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L’incrimination de la provocation directe au terrorisme et de faire son apologie

Paragraphe 1. Le renforcement de l’arsenal juridique et institutionnel

B- Les mesures de lutte contre la radicalisation et l’apologie du terrorisme

2- L’incrimination de la provocation directe au terrorisme et de faire son apologie

L’alinéa 1er

de l’article 421-2-5 du Code pénal, dans sa rédaction issue de la loi du 13 novembre 2014, prévoit que « le fait de provoquer directement à des actes de

terrorisme ou de faire publiquement l’apologie de ces actes est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende ». D’après l'alinéa 2 de la même disposition,

ces peines sont portées à sept (7) ans d’emprisonnement et à 100 000 € d’amende lorsque les faits ont été commis en utilisant un service de communication au public en ligne. Quant aux articles 422-3 et 422-6 du même code, ils prévoient un certain nombre de peines complémentaires.

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Cf. Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, 23 février 2018,

dossier de presse, disponible à l’adresse suivante

https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2018/02/dossier_de_presse_- _comite_interministeriel_de_prevention_de_la_delinquance_et_de_la_radicalisation_-_23.02.2018.pdf (consulté le 6 juin 2018).

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Ainsi, d’après l’article 421-2-5 précité, l’on peut distinguer entre deux infractions, le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme et le fait de faire publiquement l’apologie de ces actes.

a- Concernant la provocation directe au terrorisme

La provocation directe est une incitation à commettre l'infraction. La personne provoquée doit se retrouver dans un état d'esprit qui porte à la commission d'actes de terrorisme et il faut que l'auteur ait la volonté, du moins la conscience, de créer un état d'esprit propre à susciter cette atteinte157.

La provocation directe au terrorisme est l'incitation directe à commettre des actes terroristes matériellement déterminés, constitutifs d'un crime ou d’un délit. Par exemple, viser tel lieu ou telle personnalité par tel moyen. Par le contexte, la volonté de leur auteur et les termes choisis, les propos tenus visent à convaincre d'autres personnes de commettre de tels actes.

Il s'agit d'une incitation à commettre des actes dans le futur et non de l'approbation d'actes déjà commis. Par ailleurs, il n'est pas nécessaire que de tels propos soient tenus devant un large public. Des propos accessibles par quelques amis sur un réseau social ou prononcés lors d'une réunion privée peuvent être réprimés.

Généralement, c’est le procureur qui saisit le tribunal compétent suite à une enquête qu’il a diligenté. Néanmoins, l’auteur de ces faits peut être poursuivi par une association d’aide aux victimes du terrorisme, qui peut saisir le tribunal par une citation directe et se constituer partie civile afin de demander réparation.

Il convient ici de préciser que dans le cas où la provocation serait suivie d’effet, l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse érige l’auteur de cette provocation en complice de l’infraction commise lequel encourera la même peine que s’il était auteur principal de l’infraction158

, ce qui, dans le cas du terrorisme, peut porter la peine encourue à la réclusion criminelle à perpétuité.

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JCl Lois Pénales Spéciales, V° Presse et communication, Fasc. 60.

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b- Concernant l'apologie du terrorisme

Il est question de présenter, de glorifier ou de justifier favorablement soit les actes terroristes en général, soit des actes terroristes précis déjà commis, voire l’auteur de ces actes159. L’infraction d’apologie du terrorisme, nécessite la réalisation de deux conditions : la publicité et le caractère apologétique du propos.

Pour ce qui est de la publicité, deux points sont à évoquer, le vecteur du message et son destinataire. Bien que l’article 421-2-5 du Code pénal soit sur ce point muet, nous pouvons nous référer à l'article 23 de la loi du 29 juillet 1881 qui dispose que le vecteur du message apologétique peut être « des discours, cris ou menaces proférés dans des

lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l'écrit, de la parole ou de l'image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique ».

Quant au destinataire du message apologétique, il convient de raisonner par analogie avec d'autres infractions de presse, notamment l'injure ou la diffamation. Une communication adressée à un public indéterminé, accessible à tout le monde entre dans le champ pénal comme étant publique. À l’inverse, lorsque le public destinataire de la publication est lié par une communauté d'intérêt, la communication sera non publique. S'agissant de la communication électronique, le principe est celui du caractère public des messages diffusés sur les forums de discussion160, tout comme les pages web accessibles à tout internaute161. En revanche, des propos tenus sur un forum dont l'accès est limité à une liste restreinte d’utilisateurs sont considérés comme privés162

.

Concernant la seconde condition, le caractère apologétique du propos, et comme nous l’avons noté précédemment, l'apologie est le fait de se féliciter et de glorifier la commission d'un acte de terrorisme ou de son auteur. Par conséquent, contrairement à la

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CA Paris, 21 janvier 2009, n° 08/02208.

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CA Paris, 5 juin 2003 : Comm. com. électr. 2004, comm. p. 35, note A. LEPAGE.

161

CA Paris, 23 juin 2000 : Légipresse, novembre 2000, III, p. 182, note C. ROJINSKY.

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provocation qui se situe, logiquement, en amont de l’éventuel acte terroriste, l'apologie est un comportement intervenant postérieurement à la commission d'un tel acte.

L’apologie du terrorisme peut-elle se transformer en une provocation à commettre des actes terroristes ? L’interrogation est légitime dans la mesure où postérieurement à des attentats, l'apologie de ces derniers pourrait avoir pour motif la volonté de provoquer de tels actes. Une telle interrogation n’a pas d’intérêt pour l'auteur du prévenu, compte tenu de l'unicité de la sanction prévue par le législateur pour l'apologie et la provocation, sanctionnées par une peine de 5 années d'emprisonnement et 45 000 € d'amende. Étant donné que l’élément intentionnel de l’apologie est facile à caractériser, le juge pénal préférera sûrement opter pour cette qualification.

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