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Qu’est-ce que la résilience ? Une approche préconisatrice de K Weick

I Déterminer les figures de la qualité

13. Critère 26.a Organisation du bloc opératoire.

1.3 Etablir une organisation résiliente

1.3.1 Qu’est-ce que la résilience ? Une approche préconisatrice de K Weick

Pour comprendre la notion de résilience chez Weick, il faut cerner sa définition de l’organisation. Lorsqu’en 1979, Karl Weick substitue le suffixe –ing à celui de –ation d’Organization au titre de son premier ouvrage The Social Psychology of Organizing (Weick, 1979), il pose l’élaboration du sens au cœur de l’étude de l’organisation. Cette dernière est dès lors considérée comme un tissu d’interactions dont le but est de réduire l’équivocité de son environnement. Lors des situations de crise ou de dysfonctionnements, le sens s’effondre et les acteurs doivent alors gérer une situation d’incertitude et d’ambiguïté. Dans le but de se stabiliser, l’organisation cherche à réduire l’équivocité de son environnement.

La notion d’équivocité renvoie à la possibilité d’interprétations multiples pour une même situation. Une situation est équivoque lorsque plusieurs facteurs sont susceptibles de l’avoir causée. L’originalité de la posture de Weick est de considérer ces moments d’effondrement du sens non comme des situations négatives mais comme des occasions de faire sens, « sensemaking », à nouveau. En effet, les occasions propices à l’élaboration du sens (un chapitre entier de Sensemaking in Organization leur est dédié) sont ces brisures, sources d’ambiguïté, d’incertitude qui obligent les acteurs à entreprendre un travail de reconstruction

129 du sens quand les cadres de compréhension habituels ne suffisent plus ou ne sont plus totalement adaptés.

Ainsi K. Weick a plus spécifiquement étudié les incidents ou situations de crise. Ses observations lui permettent de définir ce qui s’effondre, les failles de la communication dans des situations équivoques afin d’en ressortir des éléments pertinents à la gestion de telles situations. Weick se soucie à la fois de la pertinence des représentations des acteurs et de la qualité de leur interprétation, mais aussi de la performance (au sens de fiabilité) des systèmes formés de réseaux sociaux, qui peuvent produire des conseils, des solutions pour améliorer l’organisation. C’est ainsi que dans Managing the unexpected (Weick, Sutcliffe, 2007), il distingue 6 paramètres pour développer une organisation résiliente :

‐ la « variété requise ». Toute la difficulté du sensemaking réside « dans ce passage d’une complexité qui nous dépasse à une complexité que nous pouvons saisir, qui nous permet d’agir » (Vidaillet, 2003, p 37). K. Weick part du principe qu’il faut de la variété pour saisir la variété. Cela s’applique autant à la pensée qu’à l’action : il faut de la nuance pour comprendre les nuances du monde, pour pouvoir agir de manière nuancée et complexe et donc enacter un environnement complexe et nuancé. Il s’agit d’éviter la surcomplication ou la sursimplification.La variété est donc liée à un effort de conscientisation de la complexité du monde. Si les individus perçoivent qu’ils maîtrisent un répertoire d’actions plus large, ils sont susceptibles de faire attention à plus d’évènements.

‐ la « sagesse ». L’attitude de sagesse consiste à être conscient de la complexité du monde, à se montrer attentif aux limites de ses connaissances, à introduire la dose requise de doute pour rester en alerte, et valoriser la curiosité qui permet de mieux répondre à la variété.

‐ l’« identité ». Le concept de variété dépend de celui d’identité : c’est à partir de notre identité que s’élabore le processus de sensemaking. Plus le répertoire de rôles accessibles à un individu est varié, plus grande est son aptitude à comprendre l’environnement. Ce qui est en jeu est la capacité à être plusieurs personnes en même temps et à changer de rôles très rapidement.

‐ un « engagement dans la résilience » en tant que capacité à rebondir qui dépend fortement d’une connaissance approfondie des personnes et des ressources, ce qui implique une reconnaissance de l’« expertise » de chacun.

‐ la « vigilance collective et une préoccupation constante pour l’échec ». La vigilance collective inclut l’ensemble des processus collectifs qui permettent au groupe de découvrir les

130 erreurs (notamment par la variété requise qui permet de détecter des indices a priori insignifiants) et de s’y ajuster. Ainsi, toute l’énergie d’une organisation fiable est concentrée sur la détection continue des erreurs. L’erreur est donc perçue comme « une fenêtre sur l’équilibre et la régulation du système » (ibidem p 151). Dans cette perspective, l’organisation est dans une recherche de fiabilité et non d’efficacité.De plus, l’erreur n’est pas de l’ordre de la responsabilité individuelle mais est à inclure dans une réflexion systémique et organisationnelle.

‐ la « structure ». Elle ne doit pas être une prison, et doit permettre de desserrer les liens hiérarchiques en cas d’incidents. Le groupe doit être capable de changer les structures en les améliorant devant l’apparition de situations nouvelles. Une organisation hautement fiable est donc flexible et fiable en cas d’incidents. La vigilance collective est le produit de la capacité des hommes à maintenir un certain niveau d’attention pour les signes avant-coureurs (encourager la plausibilité du signe plutôt que d’attendre sa pertinence) et une propension à discerner et agir.

Ces cinq paramètres ont valeur de préconisations dans les écrits de Weick. Son approche, fortement concentrée sur les situations d’effondrement du sens et sur les organisations faiblement résilientes, s’est ancrée par la suite dans une perspective de recommandations. La résilience organisationnelle consiste non seulement en la capacité d’une organisation à ‘‘résister’’ aux chocs mais aussi dans sa capacité à les éviter. Les facteurs de résilience reposent sur la capacité des membres de l’organisation à développer de nouvelles solutions (par le bricolage et l’improvisation notamment), à changer rapidement de rôle, à maintenir des relations de confiance dans les organisations, tout en conservant ce doute qui encourage ouverture et vigilance.

Les travaux de Weick ont cette originalité que la fiabilité dépend de la nature des interactions humaines. La vision weickienne réintroduit la flexibilité, la fluidité à l’opposé des concepts de routine, de procédures opérationnelles standards ou de plans de gestion de crise. Pour qu’un système soit fiable, il doit être capable de faire face à des situations inattendues et dangereuses. La fiabilité organisationnelle est le reflet de la capacité des individus à s’organiser et se réorganiser pour prévoir et y faire face. Selon Weick, la fiabilité est le produit d’interactions humaines et pas seulement le résultat d’un design organisationnel spécifique. Il s’agit d’un processus dynamique plutôt qu’une structure rigide et contraignante La pensée de Weick vise à explorer la dimension sociale de la fiabilité en considérant pas l'individu seul comme source d’erreur. La gestion de crise ne se résume pas à l’élaboration

131 d’outils mais au rôle central des individus en collectif. K. Weick prône l’adaptabilité plutôt que l’adaptation, en intégrant dans le moment présent rétrospection et prospection, vigilance, présence attentive.

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