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B à la direction actuelle

A. Les débats intellectuels à la fin de la décennie

2. La question du conservatisme

a. les non libéraux

Beaucoup d’intellectuels chinois pensent que la démocratie, les moyens de subsistance du peuple et le nationalisme _ ce qui est presque équivalent aux Trois principes du peuple (ou triple démisme) de Sun Yat-sen _ ont marqué les trois grandes lignes de division parmi eux. Différentes entités sont regroupées dans ce qu’il est convenu d’appeler une école « non-libérale ». Mais on peut cependant les distinguer les unes des autres1. Il convient de revenir sur les origines de ces différents courants non-libéraux pour bien les comprendre. Les différents sous-groupes sont représentés par les néo-confucéens, les néo-autoritariens, les nouveaux gauchistes et les nationalistes « authentiques ».

§1.Les nouveaux gauchistes/néo-autoritariens

Le noyau dur du groupe non-libéral est connu comme « nouveaux gauchistes ». Le terme de nouvelle gauche trouve son origine aux Etats-Unis dans les années soixante et est l’œuvre du sociologue Charles Mills dans sa Lettre à la nouvelle gauche. La manière dont la nouvelle gauche en Chine diffère de la « vieille gauche » _ les marxistes dogmatiques chinois, les maoïstes et les communistes comme Hu Qiaomu ou Deng Liqun _ reste sujet à controverses. Quelques puissent être les différences, il apparaît que la nouvelle gauche fustige les valeurs aliénées de la vie moderne d’une part, et l’autoritarisme absolu d’autre part, alors que l’ancienne gauche toujours plus marginalisée adhère toujours à la même ligne marxiste-léniniste-maoïste. 2

Quatre membres de la nouvelle gauche, parfois appelés la « Bande des quatre »3 sont les représentants les plus importants de ce courant : l’ancien professeur de l’université de Yale Wang Shaoguang, le philosophe Cui Zhiyan, le professeur de littérature Gan Yang et le rédacteur en chef du journal Dushu(Reading) Wang Hui. Le développement de ce courant de pensée connaît deux étapes qui se font chacune dans des contextes très différents. La première étape est leur critique de la politique de privatisation du reaganisme et du thatchérisme comme en témoigne l’article de Wang

1 Ibid. 2 Ibid.

Shaogung publié en 1991 : « Developing a strong and powerful democratic country »1. À ce niveau, ils sont classés parmi les néo-autoritariens ou les néo-conservateurs. Cette seconde étiquette suppose des liens plus resserrés avec les néo-confucéens dans la mesure où leur argument principal visait le renforcement du pouvoir de l’Etat. L’étude de l’universitaire taïwanais Zu Zhiguo2 sur le néo-conservatisme continental représente l’une des introductions les plus en vue de ce courant au monde extérieur sans qu’il utilise l’étiquette de nouvelle gauche. L’idée était en opposition directe avec l’ « agenda » de démocratiser la Chine selon une thérapie de choc, idée qui était défendue avec enthousiasme par les libéraux exilés après 1989. La seconde étape est orientée sur les questions économiques par une remise en cause du capitalisme, de la modernisation et des déséquilibres sociaux. L’article de Wang Hui « Contemporary Chinese ideological situation and issues of modernisation »3 publié en 1997 peut être considéré comme le point de départ de cette deuxième étape. Certains penseurs aujourd’hui considérés comme des libéraux, comme Xiao Gongqin, ont alors été considérés comme des néo-autoritariens : leur défection _ au lieu d’une loyauté continue d’une étape à l’autre, comme Gan le suppose _ a été due à leur désapprobation quant à l’orientation économique de ce groupe.

