• Aucun résultat trouvé

I Les démarches qualité en santé ou concilier soins et rationalisation du système de santé : une multiplicité de figures

3. Les démarches qualités appliquées au domaine de la santé

Progressivement les démarches qualité se sont étendues à plusieurs domaines, notamment les services. Concernant le domaine de la santé, la question de la qualité est fortement liée à celle de la mise sous contrainte des ressources du système hospitalier par les financeurs publics, et ce depuis 1975, la grande interrogation étant « la réduction ou la modération de l’évolution des coûts ne se traduisent-elles pas par des soins de moins bonne qualité ? » (Minvielle, 2003). De nombreuses réformes ont essayé d’y répondre. C’est ainsi que la qualité a d’abord croisé la question de l’évaluation des pratiques professionnelles. L’idée sous-jacente était que

37 l’hétérogénéité des pratiques médicales ou infirmières était un frein à une certaine qualité. Il s’avérait donc nécessaire de produire des pratiques de référence pour encourager une harmonisation des pratiques. La faible implication des professionnels de santé à ce sujet a incité l’Etat à prendre les choses en main en créant l’ANDEM (l’Agence pour le Développement de l’Evaluation Médicale) en 1990 ; cette dernière mettra par la suite en place des programmes d’action d’amélioration de la qualité. Les ordonnances Juppé de 19969, ainsi que la transformation de l’ANDEM en ANAES (Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé) puis Haute Autorité de Santé (HAS)10 dont la mission est d’accréditer les quelques 3 000 hôpitaux et cliniques sur la qualité de leurs fonctionnement, traduisent une nouvelle étape dans la volonté étatique d’affirmer une politique de gestion des établissements de santé.

De plus, la qualité dans ses articulations avec des thèmes tels que la réduction des risques et la prévention de la douleur, se développe sous la forme de nouvelles instances : le Comité de Lutte contre les Infections Nosocomiales, le Comité de Lutte contre la Douleur, la gestion des évènements indésirables en sont des exemples. Enfin, un troisième angle est nécessaire pour dresser un panorama complet des tenants et aboutissants des démarches qualité hospitalières : la loi de 2002 sur le droit des malades, qui met en place des dispositifs prenant en compte le point de vue des usagers tels que les enquêtes de satisfaction, la participation aux instances de décision interne, la création de la C.R.U.Q.C (la Commission des Relations avec les Usagers et de la Qualité de la prise en Charge).

Dans ce mouvement d’ensemble, se développent, dans les établissements de santé, des politiques internes de gestion de la qualité : les démarches qualité. Elles apparaissent dans les années 1980 et trouvent leur essor dans la décennie suivante. Contandriopoulos et al. (2000), distingue trois étapes dans l’évolution de ces démarches :

‐ la première est en lien avec l’évaluation de la qualité ; elle affirme l’émergence d’une interprétation médico-administrative de ces démarches (Vignally, 2007). Elle se fonde sur le développement de recommandations de pratiques cliniques, « description standardisée et

9 En matière de planification, l’ordonnance du 24 avril 1996 institue les Agences régionales de l’hospitalisation

et régionalise les budgets avec pour objectif d’améliorer la complémentarité de l’offre de soins au sein d’une même zone géographique. Elle instaure une régulation par les coûts fondée sur les lois annuelles de financement de la Sécurité sociale et l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM). C’est également lors

de ces ordonnances qu’est introduite la procédure d’accréditation.

10 La HAS se définit comme une autorité administrative indépendante à caractère scientifique qui a comme

mission d’évaluer les services de soins, de promouvoir les bonnes pratiques, d’améliorer leur qualité, d'informer les professionnels de santé et le grand public, de développer la concertation et la collaboration avec divers acteurs associés au système de santé.

