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La résilience – sécurité et risque – quand préserver l’organisation et préserver le patient sont liés

I Déterminer les figures de la qualité

13. Critère 26.a Organisation du bloc opératoire.

1.2 La résilience – sécurité et risque – quand préserver l’organisation et préserver le patient sont liés

Le deuxième pilier de la certification, présenté dans l’introduction du manuel, est la sécurité des soins. Cette sécurité des soins renvoie à des notions de vigilance et de gestion des risques qui font écho à la notion de résilience, qui prend une configuration particulière lorsqu'elle s’appuie sur l’axe de la qualité.

Page 16 Guide d’accréditation

L’auto évaluation a des objectifs différents suivant les acteurs : • Pour l’établissement : Elle permet à l’établissement de réaliser le diagnostic de ses forces et faiblesses au regard du référentiel de la Haute Autorité de Santé en vigueur et l’aide dans sa démarche d’amélioration continue de la qualité et de sécurité des soins. (en gras dans le texte original)

Page 4 manuel de certification

La certification poursuit deux objectifs complémentaires. Elle évalue à la fois :

 la mise en place d’un système de pilotage de l’établissement incluant l’existence d’un processus d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins ;

 l’atteinte d’un niveau de qualité sur des critères thématiques jugés essentiels. La HAS s’est attachée pour cette raison à renforcer ses méthodes d’évaluation afin de permettre des mesures reproductibles de la qualité sur des points primordiaux, les “pratiques exigibles prioritaires”.

L'extrait ci-dessus nous montre que l’accréditation encourage les établissements à se préoccuper des questions de qualité et de sécurité des soins de manière approfondie. La notion

123 de sécurité des soins est étroitement liée à celle de la gestion du risque. En effet, la sécurité est définie ainsi dans le lexique situé à la fin du manuel d’accréditation :

Page 69 manuel de certification

Sécurité : état dans lequel le risque pour les personnes est réduit au minimum ; cet état est obtenu par une démarche de sécurité permettant d’identifier et de traiter les différentes sources de risques.

Comme nous allons le voir, la « gestion des risques » est une expression centrale du manuel qui traduit la demande, de la part de la HAS, de la mise en place d’une politique et d’un management opérationnels de traitement du risque. Cette volonté se trouve confirmée dans la partie introductive du manuel qui détaille les axes prioritaires de l’accréditation (p 6) :

Page 6 manuel de certification

 Le management des établissements

• Renforcement des exigences relatives à la mise en place d’un système de management de la sécurité et au développement d’une culture de sécurité.

• Développement d’exigences sur des mécanismes d’évaluation et d’amélioration des pratiques organisationnelles et professionnelles ; il s’agit de poursuivre les démarches engagées en V2 en les consolidant par leur institutionnalisation, leur déploiement adapté et intégré dans la pratique dans tous les secteurs d’activité, dans le cadre d’une interrogation élargie aux notions d’équité d’accès aux soins et d’analyse de la pertinence des soins.

• Sensibilisation aux évolutions du pilotage des établissements, à travers :

- la promotion de modalités de décision et de pilotage par la communication de tableaux de bord et par le suivi des activités d’évaluation et d’amélioration donnant une place primordiale à la concertation ;

- l’intégration d’exigences relatives au développement durable. […]

 la prise en charge du patient

• L’affichage d’objectifs prioritaires d’amélioration de la sécurité des soins. • Le renforcement de l’évaluation du fonctionnement des blocs opératoires.

• La valorisation de la prise en compte des maladies chroniques et de l’éducation thérapeutique des patients.

124 La notion de risque est fortement présente dans le manuel ; sa prévention est énoncée comme étendard. Rappelons que les démarches qualité dans le milieu de la santé, ont été promulguées notamment pour prévenir les risques d’infections nosocomiales ; le "risque" est également au cœur des démarches qualité.

Reprenons les Pratiques Exigibles Prioritaires (PEPs) ces éléments d’appréciation qui renvoient à « de sujets fondamentaux pour l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins » (p 7du manuel d’accréditation) et qui s'affichent comme des axes prioritaires :

Page 7 manuel de certification

1. Critère 1.f Politique et organisation de l’Évaluation des Pratiques Professionnelles (EPP). 2. Critère 8.b Fonction “gestion des risques”.

3. Critère 8.f Gestion des évènements indésirables. 4. Critère 8.g Maîtrise du risque infectieux.

5. Critère 9.a Système de gestion des plaintes et réclamations. 6. Critère 12.a Prise en charge de la douleur.

7. Critère 13.a Prise en charge et droits des patients en fin de vie. 8. Critère 14.a Gestion du dossier du patient.

9. Critère 14.b Accès du patient à son dossier.

10. Critère 15.a Identification du patient à toutes les étapes de sa prise en charge. 11. Critère 20.a Démarche qualité de la prise en charge médicamenteuse du patient. 12. Critère 25.a Prise en charge des urgences et des soins non programmés.

