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II Approfondir notre problématique au regard du terrain : les figures de la qualité à l'épreuve du travail d'organisation

1. Deux temps de travail d'organisation

La rédaction du rapport d’accréditation renvoie à deux temps : 1°) l’auto-évaluation et 2°) la prise de décision qui s’ensuit, selon les résultats de la cotation. La mise en place des dispositifs qui font défaut (au regard d'une cotation insatisfaisante) concourt à une systématisation des dispositifs qualité. Il ne s’agit pas seulement de faire sens mais de construire du sens voire de construire une nouvelle organisation. Nous sommes proches de ce que G. de Terssac appelle le « travail d’organisation » (de Terssac op.cit., 2002, 2003, 2007). Le travail d’organisation consiste en un ajustement entre un ordre préalable et le cours d’action, nous l’avons vu dans le chapitre 1. Lors des réunions de rédaction du rapport d’auto-

186 évaluation, nous postulons que deux formes de travail d’organisation sont à l’œuvre. Nous avons relevé deux niveaux de travail d’organisation, potentiellement à l'œuvre lors des réunions, qui se superposent mais qui n’en sont pas aux mêmes phases de développement :

1°) Le premier travail d’organisation renvoie au processus d’auto-évaluation, exigé par la certification. Nous nous trouvons dans la seconde phase du travail d’organisation : celle du travail de l’ordre préalable par le cours d’action. La première phase a eu lieu en amont lorsqu’au sein de la HAS ont été décidées les règles de mise en place de la certification, ont été déterminés les critères du manuel, la politique qualité, les tenants et les aboutissants de l’auto-évaluation. Lors des réunions d’auto-évaluation, il est demandé au personnel d’appliquer cet ordre préalable, et c’est à ce moment-là, que nous pouvons faire l’hypothèse d’un travail d’organisation portant sur l’exercice d’auto-évaluation. D’une certaine façon, ces réunions se présentent comme « un pacte normatif » pour reprendre Cochoy (Cochoy et al., 1999) entre l’accréditation et l’organisation ; c’est l’entrée en normalisation qui se joue lors de ces réunions. Ce travail d’organisation se joue au niveau de la rédaction du rapport, de la cotation et de l’auto-évaluation, et plus généralement au niveau de la conciliation du texte global et du texte local de la qualité.

2°) Le second travail d’organisation est la conséquence du premier. Suite à leur auto- évaluation, le personnel présent aux réunions de rédaction du rapport va mettre en place le dispositif de résilience souhaité par la HAS. Si une cotation sur un critère est insatisfaisante, l’établissement est implicitement sommé de pallier ce manquement et de mettre en place ce qui fait défaut. Ainsi, une phase de systématisation de la résilience a lieu suite à l’auto- évaluation. Cette phase de systématisation annonce un travail d’organisation, dans la mesure où il est demandé au personnel présent aux réunions de mettre en place les règles (et ainsi un ordre préalable) de mise en place du dispositif qualité. Nous sommes à la première phase du travail d’organisation : la formalisation d’un ordre préalable. Cet ordre est conforme aux principes des démarches qualité : une codification des pratiques écrites qui se superposent aux écrits déjà existants, une formalisation et l’exigence d’une écriture systématique, une normalisation qui s’étend à l’ensemble de l’organisation aussi bien spatialement (l’ensemble des services est concerné) que hiérarchiquement (l’ensemble des acteurs est concerné), ou encore les principes de formalisation qui s’appuie sur un langage spécifique. Le personnel, en effet, prend la décision de mettre en place tel ou tel dispositif qualité. La seconde phase, celle de l’actualisation effective de la systématisation de la résilience, donnera lieu, nous pouvons

187 le supposer, à un travail d’ajustement entre ce qui a été décidé et ce qui est réalisable. Notre terrain ne nous permet pas d’étudier cette étape, nous en restons à la première, celle de formalisation.

Travail d’organisation

1ère phase : ordre préalable 2ème phase : cours d’action Auto-évaluation, rédaction

du rapport

X

Systématisation de la

résilience

X

Document 7 : deux temps de travail d'organisation

Pour des raisons de clarification, nous distinguons les deux étapes ; elles sont évidemment liées et le travail de l’une aboutit au travail de l’autre. Notre distinction cherche plutôt à définir deux temporalités qui s’enchaînent et surtout de montrer que la rédaction du rapport n’est pas une fin mais une étape pour la suite de la mise en place des dispositifs qualité. La certification ne met pas en jeu un seul travail d’organisation, une seule temporalité.

Document 8 : les temps de travail d'organisation au regard du processus de certification Notre approche du travail d’organisation entre bien évidemment dans le prolongement des travaux menés par G. de Terssac (2002, 2003, 2007) sur le travail d’organisation. Néanmoins, notre terrain offre quelques particularités qu’il convient de préciser afin de saisir les spécificités du travail d’organisation que nous allons étudier :

‐ Le travail d’organisation étudié est un travail, que nous qualifions de l’ordre de la régulation du sens. Il est demandé au personnel de faire sens du cadre nouveau qu’offre le manuel d’accréditation, de ses principes et de son approche de la qualité. Il est également demandé de remplir le rapport d’auto-évaluation, c’est-à-dire de faire coïncider le texte local

188 de la qualité avec le texte global du manuel. Suite à cette réflexivité encadrée, dans une seconde étape, il s’agit de formaliser les dispositifs. Notre étude envisage donc le travail d’organisation du point de vue de la régulation du sens. Par là, nous voulons signifier que notre étude ne porte pas sur la praxis, sur l’ajustement des règles dans le travail quotidien du personnel, objet d’étude de la plupart des travaux sur le travail d’organisation. Notre terrain se distingue par son caractère extra-ordinaire et le travail principalement représentationnel qu’il induit.

‐ Les réunions d’accréditation se présentent comme un moment pendant lequel la norme est précisée localement. Nous avons souligné l’enjeu d’un travail de traduction entre texte global et texte local. A la différence des travaux sur le travail d’organisation, notre focale se porte non pas au niveau interne de l’organisation, mais à l’interface entre des acteurs externes – la HAS, le manuel d’accréditation – et les acteurs internes à l’organisation. Nous n’envisageons pas le travail d’organisation dans une organisation close sur elle-même, mais cette autre forme de travail d’organisation qui se trouve en amont, et parfois en aval, et met en relation l’organisation avec des impératifs extérieurs.

Le travail d’organisation étudié relève ainsi d’un travail du cadre : travail du cadre de la certification et travail du cadre des pratiques. Le travail de régulation du sens ainsi mis en avant soulève de nombreux enjeux.

2. Enjeux du travail d’organisation : concilier les rationalités

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