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Paragraphe 1. Concours des qualifications et crimes contre l'humanité

A- Le risque d’un concours de qualification

Suite à l’assassinat du Roi de Yougoslavie Alexandre III, la première tentative d’une définition générale du terrorisme est apparue au sein de l’ONU en 1937. Bien avant, une autre tentative a eu lieu suite à l’assassinat du ministre français des Affaires étrangères, à Marseille en 1934. L’ONU a entériné à Genève un Accord, qui contient une définition du terrorisme, mais qui n’a jamais été validé par faute du quorum requis. Le seul pays à avoir entériné cet accord est l’Inde. L’une des causes principales de l’échec de cet accord est qu’il a été proposé par la France, et que l’Italie a refusé de remettre les auteurs de l’infraction sous prétexte que c’était une infraction politique. L’une des autres objections contre cette décision est qu’elle ne visait qu’une seule forme de terrorisme, le terrorisme révolutionnaire contre les détenteurs du pouvoir78.

Dans le cadre de l’UE, une convention a été conclue à Strasbourg le 27 janvier 1977 pour réprimer le terrorisme, qui a envahi l’Europe durant les années 1970. Néanmoins, cette convention ne propose aucune définition du terrorisme et s’est contentée de citer des infractions déjà mentionnées dans d’autres conventions internationales. Ainsi, aux termes de cette convention, relèvent du terrorisme l’agression des personnes protégées, la séquestration de personnes, l’utilisation de bombes ou d’autres explosifs qui exposent les personnes aux dangers.

L’Assemblée parlementaire européenne, de son côté, considère comme acte de terrorisme : « tout délit commis par des individus ou des groupes recourant ou menaçant de l’utiliser contre un pays, ses institutions, sa population en général, ou des individus concrets, qui, motivé par des aspirations séparatistes, par des conceptions idéologiques extrémistes ou par fanatisme, ou inspiré par des mobiles irrationnels ou subjectifs, vise à soumettre les

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A. F. SEROUR, La confrontation juridique du terrorisme, Le Caire, Centre Al Ahram pour la traduction et la publication, 2e éd., 2008, p. 60 (en arabe).

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pouvoirs publics, certains individus ou groupes de la société, ou, d’une façon générale, l’opinion publique à un climat de terreur »79

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En mai 2005, les pays membres du Conseil de l’Europe ont conclu à Varsovie une convention pour la prévention du terrorisme80. Dans le dernier paragraphe de l’introduction de cette convention, l’on a essayé de délimiter les objectifs du terrorisme dans une tentative de lui trouver une définition81.

Au niveau des Nations Unies, dans sa résolution n° 3034 de 197282, l’Assemblée générale a créé un Comité spécial du terrorisme international chargé d’examiner les observations et les propositions, qui seront soumises par les États au Secrétaire général, en y joignant ses recommandations en vue d’une coopération éventuelle pour l’élimination du problème. Mais, ce Comité a été incapable de proposer une définition dans ses rapports de 1973 et 1979. Depuis son premier rapport de 1973, il est apparu clairement que, malgré la volonté de tous les pays de combattre le terrorisme, beaucoup d’entre eux n’étaient pas d’accord sur la définition du terrorisme international. Chaque pays a voulu considérer le terrorisme comme une infraction à la loi, se limitant seulement à ce qui touche à son intégrité nationale. Le problème des groupes qui luttent pour la liberté et l’indépendance a davantage compliqué la situation et a rendu impossible l’opportunité de trouver une définition du terrorisme. En 1979, le rapport du Comité spécial est sorti vide de tout progrès au sujet de la définition du terrorisme. La même année, une résolution de l’Assemblée générale a appelé tous les pays à respecter leurs engagements en appliquant la loi internationale qui les astreint à

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Recommandation 1426(1999), Démocraties européennes face au terrorisme, le 23 septembre 1999 (30e

séance), §5, disponible à l’adresse : https://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-

FR.asp?fileid=16752&lang=FR (consulté le 5 juin 2017). Cette définition a été reprise dans la recommandation 1550 (2002), Lutte contre le terrorisme et respect des droits de l’homme, le 24 janvier 2002 (6e séance),

disponible à l’adresse : http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-fr.asp?fileid=16977&lang=fr

(consulté le 5 juin 2017).

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Conseil de l’Europe, Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme et rapport

explicatif, Strasbourg, Editions du Conseil de l’Europe, 2005, 85 p. (format A5), Traité STCE n° 196 et rapport

explicatif.

