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II Observation du processus de certification au sein de notre terrain

Master 2 Documents annexes :

‐ entretiens retranscrits des membres de la cellule qualité et de certains employés,

‐ observation de réunions de gestion des évènements indésirables par la cellule qualité.

comprendre les différentes acceptions de l’action de déclarer, appréhender le dispositif de gestion des évènements indésirables comme système abstrait (A. Giddens).

1ère année :

Juillet-août 2008 (4 semaines réparties sur les deux mois, à

raison de 5 jours par semaine : 160

heures d’observation)

Observation en deux temps :

‐ au sein du bureau de la cellule qualité et suivi de ses membres dans l’organisation (3 réunions) : durée trois semaines,

‐ au sein des services : visite de 5 services, durée 1 semaine (1 service par jour).

Le dispositif qualité au sein de l’établissement : observation du fonctionnement de la cellule, de son rapport avec les différents personnels, de la perception des démarches qualité par le personnel.

Thèse

2ème année :

janvier-juin 2009

Observations des réunions de certification (21 réunions) (environ 26 heures enregistrées) :

‐ 2 réunions de formation par la cellule,

‐ 10 réunions de rédaction du rapport (+ 2 réunions internes de la cellule à propos du suivi de la rédaction du rapport),

‐ 6 réunions de relecture par la cellule qualité,

‐ 1 réunion de retour au personnel. Documents annexes :

‐ Critères rédigés par les groupes de travail,

‐ Documents issus des réunions de relecture par la cellule qualité,

‐ Rapport d'auto-évaluation définitif.

L’accréditation comme processus d'institutionnalisation de la résilience : enjeux (possibilité d’une négociation de sens), une articulation de narrations.

Document 2 : calendrier d'observation du terrain

Voyons maintenant comment ces différentes phases d’observation nous ont permis de construire une première étape de problématisation.

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2.2 Reconstruire le terrain

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Lorsque l’on parle de méthodologie, le doctorant est encouragé, et qui plus est, le chercheur, à construire son terrain à partir d’une méthode ; or il nous semble, que dans notre cas, il paraît peu adapté de parler de construction … mais plus de reconstruction. Ce qui peut sembler être un jeu sur les mots traduit en réalité deux constats de notre travail de doctorant : on ne construit pas le terrain, il nous construit ; on ne construit pas une méthode pour analyser un terrain, on construit une méthode dans l’interaction avec le terrain pour une reconstruction du terrain.

La thèse encourage à une réflexion théorique, mais elle est aussi cette réflexion méthodologique et épistémologique où se joue la construction de sa place et de son rôle de chercheur, ce que nous cherchons à livrer ici.

Comme l’indiquent S. Beaud et F. Weber (Beaud, Weber, 2003), « l’ethnographie cherche avant tout à comprendre, en rapprochant le lointain, en rendant familier l’étranger » (p 9). Si nous sommes loin de nous considérer comme ethnographe, il nous paraît pour autant juste de considérer ce terrain comme un lieu fécond de connaissances et riche de savoirs que nous appréhendons avec distance, pour nous en rapprocher progressivement. S’il nous est étranger, c’est par l’interaction avec lui que nous le comprenons. Cette perspective a des incidences sur notre réflexion méthodologique. Ainsi, la phase de lectures préalable à l’accès au terrain se doit de donner un aperçu et non un cadre d’analyse du terrain : parler de "cadre théorique" avant d’aller sur le terrain reflète, ainsi, cette vision contraignante de la théorie sur la découverte du terrain – la notion d’"aperçu théorique" (pour être approfondi bien évidemment suite à la rencontre au terrain) nous semblerait plus juste. Cet aperçu répondrait à deux buts, que Kaufmann et Singly (Kaufmann, Singly de, 2007, p 37) nous paraissent bien identifier : avoir une approche concentrique (tendre vers ce qui se rapproche le plus du sujet afin de mettre au point le cadrage de la recherche) et avoir une approche de décentrement, par des lectures apparemment lointaines pour renouveler le questionnement. S. Beaud et F. Weber fournissent quatre raisons en faveur d’un travail de lecture préalable (op. cit., p 61) :

