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Paragraphe 1. Le renforcement de l’arsenal juridique et institutionnel

B- Les mesures de lutte contre la radicalisation et l’apologie du terrorisme

1- La lutte contre la radicalisation

La radicalisation est le processus qui fait devenir plus fondamental. Elle se produit lorsqu’idéologie et actions violentes sont couplées151

. La définition de la radicalisation proposée par Pierre Conesa évoque de son côté « une légitimation intellectuelle, philosophique et religieuse du passage à la violence »152. Il convient de préciser que la radicalisation ne concerne pas uniquement l’adhésion à l’islamisme radical. Il existe d’autres formes d’extrémismes comme le néonazisme par exemple.

la problématique de la sortie de la radicalisation ou la déradicalisation représente un enjeu crucial pour la société. Force est de constater que nous ne sommes pas uniquement confrontés à un problème de sécurité, il s’agit plus globalement d’un problème sociétal.

À l’instar d’autres pays européens et au-delà, la radicalisation s’est affirmée en France comme une menace durable pour la sécurité nationale et la cohésion sociale. Face à cette menace, une politique publique nouvelle de prévention de la radicalisation, qui articule logiques sociales et de sécurité, a été construite autour de trois plans qui ont développé cette politique de prévention autour de la détection, la formation, la prise en charge en milieux ouvert et fermé et le développement de la recherche.

Le premier plan, intitulé « plan national de lutte contre la radicalisation violente et les filières djihadistes », a été présenté par le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve le 23 avril 2014153. Ce dispositif s’appuyant sur 24 mesures combinant, en particulier, le

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F. KHOSROKHAVAR, Radicalisation, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, Coll., « Interventions », 2014, p. 10.

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P. CONESA, « Quelle politique de contre-radicalisation en France ? », Rapport fait pour la fondation d’aide aux victimes du terrorisme (Décembre 2014), publié le 18 mars 2015 par Classe Internationale, disponible à l’adresse : https://www.lopinion.fr/sites/nb.com/files/2014/12/rapport_favt_decembre_2014- 12-14_def.pdf (consulté le 20 janvier 2017).

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Cf. Le plan de lutte contre la radicalisation violente et les filières terroristes, Compte rendu du Conseil des ministres du 23 avril 2014, disponible à l’adresse suivante : https://www.gouvernement.fr/conseil-des- ministres/2014-04-23/le-plan-de-lutte-contre-la-radicalisation-violente-et-les-fi (consulté le 20 janvier 2017).

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renforcement des capacités judiciaires pour lutter contre les filières, la mise en œuvre de moyens pour contrarier et empêcher les déplacements de djihadistes vers la Syrie, et ceux destinés à lutter contre la diffusion de contenus illicites sur les réseaux sociaux. En effet, l’approche répressive, n’étant pas efficace à elle seule pour faire face au terrorisme, une politique préventive devait être lancée.

Brièvement, les axes d’une telle politique sont les suivants :

1. Le plan vise tout d’abord à contrarier les déplacements des terroristes vers ou depuis la Syrie, par le renforcement des contrôles et des décisions de retrait des documents de voyage ;

2. L’intensification de la lutte contre les filières djihadistes, en renforçant notamment l’action des services de renseignement en matière de détection et de surveillance. À ce sujet, ces services conduiront plus systématiquement des entretiens administratifs avec les personnes signalées et leur famille, et les ressortissants étrangers impliqués dans les filières feront l’objet de mesures d’éloignement et le gel des avoirs des structures utilisées par les filières sera développé. De même, les possibilités de détection des filières sur internet seront accrues par la généralisation de l’enquête sous pseudonyme à l’ensemble des activités à caractère terroriste et à toutes les infractions de communication associées ; 3. La coopération internationale avec les autres pays de départ et les pays de transit sera intensifiée. La France participe activement au réseau d’experts européens spécialisés dans la prévention et la réduction des phénomènes de radicalisation ;

4. La mise en place d’une série d’actions préventives et des opérations visant à contredire les « prêcheurs de haine ». Le plan prend en compte la trajectoire individuelle des personnes et le besoin de soutien de leur famille. Un centre national d’écoute et d’orientation sera aussi créé pour les familles. Outre les poursuites judiciaires décidées par l’autorité judiciaire, un dispositif expérimental de réinsertion individualisée sera créé, en lien avec les collectivités territoriales concernées.

La loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014, renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme154, est aussi venue renforcer l’arsenal administratif et judiciaire de lutte contre la radicalisation. Ainsi, des mesures sont adoptées pour neutraliser le mouvement des personnes et limiter leurs moyens d’action. Pour les personnes majeures, il peut s’agir d’une interdiction de sortie du territoire vers des zones

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de combat, décidée par le ministre de l’Intérieur. Dans le but de protéger les mineurs particulièrement vulnérables, une mesure d’opposition à sortie du territoire peut être prise, notamment à la demande des parents. Concernant les ressortissants étrangers, une mesure d’interdiction administrative du territoire et des expulsions peuvent être décidées par le ministre de l’Intérieur. Afin de lutter contre la propagande djihadiste sur le web, le ministère dispose de leviers pour retirer, bloquer et déréférencer des sites internet. Enfin, un gel des avoirs terroristes peut être mis en œuvre pour prévenir la commission d’actes, et la dissolution d’associations et de groupement de faits prononcés par décret du président de la République.

