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Paragraphe 1. Le renforcement de l’arsenal juridique et institutionnel

A- Les mesures de lutte contre le financement du terrorisme

2. Les mesures de contrôle des œuvres caritatives

Dans le prolongement de la conférence « No money for terror » du mois d’avril 2018, il est apparu nécessaire de réviser les règles applicables aux associations à but non lucratif, en particulier les personnes morales ou autres organisations dont l’activité principale est de lever des fonds et de financer des projets de bienfaisance, religieux, culturels, éducatifs, sociaux ou fraternels. En effet, l’examen du secteur associatif, sous

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Directive (UE) 2015/849 du Parlement Européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant le règlement (UE) n° 648/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 2006/70/CE de la Commission (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE), JOUE L 141, 5 juin 2015, p. 73–117.

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Le plan est disponible à l'adresse suivante : https://www.economie.gouv.fr/tracfin/presentation-plan- daction-pour-lutter-contre-financement-terrorisme (consulté le 6 juin 2018).

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Les huit mesures sont les suivantes : Abaisser le plafond en espèces de 3 000 à 1 000 euros ; signaler systématiquement à TRACFIN les dépôts et retraits d'espèces supérieurs à 10 000 euros (cumulés sur un mois) ; mieux contrôler les transferts physiques de capitaux aux frontières ; faire reculer l'anonymat dans l'usage de cartes prépayées ; donner un rôle central au Fichier des comptes bancaires et assimilés (FICOBA) et y rattacher les comptes de type Nickel. Surveiller, grâce à la mobilisat ion des acteurs financiers dans la lutte contre le terrorisme ; imposer une prise d'identité pour toute opération de change manuel supérieure à 1 000 euros ; systématiser les mesures de vigilance renforcée et agir, par le renforcement des capacités de gel contre les avoirs détenus par les financeurs ou les acteurs du terrorisme ; geler les biens immobiliers et mobiliers.

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l’angle financier, conduit à établir le manque de transparence générale des règles applicables aux associations en termes d’organisation, de publicité et de relations financières. Une révision des règles aurait pour avantage de contribuer à prévenir non seulement les risques de financement du terrorisme mais également les risques de radicalisation. Les associations peuvent également présenter des risques en matière de détournement de fonds publics.

En l’état actuel de la législation, le financement du terrorisme étant en lui-même un acte terroriste, les associations qui en sont l’auteur peuvent être sanctionnées par leur dissolution (a). Néanmoins, compte tenu du constat fait par TRACFIN, l’encadrement des activités des associations nécessite plus de fermeté (b).

a- La dissolution des associations

La liberté d’association est une liberté fondamentale reconnue par la Constitution et les lois fondamentales de la République. La loi du 1er juillet 1901 et son décret d’application du 16 août 1901, qui sont les deux principaux textes régissant les associations, ont essentiellement eu pour objet d’organiser l’exercice d’une liberté publique, et non de créer un cadre juridique contraignant en matière de gestion. Tout individu est libre de constituer une association sans avoir besoin d’obtenir une autorisation administrative préalable. Tout individu est également libre d’adhérer, ou de ne pas adhérer, à une association, et peut s’en retirer à tout moment.

Les associations non déclarées ne disposent d’aucune capacité juridique. Elles ne peuvent recevoir de dons ni de subventions publiques. Leurs biens éventuels restent la propriété indivise des membres. Les associations déclarées, en revanche, détiennent une personnalité juridique. Elles peuvent recevoir des dons manuels et des subventions. La personnalité juridique peut être simple ou complète. Les associations dites « simples » bénéficient d’une personnalité juridique réduite (incapacité à recevoir des donations entre vifs ou des legs ; immeubles strictement limités à l’objet social). Les associations qui bénéficient d’une personnalité juridique complète sont les associations reconnues d’utilité publique (RUP). Les dons qui leur sont faits donnent droit à des réductions d’impôt, dans certaines limites, au contribuable-donateur. Elles peuvent aussi recevoir des fonds sous forme de legs et posséder des immeubles.

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Comme nous l’avons déjà relevé, le financement du terrorisme est constitutif d’un acte de terrorisme à part entière dès lors qu’il est intentionnel. Selon l’article L421-2-2 du Code pénal, constitue un acte de terrorisme le fait de financer une entreprise terroriste en fournissant, en réunissant ou en gérant des fonds, des valeurs ou des biens quelconques ou en donnant des conseils à cette fin, dans l’intention de voir ces fonds, valeurs ou biens utilisés ou en sachant qu’ils sont destinés à être utilisés, en tout ou en partie, en vue de commettre un quelconque acte de terrorisme, indépendamment de la survenance d’un tel acte.