Il est important de noter que l’étiquette de « nouveau gauchiste », bien qu’elle soit perçue de manière positive voire glorieuse par les activistes sur internet, n’a pas été acceptée unanimement par les membres du groupe. Gang Yang a insisté sur le fait que le terme de « libéraux de gauche » était bien plus approprié (et parlant) pour eux, parce qu’ils étaient aussi tous issus de ce courant libéral des années quatre-vingt. Leurs positions étaient, en fait, « plus proches des libéraux du New Deal aux Etats- Unis », et ils n’étaient pas seuls au niveau international car les prix Nobels James Tobin et Kenneth Arrow partagent leurs idées. D’après Gan, les intellectuels chinois qualifiés de libéraux devraient être appelés « libéraux de droite » (droitiers si on veut bien marquer l’opposition avec les « néo-gauchistes ») ou « libertariens » car ils appartiennent à la même école que les conservateurs américains4. Dans une conversation avec Simon Shen, Wang Shaoguang avouait ne pas prendre ces

1 WANG Shaogung, « Gongmin Shehui De Fanyi (Réflexions sur la société civile), Ershiyi Shiji (XXI° siècle), n°8, décembre 1991, pages 102 à 114.

2 ZU Zhiguo, cité par Shen in SHEN Simon, op.cit

3 WANG Hui, « Dangdai Zhongguo De Sixiang Zhuangkuang Yu Xiandaixing Wenti (The

Contemporary Chinese Ideological Situation and Issuses of Modernization) » in Sihuochongwen De Beijing (Pékin Renaissant), Pékin, Renmin Wenxue Chubanshe, 2000.

étiquettes très au sérieux et considérait ce titre comme un simple « chapeau » donné par son ancien collègue de Yale.

§2. Les nationalistes authentiques

On inclut dans la catégorie des « non-libéraux » les personnes qui sont étiquetées comme des intellectuels nationalistes et qui parlent exclusivement du nationalisme chinois. Selon Wang Xiaodong1 l’un des leader de ce courant nationaliste, les principales raisons qui ont fait de la Chine une victime au cours des derniers siècles sont le manque de lebensraum (l’espace vital) et de ressources naturelles, ainsi qu’un environnement hostile, une science et des technologies en retard, des difficultés à réaliser la modernisation politique et l’altération de l’esprit national. Pour structurer ces critères en termes thématiques, comme le résume assez justement le libéral Ren Bingqiang, la cosmologie du nationalisme de Wang peut être vue comme agressive car elle peut impliquer la théorie hitlérienne du lebensraum pour le peuple chinois, un darwinisme social dans la compétition entre les peuples sur la scène internationale et un esprit similaire au Bushido (shanwu jingshen) qui vise à promouvoir le respect pour la chose militaire. Les idées de Wang ne sont pas inconnues en Occident : il est l’une des voix de Chine les mieux accueillies et les plus citées par des médias occidentaux comme The Independant ou Le Monde.

Enfin de manière notable de nombreux nouveaux gauchistes ont l’habitude de dénoncer la version extrême du nationalisme chinois. Wang Hui, par exemple, a déjà essayé de prendre ses distances avec les nationalistes en déclarant que le nationalisme chinois, représenté par la littérature populaire comme La Chine peut dire non2, était seulement un produit de consommation, et que l’idéologie du nationalisme était seulement une conséquence négative de la mondialisation. Très souvent, cependant, les idées des nationalistes fusionnent avec celles de la nouvelle gauche et des néo- confucéens. Alors que les arguments nationalistes comme ceux de Wang Xiaodong mixent souvent l’anticapitalisme à l’anti-américanisme, les idées anticapitalistes de la nouvelle gauche remontent au dédain confucéen pour la classe marchande. La plupart des commentateurs ont du mal à distinguer entre eux (c’est-à-dire entre la nouvelle

1 l’ouvrage qu’il a cosigné avec Fang Ning est le manifeste d’une nouvelle vague de nationalisme chinois à l’ère de la globalisation.

WANG Xiaodong et FANG Ning, Qianqiuhua Yinying Xia De Zhongguo Zhu Ru (China’s road under the shadow of globalisation), Pékin, Zhongguo Shehuikexue, Chubanshe, 1999.

2 Zhang Zangzang, Zhang Xiaobo, Song Qiang, Tang Zhengyu, Qiao Bian et Gu Qingsheng, Zhonguo keyi shuo bu (La Chine peut dire non), 1996, Pékin

gauche, les néo-confucéens et les nationalistes) et pensent que le « nouveau nationalisme » est vu comme un courant au sein de la nouvelle gauche pour être différenciée de l’ « ancienne gauche ». Les libéraux estiment logique de considérer les nationalistes, les étatistes, les militaristes et les gauchistes comme une nouvelle « ligue jurée »1.