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I Déterminer les figures de la qualité

2. La qualité comme démarche

2.1 Rationaliser et systématiser la résilience

2.1.2 Cadrer en amont, pendant et en aval

MANUEL DE CERTIFICATION Novembre 2008 49 L’évaluation de l’état de santé du patient et le projet de soins personnalisé Référence 17

Critère 16.a Dispositif d’accueil du patient

E1I Prévoir

Des modalités d’accueil du patient sont définies.

L’accueil et les locaux sont adaptés aux personnes handicapées.

En l’absence de service d’urgence, des dispositions sont prises pour assurer la prise en charge des personnes se présentant pour une urgence.

E3I Évaluer et améliorer

Le dispositif d’accueil du patient est évalué. Des actions d’amélioration sont mises en œuvre en lien avec la CRU. E2I Mettre en œuvre

Le patient reçoit une information claire, compréhensible et adaptée sur les conditions de séjour.

Le personnel est formé à l’accueil et à l’écoute du patient.

Le temps d’attente prévisible est annoncé.

Critère 17.a Évaluation initiale et continue de l’état de santé du patient et projet de soins personnalisé PRISE EN CHARGE DU PATIENT Parcours du patient CHAPITRE 2 Partie 3 L’accueil du patient Référence 16 E1I Prévoir

La prise en charge du patient est établie en fonction d’une évaluation initiale de son état de santé et prend en compte l’ensemble de ses besoins.

E3I Évaluer et améliorer

Des actions d’évaluations sont conduites pour s’assurer de la traçabilité des informations.

Des actions d’amélioration sont mises en place en fonction des résultats des évaluations.

E2I Mettre en œuvre

L’évaluation initiale du patient est réalisée dans un délai adapté à son état de santé. Un projet de soins personnalisé est élaboré avec les professionnels concernés (projet de vie en USLD).

La réflexion bénéfice-risque est prise en compte dans l’élaboration du projet de soins personnalisé.

Le projet de soins personnalisé est réajusté en fonction d’évaluations périodiques de l’état de santé du patient en impliquant le patient et s’il y a lieu l’entourage.

Document 3 : exemple de critère

Chaque élément d’appréciation est divisé selon trois thématiques qui correspondent à trois étapes distinctes de prise en charge du critère. Ces trois étapes relèvent de trois temporalités différentes : gérer l’élément a priori, le mettre en œuvre, le gérer a posteriori.

Nous retrouvons ce que le manuel définit comme les « étapes classiquement rencontrées dans une démarche d’amélioration : prévoir, mettre en œuvre, évaluer et améliorer » (p 6). Se présenter comme un établissement concerné par la sécurité et la qualité signifie appliquer cette méthode de prise en charge des pratiques et être performant sur chaque étape. Le manuel propose une démarche de management de la qualité qui repose sur une approche rationnelle articulant moyens et fins.

La présentation de chaque élément d’appréciation sous la forme d’un tableau à trois colonnes est à l’image de cette forme spécifique d’appréhension de la gestion de la pratique. Les trois temps évoqués – prévoir, mettre en œuvre, évaluer et améliorer-, ces trois colonnes ne sont en réalité qu’une application d’une autre image fondatrice des démarches qualité : la roue de Deming.

144 Document 4 : représentation de la roue de Deming

Planifier, faire, vérifier, réagir sont les synonymes des mots du tableau du manuel : « prévoir, mettre en œuvre, évaluer et améliorer ». Définir les objectifs, former puis exécuter, vérifier que les objectifs visés sont atteints, sinon mesurer l’écart et prendre les mesures correctives qui en découlent, pour revenir à la phase définition des objectifs : les quatre étapes préconisées par Deming sont la base de la démarche d’évaluation instiguée par le manuel. Chaque critère est ainsi soumis à un encadrement en amont, pendant et en aval (même si le concept de roue nous indique qu’il n’y a en réalité ni commencement ni fin, ni amont ni aval, mais un cycle continu). Nous retrouvons cette logique dans la gestion des risques par exemple, laquelle s’appuie, elle aussi, sur une gestion a priori et a posteriori du risque. Ceci suppose une attention et une réflexion constante sur la pratique, au quotidien de la part du personnel. Alors que l’activité était généralement appréhendée dans son faire, il est dorénavant demandé aux praticiens de revenir sur leurs pratiques réflexivement dans une optique constante d’amélioration. Quelles sont les spécificités de cette approche ? Cela se joue à plusieurs niveaux :

‐ la formalisation de ces étapes. C’est une gestion – au sens fort du terme - de la qualité et de la sécurité qui se met en place.

‐ la formalisation de ces étapes par le personnel lui-même et par l’organisation. Alors qu’avant les procédures relevaient d’instances externes et d’instances internes à

145 l’organisation, par ces démarches qualité, cette formalisation doit reposer sur un dispositif organisationnel tout en prenant appui sur des textes de référence externes

‐ la dimension réflexive accentuée, organisée, guidée, s’appuyant sur le principe qui consiste à considérer non seulement la pratique individuelle mais aussi la manière dont elle s’insère dans l’organisation

‐ l’accent mis sur l’étape « évaluation et amélioration », qui est au centre de ces démarches par la mise en place d’indicateurs nationaux et obligatoires. Comme le souligne Ogien (Ogien, 2010, p 77) l’ambiguïté de l’indicateur réside dans un système gestionnaire de chiffres, qui peut chercher, dans un premier cas, à rendre compte de manière objective des faits ou des phénomènes pour en expliquer l’existence ou prédire des évolutions, ou, dans un second cas, à déterminer un ensemble de règles qu’il faut imposer à la réalité pour la façonner selon certains objectifs.

