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Paragraphe 1. Le renforcement de l’arsenal juridique et institutionnel

A- Les mesures de lutte contre le financement du terrorisme

1. Les mesures de lutte contre le blanchiment d’argent

L’article 324-1 du Code pénal français dispose que « Le blanchiment est le fait de

faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect.

Constitue également un blanchiment le fait d'apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit.

Le blanchiment est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende. »

Le blanchiment constitue le moyen pour les organisations criminelles de pérenniser les trafics, de les faire prospérer et de jouir des produits du crime en toute impunité. À l'échelle de la criminalité organisée, le blanchiment nécessite l'utilisation de circuits complexes établis à travers le monde et mobilisant, de manière volontaire ou à leur insu, les professions financières et non financières.

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Les techniques de blanchiment de capitaux évoluent au fur et à mesure que s'affinent les outils de détection. Ainsi, la surveillance accrue du secteur financier a conduit les « blanchisseurs » à rechercher d'autres procédés afin de blanchir les produits des activités illicites.

Le régime français du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme figure dans l'ordonnance n° 2009-104 du 30 janvier 2009 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme127, ratifiée par l’article 140 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures128. Les dispositions ont été codifiées aux articles L. 561-1 et suivants du Code monétaire et financier129. Enfin, le décret n° 2010-662 du 16 juin 2010 pris pour l'application de l'article L. 112-6 du Code monétaire et financier, relatif à l'interdiction du paiement en espèces de certaines créances130, clôt le processus de transposition de la directive européenne 2005/60/CE131.

Les organes nationaux de lutte contre le blanchiment d’argent sont principalement le TRACFIN (Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins), qui est la Cellule de renseignement financier français (CRF), et le Conseil d'orientation interministériel de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. 127 JORF n°0026 du 31 janvier 2009, p. 1819. 128 JORF n°0110 du 13 mai 2009, p. 7920. 129

Ces dispositions ont été complétées par le décret n° 2009-874 du 16 juillet 2009, pris pour application de l'art. L. 561-15-II du Code monétaire et financier, JORF n°0164 du 18 juillet 2009, p. 11978 ; le décret n° 2009-1087 du 2 septembre 2009, relatif aux obligations de vigilance et de déclaration pour la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme,

JORF n°0204 du 4 septembre 2009, p. 14660 ; l'arrêté du 2 septembre 2009, pris en application de l'art. R.

561-12 du code monétaire et financier et définissant des éléments d'information liés à la connaissance du client et de la relation d'affaires aux fins d'évaluation des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, JORF n°0204 du 4 septembre 2009, p. 14667 ; le décret n° 2009-1108 du 10 septembre 2009, relatif à l'activité de changeur manuel, JORF n°0211 du 12 septembre 2009, p. 15017 ; l'arrêté du 29 octobre 2009, relatif au contrôle interne des établissements de crédit et des entreprises d'investissement modifiant le règlement n° 97-02 du 21 février 1997, JORF n°0253 du 31 octobre 2009, p. 18720 (codifié aux art. R. 561-1 et suivants du Code monétaire et financier).

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JORF n°0139 du 18 juin 2010, p. 11088.

131

Directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE), JOUE L 309, 25 novembre 2005, p. 15-36.

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La création de TRACFIN, par le décret du 9 mai 1990132, a constitué l'acte fondateur du dispositif anti-blanchiment dont s'est dotée la France. Le statut juridique des cellules du renseignement financier n'est pas réglementé à l'échelle de l'UE, l'article 21 de la directive se borne à préciser que la CRF « doit être créée sous la forme d'une cellule nationale centrale ». Initialement créé au sein du ministère de l'Économie, des Finances et du Budget, TRACFIN est devenu un service à compétence nationale avec le décret n° 2006-1541 du 6 décembre 2006133, rattaché au ministre de l'Économie, de l'Industrie et de l'Emploi et au ministre chargé du Budget, des comptes publics, de la Fonction publique et de la Réforme de l'État134. S'agissant du terrorisme, le rapport constate les difficultés de la détection des modes de son financement en raison du caractère discret de celui-ci.