Lorsque l'auteur de l’acte terroriste est une personne morale, notamment une association celle-ci peut être sanctionnée par sa dissolution. Le prononcé de la dissolution d’une association étant rendu possible par l’article 422-5 du Code pénal, qui renvoie à l’article 131-39 du même Code, pour déterminer les peines encourues par les personnes morales déclarées coupables des infractions prévues par les articles 421-1, 421-2-1 et 421-2-2 dudit code.

Par ailleurs, les qualifications de financement du terrorisme et de participation à une association de terroristes sont souvent retenues cumulativement pour fonder les poursuites146.

La Cour de cassation a déjà jugé, par exemple, qu’elle est justifiée la décision de la cour d'appel qui déclare une association coupable d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, financement du terrorisme, par des constatations qui établissent que certains membres identifiés de cette association, mandatés par une organisation terroriste et également poursuivis, organisaient, supervisaient, coordonnaient la partie clandestine des activités de cette association, au profit de l'organisation terroriste, notamment les réunions régulières de cadres venus de divers pays européens, la propagande, le recueil des fonds, la tenue de la comptabilité et, plus généralement, dirigeaient, pour son compte, les opérations représentant la contribution délibérée de celle-ci au soutien de l'organisation terroriste147.

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Cass. crim., 18 février 2015, n°14-80.267.

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b- Renforcement de l'encadrement juridique, financier et comptable des associations à but non lucratif148

Les informations en possession de TRACFIN témoignent du manque de transparence de certaines structures associatives. Certains dirigeants utilisent la souplesse de la réglementation pour dévoyer l’objet de leurs entités et se livrer à des opérations financières suspectes, en particulier les dépôts et retraits d’espèces de montant anormalement élevé au regard de l’objet et de la taille de l’association, les transferts de fonds vers des pays sensibles sans bénéficiaire identifié, les dépenses sans rapport avec l’objet de l’association.

Pour TRACFIN, l’état actuel du droit ne permet pas d’encadrer les structures associatives proportionnellement au risque auquel elles sont exposées. Aussi, pour concilier liberté d’association et transparence de la vie économique, il a été proposé l’institution d’une obligation d’inscription dans un registre unique, et de créer de nouvelles obligations comptables et enfin d’abaisser le seuil de certification des comptes des associations subventionnées en y intégrant la notion de risque de Blanchiment de capitaux et financement du terrorisme.

L’obligation d’inscription dans un registre unique numérisé et centralisé assurera un meilleur contrôle des associations, de leurs dirigeants et de leurs statuts. En pratique, les associations se verraient attribuer un numéro de Siren ou de Siret assorti d’éléments et d’informations obligatoires : identité des dirigeants et des trésoriers, statuts, dépôts d’actes modificatifs, éléments de connaissance clients comme un kbis. Dans un tel projet, le Conseil National des Greffiers de Tribunaux de Commerce pourrait constituer l’interlocuteur privilégié pour la gestion d’un tel registre et proposer au secteur associatif un tarif d’inscription adapté.

Par ailleurs, en instituant des obligations annuelles de publication comptable, l’on a une meilleure traçabilité de l’origine des fonds mais également de l’emploi de ces derniers, notamment ans le cas des associations qui font appel à la générosité publique. Ainsi, il serait pertinent que ces dernières produisent annuellement un bilan et un compte

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TRACFIN, Tendances et analyses des risques de blanchiment de capitaux et de financement du

terrorisme en 2017-2018, Rapport-Analyse, disponible à l’adresse :

https://www.economie.gouv.fr/files/TRACFIN_Rapport_Analyse_2017_2018_Web.pdf (consulté 10

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de résultat assortis d’une annexe relative aux dons, legs et libéralités au-delà d’un certain seuil (y compris en provenance de l’étranger). Ces éléments devraient être intégrés au registre unique.

Enfin, au sujet de la baisse des seuils de l’audit légal dans les associations, le seuil de 153 000 € de perception de subvention publique pour l’obligation de réaliser un audit légal est trop élevé pour garantir un véritable contrôle. Aussi, TRACFIN propose de le supprimer et de le remplacer par un audit légal spécifique intégrant les vigilances lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, qui pourrait être défini et appliqué dès le premier euro d’argent public versé.

3. La conférence internationale, « No Money For Terror », de lutte contre le

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