Cet encadrement de l’activité se décline donc selon trois temporalités (avant, pendant, après la pratique); chacune d’elles est marquée par la réflexivité qu’elle nécessite. Par réflexivité, nous reprenons la définition d’A. Giddens (Giddens, 1987, p 51) qui la qualifie comme cette « conscience de soi, [qui] est la façon spécifiquement humaine de contrôler le flot continu de la vie sociale ». « Les agents ne se contentent pas de suivre de près le flot de leurs activités et d’attendre des autres qu’ils fassent de même, ils contrôlent aussi, de façon routinière, les dimensions sociale et physique des contextes dans lesquels ils agissent. » (ibidem, p 53). Notre propos n’est pas de dire que le manuel encourage à un système réflexif là où il n’y avait pas de réflexivité avant la certification – chaque individu a sa propre réflexivité - mais de montrer dans quelle mesure ce système réflexif accentue cette dimension selon une rationalité particulière et en la construisant comme une activité collective régulée.

Reprenons chaque colonne du tableau.

La première – prévoir – est de l’ordre de la formalisation. Si nous faisons la liste des mots employés dans cette colonne pour les différents critères, nous pouvons relever : « programme », « plan », « les organigrammes sont définis », « la politique est organisée », « les procédures sont établies, identifiées », « une démarche est définie »47. Il est demandé aux membres de l’organisation d’analyser la pratique, de l’identifier, de la décortiquer, de la procéduraliser, pour ensuite définir ces documents comme règle, comme support d’action. Cela suppose un retour réflexif qui cherche à cartographier la pratique, voire, dans un deuxième temps, la « mappabiliser » au sens de Cochoy et de Terssac (op. cit. 1999), afin de

146 générer les prémices d’une intelligence organisationnelle qui chercherait à détecter les défauts laissés dans l’ombre, à exploiter les traces afin de les recatégoriser.

La seconde colonne – mise en œuvre – est de l’ordre de la sensibilisation. « Diffusion », « formation », « sensibilisation », « information », « application » : tels sont les mots que nous retrouvons. Lors de cette étape, les individus concernés par le critère doivent être mis au fait des procédures, règles, décisions, préconisations établies lors de l’étape précédente. Cela relève d’un processus de formation des praticiens afin, dans un second temps, qu’ils mettent en application les procédures de qualité. Cette étape est marquée par les principes de diffusion de l’information et de la communication, au sens commun de faire partager quelque chose. Cela demande un retour réflexif puisque les actants concernés se doivent de reconsidérer leur pratique au regard des conseils et règles qui leur ont été enseignés et de porter une attention particulière à ce qu’ils font. Cette étape concerne à la fois l’assurance de bonnes conditions pour réaliser une activité qui réponde aux exigences de qualité et l’assurance d’une application effective de ces préconisations.

La troisième colonne – évaluer et améliorer – encourage à dépasser l’instant du faire de la pratique pour la reconsidérer a posteriori. Il s’agit de porter un regard sur la pratique à la fois en déterminant et signalant les erreurs ou dysfonctionnements survenus, et en évaluant les points d’amélioration. Cette approche suppose de s’intégrer dans une démarche d’amélioration continue. La dimension réflexive est prégnante : il s’agit de récolter un ensemble d’informations sur un ensemble de pratiques afin d’en extraire des constats et prendre des décisions en conséquence.

L’ensemble des étapes décompose la pratique. Elles cherchent à déterminer des écarts entre ce qui est fait et ce qui se devrait se faire, ce qui est fait et ce qui pourrait se faire. Elles s’appuient principalement sur une formalisation, qui se traduit dans des documents écrits mais aussi de manière orale par les formations. Ce jeu de reformalisation des pratiques met en scène des textes à la fois externes à l’organisation mais également des textes internes dont l’écriture relève d’une participation du personnel. La forte dimension réflexive génère un aller-retour incessant entre une formalisation, une structuration, une approche rationnelle et analytique, et un faire singulier, relatif, évolutif. Il s’agit de cadrer progressivement une pratique selon des exigences internes et externes. De cette manière, la pratique doit répondre à des standards, établis en interne par rapport à un état de la pratique à un instant T, et en externe. De ce point de vue, la forme du tableau utilisée par le manuel est très évocatrice puisqu’elle est à l’image de cette démarche : il s’agit de rentrer dans les cases.

147 L’établissement doit rentrer dans les cases de l’accréditation, pour cela les pratiques doivent rentrer dans les cases de la qualité.

Cette méthode réflexive d’encadrement de la pratique repose sur une démarche rationnelle et analytique de l’activité. Mais sa particularité réside notamment sur la scientificité sur laquelle elle s’appuie et sur la systématisation qu’elle cherche à déployer. La méthode rationnelle proposée pousse à la réflexivité, mais à une réflexivité encadrée.

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