionnel de l’armée et le tout dans un système autoritaire. Et pourtant, Suharto va être rapidement chassé du pouvoir par la rue. Le parallèle avec la situation chinois doit avoir été alarmant pour Jiang et tous les dirigeants chinois. En effet, un certain nombre

1 Sur ce point voir SAICH Tony, op.cit., page 82 2 Ibid.

d’incertitudes internes et externes demeurent : les problèmes économiques (réforme du système bancaire et des entreprises d’Etat) ; l’entrée à l’OMC ; la hausse du chômage et l’apparition de la dissidence : Parti démocratique de Chine et Falun gong. Sur le chômage, selon une étude dirigée par Athar Hussein1, le taux de chômage urbain serait de 12,3% ; les relations sino-américaines sont ternies par le bombardement de l’ambassade chinoise de Belgrade et l’arrivée de l’administration républicaine de G.W. Bush.

C’est la combinaison de tous ces facteurs qui a poussé Jiang à ignorer les demandes pour une transition économique plus rapide et une possible réforme politique. Il préféra adopter une approche plus prudente avec un contrôle politique strict légitimité par un nationalisme strident.

Une rumeur veut que Jiang, sous la pression de Li Peng et des conservateurs, ait annoncé que la réforme politique ne sera pas discutée avant deux ou trois ans ; autrement dit elle ne sera pas discutée avant l’arrivée aux affaires de la quatrième génération de dirigeants_ sous sa direction le sujet est clos.

Lors des célébrations des vingt ans de la réforme en décembre 1998, Jiang dit très clairement qu’une réforme politique et économique radicale ou suivant le modèle occidental ne sied pas à la Chine. A la place, il insiste sur la nécessité qu’il y a de maintenir la stabilité et la nécessité de réprimer immédiatement tout trouble potentiel. Il réinsiste sur les Quatre principes fondamentaux de Deng Xiaoping. Dans ce contexte, il suggéra que les réformes les plus hardies annoncées en début d’année soient modérées pour que les gens puissent s’adapter à leurs conséquences.

Les plénums du Parti et les congrès de l’Assemblée nationale entre 1999 et 2001 ont confirmé cette approche plus prudente. Jiang a essayé d’adopter une voie médiane en reconnaissant qu’une réforme radicale du secteur public était nécessaire sans pour autant accepter que les privatisations fussent nécessaires. Par exemple, lors du V° plénum, en octobre 2000), le projet pour le nouveau plan économique quinquennal (2001-2005) est adopté (Il sera formellement adopté lors du Congrès national populaire de mars 2001). Ce plan fixe un objectif de croissance annuelle de 7% contre 8,3% lors du plan précédent. Mais surtout, il insiste sur la nécessité d’améliorer la compétitivité du fait de l’entrée dans l’OMC.

1 HUSSEIN Ather & Alii, Urban poverty in the PRC, 2002, Asian development bank, projet n°TAR33448.

II. Vers la « société d’harmonie » ? La période Hu Jintao (2002-

2008)