13. Critère 26.a Organisation du bloc opératoire.

Quatre critères (8.b, 8.f, 8.g, 9.a) concernent directement le risque. La « fonction gestion des risques » établit la mise en place opérationnelle d’une responsabilité liée au risque au sein de l’établissement. En lui dédiant une fonction, le risque est institutionnalisé. La « gestion des évènements indésirables » institue une priorisation de la gestion du risque, de sa détection à son anticipation. Il est demandé à l'ensemble du personnel de devenir une sentinelle dont le rôle sera de déclarer le moindre dysfonctionnement à la cellule qualité afin que cette dernière en établisse les causes et mettent en place une politique de maîtrise de ce dysfonctionnement. La « maîtrise du risque infectieux » renvoie à un risque particulier, l'infection, qui concerne directement les soins. Enfin, le « système de gestion des plaintes et des réclamations » peut faire référence à des situations à risques vécues par les patients qu’il s’agit dès lors d'interroger pour l'organisation – on remarquera que la plainte du patient peut aussi être un risque pour l’organisation dans un contexte de judiciarisation progressive. La notion de risque est donc appréhendée à la fois en tant que problème interne, problème organisationnel,

125 affectant le soin et la relation au patient, qui relève d'une politique de gestion qui le place au centre des préoccupations.

Si l’on reprend la notion de risque définie dans le lexique du manuel d’accréditation37 et que l’on y recherche également l’ensemble des termes qui lui sont reliés, nous trouvons les définitions suivantes :

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‐ Risque : situation non souhaitée ayant des conséquences négatives résultant de la survenue

d’un ou plusieurs événements dont l’occurrence est incertaine ; tout événement redouté qui réduit l’espérance de gain et/ou d’efficacité dans une activité humaine.

‐ Identification des risques : processus permettant de trouver, recenser et caractériser les éléments du risque. Les éléments peuvent inclure les sources ou les phénomènes dangereux, les événements, les conséquences et la probabilité (ISO/CEI 73, 2002).

‐ Maîtrise du risque : actions de mise en œuvre des décisions de management du risque. La maîtrise du risque peut impliquer la surveillance, la réévaluation et la mise en conformité avec les décisions (ISO/CEI 73, 2002).

‐ Management des risques : activités coordonnées visant à diriger et piloter un organisme vis-à-vis du risque. Le management du risque inclut généralement l’appréciation du risque, le traitement du risque, l’acceptation du risque et la communication relative au risque (ISO/CEI 73, 2002).

‐ Événement indésirable : situation qui s’écarte de procédures ou de résultats escomptés dans une situation habituelle et qui est ou qui serait potentiellement source de dommages. Il existe plusieurs types d’événements indésirables : les dysfonctionnements (non-conformité, anomalie, défaut), les incidents, les événements sentinelles, les précurseurs, les presque accidents, les accidents.

- Signalement d’événements indésirables : action par laquelle tout incident ou événement indésirable est porté par un professionnel de santé à la connaissance de la structure de vigilance compétente pour le recueil, l’évaluation et la validation des cas.

- Vigilance sanitaire : les vigilances sanitaires réglementaires concernent l’utilisation des produits de santé (pharmaco-, hémo-, matério-, bio-, cosméto-, réactovigilances), l’assistance médicale à la procréation, le signalement externe obligatoire des événements indésirables graves liés aux soins dont les infections associées aux soins et les événements significatifs en radioprotection. Elles ont pour objet la surveillance des événements indésirables par un processus continu de recueil, d’enregistrement, d’identification, de traitement, d’évaluation et d’investigation.

126 - Fiabilité : probabilité de fonctionnement sans défaillance d’un dispositif dans des conditions déterminées et pour une période de temps définie.

Le risque est défini comme un évènement non souhaité, négatif et dont l’occurrence est incertaine. Cette acception reprend celle, courante dans les démarches qualité, selon laquelle le risque se détermine – et se mesure – selon la probabilité de son occurrence et la gravité de ses conséquences. Cela peut concerner de multiples domaines : les risques liés aux soins, à l’environnement (incendie), les risques sanitaires (hygiène) mais aussi les risques financiers par exemple.

