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Réunions de certification et travail d'organisation : texte global et texte local de la qualité

II La certification en santé : concilier approche globale et approche locale de la qualité, un travail d'organisation

4. Conclusion : hypothèse 2 ou les figures de la qualité à l'épreuve d'un travail d'organisation

4.1 La certification, un dispositif particulier des démarches qualité ?

4.2.2. Réunions de certification et travail d'organisation : texte global et texte local de la qualité

Dans quelle mesure la notion de "travail d'organisation" nous est-elle utile dans l'appréhension de la certification ?

Les travaux sur le travail d'organisation concernent principalement des mouvements internes à l'organisation, en tant que travail local de l'organisation. Notre perspective est légèrement différente dans la mesure où notre propos est de saisir l'appropriation locale par l'organisation d'un texte global et externe de la qualité, celui de la certification. Notre focale ne se porte non pas au niveau interne de l’organisation, mais à l’interface entre des acteurs externes – la HAS, le manuel d’accréditation – et les acteurs internes à l’organisation. Nous n’envisageons pas le travail d’organisation dans une organisation close sur elle-même, mais cette autre forme de travail d’organisation qui se trouve en amont, et parfois en aval, et met en relation l’organisation avec des impératifs extérieurs.

La certification se présente comme un « ordre préalable », au sens où elle implique un processus de conformation à un référentiel de mise en place de la qualité au sein de l’organisation. Ce référentiel interroge l’organisation et suppose un réagencement des pratiques au regard d’exigences externes, de territoires locaux, de représentations différentes. Cet ordre préalable est alors potentiellement soumis à un travail d'organisation, c'est-à-dire à des formes de régulation, d'ajustement au cours des réunions de rédaction du rapport d'auto- évaluation, ce qui de manière concrète, nous invite à nous demander dans quelle mesure les participants aux réunions de certification s'insèrent dans le processus de conformité sous- tendu par la Haute Autorité de Santé.

Mispelblom Beyer (Mispelblom Beyer, 2000) montre, par exemple, que le langage spécialisé des normes ISO et la conception du travail qu’il met en scène se trouvent rapidement confrontés à des interrogations et émanant de ce qu’il appelle les « parlers ordinaires » et les langages non spécialisés des chefs de projet. Ainsi certains vocables tels que procédures, qualité, évoquent chez eux des univers de représentations différents. Les termes techniques perdent de leur neutralité car ils renvoient à d’autres domaines, d’autres rapprochements. Les parlers ordinaires des employés sont influencés et captés par les discours institutionnels de la qualité mais ces derniers ne sont vivants et ne prennent sens que s’ils sont soutenus par ces

74 parlers ordinaires. Nous retrouvons ci deux types de contradictions : une contradiction locale entre les normes proposées et leur application locale, et une contradiction plus "culturelle" qui repose sur une distinction entre le vocable et les logiques gestionnaires, et le vocable et les logiques du monde de la santé. Recontextualisé dans le cadre de notre thèse, ceci nous amène à nous demander dans quelle mesure, lors des réunions de certification, la Qualité rencontre-t- elle la qualité (ordinaire) ? Comment la Qualité globale est-elle mise en tension avec une qualité plus autochtone, locale ?

Les réunions de certification observées seraient alors ces dispositifs communicationnels au cours desquels les participants en travaillant la vision de la qualité par la Haute Autorité de Santé, fondée notamment sur un Logos gestionnaire de la qualité, ajusteraient par des formes de régulation le texte global de la qualité proposé, en tant que cadre normatif, au regard d'un texte local et autochtone. Nous faisons donc l'hypothèse – ce sera notre hypothèse 2 - que la rédaction du rapport d'auto-évaluation au cours des réunions de certification est susceptible de relever d'un travail d'organisation, reposant sur l'appropriation d'un texte global de la qualité au regard d'une approche plus locale de la qualité. Ceci nous amène à observer les jeux de conformité, d'alignement ou de résistance des membres de l'organisation au regard de la certification. Nous analyserons à la fois le travail de l'organisation (échange des savoirs collectifs) et le travail d'organisation (appréhension des processus de normalisation interne et externe, redéfinition des territoires professionnels)

Le travail d'organisation en jeu a lieu ainsi au niveau des processus communicationnels suscités par la certification. Les jeux de régulation à l'œuvre sont donc principalement des jeux sur les représentations, sur les manières d'appréhender la notion de qualité, et par conséquent la manière de considérer les pratiques. Nous assistons alors à ce travail du sens, à des jeux de régulation du sens. Nous faisons l'hypothèse que cette régulation de sens se joue à deux niveaux : elle a à la fois pour objet 1°) la certification en elle-même (par exemple, dans quelle mesure les principes d'auto-évaluation, de cotation sont-ils travaillés par les participants ? De quelle manière s'intègrent-t-ils dans ce processus de conformité ?) et 2°) l'organisation et les pratiques, qui sont réinterrogées par le processus réflexif et normatif que suscite la certification (par exemple, comment la logique gestionnaire d'encadrement et de rationalisation des pratiques redéfinit-elle les pratiques, en jouant sur la rhétorique de la qualité ?). Le rapport d'auto-évaluation, élaboré lors de ces réunions, est alors le résultat de ce travail d'organisation, d'ajustement, de négociation entre un texte global et un texte local de la qualité. Il est ce texte hybride qui vise à rendre l'organisation représentationnellement

75 acceptable. L'ensemble de ce travail d'organisation relève d'une interrogation sur la notion de qualité même.

Nous ferons remarquer que les réunions de certification sont potentiellement susceptibles d'être le lieu d'un travail d'organisation, cette fois-ci plus interne, au cours duquel la pratique est interrogée, certes vis-à-vis de l'approche proposée par la Haute Autorité de Santé, mais aussi vis-à-vis du regard local des participants aux réunions. Ces derniers saisissent-ils cet espace de parole afin de négocier les règles internes de l'organisation, de redéfinir les pratiques, de délimiter les marges d'action des différents acteurs de l'organisation ?

III Problématisation générale : le "faire sens" au sein de la

certification ou un travail de figures de la qualité

Notre thèse porte sur le "faire sens" à l'œuvre lors des processus de certification. Par "faire sens", nous faisons référence à la notion de « sensemaking » de K. Weick, qui renvoie à une idée d'élaboration du sens continue et rétrospective par laquelle les individus rationalisent ce qu'ils font, ce qui constitue un tremplin pour agir et permet le développent d'un système d'action coordonné (Weick et al., 2005). Notre propos est ainsi de cerner ces moments de construction de sens générés par la HAS qui incitent le personnel à faire sens autrement de l'organisation et de leurs pratiques. Nous avons énoncé deux hypothèses qui nous permettent de saisir les enjeux de ce faire sens, d'en déterminer les tenants et les aboutissants. Développons maintenant notre problématique générale, en proposant une approche communicationnelle de la certification, qui nous permettra de saisir dynamiquement et processuellement ce faire sens.

1. Une confrontation de figures : le travail d’organisation dans sa

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