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Retour sur le manuel : quand sécurité et qualité deviennent résilience

I Déterminer les figures de la qualité

13. Critère 26.a Organisation du bloc opératoire.

1.3 Etablir une organisation résiliente

1.3.4 Retour sur le manuel : quand sécurité et qualité deviennent résilience

Revenons au manuel afin de préciser dans quelle mesure ce dernier concourt à l’instauration d’une organisation résiliente.

Premièrement, comme nous avons pu commencer à le spécifier, il prône la mise en œuvre d’un « esprit résilient », en faisant de la sécurité un de ses fondements. La sécurité devient une valeur et un principe d’action.

Deuxièmement, cet « esprit résilient » trouve sa déclinaison tout au long du manuel, par la terminologie résiliente qu’il utilise et par les méthodes et principes de gestion de la résilience qu’il promulgue. Du point de vue de la terminologie, par l’analyse du lexique du manuel montre que les notions de « vigilance », « fiabilité », « gestion du risque » sont omniprésentes. Si nous reprenons la thématique Weickienne, nous pouvons dire ainsi que l’accréditation évalue la mise en place de méthodes et de techniques qui visent à de réduire l’équivocité de l’environnement en déterminant les possibles failles du système, en menant une analyse des risques et en prodiguant des conseils pour gérer le risque quand il advient. Cette prise en compte du risque relève d’une ‘‘politique du risque’’, qui s’appuie sur des méthodes et des dispositifs issus des démarches qualité. Le risque est envisagé comme paramètre qui se maîtrise. Nous reviendrons plus précisément dans la partie suivante sur les formes de rationalisation et de systématisation sur lesquelles reposent ces méthodes, mais si nous nous arrêtons un instant sur leur mode de fonctionnement, nous relevons à nouveau des liens avec la perspective Weickienne. En se focalisant sur les risques et dysfonctionnements, cette démarche de gestion du risque pousse à considérer les échecs et les erreurs. La notion de vigilance est au cœur de cette gestion : elle prend la forme de surveillance, d'attention, de signalements. Elle repose sur la prévention (modifier le système pour diminuer la probabilité d’occurrence du risque), la protection (modifier le système pour diminuer la gravité des conséquences de l’évènement) pour assurer la sécurité du patient et du personnel et améliorer la prise en charge du patient. Dans cette perspective, l’organisation est soumise à deux mouvements : elle doit être capable de se transformer pour anticiper les évènements et également pour gérer le risque une fois qu’il a eu lieu.

La gestion des évènements indésirables, par exemple, en tant que procédé de gestion des risques a posteriori constitue l'un des éléments requis par le manuel d’accréditation. Elle consiste à détecter et traiter des incidents qui sont survenus ou ont failli survenir, et qui sont facteurs de risque pour les patients ou pour le personnel. Tous les membres du personnel sont

136 conviés à déclarer de tels événements. Chacun est ainsi réquisitionné pour assurer cette activité de ‘sentinelle’. Une fois la déclaration effectuée et reçue par la cellule qualité, cette dernière engage une investigation qui vise à mieux cerner l’événement et à en rechercher les causes organisationnelles. Si l’on considère, les documents de formation du personnel produits par la cellule qualité risque que nous avons suivi sur notre terrain, la « philosophie » de la gestion des évènements indésirables est la suivante : « ne pas considérer la survenue d’un évènement indésirable comme le fruit d’une fatalité, penser qu’il aurait pu être évité, ne pas banaliser l’incident ou l’accident, avoir conscience que la sécurité des patients et des personnes résulte de la somme des actions de l’ensemble des acteurs impliqués dans la production de soin » (issu d’un power point présenté au personnel par la cellule qualité au cours d’une formation sur les évènements indésirables). Cette démarche fait appel à l’ensemble du personnel quelle que soit sa fonction et repose sur une participation collective de vigilance mais aussi d’analyse de l’incident. La cellule joue le rôle d’enquêteur pour comprendre les causes de l’incident, mais a aussi un rôle de médiateur, de mobilisateur de chacun. L’incident est soumis ainsi à une sorte de publicité – il est déclaré à la cellule et n’est plus confiné à la seule perception d’un individu. De plus, la cellule, parce qu’elle est indépendante des autres composantes de l’établissement, est à même de jouer le rôle d’interface entre services, entre personnes, pour chercher une cause et une solution organisationnelle au dysfonctionnement éventuellement repéré. Nous retrouvons les concepts chers à Weick, de variété (éviter la sursimplification, ouvrir son mode de pensée), de vigilance collective (préoccupation constante pour l’échec et le risque), de prise de conscience de l’organisation (avoir une approche organisationnelle de sa fonction, faire attention à plus d’éléments de son environnement et aux autres), de reconsidération du risque (prendre conscience des répercussions du dysfonctionnement sur l’organisation, mais aussi que ces dysfonctionnements peuvent relever de conditions latentes et d’une complexité organisationnelle).