Conscient toutefois qu’une approche uniquement répressive ne suffirait pas à endiguer le phénomène, le dispositif comporte aussi des actions préventives et ambitionne de développer un contre-discours, pour contredire les prêcheurs de haine. Ainsi :

a) Le dispositif retenu s’appuie notamment sur la mise en place d’un Centre National d’Assistance et de Prévention de la Radicalisation (CNAPR), doté d’un numéro vert pour recueillir les signalements, complété d’une page web dédiée, sur le site Internet du ministère de l’intérieur. Lancée le 29 avril 2014, la plateforme de signalement a été rattachée à l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT). Chaque cas avéré fait l’objet d’une fiche récapitulative validée par un cadre de l’UCLAT et adressée aux états-majors de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), du Service central du renseignement territorial (SCRT) et les États-majors de sécurité (EMS) départementaux ;

b) Le dispositif assigne surtout un rôle majeur aux préfets de département en matière de prévention et de traitement de la radicalisation, auxquels il est demandé de mobiliser l’ensemble des services de l’État et leurs partenaires institutionnels (collectivités locales, associations), pour analyser les signalements recensés, prévenir d’éventuels départs vers le Proche-Orient et, pour les individus non judiciarisés, mettre en place des parcours individualisés de réinsertion ;

c) Il confie enfin au Comité interministériel de prévention de la délinquance (CIPD) le pilotage national du dispositif. Il lui revient, à ce titre, la responsabilité de coordonner l’action des différentes cellules de veille au sein d’un comité de pilotage, mais aussi de

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recenser et de diffuser les bonnes pratiques et d’organiser des actions de formation spécialisées, à l’attention des acteurs locaux.

Sur le plan de l’organisation territoriale, les préfets ont été ainsi conduits, dans les départements, d’une part, à préciser les procédures d’instruction des signalements, organisées autour des services départementaux de renseignement territorial (SERT) et d’opposition à la sortie du territoire, pour protéger les mineurs et, d’autre part, à mettre en place le cadre administratif de pilotage du dispositif. Il s’organise autour d’une cellule de suivi pour la prévention de la radicalisation et l’accompagnement des familles, dont la composition, autour du préfet et du procureur de la République, peut varier selon les spécificités de chaque territoire.

Ce dispositif s’appuie sur trois piliers :

- l’État-major de sécurité (EMS), appelé par la circulaire du 25 juin 2014 à « suivre

l’évolution de la situation au niveau local, à sensibiliser les services et à évoquer les difficultés qui auraient été mises en évidence dans le cadre des cellules de suivi » ;

- un Comité de suivi mensuel, pour assurer le suivi concerté des cas individuels ;

- un réseau de référents de terrain, impliquant l’ensemble des services, pour capter les signaux faibles et faire remonter les signalements.

Le 9 mai 2016, le Premier ministre Manuel Valls, qui a présidé le Comité interministériel pour la prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), a présenté un nouveau plan pour lutter contre la radicalisation et le terrorisme. Il s’agit d’une stratégie globale qui agit à la fois en amont, pour prévenir, détecter, traquer la radicalisation, et en aval, pour la combattre. Elle agit, enfin, pour protéger les Français. Le plan est composé de quatre-vingts (80) mesures, se répartissant en 7 priorités155 : 1. Détecter les trajectoires de radicalisation et les filières terroristes le plus tôt possible ; 2. Surveiller, entraver et neutraliser les filières terroristes ;

3. Combattre le terrorisme dans ses réseaux internationaux et dans ses sanctuaires ; 4. Densifier les dispositifs de prévention de la radicalisation pour assurer une prise en charge individualisée des publics ;

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Cf. Plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme, dossier de presse - 9 mai 2016 http://www.prefectures-regions.gouv.fr/bretagne/content/download/22066/152723/file/dossier-de-presse- plan-action-contre-la-radicalisation-et-le-terrorisme-1.pdf (consulté le 6 juin 2018).

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5. Développer la recherche appliquée en matière de contre-discours et mobiliser l’islam de France ;

6. Mieux protéger les sites et les réseaux vulnérables ;

7. Savoir réagir à toute attaque terroriste et manifester la résilience de la Nation.

Enfin, plus récemment, le 23 février 2018, le Premier ministre Édouard Philippe a réuni le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) afin de présenter le nouveau plan national de prévention de la radicalisation annoncé. Ce dernier formule 60 mesures, pour réorienter la politique de prévention suivant 5 axes156 :

1. Prémunir les esprits face à la radicalisation ; 2. Compléter le maillage détection / prévention ;

3. Comprendre et anticiper l’évolution de la radicalisation ; 4. Professionnaliser les acteurs locaux et évaluer les pratiques ; 5. Adapter le désengagement.

Outre la déradicalisation, le dispositif français de lutte contre le terrorisme s’appuie également sur une politique contre la provocation directe à des actes terroristes ainsi que de faire son apologie.

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