Le service à compétence nationale TRACFIN est dirigé par un directeur et un directeur adjoint désignés par arrêté conjoint du ministre chargé de l'Économie et du ministre chargé du Budget135. Il est composé d'un département d'enquêtes, d'un département institutionnel et d'un service chargé des affaires générales136. Il emploie des agents spécialement habilités par le ministre chargé de l'Économie137. Les agents affectés au service TRACFIN ou travaillant sous l'autorité de ce service sont habilités secret- défense138.

Aux termes de l’article R. 561-33 du Code monétaire et financier, le service TRACFIN a pour mission de :

- recevoir et traiter les déclarations de soupçons et les informations transmises et collectées dans le cadre de ses attributions ;

- recueillir, traiter et diffuser le renseignement relatif aux infractions punies d'une peine d'emprisonnement supérieure à un an ;

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Portant création d'une cellule de coordination chargée du traitement du renseignement et de l'action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN), JORF n°108 du 10 mai 1990, p. 5554.

133

Érigeant la cellule TRACFIN en service à compétence nationale et modifiant le Code monétaire et financier (partie réglementaire), JORF n°284 du 8 décembre 2006, p. 0.

134

Cf. l’art. R. 561-33, al. 1er du C. mon. fin.

135

Cf. l’art. R. 561-34 du C. mon. fin.

136

Cf. l’organigramme de TRACFIN, disponible à l’adresse suivante :

https://www.economie.gouv.fr/files/Organigramme_Tracfin_oct2018.pdf (consulté le 12 novembre 2018).

137

Cf. l’art. L. 561-23, al. 1er du C. mon. fin.

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- animer et coordonner au niveau national et international les moyens d'investigation dont disposent les administrations ou les services relevant du ministre chargé de l'Économie et du ministre chargé du Budget ainsi que les organismes qui y sont rattachés ;

- participer à l'étude des mesures à mettre en œuvre pour faire échec aux circuits financiers clandestins, au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme ; - développer en relation avec les directions concernées relevant du ministère chargé de l'Économie et du ministre du Budget l'action internationale de lutte contre les circuits financiers clandestins, le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et l’activité criminelle.

Le Conseil d'orientation interministériel de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme a été institué par le décret n° 2010-69 du 18 janvier 2010139. Il est chargé : « 1° D'assurer une meilleure coordination des services de l'État et

autorités de contrôle concernés par la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, afin de renforcer l'efficacité de celle-ci ; 2° De favoriser la concertation avec les professions mentionnées à l'article L. 561-2 en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, afin d'améliorer leur participation à celle-ci ; 3° De proposer des améliorations au dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ; 4° De suivre l'élaboration et la mise à jour régulière d'un document de synthèse sur la menace de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme »140.

Le Conseil est présidé par une personnalité qualifiée désignée conjointement, pour une période de trois ans renouvelable, par le ministre chargé de l’Économie et le ministre chargé du Budget, après avis du ministre de l'Intérieur et du garde des Sceaux, ministre de la Justice. La Direction générale du trésor et de la politique économique en assure le secrétariat141. Il comprend, outre son président, vingt-deux membres142.

Il convient de rappeler que TRACFIN réalise chaque année une évaluation des principaux risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme qu’il peut observer sur le territoire français, à partir des informations qu’il reçoit. Cette démarche

139

Instituant un conseil d'orientation de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, JORF n°0016 du 20 janvier 2010, p. 1179.

140

Art. D. 561-51 du C. mon. fin.

141

Cf. l’art. D. 561-52 du C. mon. fin.

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procède de la déclinaison, au niveau national, de la recommandation n° 1 des standards du Groupe d’action financière (GAFI), qui spécifie que « les pays devraient identifier, évaluer et comprendre les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme auxquels ils sont exposés ». Cette recommandation est appuyée au niveau européen par l’article 7 de la 4e

directive anti-blanchiment143, qui invite chaque État membre à prendre les mesures appropriées pour évaluer les risques de Blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme auxquels il est exposé.

Les attentats perpétrés en 2015 ont beaucoup contribué au renforcement des mesures de lutte contre le financement du terrorisme. Ainsi, Michel Sapin, ministre des Finances et des comptes publics à l’époque, avait présenté le 18 mars 2015, un plan d'action pour lutter contre le financement du terrorisme144, constitué de huit mesures articulées autour de trois objectifs : identifier, surveiller et agir145.

Outre le blanchiment d’argent, le terrorisme est aussi financé via les œuvres caritatives, ce qui explique les mesures prises par le législateur français pour lutter contre ce mode de financement.

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