‐ l’inscription dans une tradition de recherche cumulative pour éviter de reproduire par exemple les erreurs ou les préjugés détruits de longue date ;

‐ permettre de poser les premières questions et de nouvelles questions à une réalité sociale changeante ;

27 Les remarques qui vont suivre concernent principalement les démarches qualitatives en recherche et non les

100 ‐ ne pas arriver l’esprit vide et naïf sur le terrain au risque d’apparaître comme une personne incompétente pour les enquêtés ;

‐ éviter d’arriver sans idées et donc se présenter en réalité avec ses idées et ses propres préjugés.

En accord avec ses quatre raisons, il nous semble que toute la difficulté est de trouver le bon niveau d’approfondissement de lecture : pour ne pas être incompétent certes, mais pour rester tout de même ouvert. En cela, la notion d’ « aperçu théorique » permet de préserver toute une latitude d’appréhension du terrain. H. Mendras et M. Oberti (Mendras, Oberti, 2000) résument bien cette idée : « l’observateur arrive dans une tribu ou un village connu avec, pour tout outil, sa capacité d’observation méticuleuse et les questions qu’il s’est forgées au cours de sa formation. Ces questions lui permettent de « voir » sa société mais en même temps elles apparaissent comme des œillères. Le grand ethnologue est celui qui est capable de formuler d’autres questions, neuves et générales, à partir de ce qu’il observe. » (ibidem, p 19). Il s’agit bien de limiter ces œillères en amont, en en créant le moins possible, et en aval, par leur mise en cause continue.

Est signifiée ainsi l’intrication constante entre théorie et terrain, notre posture étant que le chercheur devrait se laisser former par le terrain et non former ce dernier préalablement. Lors de notre première observation, nous avons cherché à suivre une démarche exploratoire. Par conséquent, nous avions appréhendé le terrain selon une première approche, celle des travaux de K. Weick sur la résilience, que nous avions l'intention de relier à la question des démarches qualité. Nous étions là pour observer, sans réellement savoir ce que nous allions trouver, laissant le terrain nous guider dans l’approfondissement de notre focale. Cette approche exploratoire relève en bonne part de principe de la sociologie compréhensive, mais elle fut également dictée par le cadre théorique mobilisé. En effet, les travaux de Weick (Weick 1995, 2001) que nous avons repris, encouragent à cerner l’organisation en train de se faire, l’organizing. Dans la mesure où il s’agit d’entrevoir ces processus interactionnels de construction, le terrain nécessite d’être saisi sur le vif. Par conséquent, la démarche exploratoire s’accorde avec l’idée d’un terrain, si ce n’est labile, du moins en devenir. Le terrain est une réalité mouvante, notre positionnement suit cette évolution. Cela ne signifie pas pour autant que nous considérons le terrain comme un élément instable, qui peut partir dans n’importe quel sens, ce serait en nier toute sa dimension structurelle et routinière – une dimension particulièrement à l’œuvre dans le contexte organisationnelle. Ce n’est pas parce que le terrain se construit sous nos yeux et qu’il est mouvant, et que l’on peut donc s’attendre

101 à tout, que justement il ne faut s’attendre à rien et ne pas préparer le terrain. Nous anticipons généralement certaines phénomènes – un aperçu théorique est sur ce point capital – ce que nous ignorons c’est leur actualisation, leur performation, leur construction. Notre approche peut se résumer ainsi : s’attendre à ce qu’il se passe quelque chose sans attendre quelque chose de spécifique.

