• Aucun résultat trouvé

Paragraphe 1. Le renforcement de l’arsenal juridique et institutionnel

D- Les mesures spéciales concernant l’armement et les munitions

167

Cf. Stephanie Hennette Vauchez, et al., L’état d’urgence au prisme contentieux : analyse transversale

de corpus, [Rapport de recherche] Convention n°2016 DDD/CREDOF, Défenseur des droits. 2018, p.166-

260.

168

D’un point de vue statutaire, hiérarchiquement le juge administratif n'est pas indépendant. Par ailleurs, le Conseil d'État, a une double casquette de conseiller de l'exécutif et de juge en dernière instance de l'action de l'administration.

169

Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, JORF n°0071 du 24 mars 2019.

170

Cf. Décret n° 2019-626 du 24 juin 2019 relatif au parquet antiterroriste, JORF n°0145 du 25 juin 2019, texte n° 2 ; Décret n° 2019-628 du 24 juin 2019 portant entrée en vigueur des dispositions relatives au parquet antiterroriste, JORF n°0145 du 25 juin 2019, texte n° 4.

88

La matière est régie par la loi n° 2012-304 du 6 mars 2012 relative à l'établissement d'un contrôle des armes modernes, simplifiés et préventif, les matériels de guerre et les armes, munitions et éléments sont classées en quatre catégories171, et son décret d’application n° 2013-700 du 30 juillet 2013172

. Ensuite, la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et la garantie de la procédure pénale173

, a réorganisé la matière en apportant plus de sévérité.

Afin de lutter contre le trafic d'armes, le législateur a encadré très strictement le régime de l'acquisition, de la détention, du port et du transport d'armes. Les dispositions législatives et réglementaires sont systématiquement assorties de sanctions pénales en cas de violation174. Celles-ci sont de nature contraventionnelles ou délictuelles. Les infractions ne sont criminelles que lorsqu'elles portent sur des missiles, fusées ou autres systèmes sans pilote capables de conduire à leur cible des armes nucléaires, chimiques ou biologiques et spécialement conçus à cet usage175.

Les délits relatifs à l'acquisition, la détention, le port et le transport d'armes ne supposent pas qu'il ait été fait usage de l'arme. Il s'agit donc d'infractions formelles ou de délits obstacles. L'infraction formelle est celle qui est punissable en l'absence d'un résultat juridique, l'atteinte à la valeur sociale protégée par le texte176.

Afin de renforcer l'efficacité du dispositif répressif, le législateur a donné compétence à un grand nombre d'agents pour constater les infractions à la législation sur les armes, prévues par le Code de la sécurité intérieure. Il s'agit, aux termes de l'article L. 317-1 du Code de la sécurité intérieure des agents des contributions indirectes et des douanes, des autorités de police judiciaire et des agents du ministère de la défense habilitée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. La même disposition précise que ces agents sont tenus au secret professionnel, sous les peines définies à

171

JORF n°0057 du 7 mars 2012, p. 4200. Cf. les art. L. 2331-1, I du C. défense et L. 311-2 du CSI.

172

JORF n°0178 du 2 août 2013, p. 13194.

173

JORF n°0129 du 4 juin 2016.

174

Cf. les art. 222-52 à 222-54 du C. pén. ; L2339-4, L2339-4 et L2339-10 du C. défense ; L317-7 du CSI.

175

Cf. l’art. L. 2339-14 du C. défense.

176

Cf. notamment, P. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, Paris, Armand Colin, 7ème éd., 2004, § 322 ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, Paris, PUF, 3ème éd., 2010, § 189. Selon ce dernier, l'infraction formelle ne comprend pas de résultat redouté, défini comme « l'impact dommageable de la conduite incriminée ».

89

l'article 226-13 du Code pénal, quant aux renseignements recueillis au sujet des entreprises dans le cadre de leurs investigations. Toutefois, les agents des douanes et les agents habilités du ministère de la défense mentionnée peuvent se communiquer spontanément tous les renseignements et documents détenus ou recueillis dans le cadre de leurs missions respectives.

Les personnes habilitées dressent des procès-verbaux des infractions constatées qui sont transmis au représentant de l'État dans le département ou, à Paris, au préfet de police, et les services compétents du ministère de la défense les communiquent au procureur de la République.

Enfin, les infractions en matière d'explosifs peuvent être constatées, outre les officiers de police judiciaire, par les ingénieurs des mines et les ingénieurs et fonctionnaires assimilés placés sous leurs ordres, les ingénieurs de l'armement et les ingénieurs des études et techniques d'armement ainsi que les officiers placés sous leurs ordres, désignés par le ministre dont ils relèvent et par les agents des douanes à l'occasion des contrôles effectués en application du Code des douanes. Les agents du ministère de la défense et du ministère chargé de l'industrie, ainsi que les agents des douanes mentionnés doivent adresser sans délai au procureur de la République le procès-verbal de leurs constatations177.