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D’après ce paragraphe « les actes de terrorisme, par leur nature ou leur contexte, visent à intimider gravement une population, ou à contraindre indûment un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque, ou à gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d’un pays ou d’une organisation internationale. »

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AGNU, Résolution 3034 (1972). Mesures visant à prévenir le terrorisme international qui met en danger ou

anéantit d'innocentes vies humaines, ou compromet les libertés fondamentales, et étude des causes sous-jacentes des formes de terrorisme et d'actes de violence qui ont leur origine dans la misère, les déceptions, les griefs et le désespoir et qui poussent certaines personnes à sacrifier des vies humaines, y compris la leur, pour tenter d'apporter des changements radicaux, 27e session, 18 décembre 1972, disponible à l’adresse : www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/3034(XXVII)&Lang=F (consulté le 12 février 2016).

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s’abstenir d’organiser, d’encourager, d’aider ou de participer à des actes terroristes contre un autre État. Dix ans plus tard, en 1985, l’Assemblée générale a adopté la résolution n° 61 dans laquelle elle a appelé à incriminer les actes terroristes quels que soient leurs motifs83. En 1987, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la résolution n° 159 dans laquelle elle a demandé au Secrétaire général de préparer un rapport sur la possibilité d’organiser un congrès international pour définir le terrorisme, et surtout pour le distinguer de la lutte pour la liberté et l’indépendance84. Le rapport du Secrétaire général a mentionné qu’un grand nombre

de pays était favorable à l’organisation de ce congrès.

D’autre part, la Commission du droit international a fourni de grands efforts pour définir l’infraction terroriste comme une infraction allant à l’encontre de la paix. De son côté, le Code fondamental du Tribunal Pénal International ne mentionne pas l’infraction terroriste comme c’est le cas dans son traitement du problème de l’ex-Yougoslavie. En revanche, en ce qui concerne le Rwanda, on trouve mentionnés dans l’article 4 les actes terroristes mais sans une définition du terrorisme lui-même.

Lors de sa 51ème session, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la résolution 51/21085 qui a appelé à la création d’un Comité spécial, ouvert à tous les États membres de l’ONU ou membres d’institutions spécialisées ou de l’Agence internationale de l’énergie atomique, chargé entre autres d’examiner ce qu’il convient de faire pour compléter le cadre juridique offert par les conventions relatives au terrorisme international de façon que tous les aspects de la question soient couverts. Ce comité a essayé de présenter un accord général sur le terrorisme international sur les bases d’un projet présenté par l’Inde en 1996, et qui a été révisé en 2000.

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AGNU, Résolution 40/61. Mesures visant à prévenir le terrorisme international qui met en danger ou anéantit

d'innocentes vies humaines, ou compromet les libertés fondamentales, et étude des causes sous-jacentes des formes de terrorisme et d'actes de violence qui ont leur origine dans la misère, les déceptions, les griefs et le désespoir et qui poussent certaines personnes à sacrifier des vies humaines, y compris la leur, pour tenter d'apporter des changements radicaux, 40e session, 9 décembre 1985, disponible à l’adresse : www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/40/61&Lang=F (consulté le 12 février 2016).

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AGNU, Résolution 42/159. Mesures visant à prévenir le terrorisme international qui met en danger ou

anéantit d'innocentes vies humaines, ou compromet les libertés fondamentales, et étude des causes sous-jacentes des formes de terrorisme et d'actes de violence qui ont leur origine dans la misère, les déceptions, les griefs et le désespoir et qui poussent certaines personnes à sacrifier des vies humaines, y compris la leur, pour tenter d'apporter des changements radicaux, 40e session, 7 décembre 1987, disponible à l’adresse : www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/42/159 (consulté le 12 février 2016).

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AGNU, Résolution 51/210. Mesures visant à éliminer le terrorisme international, 51e session, UN doc. A/RES/51/210 du 16 janvier 1997, disponible à l’adresse : https://undocs.org/fr/A/RES/51/210 (consulté le 5 mai 2016).

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Sur cette base, un groupe de travail a été constitué pour prendre des mesures permettant de lutter contre le terrorisme international. Mais, les discussions ayant trait à ce sujet ont laissé apparaître de nombreuses divergences politiques, idéologiques et juridiques à cause de l’absence d’une définition du terrorisme. Celle-ci aurait permis de préciser les portées de cet accord, surtout concernant la distinction entre le terrorisme et la lutte des peuples colonisés et leur combat légitime contre l’oppression et l’occupation.

D’autres problèmes juridiques sont apparus concernant ce qui est appelé terrorisme d’État, ce qui a empêché de parvenir à un consensus qui aurait permis d’arriver à un accord international général sur cette question.

En 2004, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté la résolution 1566 avec une description du terrorisme86, mais sans en proposer une définition.