Notre démarche suit en bonne part les principes d’une perspective socio compréhensive. « S’accorder à la plasticité des choses », écrivent D. Jeffrey et M. Maffesoli (Jeffrey, Maffesoli, 2005, p 3) afin de saisir le dynamisme agitant les interactions sociales pour « prendre le pouls du social tel qu’il est, dans ses contrastes et ses creux » (ibidem p 4), s’appuyer sur les raisonnements qu’utilisent les acteurs naturellement, suivre une attitude d’écoute et accepter que la réalité puisse être contradictoire, sont autant d’éléments auxquels se rattachent notre démarche. Le terrain « n’est plus une instance de vérification d’une problématique préétablie mais le point de départ de cette problématisation » (Kaufmann, op.cit., p20). L’objet se construit peu à peu à partir d’hypothèses forgées sur le terrain. Les hommes ne sont pas de simples agents, ils sont « des producteurs actifs du social » (ibidem, p 23) et donc dépositaires d’un savoir important qu’il s’agit de saisir par l’intérieur. Il reviendra ensuite au chercheur d’être capable d’expliquer et d’interpréter à partir de ces données. Il s’agit de mener une « explication compréhensive du social » (ibidem p 23). C’est ainsi que J- C Kaufmann propose une méthodologie compréhensive de l’entretien : des lectures diffuses dans le temps dans la mesure où la problématique vient avec le terrain, une formulation d’hypothèses de départ pas nécessairement précises, une phase exploratoire de mise au point d’instruments, des entretiens libres mais orientés, une confrontation de résultats (et non une vérification d’hypothèses) pour terminer sur une généralisation contrôlée. Même si l’approche de cet auteur se consacre aux entretiens et que notre étude n'en comporte pas, nous allons voir que nous nous retrouvons dans cette logique. Notre approche qualitative cherche donc à « rechercher les significations, […] comprendre des processus, dans des situations uniques et fortement contextualisées » (Giordani, 2003, p 16). Nous nous inscrivons ainsi dans une approche interprétative. Toute connaissance est située et connaître revient à tenter de comprendre ce sens ordinaire que les acteurs attribuent à la réalité. L’objet de notre recherche n’est pas considéré comme passif, mais bien actif dans une co-construction avec le chercheur. Nous avons ainsi noté, décrit, mémorisé, et, à l’image de notre démarche exploratoire, ce n’est qu’à la fin de notre séjour, paradoxalement non dans l’antre des démarches qualité (dans le service Qualité) mais au contraire à sa périphérie (dans les services hospitaliers), là où elle a

102 peu de place pour prendre pied, que s’est dessiné, que s’est affûté notre questionnement (dans notre cas la présence de multiples acceptions de la notion de qualité). Le terrain nous a donc réorientée, nous a permis de recadrer nos données : notre focale initiale fut réinterrogée par les observations menées sur le terrain. Par là, le terrain nous a construite autant que nous le reconstruisons à la suite de cela. L’observation sur le terrain a fait surgir notre problématique, c’est par la notification de certains constats, de certaines contradictions que notre focale a pris toute sa consistance et son orientation.

Il est souvent demandé aux doctorants de suivre une longue étape de lecture, d’état de l’art pour ensuite le confronter au terrain. Si ce moment est nécessaire, ne serait-ce que pour avoir une connaissance suffisante de son objet d’étude et de pouvoir se positionner par rapport à une communauté de chercheurs et un espace de savoirs, il doit se faire en interaction avec le terrain et non comme une succession d’étapes où l’observation du terrain ne peut être réalisée qu’après avoir été précédée par une longue période de lecture. On a tendance à décortiquer les étapes de problématisation, puis de confrontation au terrain, puis de retour théorique. D’après notre expérience, ces limites ne sont que des limites à valeur pédagogique mais non à valeur empirique. De nombreux ouvrages méthodologiques présentent la recherche ainsi : choix du sujet de recherche, définition de la problématique, cadre théorique, construction de questions de recherche et choix d’hypothèses, dimension exploratoire par le terrain. Nous ne remettons pas en cause ces catégorisations, par lesquelles nous passons tous ; ce qui nous dérange est cet ordre auquel il semblerait que nous devrions nous conformer et qui met le terrain en dernier élément. Si des phases préalables sont nécessaires, il nous paraitrait juste d’en souligner la fragilité, le caractère éphémère, pour mettre l’accent sur la dimension constructrice et déconstructrice du terrain, pour relativiser cette construction préparatrice du terrain mais qui reste somme toute fragile (les ouvrages ont tendance à insister sur la dimension fondamentale de cette phase préalable, nous insisterions plus sur sa dimension malléable et précaire). Le terrain ne peut être un exercice scolaire, d’illustration d’un cadre théorique à un terrain ; mais un exercice qui met en œuvre « un certain nombre de « qualités personnelles », celles dont on a besoin dans tout relation sociale un peu imprévue …» (Beaud et Weber, op. cit., p 25, pour ensuite mettre en œuvre des qualités réflexives, et non l’inverse.

