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Paragraphe 1. La définition du terrorisme dans les législations nationales

B. La définition vague du terrorisme dans les législations des pays du CCG

2- L’imprécision des définitions retenues

Ce qui caractérise l’ensemble des définitions retenues dans les dispositifs antiterroristes des pays du CCG, est sans conteste l’imprécision des expressions utilisées. En effet, il est frappant de constater que la plupart de ces définitions sont loin des critères devant fonder la définition du terrorisme.

Ainsi, en Arabie saoudite le terrorisme est défini par des expressions vagues et imprécises et la violence n’est pas exigée comme une condition essentielle pour qualifier un acte de terroriste. La définition a englobé un grand nombre d’actes non violents, notamment ceux qui « troublent l’ordre public » ou « déstabilisent la sécurité de la société et la stabilité

de l’État ou de mettre en danger l'unité nationale, ou d’entraver la Constitution ou certaines de ses dispositions »57. Par ailleurs, dans l’objectif de criminaliser la liberté d’expression et

l’opposition pacifiste, l’article 30 de la nouvelle loi de 2017, punit quiconque « décrit

directement ou indirectement le roi ou le prince héritier d'une manière offensante en ration avec la religion ou la justice » de cinq à dix ans de prison. En outre, l’article 3 étend le champ

d’application personnel et territorial de la loi, qui s’applique ainsi à un étranger qui se trouve en dehors du royaume et qui commet l'un des actes décrits à l'article 1er, avec notamment pour objectif de « changer le système de gouvernement dans le royaume », « d’entraver la

Constitution ou certaines de ses dispositions », ou commettant un « préjudice quelconque aux intérêts, à l'économie ou aux la sécurité nationale ». Compte tenu de la définition trop large

de « l’objectif terroriste », nous craignons l’utilisation de cet article pour demander

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l’extradition d’opposants politiques pacifistes et de défenseurs des droits de l’homme réfugiés à l'étranger.

Le même constat est fait dans le dispositif des EAU, où la définition de l'« objectif

terroriste » est imprécise et peut inclure dans la sphère des actes terroristes tout acte

nonobstant sa nature. En effet, désormais, il suffit de juger que l’acte vise une « finalité

terroriste », pour l’inclure dans la sphère des actes terroristes. Mieux encore, la définition

retenue de la « finalité terroriste », semble constituer en réalité un moyen pour condamner toute initiative politique de l’opposition pacifiste et toute demande de changement sous prétexte de viser une telle finalité. Ainsi, des expressions telles « porter atteinte à la sécurité

de la communauté nationale », « se montrer hostile à l’État » ou « influencer le travail des autorités publiques de l’État »58

, peuvent concerner toute manifestation sur la voie publique ou devant une institution publique, ou la réclamation d’un quelconque droit même ceux ne présentant aucun caractère politique. Quid des actes d’opposition, tels les écrits qui dénoncent les exactions du régime et ses dépassements et les demandes de liberté et la libération des détenus ?

C’est ainsi par exemple que l’article 14 de la loi n° 7 de l’année 2014, relative à la lutte contre les infractions terroristes, punit d’une « peine capitale ou de la réclusion à

perpétuité quiconque commet un acte ou une omission destinée à menacer la stabilité, la sécurité, l’unité, la souveraineté ou la sécurité de l’État » ou « ou portant atteinte à l'unité nationale ou à la paix sociale ». L’article 15 lui punit lourdement « quiconque déclare, par quelque moyen de communication que ce soit, son opposition à l'État ou à son système, ou sa non-allégeance à l'égard de ses dirigeants. » Il est clair qu’avec une telle formulation

imprécise et large, même l’opposition pacifiste au régime en place peut être qualifiée de terroriste.

Pis encore, aux termes de l’article 39 de la même loi, outre les actes incriminés par cette loi, les crimes et délits énoncés dans le Code pénal ou dans toute autre loi sont considérés comme des infractions terroristes s'ils ont été commis à des fins terroristes. Ainsi, il suffit d'ajouter « une finalité terroriste » pour que n’importe quel acte soit considéré comme une infraction terroriste.

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Cf. la définition de la « finalité terroriste », retenue à l’art. 1er de la loi N° 7 de l’année 2014 relative à la lutte contre les infractions terroristes.

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Pourtant, le droit international relatif à la lutte contre le terrorisme insiste sur le fait que la définition du terrorisme doit se limiter aux actes pouvant causer la mort ou des blessures graves sans qu’elle s’étende à l'atteinte aux biens ou aux régimes en place59

. Le même constat peut être fait concernant les sanctions réservées à ces actes qui peuvent être la condamnation à mort ou la réclusion perpétuelle, des peines très sévères et lourdes censées s’appliquer aux crimes très graves pouvant porter atteinte à la vie des gens.

Il convient de rappeler que des rapports de l’ONU et d’ONG de défense des droits n’ont pas manqué de dénoncer les autorités Émiraties pour avoir restreint de manière arbitraire la liberté d’expression et d’association, en utilisant les dispositions pénales relatives à la diffamation et les lois antiterroristes pour arrêter, poursuivre en justice, condamner et emprisonner des opposants pacifistes au régime en place60.

Enfin, au Qatar, malgré des efforts, la définition du terrorisme retenue reste tout de même un peu vague et large. En effet, une expression telle « entraver les dispositions de la

constitution ou de la loi, ou de troubler l’ordre public ou d’exposer la paix et la sécurité de la société au danger ou de porter atteinte à l’unité nationale, »61 (nous soulignons) sont très vagues. Par conséquent, afin d’éviter tout soupçon et gagner en crédibilité, l’on pense qu’il est dans l’intérêt du Qatar de préciser beaucoup plus la notion du terrorisme. Car, le recours à une définition large pourrait être assimilé à une volonté d’utiliser un tel dispositif contre l’opposition et les défenseurs des droits de l’homme, comme le font certains pays voisins.

Paragraphe 2. La définition du terrorisme dans les législations régionales et

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