L'article L. 317-1 du Code de la sécurité intérieure prévoit que les titulaires des autorisations et des licences relatives à la vente, l'acquisition et la détention d'armes sont tenus de laisser pénétrer, dans toutes les parties de leurs locaux, les agents habilités de l'État. Ils doivent également fournir les renseignements verbaux ou écrits et les comptes rendus demandés par ces mêmes agents, et ne doivent apporter aucune entrave aux investigations nécessaires à l'exécution des missions des agents habilités. L'article L.317- 1 du même code précise que ces investigations peuvent comporter, outre l'examen des lieux, des matériels et du système d'information, les recensements et les vérifications des comptabilités ou registres de toute espèce paraissant utiles. Aux termes de l'article L.317- 2 le fait de contrevenir à ces dispositions est puni de cinq (5) ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende. Ici aussi, on ne peut que souligner la vacuité de la définition de l'infraction. Certes s'opposer à laisser les agents pénétrer dans les locaux et refuser de leur

177

90

fournir des renseignements consomme l'infraction, mais on peut s’interroger si un comportement non-coopératif constitue une entrave aux investigations nécessaires au sens du texte ? En outre, il existe un doute sur la conventionalité de ce délit, le droit de ne pas s'auto-incriminer étant, selon la jurisprudence de la Cour européenne de sauvegarde des droits de l'homme (CESDH), au cœur de la notion du procès équitable178.

Tous les délits prévus par le Code de la sécurité intérieure étudiés ici, ainsi que ceux visés par le titre III du livre III de la deuxième partie du Code de la défense (notamment relatifs à l'acquisition et à la détention des armes et matériels de guerre) sont considérés comme étant, du point de vue de la récidive, un même délit179.

Le 4° de l'article 421-1 du Code pénal qualifie certaines infractions en matière d'armes et d'explosifs (ou de matières nucléaires) d'actes de terrorisme, lorsqu'elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur180. Depuis la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme181, il faut ajouter à cette liste les délits énoncés aux articles 322-6-1 et 322- 11-1 du Code pénal qui peuvent également revêtir la qualification d'actes terroristes.

Les conséquences de la qualification des actes susvisés de terroristes sont nombreuses. D'une part, les dispositions particulières du titre XV du livre IV du Code de procédure pénale, consacrées à la poursuite, à l'instruction et au jugement des actes de terrorisme, s'appliquent182. D'autre part, le maximum de la peine privative de liberté encourue est relevé dans les termes de l'article 421-3 du Code pénal. Si l'infraction est imputée à une personne morale, toutes les peines mentionnées par l'article 131-39 sont

178

Ainsi, il y a violation du droit de ne pas s'auto-incriminer dans le fait pour des agents des douanes ou des impôts de provoquer la condamnation des requérants à des amendes pour les obliger à fournir des documents les incriminant, cf. Funke c. France, 25 février 1993, § 44, série A n° 256-A, D. 1993, jurispr. p. 457, note J. PANNIER ; J.B. c. Suisse, n° 31827/96, § 35, CEDH 2001-III : JCP G 2001, I, 342, chron. F. SUDRE.

179

Cf. l’art. L. 317-10 du CSI.

180

Il s'agit des délits visés par les art. L. 1333-9, I, L. 1333-11 et L. 1333-13-2, L. 1333-13-3, II, et L. 1333- 13-4, II, L. 1333-13-6, L. 2339-2, L. 2339-14, L. 2339-16, L. 2341-1, L. 2341-4, L. 2341-5, L. 2342-57 à L. 2342-62, L. 2353-4, L. 2353-5, 1°, L. 2353-13 du C. défense, ainsi que les art. L. 317-4, L. 317-7 et L. 317-8 du CSI (à l'exception des armes de la catégorie D).

181

JORF n°0263 du 14 novembre 2014, p. 19162.

182

Cf. T. CASSUTO, « Règles particulières en matière de terrorisme. Règles de compétence et de procédure », JCl. Procédure pénale, Art. 706-16 à 706-25-2, fasc. 20, 2012.

91

systématiquement encourues183. Selon l'article 422-6 du Code pénal, la confiscation de tout ou partie des biens appartenant à la personne physique ou morale coupable peut être prononcée184.

Lorsque les délits des articles L. 317-1 (entrave à la recherche et à la constatation des infractions), L. 317-2 (vente à un mineur par un non-commerçant) et L. 317-7 (dépôt d'armes ou de munitions) du Code de la sécurité intérieure, sont commis en bande organisée, la procédure relative à la criminalité et à la délinquance organisées, prévues par les articles 706-73 à 706-106 du Code de procédure pénale est applicable185.

Outline

Documents relatifs