Se laisser prendre par son terrain a également pour incidence de s’interroger continuellement sur cette relation ; la coconstruction avec le terrain renforce la nécessité d’un retour sur soi : il s’agit de ne pas se soumettre au terrain. S. Beaud et F. Weber encouragent à « adopter une posture d’enquête réflexive, à ne pas vous soucier uniquement des résultats d’enquête mais à

103 revenir sans cesse sur la manière dont vous les avez obtenus » (op. cit. p 17). Cette réflexivité place le chercheur au carrefour de ces deux éléments qui le travaillent : théorie et terrain. On réfléchit à des théories, on réfléchit sur son terrain, on se réfléchit soi-même. L’intrication théorie-terrain participe de cette réflexivité ; parce qu’il y a simultanéité, remise en cause, travail de l’un par l’autre, le chercheur est aussi sujet de sa recherche.

Une des conséquences de cette réflexivité, dans cette tension théorie-terrain, est la nécessité d’accepter toutes les affres de cette construction et d’en valoriser le bricolage. Comme le souligne J-C Kaufmann (op. cit.), tâtonnements et bricolages sont rarement exposés, se référant à J. Katz qui « dénonce ce non-dit à propos de « l’induction analytique » au cœur de la démarche qualitative, donc massivement utilisée mais de façon clandestine » (p 8). Y. Giordano (Giordano, 2003) insiste sur le fait que ces bricolages sont les caractéristiques mêmes d’une démarche qualitative, voire compréhensive (p 12). Induction et abduction sont privilégiées. Les chercheurs en recherche qualitative, généralement, « étudient les objets dans leur cadre naturel, recherchant le sens pour les acteurs eux-mêmes des phénomènes à l’étude » (ibidem p 22). Cette sensibilité à l’objet doit se retrouver dans une sensibilité au terrain. Dans les recherches qualitatives, comme le souligne, Y. Giordano, dans une perspective inductive et abductive, problématique et question de recherche ne peuvent être rapidement ou définitivement spécifiées, elles vont évoluer avec le recueil et les analyses des données (p 31). J-C Kaufmann renchérit en considérant le terrain non plus comme « un instance de vérification d’une problématique préétablie mais le point de départ de cette problématisation » (op. cit., p 23). Cette vision correspond à l’expérience de recherche que nous avons vécue. Pour autant, notre propos ne traduit nullement un rejet de la méthodologie. Notre approche en est une certaine conception, qui cherche à ne pas réduire celle-ci à une technique instrumentale. Nous avons voulu montrer que notre démarche de recherche s’est construite au fur et à mesure de la rencontre avec le terrain – ce terrain devenu actant pour ainsi dire. Se laisser porter par son terrain, dans une idée d’écoute flottante, essayer de s’y intégrer sans a priori, est à notre avis le premier principe de toute rencontre avec le terrain, ne serait-ce que parce qu’il nous chahutera, nous interrogera, nous reconstruira. Ainsi, dans cette partie méthodologique, nous insisterons plus sur notre position de chercheur malléable au terrain, modelé par le terrain que sur cette figure du chercheur qui construit et contrôle son terrain. Dans notre cas, cette malléabilité a été modelée en deux temps : la phase d’observation de la cellule qualité et des services de l’établissement, qui s’est déroulée durant le Master 2 et en 1ère année de thèse, et celle du processus de certification. Nous allons approfondir ici le

104 premier temps, dan la mesure où il a été essentiel pour notre problématisation. Nous n’y reviendrons plus par la suite puisque notre thèse porte en grande partie sur le deuxième temps d’observation, la certification28.

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