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les politiques publiques de réforme du commerce extérieur

Etat Parti Communiste 

B. La logique politique de la réforme économique

4. les politiques publiques de réforme du commerce extérieur

Depuis le tout début de la réforme le commerce extérieur et les investissements étrangers faisaient partie intégrante du projet de réforme. Deux des réformes politiques les plus importantes vont être analysées dans ce paragraphe sous l’angle d’une perspective politico-institutionnelle.

a. les politiques provinciales des IDE

Comme la Chine est un pays tard venu au développement, elle était en mesure de profiter du développement de la finance internationale qui se produit à la fin des années soixante-dix. La Chine a pu donc davantage tirer profit de la finance internationale que ne purent le faire ses voisins asiatiques dont le développement fut plus précoce (notamment le Japon). D’autre part, la Chine a une spécificité, en cela que les communautés chinoises installées à l’étranger, les Chinois d’outre-mer, ont largement investi dans le pays de leurs pères dès le début de la réforme.

§1. Les zones économiques spéciales : initialement, seules quatre zones furent établies pour expérimenter la réforme : trois se situent dans la province de Canton (Guangdong) _ Shenzhen (la plus connue), Zhuhai et Shantou_ et une dans la province du Fujian _ Xiamen. L’objectif de la politique des ZES était d’attirer les investissements étrangers en offrant, sous la forme d’une concession, un cadre propice aux affaires. L’enthousiasme des Chinois d’outre-mer à faire des affaires sur le continent a été, sans doute, un des ingrédients du succès de la politique de réformes de l’économie. Quelle logique sous-tendait l’existence de ces quatre zones ? Pourquoi n’avoir autorisé qu’un petit nombre de villes où le commerce était libre ? Deux raisons expliquent ce choix. Primo, le fait de ne commencer la politique d’accueil des investissements étrangers que dans un nombre limité de villes évitait que celles-ci ne se voient opposer un véto catégorique de la part de l’opposition conservatrice au sein du Parti. D’autre part, cela permet de mettre en place une stratégie du particularisme. Pour le dire en terme économique, ces quatre ZES bénéficiaient d’une rente de monopôle (l’accès aux capitaux étrangers). D’autres dirigeants locaux voudraient naturellement bénéficier, eux-aussi, de cette rente. L’attrait de l’accès à la rente a sans doute converti de nombreux cadres locaux à la cause de la réforme et cela n’a fait qu’affaiblir la position politique de l’opposition conservatrice à Pékin.

Malgré son succès sur le plan politique, cette politique de particularisme régional a eu des conséquences négatives sur le plan économique. L’une des principales conséquences aura été d’écarter Shanghai de la Chine à forte croissance pendant une décennie. Ce fut une erreur de ne pas tirer profit dès le début de l’énorme potentiel de Shanghai. Deng Xiaoping au cours d’un discours en 1992 reconnu lui-même son

erreur : « Rétrospectivement, l’une de mes plus grandes erreurs aura été d’exclure Shanghai quand les quatre zones économiques spéciales furent créées. Sans quoi, tout le delta du Yangtzé, toute la vallée du Yangtzé et peut être même le pays tout entier aurait été changé par la politique d’ouverture et de réforme. »1

§2. L’extension de la politique d’ouverture : la pression des autres provinces a conduit le Conseil d’Etat à étendre les libertés des ZES à l’île de Hainan et quatorze autres villes côtières.2 Cette extension des privilèges ne signifiait pas la fin de la politique de particularisme car les villes de l’intérieur des terres cherchèrent la protection des hommes politiques réformateurs pour devenir aussi des villes ouvertes. En juin 1992, Pékin autorisa vingt et une autres villes, situées le long du fleuve Yangtzé et dans le nord-est, à proposer des conditions spéciales aux investisseurs étrangers.

L’une des mesures les plus efficaces pour stimuler les provinces de l’intérieur à s’engager dans le commerce international, aura été d’autoriser les gouvernements provinciaux à créer des zones de développement spécial où ils pouvaient établir une concession avec un investisseur étranger. En fait, cela revenait pour le gouvernement central à partager avec les gouvernements provinciaux les avantages de la politique de particularisme.

Les premiers bénéficiaires de la politique des zones de développement furent les villes côtières. Mais Li Peng a étendu de manière substantielle cette politique à l’intérieur du pays. Cependant, ce développement incontrôlé eut pour conséquence une forte hausse de la corruption des cadres locaux. Or, il ne fallait surtout pas que ce genre de comportements ne devient un frein aux investissements étrangers. Par conséquent, l’une des premières décisions politiques majeures de Jiang Zemin (alors Secrétaire général du Parti communiste chinois) fut d’ordonner une inspection et une « rectification » dans toutes les zones spéciales. Le but de cette campagne était de retirer de statut de ZES à toutes les villes qui manqueraient d’infrastructures ou dont les conditions étaient inaptes à accueillir les investissements étrangers. Jiang choisit de confier cette tâche à Li Peng. C’était une mission particulièrement ingrate pour un politicien qui avait l’ambition de se retrouver à la tête du Parti et qui, de part son poste

1 « Importance of development stressed », Xinhua agency, 5 novembre 1993.

2 Les quatorze villes sont : Dalian, Qinhuangdao, Tianjin, Yantai, Qingdao, Lianyungang, Nantong, Shanghai, Ningbo, Wenzhou, Fuzhou, Guangzhou, Zhanjiang et Beihai.

de président de cette commission interministérielle, allait s’attirer l’inimitié de bon nombre de cadres locaux.

b. la décentralisation des autorités du commerce extérieur

Avec une économie planifiée de commande, la Chine a parfaitement contrôlé son développement économique mais au prix d’un commerce extérieur quasiment nul. Les objectifs de la réforme de l’administration du commerce extérieur chinois étaient d’accroître le volume des échanges, notamment les exportations, tout en réduisant le fardeau des aides gouvernementales au commerce.

La solution retenue a été la plus pratique du point de vue politique. Le gouvernement a décentralisé l’autorité sur le commerce extérieur du MOFTEC1 vers les ministères et les provinces. Une fois encore, la décentralisation s’est faite au profit des administrations et non des entreprises. Les nouveaux agents économiques n’étaient donc pas les chefs d’entreprises mais les cadres locaux. La relation entre les hommes politiques de Pékin et le reste du pays demeurait donc restreinte à l’intérieur du Parti communiste. Cette décentralisation signifiait que les gouvernements provinciaux et municipaux tout comme les ministères étaient autorisés à établir leurs propres entreprises de commerce qui allaient être en compétition avec celles sous tutelle du MOFTEC. L’une des conséquences de cette décentralisation aura été que les hauts fonctionnaires de Pékin ont perdu leur pouvoir de négocier avec les investisseurs étrangers (ce fut une chose particulièrement irritante pour eux). Il faut ajouter une conséquence véritablement négative de cette décentralisation du commerce extérieur, la corruption des bureaucraties locales a augmenté de manière exponentielle.