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certification ? Retravailler les figures d'A Ogien

5.2 Interroger la résilience

Weick, dans ses travaux sur la résilience, présente une approche fortement préconisatrice, riches de conseils afin d’encourager les organisations à s’engager dans une forme de vigilance collective. Nous décidons, par cette thèse, de faire en quelque sorte un peu de plus, en nous interrogeant sur les possibles appropriations de ce mode de pensée lorsque celui-ci est réhabilité en objectif organisationnel et relève de logiques multiples qui peuvent dépasser le simple paramètre de la préservation de l’organisation.

Entrevoir le processus de certification, et de manière plus générale, les démarches qualités comme mode de systématisation de la résilience nous enjoint à réinterroger certaines facettes de la résilience :

‐ A considérer la résilience comme pouvant être le ressort de logiques multiples. L’équivocité – au sens de Weick de ce qui peut avoir plusieurs sens – de la notion de qualité, déclinée ici en plusieurs figures, laisse à penser que le mode de systématisation de la

182 résilience, tout comme il est le fruit de plusieurs de logiques, peut être soumis à leur mise en tension lors des réunions de certification.

‐ A cerner dans quelle mesure cette dernière est alors soumise à un « travail d’organisation », et non seulement un « travail de groupe », comme le suggère la focale prise régulièrement par Weick. La systématisation de la résilience encourage à un travail de l’organisation de manière renouvelée, dans la mesure où le manuel de certification se pose comme une technologie du faire sens, un cadre de la réflexion, des représentations et de l’action. Mais elle relève également d’un travail d’organisation qui repose sur une conciliation de figures de la qualité (impératif moral, impératif normatif, impératif managérial) et qui adjoint le personnel à concilier des acceptions de la qualité différentes au regard de la réalité locale organisationnelle.

Dans la partie suivante, nous allons nous attacher à spécifier plus précisément les enjeux d’une confrontation de la notion de résilience au regard de l’organisation et de la communication. Pour les saisir, nous creuserons la notion de travail d’organisation, et ce, selon une approche communicationnelle. Nous interrogerons la notion de travail d’organisation en tant que clé de compréhension d’une systématisation de la résilience, d’une tension entre résilience et communication/organisation.

Mais auparavant quelques remarques sur les réunions d’accréditation en tant qu’occasion de résilience.

Si le manuel d’accréditation propose une mise en forme de la résilience et pousse à sa mise en place au sein de l’établissement, il convient de faire remarquer que les réunions d’accréditation sont aussi une occasion particulière de faire sens et de résilience.

L’accréditation encourage à questionner l’organisation. Ainsi, elle joue à deux niveaux du point de vue de la résilience. Elle encourage à mettre en place une manière de s’organiser résiliente et pousse à la mise en place de dispositifs qui concourent à cette pensée. Mais nous supposons que le fait-même de mener les réunions de certification est aussi une forme de résilience. Les réunions d’accréditation rassemblent les membres de l’organisation autour de critères spécifiques, des critères qui poussent à travailler et penser la pratique et l’organisation différemment. On peut donc faire l’hypothèse qu’au cours des réunions d’accréditation, les participants, par la réflexion menée sur les pratiques et guidée par le manuel d’accréditation, performeront une forme de résilience.

183 Nous pouvons essayer dès à présent de définir les conditions de cette résilience (nous l’analyserons dans sa performation dans le chapitre 5). Tout d’abord, sont réunis des membres de l’organisation aux fonctions différentes lors des différentes réunions. Chaque réunion est le fait d’un sous-groupe qui travaille un critère spécifique. Le manuel d’accréditation encourage à faire participer l’ensemble des personnes ressources : « Il est cependant demandé à l’établissement de santé de continuer à travailler de manière pluriprofessionnelle et de faire participer l’ensemble de ses parties prenantes, en particulier les usagers. »(p 8 du manuel). Les participants sont convoqués pour leur expertise dans leur rôle premier. La notion d’expert est particulièrement mise en avant ainsi que la participation des différents types d’acteurs concernés par un critère. Variété et expertise sont donc a priori des paramètres de cette réunion.

De plus, les réunions, dans la mesure où elles demandent aux participants de se pencher sur l’organisation, génèrent des phénomènes de faire sens, de réflexivité rétrospective et prospective. Le faire sens des participants est cadré par le manuel qui encourage à se focaliser sur des points précis. Le retour sur les pratiques et l’organisation met en avant les notions de qualité et de sécurité. Cette thématique peut laisser supposer que les discussions porteront sur la situation de la qualité et de la gestion de la sécurité et des risques au sein de l’organisation, ce qui peut aboutir à la mise en avant de situations défaillantes et de dysfonctionnements. L’accréditation aboutit de toute façon à un bilan, un état de la situation et donc à une mise en alerte sur des failles, voire à la création d’une vigilance.

L’accréditation convoque les participants en tant qu’experts de leur métier. Les discussions avec des membres d’autres services et aux fonctions différentes peut aboutir à une considération nouvelle de l’organisation, une considération nouvelle de l’organisation mais aussi d’eux-mêmes, dans leur place dans l’organisation et au sein de processus qualité et sécurité. Du point de vue de l’identité, une autre question se pose : en participant à l’accréditation, n’est-il pas conféré aux membres de l’organisation un rôle d’expert qualité ? Nous voulons dire par là que les réunions confèrent un nouveau statut aux participants : ils sont convoqués pour leur expertise mais il leur est demandé d’adopter un nouveau rôle. Ils rentrent dans une activité de réflexion sur leur pratique dans un contexte particulier : ils doivent rédiger un rapport d’auto-évaluation. D’une certaine manière, ils deviennent acteurs de l’organisation selon une autre focale, notamment celle d’auteur – en tant que rédacteur du rapport. Dans quelle mesure les deux rôles sont-ils mis en tension ? Sont-ils plus ou moins performés ? Les logiques nouvelles de participation (variété des points de vue, reconnaissance

184 de l’expertise, égalité de parole) entrent-elles en tension avec les logiques traditionnelles locales, telles que celles des communautés de pratiques (métiers, services) particulièrement fortes dans le domaine de la santé et marquées par des liens hiérarchiques prégnants ?

Enfin, l’accréditation par son caractère extra-ordinaire fait partie de ces occasions qui créent une rupture dans le faire sens quotidien. Cet évènement suscite ainsi un faire sens accru.

Nous avons établi les figures de la qualité en jeu dans le processus de certification, conformément à notre première hypothèse. Reprenons alors notre seconde piste de travail, en établissant, au regard de notre analyse préalable sur les figures, les tenants et aboutissants du travail d'organisation que nous supposons effectif lors des réunions de certification.

II Approfondir notre problématique au regard du terrain : les

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