Compte tenu des difficultés qui ont accompagné les tentatives pour trouver une définition au terrorisme, les efforts fournis et menés dans cette voie méritent-ils d’être poursuivis ?

La réponse est oui, car la définition du terrorisme est indispensable lorsqu’on émet un accord international global afin de prendre la décision de le combattre, surtout quand il s’agit de la remise des criminels. Nous avons également besoin de cette définition si l’acte criminel devient du ressort du Tribunal Pénal International comme étant un crime contre l’humanité.

Depuis 1996, année de création d'un Comité spécial pour une convention contre le terrorisme international87, une réflexion est menée au sein des Nations Unies sur une définition générale de l'acte terroriste. Le Conseil de sécurité, dans sa résolution 1566 de 2004, a rappelé que les actes terroristes sont des « actes criminels, notamment ceux dirigés contre des civils dans l'intention de :

- Causer la mort ou des blessures graves ; - Prendre des otages ;

- Semer la terreur dans la population, chez un groupe de personnes ou chez des particuliers ; - Intimider une population ;

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CSNU, Résolution 1566 (2004), adoptée par le Conseil de sécurité à sa 5053e séance le 8 octobre 2004, UN

doc. S/RES/1566 (2004) du 8 octobre 2004, disponible à l’adresse :

www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=S/RES/1566(2004) (consulté le 5 mai 2016).

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- Contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir un acte ou à s'abstenir de le faire ».

Les mécanismes de répression prévus à l'encontre de ces actes permettent de conclure que le terrorisme est un crime international en temps de paix.

Les difficultés peuvent résulter, d'une part, de l'identification de la catégorie des civils ainsi que de l'exclusion implicite des actes contre les biens, pourtant couverts par les conventions sectorielles. Le terme « civil » a une signification juridique précise uniquement dans le cadre des conflits armés, comme opposé à « combattant ». Logiquement, en temps de paix, la catégorie est plus large, pouvant inclure par exemple les membres des forces de police, car ces derniers, même s'ils ont une qualité officielle, appartiennent à des institutions du maintien de l'ordre et non à des unités de combat. Seuls les « militaires » en semblent exclus. La seconde difficulté réside dans la manière d’identifier l'intention d'engendrer la terreur pour atteindre un objectif politique. C'est sur ce point que l'évolution du droit est la plus remarquable, le terrorisme reste une infraction à mobile politique, mais ses méthodes sont devenues à tel point abominables que le droit international le proscrit pour cette raison même. La qualification du terrorisme justifie que le présumé coupable ne bénéficie pas des régimes protecteurs internes.

Ces imprécisions ont rendu nécessaire de différencier l’acte terroriste des autres incriminations qui pourraient s’y apparenter, notamment lorsqu’il existe un risque de se retrouver face à un concours de qualifications. Il y a concours de qualifications lorsqu’« une seule activité tombe sous le coup de plusieurs textes répressifs portant des incriminations et des peines différentes »88. Cette définition se rapporte à la qualification des faits. La création d'une catégorie d'infractions de terrorisme semble pouvoir entraîner un concours de qualifications, notamment dans le cas de concours infraction terroriste/infraction politique.

Il ne devrait pas y avoir de concours infraction terroriste/infraction politique puisque, par hypothèse une infraction terroriste serait une infraction politique dégénérée. Mais, dans certaines circonstances particulières, une infraction pourrait être à la fois terroriste et politique. Ainsi, il serait parfois difficile de distinguer terrorisme et résistance ou lutte de libération. D'un point de vue politique, il existe donc un grave concours de qualifications entre terrorisme et résistance ou lutte de libération. Aussi, est-on conduit à se demander, d'un point

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de vue juridique, si, en l'absence de critères de distinction plus précis, des actions violentes menées par des groupes indépendantistes n'ont pas vocation à constituer à la fois des infractions terroristes soumises à un régime de rigueur et des infractions politiques appelant l'indulgence ?

Par ailleurs, les atteintes à la sûreté de l'État sont des infractions dont la nature politique n'est plus guère discutée. Cependant, à travers l'article 4 de la loi du 9 septembre 1986 l’on a souhaité les soumettre au même régime que les infractions terroristes. La fusion en catégorie unique des infractions terroristes et des atteintes à la sûreté de l'État éviterait donc toute difficulté de concours entre ces deux qualifications. Or, en empêchant cette assimilation, la décision du Conseil constitutionnel du 3 septembre 1986 a permis ce concours de qualifications89. Il est, en effet, difficilement concevable qu'une atteinte à la sûreté de l'État, infraction politique, ne répond pas aux deux critères de l’article 421-1 du Code pénal.

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