• Aucun résultat trouvé

Ce projet nous explique le passage à l’idéologie actuelle (1992-2008)

A. du modèle du « chef suprême »…

Avec l’instauration de la République populaire de Chine s’ouvre une période où le régime chinois est totalitaire1. L’une des caractéristiques majeure du système totalitaire est la prédominance du chef suprême2. Le chef totalitaire gouverne seul et le rapport qu’il a au peuple est censé être direct. C’est ce que Claude Lefort3 a appelé l’égocrate. Après la mort de Mao Zedong, on assiste à la prise du pouvoir au sein du Parti par Deng Xiaoping. Mais, son pouvoir n’est pas total. Deng a dû s’allier avec différents groupes et personnalités au sein de l’appareil du Parti pour parvenir à évincer les maoïstes conservateurs. Ceci fait donc de Deng l’homme fort du régime. Cependant, il doit, en même temps, composer avec différentes influences au sein du Parti. Nous choisissons de résumer ce mode de fonctionnement à la tête du PCC par la formule du « système de l’homme fort ».

L’organisation même de la politique chinoise favorise différents courants intellectuels (tant du point de vue économique que politique). On peut résumer le fonctionnement du régime chinois dans la situation de direction par un « homme fort » en prenant l’image d’un atome. On considère un « homme noyau » autour duquel gravite la politique chinoise. Ceci constitue une révolution lorsque l’on passe à ce système à la fin des années 1970. Sous Mao, le système était pour ainsi dire pyramidal, toutes les luttes de la période n’eurent qu’une seule raison d’être : permettre à Mao d’avoir le contrôle total du parti et de l’armée donc de l’Etat. Tous les opposants au sein du système étaient éliminés. Après 1978, les factions minoritaires ne sont plus éliminées mais s’éloignent du noyau car elles sont écartées du pouvoir.

Cette notion de leadership d’un homme est très importante pour deux raisons. Primo, le fait que l’on ait un « core leader »(homme fort) indique le haut degré en quoi la

1 Voir dans ce chapitre la section1 paragraphe I.

2 Le terme de chef suprême se traduit en anglais par « paramount leader ». Or les auteurs anglophones ( anglo-saxons et la plupart des auteurs chinois en exil ou vivant à Hong Kong) utilisent indifféremment ce terme pour désigner le dirigeant totalitaire ou l’homme fort du régime sans pour autant lui attribuer les caractéristiques du chef totalitaire.

politique chinoise est personnalisée et non pas institutionnalisée. Ensuite, on constate que les courants de pensée politiques et les manœuvres pour accéder au pouvoir sont liés. Donc, on ne peut pas séparer les querelles pour accéder au pouvoir des querelles d’idées (disons plutôt des débats d’idées). On n’est pas ici dans un débat purement intellectuel. Donc certaines politiques (à comprendre ici au sens de « policies ») ne sont défendues que par opposition à d’autres politiques défendues, elles, par des rivaux.

Graphique 1.7 : le modèle du système de l’homme fort 

Au centre, on voit « l’atome » qui représente le système politique chinois. Au centre de cet atome se trouve le leader, autour de lui gravitent les différentes factions politiques que l’on peut trouver au sein du Parti communiste chinois. L’éloignement du centre traduit graphiquement la plus ou moins grande importance de chaque faction dans la gestion du pouvoir. Les deux épaisseurs du cercle traduisent le système. L’écart entre ces deux cercles traduit la solidité des institutions. Les flèches à droite illustrent les demandes auxquelles doit faire face le PCC.

Leader Groupe 1 Groupe 2 Groupe 3 Groupe 4 Demandes  1.  L’ « atome»  détermine  des  choix  politiques  2.  …  qui  détermine  les  demandes  sociales 

Envisageons maintenant un cas pratique, nous voyons que ce schéma devient dynamique. Pour ce faire, prenons le cas des modifications au sein du Parti communiste suite aux évènements de Tiananmen au printemps 1989 :

Graphique 1.8a : La structure de la politique chinoise avant le printemps de Pékin 

On voit que Deng est le « core leader ». On préfère par simplicité nommer chaque faction par le nom de leur tête de file comme par exemple Li Peng.