La gestion des risques, au vu de ces définitions, se décline selon trois grandes phases : un signalement du risque par l’ensemble du personnel, son analyse, pour ensuite mener une recherche de solution a posteriori à ce risque. La certification évolue pour intégrer une gestion a priori du risque, laquelle s’appuie sur une analyse préventive et une incitation à développer une vigilance interne sur les différents risques potentiels. L’accréditation souligne la nécessité d’une « acceptation du risque ». La gestion du risque suppose un pilotage (une sensibilisation, une implication et une participation du personnel) et une mise en œuvre, soit la capacité à délimiter et maîtriser le risque avant qu’il n’arrive et lorsqu’il arrive.

Tout comme pour la qualité, la sécurité et la gestion des risques, sont annoncées comme les objectifs principaux de la certification. Les deux axes sont présentés dans une même continuité, participant d’une même volonté d’amélioration des pratiques et de prévention. Les deux notions apparaissent comme les deux facettes, liées réciproquement, d’une même pièce. Tout comme la qualité, la notion de risque renvoie à des référentiels, des standards établis qui délimitent dans quelle mesure une pratique, une organisation rentre dans le domaine de l’acceptable, sans remettre en cause la viabilité de l’organisation, mais aussi celle du patient. Dans cette optique, qualité et sécurité sont deux dimensions présentées comme dépendantes : une pratique de qualité préviendrait certains dysfonctionnements, la gestion des risques assurerait et attesterait de pratiques de qualité. L’évaluation des pratiques professionnelles, élément des démarches qualité, par exemple, relève du risque dans la mesure où il s’agit d’établir des manières de faire qui auront valeur de recommandations cherchant à endiguer les défauts et les risques qui en découlent. De même, l’identification du patient, qui a pour but de retrouver les informations qui lui sont liées, relève également d’une procédure visant à prévenir le risque de confusion entre les patients. Dans cette perspective, la qualité, et les démarches qui l’accompagnent, sont un élément de prévention du risque : une pratique

127 réalisée selon les recommandations établies et supposées garantir une pratique de qualité conforme aux standards et limitant certains risques.

Il nous semble que la relation entre qualité et risque prend une dimension particulière dans le domaine de la santé. En effet, si la notion de résilience se définit comme la capacité de l’organisation à se préserver des chocs, la responsabilité morale de tout établissement de santé envers le patient, élargit cette notion. La résilience, dans le contexte de la santé, revient à préserver l’organisation de risques qui pourraient remettre en cause son équilibre interne certes, mais aussi menacer des vies. Ce n’est pas sans raison que l’on classe les établissements de santé dans le groupe des organisations hautement fiables (autre exemple : les centrales nucléaires), au sens où ces organisations se doivent d’être fiables par leur responsabilité envers la société. La résilience en santé concerne l’organisation et, de manière intrinsèque, le patient. Parce que l’organisation est résiliente, le patient sera soigné de manière plus sécurisée. Mais aussi parce que les soins sont de qualité envers le patient, l’organisation sera plus résiliente. D’ailleurs, le manuel, dans l’énonciation de ses principes, parle de "qualité et de sécurité des soins" et non de "qualité des soins et de sécurité de l’organisation". La distinction n’a pas lieu d’être : préserver le patient et préserver l’organisation sont corrélés de manière forte.

Nous avons pu recueillir des documents écrits par la cellule qualité du terrain étudié. Parmi eux, se trouvent des supports de cours que les membres de la cellule délivrent pour un diplôme de licence spécialisée Qualité. Sur ce Power Point, est présenté et défini le rôle de la cellule qualité au sein de l’établissement. Si qualité et risque sont exposés comme deux missions différentes de la cellule, ces dernières sont pour autant progressivement mises en corrélation. Ainsi, la gestion des risques a pour fonction d’ « assurer la sécurité des patients et des personnels » et « d’améliorer la qualité de prise en charge des patients ». Dans les faits, dans l’organisation de la répartition des missions de chacun entre les différents membres de la cellule, la distinction entre qualité et risque s’est estompée.

Les deux dimensions concourraient à même mouvement fondé sur l’idée que la préservation de l’organisation permettrait de mieux préserver le patient, en quelque sorte, et inversement. De ce point de vue, la sécurité s’apparente également à un impératif moral au sens il fait appel à une responsabilité éthique de gestion de risques qui peuvent mettre en péril aussi le patient que l’organisation.

128 Les deux piliers, qualité et sécurité, font partie d’une même dynamique promulguée par le processus de certification. Nous retrouvons ainsi la figure de la qualité en tant qu’impératif moral, proposée par Ogien. Néanmoins, dans le cas de la certification, elle se double d’une dimension de sécurité, à laquelle s’ajoute la préservation de l’organisation. Afin de mieux qualifier cette dynamique, nous faisons l’hypothèse que le manuel enjoint les établissements à mettre en place une organisation résiliente. En nous appuyant sur les travaux de Weick, nous cherchons à définir la forme organisationnelle défendue par la certification.

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