Egalement, l’interprétation est au cœur de ces dispositifs. Un faire sens rétrospectif sur les dysfonctionnements qui ont eu lieu, un faire sens prospectif par l’anticipation de risques potentiels, une focalisation sur certains éléments (les vigilances spécifiques) qui attirent l’attention sur des éléments particuliers, la réflexion collective, la place de l’expertise (des experts risques sont désignés selon leurs compétences dans les services) sont autant d’éléments qui concourent à former une organisation résiliente selon les principes de Weick. Les différents groupes et Comités rassemblent des participants aux expériences différentes,

137 aux anciennetés multiples voire aux professions différentes : la prise de décision est concertée et variée. La manière dont sont définies certaines réunions par le lexique du manuel d’accréditation est assez révélatrice :

Page 69 manuel de certification

- Réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP) : lieu d’échanges entre spécialistes de plusieurs disciplines sur les stratégies diagnostiques et thérapeutiques en cancérologie. La RCP est organisée par un établissement, un groupe d’établissements ou un réseau de cancérologie, dans le cadre des centres de coordination en cancérologie (3C). L’évaluation régulière des RCP doit rendre compte d’une amélioration continue de la qualité des soins et du service médical rendu au patient. Ces réunions se développent également dans d’autres spécialités.

- Revue de mortalité-morbidité : moment d’analyse des cas dont la prise en charge a été marquée par un événement imprévu et indésirable ayant entraîné des complications, voire le décès du patient. La revue de morbi-mortalité consiste à examiner et étudier ces événements afin d’en comprendre le mécanisme et d’en identifier les facteurs favorisants, sans rechercher à culpabiliser un individu ou une équipe. L’objectif est de mettre en place des actions correctrices préventives au niveau des protocoles, de la formation, de l’organisation, etc. C’est une méthode de gestion des risques.

Les réunions sont considérées comme participant de la gestion des risques. Elles sont définies comme des lieux d’échanges, d’apprentissage, de réflexion et d’analyse. Le risque est approché selon une perspective organisationnelle : il est affirmé que l’erreur n’est pas le fait d’une personne mais peut être le fait de plusieurs facteurs. Son analyse n’a pas pour but de punir mais de dégager des actions préventives. La dimension organisationnelle de la gestion des risques est prégnante à la fois sur le fond (une analyse organisationnelle qui prend en compte l’ensemble des éléments de l’organisation et ses différentes dimensions), et sur la forme (des réunions qui rassemblent différents acteurs de l’organisation). L’expertise de chacun est ainsi reconnue, valorisée et présentée comme profitable à tous pour déceler et résoudre des situations problématiques.

Enfin, cet esprit résilient réside non seulement dans une approche collective de la gestion des risques, mais aussi dans le fait que l’ensemble du personnel est impliqué. Si nous reprenons le sommaire des éléments d’appréciation qui seront évalués par le manuel, c’est l’ensemble de l’organisation qui est soumise à analyse : chaque étape, chaque activité de la prise en charge

138 du patient est concernée, mais aussi, la gestion des médicaments, la gestion des données informatiques, la gestion des déchets, la gestion du linge, le management stratégique et des ressources. Ceci reprend deux postulats très Weickien: la résilience n’est possible que si l’ensemble de l’organisation est soumise à une vigilance continue ; chaque personnel est impliqué à son niveau, selon sa fonction dans la résilience.

1.4 Conclusion et problématisation exploratoire sur la notion de

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