38 spécifique de la meilleure conduite à tenir dans une circonstance pathologique donnée, formulée à partir d’une analyse de la littérature scientifique et de l’opinion d’experts ». La qualité est assimilée, pour le corps médical, à l’ensemble des actes techniques relatifs aux soins. L’amélioration de la qualité dépend d’une réduction des hétérogénéités constatées des pratiques médicales ou infirmières. Ainsi la qualité a d’abord interrogé la question de l’évaluation des pratiques professionnelles. Afin de réduire cette hétérogénéité, il a été mené un processus de définition des pratiques de référence, visant à la stabilisation de standard. Dans ce domaine, il est très vite apparu que le corps médical opposait une certaine résistance à évaluer ses pratiques, ce qui a conduit les pouvoirs publics à « prendre la main », en créant en 1990 l’Agence nationale pour le développement de l’évaluation médicale (ANDEM), et en affirmant cette priorité de l’évaluation des pratiques professionnelles dans la loi hospitalière de 1991. L’accréditation se fonde sur des référentiels, composés de normes, recommandations ou standards en matière de qualité, qui permettent de construire une analyse de conformité au sein de l’établissement.

‐ l’assurance qualité est une seconde étape : est associé au temps de l’évaluation précédent le temps de mise en œuvre d’actions correctives. Celles-ci reposent sur la mise en place de systèmes d’alerte qui permettent le suivi du dysfonctionnement signalé afin d’exécuter des actions en accord avec les recommandations préalablement établies.

‐ l’amélioration continue de la qualité est la troisième étape. Elle s’inscrit dans une nouvelle logique managériale, notamment par une nouvelle forme de description de l’activité hospitalière, l'approche processus.Elle met en avant une recherche permanente d’amélioration dans le travail. Ces méthodes sont plus orientées vers l’organisation du travail.

En plus de se concentrer sur des préoccupations de gestion interne de l'établissement, la qualité renvoie également à un souci de mesures de la qualité et leur intégration dans l’évaluation de la performance hospitalière. La qualité est vue, dans ce cas, comme un critère d’évaluation de la relation de service au même titre que les coûts. De nouvelles recherches se sont penchées sur ces évaluations, portant en particulier sur les résultats de soins tels que les taux de mortalité, d’infections nosocomiales. Comme le souligne E. Minvielle (op.cit. 2003), en parallèle, les médias français se sont emparés de ce thème - cf., les enquêtes annuelles menées par L'express, Le Figaro et Le Point entre autres sur le palmarès des établissements français, publics et privés –, rappelant par ailleurs la faiblesse des données existantes et facilement utilisables. Enfin, certaines Agences régionales de l’hospitalisation (ARH) introduisent dans les contrats d’objectifs et de moyens négociés avec les établissements des

39 objectifs de performance en matière de qualité. Dernier pan de tour d’horizon du rôle de la qualité dans les établissements de santé, son lien avec la régulation hospitalière. « En termes de planification, des activités, voire des établissements, sont fermées selon des critères de qualité, entendus comme le niveau de sécurité minimal requis pour maintenir le fonctionnement, par exemple, la sécurité du matériel. Mais en agissant de la sorte ils restent sur un registre purement structurel et technique, restrictif en termes de qualité. En termes d’allocation budgétaire, la démarche habituelle consiste plutôt à évoquer l’impact d’un mode de tarification sur la qualité » (Minvielle, op.cit., p 182).

Si le lien entre mécanismes d'allocations budgétaires et qualité n’est pas encore réellement établi, il pose tout de même certaines questions. La première, est de gérer une tension entre incitation à la qualité (allocations, diffusion publique de résultats, accréditation) sans tomber dans la concurrence (on ne doit pas discriminer par la qualité mais homogénéiser par la qualité). La deuxième renvoie à une transformation de la Société dans laquelle les hôpitaux doivent rendre des comptes aux médias, aux associations de consommateurs, et à la demande citoyenne. Le régulateur doit notamment se préoccuper de la diffusion d’une information ciblée vers le grand public. D’une manière plus générale se pose la question de la constitution d’un débat démocratique sur la performance.

L'instauration des démarches qualité au sein du système de santé ne s'est pas fait sans heurt. Actuellement, elles sont encore sujettes à des interrogations et remises en cause. Leur difficile appropriation, voire les résistances qui en sont nées, s'expliquent notamment par l'enjeu particulier de l'objet de la qualité – la relation de soin.

4. La qualité en santé : un principe complexe d'évaluation du soin

Outline

Documents relatifs