Zhao Ziyang et les réformateurs sont les plus proches de la gestion du pouvoir, alors que Li Peng n’a qu’un rôle secondaire et que Jiang Zemin est à la périphérie puisqu’il n’est encore que maire de Shanghai.

Graphique 1.8b : La structure de la politique chinoise après le printemps de Pékin  Deng Xiaopin g Zhao Ziyang Li Peng Jiang Zemin SOCIETE

On voit que Deng est toujours le leader. Mais Li Peng est devenu le Premier ministre et s’est donc rapproché du noyau tandis que Zhao est relégué à la périphérie du système. On voit bien que ce modèle explique la continuité du régime qui chasse certains de ses cadres puis les rappelle ensuite au pouvoir. C’est le cas manifestement avec la faction de Zhao Ziyang. Discréditée en 1989, cette faction semblait hors de la course au pouvoir. Son leader (Zhao) étant en résidence surveillée à Pékin. Or le XVI° Congrès du Parti communiste chinois qui a eu lieu à l’automne 2002 a consacré le retour de cette faction aux affaires notamment avec la nomination de Wen Jibao (l’ancien conseiller de Zhao au moment de Tiananmen et qui soutenait les manifestations étudiantes) au poste de premier ministre.

D’autre part, on voit que l’écart séparant les deux cercles s’est réduit. Cela traduit la perte de confiance de la population dans les institutions et donc la capacité de celles-ci à gérer les chocs (sociaux, économiques, politiques, etc.). Quand la capacité des institutions sera trop faible pour faire face aux demandes de la population alors le régime s’écroulera. Sur ce point nous reprenons les études de David Easton1, pour qui les systèmes politiques connaissent un seuil de tolérance aux demandes sociales. Certaines crises mineures peuvent, donc, entraîner la chute d’un régime.

1 EASTON David, A framework for political analysis, New-York, Prentice-Hall, 1965.

Deng Xiaopin g Zhao Ziyang Li Peng Jiang Zemin SOCIETE 

…  fait  évoluer  les  demandes sociales. 

Une  évolution  politique… 

Mais ce système en atome diffère du système d’Easton1, de part l’absence de « boite noire », puisque ce modèle veut expliquer le fonctionnement au sein de l’appareil de l’Etat-parti. D’autre part, le rôle du feed-back a un effet tant sur la population que sur le système (l’atome) lui-même. Ici les principales conséquences des demandes sociales sont une modification de la structure de l’atome. La satisfaction des demandes sociales est secondaire puisqu’on se situe dans un régime dictatorial.

Ce système de « l’homme fort » est applicable tant que Deng Xiaoping assumait la direction du régime (même si sa direction n’était pas officielle ou du moins ne se reflétait pas dans les institutions du régime). Au regard de la première moitié de la décennie quatre-vingt-dix, il apparaît que Deng a voulu être l’architecte de sa propre succession. « Entre 1991 et 1994, on voit le vieux dirigeant mettre en place une direction communiste de « troisième génération » [disandai _ 第三代] sous le signe de l’unité et de la « stabilité ». Tous les courants sensibles au sommet y sont plus ou moins représentés, mais les querelles idéologiques restent en principe bannies. »2 Le

souci de Deng d’assurer sa succession trouve une explication politique. Toute la politique denguiste depuis le lancement des réformes en 1978 aura été d’assurer la sauvegarde et la stabilité du régime et, pour ce faire, réussir la politique de développement. En préparant tôt sa succession et en s’assurant d’un consensus au sein du Parti sur la continuité des réformes, Deng s’offre des garanties quant à la persistance des réformes dans la durée. De plus, il est bien conscient de la difficulté de la tâche. En effet, Hua Guofeng ne resta pas au pouvoir plus de deux ans alors que Mao Zedong, qui pourtant détenait les pleins pouvoirs (ce qui constituait un soutien de poids), l’avait désigné comme son successeur officiel. Or, Deng n’a jamais eu le même ascendant sur le régime que Mao. La légitimité de son successeur ne sera qu’amoindrie.

A ce modèle de « l’homme fort » va donc succéder un système dont le but sera d’assurer la stabilité du régime, la continuité de la ligne politique réformatrice et qui doit prévenir toute dérive autocratique comme la Chine a pu en connaître sous Mao.

1 EASTON David, op.cit. 2 EYRAUD, op.cit. page 104.